Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les lundis rouges allemands

Leipzig, Berlin, Düsseldorf des dizaines de milli ers de personne s défilent chaqu e semain e contre le dernier volet de la réforme du marché du travail et l'agenda anti-social du chancelier Schröder.

Le dernier volet de la réforme du marché du travail a eu outr e Rhin l'effet de la goutte d'eau sur un vase de mécontentement social déjà plein à raz bord. Au cœur de l'été des salariés, des syndicalistes , des assoc iations, des militants de gauc he, du PDS ont décidé d'organiser la résistance au x atta q ues ant i-soc iales d u gou vernement Schröder : tous les lundis depuis le début du mois d'août ils descen dent dans la rue à plusieurs dizaines de milliers . Le mou vement s'est répandu à l'Est selon un scénar io parfaitement parallèle avec les grands rassemb lements populaires de 1989 au cours des quels les citoyens de l'ex RDA dénonça ient la sur dité des dirigeants du régime socialiste

état iste de Berlin Est. « Nous sommes le peuple » clame à nouveau les manifestants qui ajoutent cette fois : « nous refusons de nous laisser app auvrir », dénonçant les cou pes dans l'indemnisation du chômage dans les rues de Leipzig, centr e à nou veau de la mob ilisat ion populaire. Mais si la révolte est par tie des nou veaux Länder (l'ex RDA) pour des raisons évidentes – le taux de chômage officiel flirtant avec la barr e des 20% y est deux fois plus élevé que dans le reste du pays – elle est obser vée pour le moins avec sympath ie à l'Ouest où des manifestat ions du même type sont organisées désorma is régulièrement dans des villes comme Düsse ldorf, Brême , Hambourg ou même Munich.

Le texte de loi baptisé « Har tz 4 » – du nom du directeur du personne l de Volkswagen, un pr oc he de Ger har d Schröder, qui fut chargé par le gouvernement de concocter les quatr e volets de la réforme du mar ché du tra vail prévoit de faire passer , après un an d'indemnisation, les chômeurs de longue durée sous le régime de l'aide sociale. Il organise en fait le trans fer t de leur prise en charge sur leurs propres épaules ou sur celles de leur famille, les faisant passer très rap idement d'un système de garant ie assuranc iel pour lequel ils ont cotisé souvent toute leur vie à celui d'une ass istance publique rédu ite au minimum (345 eur os par mois à l'Ouest , 315 à l'Est ) .

Un quest ionna ire que tous les chômeurs de longue durée doivent remplir en bonne et due forme deman de en effet aux intér essés de signaler toutes leurs ressour ces (propriété fonc ièr e, app ar tement , voitur es, assurance vie, livret d'épargne) et... celles de leurs enfants . S'ils sont , eux ou leurs proches, propriétaires d'une maison ou disposent d'épargne au delà d'un cer tain seu il (autou r de 4.000 eur os) tout aide leur est systémat iquement refusée .

Ce dispos itif qui tend peu ou prou à trans former une par tie des employés de l'office pour l'emploi en huissiers chargés de faire l'inventa ire des biens des chômeurs , est destiné à rédu ire d'ici à quelques mois de plusieurs milliards le lour d déficit des caisses du chômage, le pays com ptant officiellement 4,3 millions de chômeurs . Tout en faisant le forcing pour ména ger les dépenses des ser vices sociaux. Cela pour une raison très simple : Sachant que l'aide sociale est à la charge des Länder (État-régions) et des collect ivités locales, la loi, adoptée avec l'app ui indispensab le de l'opposition chrétienne démocrate majoritaire au Bundesrat (la cham bre haute du parlement où sont repr ésentés les Länder) a fait l'objet d'intenses négociations. Il fallait qu'elle n'ait pas pour consé quence une nouvelle aggravation de la crise aiguë que conna issent les finances publiques régionales, par ticulièrement minées par... la réforme fiscale adoptée en 2000 et 2001. Laquelle a rédu it cons idéra blement l'impôt payé par les grandes entr eprises et les contr ibuables les plus riches.

Dans la population le mécontentement est d'autant plus large qu'une par tie de plus en plus impor tante des classes moyennes se sent désorma is menacée . D'autr es dispos itions de la réforme du marché du tra vail empêchent en effet les chômeurs de refuser, quel que soit leur qualification, tout offre d'emploi – même si le niveau de rémunérat ion proposé est très inférieur à l'indemnité perçue – sous peine de perdre une partie ou la tota lité de leurs droits. Ces règles étant déjà en par tie appliquées , et la situat ion de l'emploi stab le corr ectement rémunéré ne cessant de se dégrader, la presse est pleine ces dernières sema ines d'histoires qui racontent la dégringolade vertigineuse de tel ou tel cadre ou ingénieur passant en l'es pace de quelques mois d'un poste de responsa bilité à un job sous payé puis à une nouvelle période de chômage avec indemnité rédu ite et ainsi de suite. D'où le sent iment que plus personne n'est à l'abri. D'autant que les autr es réformes sociales inscr ites à l'agenda 2010 du gouvernement de coalition SPD-Ver ts a déjà des effets très concr ets sur le pouvoir d'achat ou la protection des salariés: avec la privatisation par tielle de la sécurité sociale, la cou ver tur e de la longue maladie est laissée à leur seule charge (afin d'exem pter d'autant les entr eprises ). La mise en cause du système de retra ite par répar tition con duit à une réduct ion déjà sens ible du montant des pensions indexées sur un indice démo graph ique pour inciter les gens à souscr ire des com plémenta ires privés. A cela viennent s'ajouter les press ions très concrètes du gouvernement et du patr onat pour allonger le temps de tra vail sans com pensat ion salariale.

On com prend dès lors mieux les raisons du recul sens ible de la consommat ion intér ieur e enr egistré encor e ces dernières sema ines . Ce qui provoque une déprime par ticulièrement sévère dans le secteur du commer ce. Les soldes sont quasiment permanentes révélant la prégnance d'une tendance déflationniste for te. Et les annonces de spectacu laires charr ettes de licenc iements se multiplient. Des suppr ess ions de dizaines de milliers d'emplois sont à l'ordre du jour dans des grands groupes de distr ibution comme Karsta dt ou autr e Kaufhof.

L'onde de choc de la révolte sociale ébranle auss i tout l'éc hiquier politique. Ainsi la crise qui taraude depuis des mois le SPD s'exacer be-t-elle. Malgré d'énormes press ions une par tie de la base syndicale de la format ion déjà entrée en dissidence a décidé de passer à l'acte de la créat ion d'un nou veau par ti de gauc he. Un con grès fon dateur est con voqué au début de l'automne . L'ex dirigeant du SPD, Oskar Lafonta ine, à l'origine host ile à la provocat ion d'une scission, semb le désorma is s'êtr e rallié à cette option et par ticipe en tout cas régulièrement aux manifestat ions du lundi. A l'Est le PDS sera it à un niveau jamais atte int et pourra it créer la surpr ise, selon les sonda ges, en devenant le premier parti aux élections régiona les pour le renouvellement de l'assem blée du Land de Brandebour g prévues le 29 septembr e prochain. ■

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