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Alcatel-Lucent : « une catastrophe sociale et industrielle »

Même s'ils le pressentaient, les salariés d'Alcatel-Lucent ont subi un choc brutal avec l'annonce de 10 000 suppressions d'emplois dans le monde et plus de 900 en France. Cette saignée de l'emploi industriel dans l'équipementier franco-américain s'ajoute aux 5000 postes déjà supprimés en 2013.

C'est une catastrophe sociale et industrielle pour les salariés et les familles des sites de Toulouse et de Rennes qui vont fermer. D'autres sites sont menacés comme celui d'Orvault, en Loire-Atlantique. Pour économiser 1 milliard d'euros, le PDG de la multinationale a donc annoncé un plan de bataille pour réduire les coûts fixes, ce qui dans la bouche d'un capitaliste veut dire licenciements, fermetures d'entreprises.

Au nom de la rentabilité, la mâchoire des actionnaires d'Alcatel-Lucent va se refermer et broyer la vie des salariés qui ont travaillé, mis leurs savoirs et leurs compétences au service d'une firme technologique française, à forte valeur ajoutée. Pour preuve, l'action de la multinationale a réagi à la hausse immédiatement suite à l'annonce du dépeçage industriel des vautours financiers.

Le PCF apporte sa totale solidarité aux actions des salariés d'Alcatel-Lucent et de leurs organisations syndicales. Ce n'est pas au coût du travail qu'il faut s'attaquer mais au coût du capital, aux profits des actionnaires.

 

Eric Corbeaux, responsable aux luttes au PCF

Il y a actuellement 7 réactions

  • Une journée du 15 Octobre réussie: c'est un bon début.

    Hier, 1800 salariés d'Alcatel-Lucent (ALU) se sont rassemblés à Paris pour se rendre au siège du groupe près de la Tour Eiffel où ils ont trouvé une rangée de barrière et de CRS pour la première fois dans leur carrière déjà longue pour nombre d'entre eux.

    D'autres restés en Province bloquaient leur site comme à Lannion.

    Nous pouvons remercier Thierry Lepaon (CGT) et Laurent Berger (CFDT) de leur présence au départ de la manifestation.

    La venue de Pierre Laurent (PCF) est aussi à noter, même si les 3 leaders nationaux n'ont pas pu s'adresser directement aux salariés mobilisés, en lien peut-être à la fois avec une organisation accélérée de cette journée de luttes et une volonté de laisser aux salariés, qui pour beaucoup ont manifesté pour la première fois, la maitrise de leur mouvement.

    Un prochain rassemblement est prévu la semaine prochaine à Nantes, la ville du Premier Ministre où le site d'Orvault est menacé de fermeture à une échéance plus lointaine que celle prévue par la Direction Générale d'ALU pour les sites de Rennes et Toulouse.

    En lisant le tract mis à disposition sur le site, je crains qu'on oublie d'une part la dimension internationale du groupe ALU dont la vraie orientation est guidée par les intérêts des USA même si le siège social est encore en France et d'autre part l'incidence quasi-inéluctable sur le niveau d'activité des erreurs stratégiques commises qui placent le Groupe en de réelles difficultés vis à vis de ses concurrents, au moins sur le Mobile.

    La porte de sortie ne peut-être obtenue que par une intervention forte chez les clients européens potentiels d'ALU pour les contraindre à sauver ce fleuron des Télécommunications, secteur technologique de la plus haute importance car devenu aujourd'hui à la base de toutes les autres activités individuelles, économiques et sociales, culturelles et politiques, scientiques et éducatives...

    Si cela parait au moins possible auprès de certains opérateurs français et de certaines entreprises comme la SNCF et la RATP et auprès de services publics, il n'en est pas du tout de même dans les autres pays européens.

    Il ne faut donc pas sous-estimé la tâche qui nous attend: bien l'appréhender dans sa totalité et sa diversité permettra d'avoir des succès

    Mais il faut faire vite car la loi de sécurisation de l'emploi consécutive au dernier accord national interprofessionnel (ANI, non signé par la CGT et FO) va permettre que ce plan SHIFT de suppression d'emplois se déroule très rapidement en moins de 6 mois.

