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Libye D’Alger à Amman : la presse circonspecte

Du Maghreb jusqu’au Proche-Orient, les quotidiens, très engagés dans la couverture des révoltes populaires, gardent l’œil rivé sur la Libye. De nombreux titres redoutent les effets de l’intervention militaire en cours.

Entre solidarité avec le peuple libyen et certitude qu’un Rafale ne fait pas le printemps, la presse, du Maghreb au Proche-Orient, affiche ses interrogations, sa circonspection, voire son opposition à l’intervention militaire en cours. Au Maroc, le quotidien Aujourd’hui le Maroc, proche du palais, appuie l’intervention mais s’interroge : « Au chef de guerre qu’est devenu Nicolas Sarkozy, de nombreuses interrogations sont posées : que faut-il faire dans le cas où les simples bombardements aériens et maritimes échoueraient à faire tomber Muammar Kadhafi ? Combien de temps une telle séquence militaire était censée durer avant qu’elle ne soit considérée comme efficace ou impuissante ? » En Tunisie, le Temps, sans s’opposer aux bombardements, juge primordial de « ne pas perdre de vue l’intérêt du peuple libyen à réaliser les objectifs de sa révolution avec ses propres moyens pour pouvoir par la suite décider librement de son avenir ». Franchement hostile à l’action militaire, Achourouk craint de son côté que la Libye ne devienne une « zone de tensions et une base avancée pour les forces impérialistes ». Pour ce quotidien privé, l’intervention occidentale « va souiller la bataille du peuple libyen contre la junte corrompue » de Muammar Kadhafi. En Algérie, El Watan se méfie des « redresseurs de torts ». « Le monde entier applaudirait des deux mains si le gendarme du monde et ses lieutenants français et britanniques faisaient preuve de la même fermeté et imposaient le même traitement à tous ces monarques, princes, roitelets et présidents à vie (ou à mort) qui humilient leurs peuples. La réalité est, hélas, tout autre. L’Oncle Sam parle et agit selon la tête du client, au sens mercantile du terme », grinçait, dimanche, Hassan Moali, dans l’éditorial du quotidien francophone.

Même analyse dans les colonnes d’El Khabar, premier quotidien algérien, qui estime que « la vraie guerre est celle du pétrole ». Et si le Quotidien d’Oran affirme qu’il n’y a « pas plus étranger pour un pays arabe que son propre dictateur », le journal constate que Nicolas Sarkozy a endossé « le costume de George W. Bush ».

Plus prospectif, le quotidien libéral Jordan Times livre une analyse inquiétante : « Une fois le régime renversé, la région et le monde constateront que nous n’en sommes qu’au début d’une crise opposant des Libyens à des Libyens. » Ce journal redoute une « répétition du scénario somalien ». « Dans les semaines qui viennent, avec une guerre électronique mobilisant la haute technologie, des engins téléguidés sophistiqués, le carnage et les bombardements, nous ne pouvons pas nous attendre à une transition » semblable à celles en cours en Tunisie et en Égypte, conclut Musa Keilani, qui signe cette analyse pour le journal jordanien.

En Israël, plusieurs titres affichent eux aussi leurs craintes. Pour Haaretz, si « la communauté internationale ne peut pas (...) observer passivement le massacre de civils », cette intervention militaire pose tout de même « un dilemme compliqué ». Tunisiens et Égyptiens « ont réussi, seuls, à renverser leurs régimes et à préparer le terrain à des réformes démocratiques », rappelle le quotidien. Or l’usage de la force par les puissances occidentales « est susceptible de saper la légitimité des mouvements civils », en Libye comme ailleurs.

 

Rosa Moussaoui

Article issu de l'humanité du 22 mars 2011

 

Libye D’Alger à Amman : la presse circonspecte

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le 19 April 2011