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Une réforme des cotisations d’employeurs est nécessaire, par Catherine Mills

La politique familiale du gouvernement est-elle prometteuse ? Catherine Mills, Maître de Conférences honoraire à l’Université Paris-I, 
membre de la commission économie du PCF, estime nécessaire une réforme des cotisations d’employeurs .

François Hollande, lors de sa conférence de presse du 14 janvier, a annoncé la suppression des cotisations patronales aux allocations familiales et le transfert du financement sur les familles elles-mêmes. Jean-Marc Ayrault a surenchéri en osant affirmer que les allocations familiales, ce n’était pas la Sécurité sociale, et que ce n’était pas au patronat de payer. Or, cela permet de relancer le pouvoir d’achat des familles, de développer la consommation, donc la croissance. Cela vise aussi des objectifs démographiques en contrecarrant le ralentissement du taux de fécondité, comme dans la deuxième moitié des années 1960. Cela contribue au renouvellement des générations et à la dynamique d’une force de travail bien formée et productive.
La politique familiale est partie intégrante de la Sécurité sociale, avec le principe de l’universalité et la compensation du coût de l’enfant. Le quotient familial visait à encourager la venue de l’enfant et soutenir la démographie en aidant en priorité les familles nombreuses. À l’inverse, un ciblage des politiques familiales sur les seuls plus modestes peut conduire les ménages aux revenus à peine plus élevés à renoncer à la venue d’un nouvel enfant.

La politique familiale est dans la tourmente des politiques d’austérité. Alors qu’elle doit prendre en compte la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle ou les besoins des familles monoparentales, ses « réformes » sont marquées par l’obsession de réaliser des économies, dans le cadre des politiques d’austérité. On cherche à soumettre les prestations familiales à la condition de ressources, au détriment de leur caractère universel. Après Sarkozy, Hollande et Ayrault cèdent aux exigences du Medef, et mettent en cause le modèle social français. Il s’agirait de remplacer les 30 milliards de cotisations patronales, fonction de l’emploi et des salaires, par une fiscalisation : accroissement de la CSG ou/et de la TVA pesant sur les ménages, beaucoup plus manipulable par les décisions budgétaires et fiscales.

C’est une rupture avec le financement de la politique familiale par des cotisations des employeurs, au bénéfice des populations et des salariés. Cela constituait pourtant une conquête historique : déjà à la fin du XIXe siècle, de grandes entreprises, reprenant des revendications ouvrières, avaient mis en place des prestations familiales. La création de la Sécurité sociale, en 1946, organisait une politique familiale généralisée, le taux de cotisation patronale aux allocations familiales se situait alors à 16 % du salaire brut.
Dès 1965, le CNPF réclamait une suppression des cotisations aux allocations familiales, ainsi que la fiscalisation des prestations. En 1970, le taux des cotisations employeurs aux allocations familiales ne représente plus que 9 % du salaire brut.

Avec la création de la CSG par Michel Rocard, en 1991, le taux de cotisation patronale aux allocations familiales n’est plus que de 5,4 %. Le processus de réduction des taux de cotisations patronales s’accompagne d’une fiscalisation croissante, reportée sur les ménages, et conduit à une montée du déficit de la Cnaf, qui s’élève en 2013 à 2 milliards d’euros. Celui-ci devient un alibi pour une réforme réactionnaire. C’est dans une logique libérale que se situent Hollande et Ayrault. Ils visent à limiter les prélèvements sociaux, prétendument pour la compétitivité des entreprises, avec la baisse du coût du travail et desdites charges sociales. Ils accélèrent le glissement des politiques familiales vers une politique d’assistance, ainsi que leur rationnement, au nom d’un ciblage sur les plus modestes.
Une réforme de progrès social de la politique familiale participe à la sortie de la crise systémique. La démographie de la France est à consolider afin d’assurer le renouvellement des générations. Bien sûr, la politique familiale doit se transformer. Cela implique des mesures telles qu’une aide aux jeunes ménages, pour le logement, la formation, la sécurisation des revenus et des emplois. Il s’agirait aussi de créer une allocation familiale universelle pour l’enfant de rang 1, d’augmenter les prestations pour deux enfants et de garantir leur niveau pour le troisième enfant.

Un ambitieux « plan crèches » doit être financé collectivement avec un taux d’encadrement suffisant en personnel qualifié.

Nous sommes opposés aux plans de fiscalisation de la politique familiale qui visent la réduction des prestations familiales et le report de leur financement sur les revenus des ménages. Alors que grâce à la politique familiale, l’entreprise bénéficie d’une force de travail accrue et qualifiée, d’où sa responsabilité.
C’est une réforme de progrès et d’efficacité sociale des cotisations d’employeurs qui est nécessaire. Ainsi peut-on proposer un accroissement et une modulation des taux des cotisations employeurs, avec des taux relativement moindres pour les entreprises qui accroissent les emplois, les qualifications et les salaires. Au contraire, les taux de cotisation seraient accrus pour les entreprises qui licencient et compriment les salaires.

Nous proposons aussi une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques, 300 milliards en 2012, au taux de cotisation actuel de 5,4 % ; cela rapporterait à la branche famille 16 milliards d’euros.

Cette réforme moderne et efficace de la politique familiale participerait à un nouveau type de croissance et à la marche vers une nouvelle civilisation.
Catherine Mills,

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Une réforme des cotisations d’employeurs est nécessaire, par Catherine Mills

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