    Une nouveauté pour tous!

    Par Hervé RADUREAU, le 16 octobre 2013 à 06:40.

  • Ce qu'il y a derrière le mot SHIFT

    Parmi les réactions des collègues d'ALU, il faut relever paradoxalement et y compris en France l'appréciation positive du parler plus clair et précis de la nouvelle équipe de dirigeants du groupe conduite maintenant par 3 Français (Philippe CAMUS, Michel COMBE, Philippe GUILLEMOT)

    Cela évidemment ne veut pas dire qu'on se satisfasse des décisions prises mais au moins elles ne prêtent plus à atermoiements si on pense qu'elles sont néfastes à commencer pour soi. Même si la raison est que les individus ont besoin de certitudes parfois pour accepter l'inacceptable et se retrancher dans la passivité, signe souvent de renoncement.

    Donc le mot SHIFT signifie en anglais Décaler, Déplacer, et même Transférer: on regroupe donc à la fois les forces sur des lignes identifiées comme vivantes (càd avec des chances de profits dont chacun espère qu'il pourra enfin ramasser des miettes qui n'existent même plus aujourd'hui) et on délocalise les activités et les charges tout en rajeunissant les bataillons (toujours la recherche d'une meilleure profitabilité)

    Pour ce faire, on assomme le personnel et ses représentants avec les seuls résultats du Groupe sans donner les éléments précis propre soit à chaque filiale qui constitue le Groupe soit à chaque activité ou affaire. Pour les représentants du personnel, il est effectivement un peu compliqué de rentrer dans ce jeu des comparaisons d'un pays à l'autre, d'une équipe à l'autre sous couvert de ne pas mettre en difficulté l'ensemble des salariés.

    Ainsi, si on prend la filiale française ALF dont les comptes ont été isolés très récemment et donc enfin rendus appropriés à une analyse sérieuse, on se rend compte que l'année 2011 s'est terminée avec un résultat net positif et l'année 2012 avec un résultat d'exploitation positif mais plombé par les coûts de restructuration et les coûts financiers, sans oublier le fait que l'activité export n'a cessé d'être réduite - il n'est pas sûr d'ailleurs que cette filiale se fasse payer en interne l'intégralité des activités de support fournies aux autres filiales, ce qui réduit de fait le résultat d'exploitation par une perte de recettes.

    Dans ces conditions, il est triplemement absurde de supprimer les postes de travail dans cette filiale ALF qui était sous le nom de CIT le coeur et le poumon du groupe ALCATEL avant la fusion avec LUCENT:

    - perte de compétences, d'expérience

    - résultat pouvant se corriger plus facilement qu'ailleurs

    - coûts de restructurations plus élevés qu'ailleurs (la France représente en effet un tiers des coûts de restructuration du groupe ALU). Mais en contrepartie il ne faut pas oublier le CIR (Crédit Impôt Recherche càd près de 100 Millions d'Euros par an pour l'ensemble des filiales françaises) que nos dirigeants doivent s'empresser de vouloir maintenir en intervenant auprès des pouvoirs publics.

    Le Plan SHIFT vise donc à se focaliser sur les seuls segments et clients jugés potentiellement rentables pour ALU en abandonnant la volonté généraliste qui était l'image personnelle du groupe jusqu'à présent.

    Cette stratégie présente plusieurs risques de mon point de vue car elle peut jeter le bébé avec l'eau du bain:

    - le premier risque serait de rétablir les guéguerres internes entre technologies comme on a pu le connaitre dans le passé: chaque Business Unit cherchant à maximiser ses résultats sans vue d'ensemble (c'est bien ici une des choses les plus obscures du système capitaliste alors que nous avons tous appris scientifiquement dans nos écoles d'ingénieurs et de cadres que l'optimisation d'une somme de facteurs n'était quasiment jamais possible par l'optimisation de chacun des facteurs du fait de leur interdépendance)

    - le second risque est aussi de perdre la vue d'ensemble sur les éléments que le groupe ne fournit pas mais néanmoins à interfacer et qui font donc partie de la solution à prendre en compte pour la satisfaction du client: si l'échec depuis 10 ans de transversaliser les services professionnels est patent au sein d'ALU pour avoir cette vue d'ensemble, il me semble erroné d'abandonner cette orientation, même si comme je l'ai écrit dans les contributions précédentes nos clients les opérateurs se refusent pour l'instant de les payer à leur juste valeur (et c'est indispensable chez les Clients dits des Industries Stratégiques comme par exemple la SCNF et la RATP, les société d'autoroutes, les aéroports et les hôpitaux, les organisatioons de sécuirité comme la police les pompiers car leurs systèmes de productions de biens et/ou de services intègrent maintenant inévitablement come base un sous-système de communication hyper sophistiqué qu'ils sont bien incapables de maitriser car ce n'est pas leur coeur de métier)

    - le troisième risque est donc de chercher un maximum de simplifications qui vont rendre les solutions ALU de moins en moins appropriées face aux besoins de plus en plus complexes des clients et des utilisateurs finaux et qui vont aussi réduire le niveau d'intérêt pour la multitude des collègues Ingénieurs et Cadres dont les qualifications personnelles et collectives sont déjà de moins en moins reconnues - à noter aussi que les technologies et les produits en résultant sont eux-mêmes de plus en plus complexes.

    Nous pourrions donc transformer le mot anglais SHIFT en un acronyme ou sigle français pour: "pour Sauver les Hommes, Il Faut Travailler"

    Derrière ce slogan un peu à l'emporte pièce, il a 2 significations conjointes:

    D'une part, l'utilité sociale et la création de richesses sont l'apanage du travail de chacun qui doit donc avoir un emploi pour participer et contribuer à l'oeuvre d'ensemble et ne pas se sentir rejeté.

    D'autre part, la remise en cause du Plan SHIFT des dirigeants d'ALU au service des actionnaires qui sont privilégiés ne se fera pas sans le travail profond et opiniâtre de tous ceux qui ne veulent pas se laisser faire et abattre comme des boîtes de conserve au jeu du chamboule-tout.

    C'est la grande leçon que les salariés d'ALU doivent tirer du plan précédent appelé Performance qui a déjà conduit à supprimer plus de 5000 postes dans le monde dont plus de 900 en France (à ce jour pour finaliser ce plan en cours il va y avoir plus d'une centaine de licenciements coercitifs la semaine prochaine alors que les autres départs ont été obtenus par le volontariat dont les raisons sont multiples et variées pour chaque individu).

    Depuis 2006 et la fusion entre ALCATEL et LUCENT, il y a déjà eu 5 plans de restructuration résduisant les effectifs: jusqu'à présent, cela n'a jamais marché. Pour autant les directions successives reprennent les mêmes solutions qui nous mènent droit dans le mur - au moins pour une très grande partie de ce qu'était ALCATEL comme je lai exp)liqué dans ma contribution précédente.

    Par Hervé RADUREAU, le 10 octobre 2013 à 08:37.

  • D'autres éléments plus techniques

    Je poursuis avec mes explications et suppositions en abordant des points plus détaillés et plus techniques.

    Avec la libéralisation et la bulle Internet, les opérateurs historiques et les nouveaux opérateurs clients des équipementiers que sont encore aujourd'hui ALU, Nokia, Ericsson, Huawei, ZTE, Cisco et quelques autres beaucoup plus petits comme JUNIPER sont parvenus à obtenir des profits très importants pour satisfaire leurs actionnaires qui en demandent toujours plus, au moins déjà en volume quand ce n'est pas en pourcentage.

    Cette situation a entrainé une recherche effrénée des opérateurs auprès de leurs fournisseurs de baisse de coûts.

    L'arrivée des concurents chinois parmi les équipementiers a permis à des nouveaux opérateurs de bénéficier de montants d'investissement moins élevés, entrainant au passage une baisse des prix des services aux utilisateurs finaux, amenant les opérateurs historiques à revoir leur copie, notamment dans les pays étrangers à leur sol d'origine en recourant à leur tour à ces fournisseurs chinois que sont Huawei et ZTE (sous un modèle qui au passage entraine aussi une réduction du nombre de fournisseurs auxquels l'opérateur confie une ou plusieurs régions du pays concerné).

    Avec la numérisation complète et la convergence des réseaux, l'exploitation et la maintenance de ces derniers a été concentrée, réduisant au passage le nombre de produits adéquats à ces activités à fournir aux opérateurs qui en plus on délocalisés leurs équipes en charge de leurs clients finaux (comme les centres d'appels)

    Donc, pour maintenir un niveau de dividendes distribués élevé depuis l'An 2000 et l'éclatement de la bulle Internet, les opérateurs intensifient leur réduction de coûts d'abord au détriment des salariés et aussi de l'investissement. Ainsi leur refus de payer à leur valeur les nouveaux Services Professionnels (définition d'une Solution, Conception, Intégration et Optimisation de celle-ci avant et après lancement des services aux usagers) qui doivent être maintenant fournis par les équipementiers, avec un accroissement supplémentaire ces dernières années à cause de la transformation des réseaux existants qui induit une période transitoire où l'ancien et le nouveau réseau cohabitent et où les équipes de l'opérateur doivent être en capacité de continuer partiellement leur travail et d'acquérir de nouvelles connaissances et compétences (formation, baby-sitting de la part des équipementiers,...), tout cela sans pertuber les services courants aux usagers qui sont eux-mêmes de plus en plus exigeants.

    Ici l'initialisation de l'Accès fixe à Internet avec des forfaits illimités a été en quelque sorte une erreur de jeunesse des opérateurs qui ne peuvent pas aujourd'hui faire payer aux usagers la capacité utilisée réellement par chacun: cela prend une tournure particulièrement critique avec les fournisseurs et/ou intégrateurs de contenus comme Google, Facebook, Yahoo.. qualifiés de OTT (On The Top: sur le dessus) qui bénéficient seuls des recettes publicitaires mais entrainent un accroissement exponentiel des capacités de chaque utilisateur que les opérateurs des télécommunications doivent prendre en compte dans leurs réseaux sans ressources supplémentaires. Ce modèle est au moins remis en cause dans le mobile haut débit chez les opérateurs qui vendent maintenant des abonnements limitant la capacité mensuelle utilisée et/ou faisant payer le dépassement de la capacité limite.

    Les équipementiers se trouvant pour leur part derrière ces opérateurs, on peut comprendre que dans l'arborescence ainsi construite ils subissent encore plus la perte de recettes et/ou la pression sur leurs prix.

    Une autre dimension dûe justement à la transformation des réseaux existants est à prendre en compte: l'inégalité entre fournisseurs de même ancienneté puisque certains sont déjà fournisseur et mainteneur du réseau existant de l'opérateur. Ils possèdent donc des connaissances sur ce réseau que n'ont pas les autres fournisseurs, ce qui leur permet d'optimiser leur offre et de parvenir à lutter un peu contre les fournisseurs chinois dont les prix initiaux défient toute concurrence. Ainsi, pour ALU, avec un parc d'accès mobile installé (résultant princuipalement de Nortel pour la 3G) qui ne dépasse que difficilement les 10%, la bataille de la rénovation 2G/3G et d'introduction de la 4G n'est absolument pas facile pour ne pas dire quasi impossible. On l'a d'ailleurs bien vu chez Vodafone dès 2010 par exemple où ALU arrive néanmoins maintenant à déployer des Home Cells et des Metro Cells (mais le volume financier n'a rien à voir avec celui des Macro Cells)

    Pour terminer, ALU (en fait ALCATEL et plus particulièrement nos collègues du Bénélux, Belges en tête) est historiquement le leader en technologie xDSL grâce à la qualité bien que variable suivant les pays européens des réseaux cuivre. Il me semble impératif pour le très haut débit de continuer à s'appuyer sur ces réseaux d'accès cuivre en rapprochant les noeuds d'accès xDSL au plus près des abonnés - ce qui constitue une première étape pour le fibrage des réseaux, soit une dépense progressive puisque on évalue en Europe à plus de 300 Milliards d'Euros le fibrage complet jusqu'à labonné (ce qui avec l'expérience des estimations budgétaires est sûrement très largement sous-estimé, sans oublier toutes les gênes occasionnées par les travaux -au passage on s'étonne que des pays comme le Japon et la Corée sont très avancés en matière de très haut débit: cela s'explique par le ait que leurs réseaux filaires ne sont pas enterrés dans les villes et villages et permettent donc un déploiement de 5 à 10 fois moins cher, rendu nécessaire en fait par les tremblements de terre).

    Est-il utile effectivement d'avoir 100 Mbit/s dans tous les foyers alors qu'avec la technologie VDSL2+ ont peut déjà disposer de 12 à 20 Mbit/s - sachant que ces débits ne peuvent être cumulés dans les réseaux d'agrégation et de transport des opérateurs.

    La Région Auvergne en voulant supprimer les zones blanches de l'ADSL a choisi FRANCE TELECOM pour déployer cette solution qui doit être généralisée à l'ensemble du pays (comme d'ailleurs la Belgique, la Hollande, l'Autriche et récemment l'Allemagne je crois l'ont décidé)

    Mais cela pose effectivement un problème de concurrence entre opérateurs puisque il n'est pas économique en se rapprochant de groupes d'abonnés d'avoir autant de noeud d'accès que d'opérateurs: c'est là le point qui prouve l'utilité d'avoir un opérateur public d'infrastructures qui louent celles-ci aux opérateurs de services. En fait, un premier pas pour retourner vers un service public des télécommunications.

    Il faut obtenir au niveau de l'Europe et particulièrement en France au plus vite pour ouvrir le mouvement de s'approvisionner auprès d'ALU ou de faire que les équipements soient produits et déployés par des équipes européennes - l'accroissement de coût de production par rapport à l'Asie devant être finalement pas si élevé grâce à moins de transports et une meilleure qualité. N'est-ce pas ainsi que BOMBARDIER société canadienne équipementier du ferroviaire gagne des contrats en France en faisant travailler des équipes d'ALSTOM.

    Ce serait un renversement des demandes que l'on a connu dans le passé quand les pays en voie de développement ont exigé que les équipements achetés soient produits chez eux - ce que dans une solidarité internationale la CGT par exemple ne voyait pas d'un mauvais oeil tout en relevant le risque maintenant réalisé que l'ensemble des productions soient délcalisées dans ces pays à bas coût.

    Par Hervé RADUREAU, le 10 octobre 2013 à 06:59.

  • Aller rapidement au delà des vérités premières

    Dans la contribution précédente, j'indiquais qu'ALU avait des particularités, des spécificités pour expliquer sa situation de perte permanente depuis tant d'années.

    Il est essentiel d'identifier et d'analyser celles-ci sans bien sûr oublier les vérités de base propres au système ultra-libéral dans lequel nous vivons pour bien comprendre la situation réelle d'ALU et trouver à la fois des propositions alternatives non utopiques et formuler des exigences auprès des pouvoirs publics qui jusqu'à présent sont restés bien inertes.

    Sur ce dernier point, l'intervention n'est pas forcément très bienvenue quand elle se fait sans les premiers intéressés que sont les salariés: ainsi la marotte de la ministre déléguée Fleur Pellerin qui rêve pour répondre aux déboires d'ALU de rassembler Nokia et ALU ne sera pas sans conséquences sociales dramatiques et on peut d'ailleurs légitimement s'interroger si le plan SHIFT qui vient d'être annoncé ne prépare pas en fait le terrain pour cette nouvelle fusion.

    Alors quelles sont ces spécificités d'ALU qui conduisent à tant de difficultés?

    ALU est un groupe qui résulte de la fusion de 2 groupes: ALCATEL et LUCENT. Chacun des ces 2 groupes initiaux ont une histoire propre.

    Ainsi ALCATEL est une société qui s'est construite depuis le début des années 80 en absorbant une multitude d'autres sociétés, ce qui chaque fois a entrainé des conflits internes suicidaires, tant dans un pays entre managers issus des sociétes fusionnées qu'entre les pays.

    Par ailleurs, le contexte était alors d'être le fournisseur privilégié dans chaque pays occidental d'un unique client (les PTT) dont les équipes dans les pays développés maitrisaient toute la chaîne de l'innovation à la vente des services aux clients finaux, particuliers et entreprises (pour les autres pays, un client unique aussi mais on applique ce qui est fait en Europe avec souvent l'aide d'équipes dédiées du client du pays d'origine grâce à l'influence politique): cette situation a maintenant totalement changé avec la libéralisation et donc l'apparition de nouveaux opérateurs de services de télécommunications dans tous les pays (dont la plupart d'ailleurs n'avaient pas les moyens humains nécessaires pour disposer de la même maitrise que les opérateurs historiques)

    Les salariés des équipementiers ont dû alors acquérir progressivement de nouvelles compétences à haute valeur ajoutée au delà de celles traditionnelles de développement, de production et d'installation des produits: mais ces nouvelles compétences qu'on peut appeler Services Professionnels n'arrivent pas à être rémunérées à leur juste valeur alors que le prix des produits n'a cessé de baisser à cause des délocalisations d'abord de la production et depuis quelques années du développement, la miniaturisation (circuits de plus en plus intégrés), l'introduction massive du logiciel et la convergence des réseaux liée au tout numérique.

    De son côté LUCENT vivait la même situation en étant fournisseur privilégié des grands opérateurs US (Les salariés de Lucent étant d'ailleurs issus d'ATT lors de l'éclatement de cette société qui a été le début de la libéralisation des Télécoms pour le monde entier): les activités dans le reste du monde était pilotée depuis les USA avec shématiquement des agences commerciales complétées parfois par des équipes plus importantes et plus techniques dans des pays dits amis des USA ou sous tutelle des USA (comme l'Arabie Saoudite et d'autes pays au Moyen Orient par exemple). De plus, l'isolement technique volontaire des USA avec les normes ANSI mais surtout la technologie CDMA renforçait la situation particulière de LUCENT.

    En 2006, la fusion entre ALCATEL et LUCENT est opérée, alors que des discussions sur ce thème avaient échoué quelques années auparavant.

    Tout le monde s'accorde pour dire qu'il s'agissait plutôt du sauvetage de LUCENT par ALCATEL car LUCENT comme les autres équipementiers nord-américains qu'étaient NORTEL et MOTOROLA approchaient de la faillite du fait de leur isolement technique: seul CISCO sur le marché des entreprises a su préserver sa place et s'introduire dans le marché des opérateurs de télécommunications.

    L'importance des Télécommunications dans chaque pays pour l'ensemble des activités humaines est telle à cette époque que les USA ne pouvaient pas accepter de ne plus avoir d'équipementier dans les Télécoms, souci fortement démultiplié puisque les USA veulent conserver leur hégémonie mondiale - voir les scandales récents autour de la NSA.

    Donc la fusion repose de mon point de vue avant tout sur une volonté politique des dirigeants US qui dans le même temps ont empêché leur pays de s'approvsionner auprès des fournisseurs chinois HUAWEI et ZTE (dont l'existence et les performances doivent à l'implantation d'ALCATEL en Chine dont la filiale ASB a formé une multitude de salariés qui ensuite démissionnent pour rejoindre ces sociétés nationales chinoises).

    Cette pseudo-fusion qui contient évidemment des aspects inhérents comme les doublons propres à ce genre d'opération se transforme donc progressivement en une absorption par les USA d'ALCATEL en jouant au passage sur les conflits internes d'abord entre Européens, entre équipes au sein d'un pays, entre anciennes équipes et nouvelles équipes construites grâce aux délocalisations fiinancées par la vente d'un nombre important d'actifs d'ALCATEL.

    Dans cette logique où privé et public se mélangent, l'acquisition récente par Microsoft de l'activité Terminaux mobiles de Nokia permet de considérer que les USA sont à nouveau en ordre de bataille pour affronter les concurrents chinois et tenter de préserver leur hégémonie politique.

    Depuis maintenant près de 7 ans, ALCATEL a été dépecé et pillé, faisant porter le chapeau aux salariés qui ont créé et développé ses valeurs pour certaines transformées en actifs immobilisés ou financiers.

    On peut donc se demander si le Plan SHIFT et touttes les autres éventualités pas encore clairement définies par les dirigeants du Groupe ne sont pas le point final de cette vaste opération de démantèlement.

    Alors que le gouvernement chinois bloque près d'un milliard d'Euros de réserves financières d'ALU, il me semble impératif d'exiger de nos pouvoirs publics qu'il bloque dès maintenant tous les actifs d'ALU sur notre territoire, rappelant ainsi que l'entreprise appartient autant à ses salariés qu'à ses actionnaires qui au passage n'ont pas mis un seul centime dans ALU depuis des années.

    Pour finir, il faut reconnaitre qu'ALU a des difficultés pour sortir ses nouveaux produits et aussi maintenant pour réaliser ses contrats: cela est dû à l'éclatement des équipes de développement pour les produits résultant des multiples fusions-acquisitions et depuis la fusion entre ALCATEL et LUCENT à l'éclatement des équipes commerciales, d'offres et de réalisation d'affaires suite aux délocalisations vers les pays à bas coût accompagnées d'externalisations sous prétexte de se rapprocher au plus près des clients mais aux conséquences très fâcheuses avec le manque de compétences, d'expérience et de collectif vivant ensemble en un même lieu un très grand nombre d'aventures à la fois diverses, différentes et similaires, bénéficiant aussi de la proximité des équipes de développement pour une meilleure connaissance des produits de la maison.

    Finalement en poussant le bouchon le plus loin, on peut aussi se demander si les USA n'auront pas réussi à la fois à se refaire une santé et à éliminer un concurrent!

    Par Hervé RADUREAU, le 10 octobre 2013 à 05:27.

  • Des précisions sur le plan SHIFT d'ALU

    Bonjour,

    Avant de commencer de parler d'Alcatel-Lucent (ALU dans la suite du texte), je ne comprends pas la présence des 2 posts précédents dont je suis d'ailleurs très loin de soutenir le ton d'invective puisqu'ils n'ont rien à voir avec le sujet qui nous préoccupe très concrètement ici.

    S'il est vrai qu'ALU n'échappe pas aux objectifs capitalistes traditionnels (càd maximiser sur des périodes courtes le profit pour les actionnaires), il y a une situation spécifique qui fait que depuis des années les actionnaires d'ALU n'ont pas touché un euro de dividende, que le cours de l'action n'a cessé de chuter (faisant sortir ALU l'an dernier du CAC40 car la valeur de l'action est passée en dessous de 2 Euros, ce qui n'empêche pas certains jours comme en ce début de semaine des opérations de spéculation avec un titre qui a pris de la valeur suite à l'annonce du plan de licenciements baptisé SHIFT et est rapidement retombée après les déclarations du gouvernement et de Montebourg (le jeu spéculatif n'aura duré que quelques heures avec sûrement de très rares bénéficiaires dont je pense ALU elle-même ne fait pas partie.

    Pour ALU, les marchés financiers et les fonds de pension sont donc "réduits" aux seuls intérêts financiers que leur rapportent les emprunts et les obligations lancées par ALU (sans oublier les garanties exigées au travers de ces opérations qui leur permettraient en cas de coup dur définitif de mettre la main sur les actifs et le portefeuille de brevets au détriment des salariés d'ALU)

    Il va de soi que le poids de ces intérêts n'est pas négligeable dans les pertes subies par ALU chaque année.

    Avant de venir aux aspects très spécifiques d'ALU (voir autre contribution sous ce thème), il faut aussi préciser ce qu'est ce plan SHIFT que pour ma part je souhaite retourner en "Sauver les Hommes: Il Faut Travailler".

    Si en France il y 900 suppressions de postes annoncées, le périmètre est réduit à ALF, ALU-I et ALBLF par rapport au plan précédent qui s'appelait Performance (en effet toutes les filiales d'ALU en France ne sont pas concernées: ASN, ALE et RFS échappent pour l'instant mais en fait il est probable que les dirigeants d'ALU cherchent à s'en séparer)

    De plus, il y aurait dans le périmètre près de 900 postes externalisés (Eu pour notre dernier site de production, Ormes pour la maintenance et les installations ainsi que d'autres activités qui concernent bien souvent les catégories exigeant moins de qualifications, en d'autres termes ceux qu'on appelle les non-cadres)

    Concernant les sites à fermer immédiatement comme Rennes et Toulouse (ou envisagé de l'être un peu plus tard comme Orvault), les activités devraient être transférées respectivement à Lannion et Villarceaux (sûrement Lannion encore pour Orvault): mais les pratiques connues ont en fait consisté bien souvent à transférer les activités et les charges vers des pays à bas coût comme Chine et Inde ou les pays de l'Est de l'Europe, sous prétexte que les salariés n'ont pas accepté la mobilité imposée: c'est donc potentiellement encore plusieurs centaines d'emplois qu'il faut ajouter.

    Point apparemment positif, il est envisagé d'embaucher entre 100 à 150 personnes en France, ce qui permet à la Direction Générale du Groupe ALU d'annoncer pour le monde entier un solde net de suppressions d'emplois de 10000 alors qu'il s'agit de 15000 suppressions de postes et de la possible création de 5000 (opération qui tout en étant sans engagement permet au passage d'assurer de nouvelles délocalisations qui sont d'ailleurs l'une des causes internes de nos difficultés).

    Par Hervé RADUREAU, le 10 octobre 2013 à 03:57.

  • Bravo Georges ! même constat.

    Rien a ajouter et fier que des communistes prennent la mesure du drame qui se joue autour de cette fausse gauche qui désarme et réduit à quitter le PCF pro PS solférinien.

    Par FDG69, le 09 octobre 2013 à 09:16.

  • etre ou ne pas etre "complice "

    qui peut décemment chercher à "accompagner "ces fossoyeurs de la France dans leur dérive politique sans perdre son âme et la confiance à jamais du peuple qu'on abandonne aux mains de la racaille financière par la grâce de ce gouvernement entièrement soumis à cette oligarchie . Aucune approche ne peut être faite avec ces gens au pouvoir sans que le peuple nous le fasse toujours plus payer chèrement . Qu'est ce qui peut bien nous jeter dans ce gouffre qui séduit tant nos socialistes libéraux quels liens avons nous avec ces "amateurs de tableaux " qui logent leurs progénitures" "désargentées" dans des demeures somptueuses...ces fraudeurs qui traquent la fraude , ces vices président du caq 40 qui tiennent les cordons de la bourse du pays...le medef , les droites extrêmes les banquiers sont en train de nous tondre les caciques qui ont noyautés le PS auront une nouvelle fois bien servis et gamelés. Le front de gauche ,toutes ses composantes et au delà ceux qui rejettent la "violence des riches " vont devoir prendre leur responsabilités en refusant toutes nouvelles complicités en affichant clairement nos différences et offrir d'autres perspectives à ceux qui sont dégoutés par tous les mensonges et trahisons... dune gauche "socialiste" qui a usurpé et sali toutes les valeurs qui fondaient son existance...

    Par georges13, le 08 octobre 2013 à 22:07.

 

Alcatel-Lucent : « une catastrophe sociale et industrielle »

Par Corbeaux Eric , le 08 octobre 2013

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