Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Imposition des sociétés : La capitulation du gouvernement renforce l’insolence du Medef

Mais où et quand va s’arrêter la distribution de milliards d’euros d’argent public au Medef ?  Pour lui c’est le jack pot permanent. Depuis le printemps le Medef a non seulement vu le crédit impôt recherche (CIR) confirmé mais il a aussi obtenu la création d’un crédit impôt investissement (CII) propre au secteur numérique. Mais cela n’était qu’une mise en bouche de ce qui allait suivre. Il  a en effet  décroché le gros lot avec le crédit impôt compétitivité emploi (Cice) représentant la bagatelle de 20 milliards d’euros.

Visiblement encore insatisfait et pas suffisamment rassuré sur les intentions gouvernementales, les représentants du patronat français viennent d’obtenir de la part du Ministre des Finances de nouvelles promesses qui frôlent l’indécence.

En effet un double engagement a été pris par le Ministre des Finances aux Universités d’été du Medef dont les représentants se plaignaient d’un trop grand nombre de vérifications fiscales des entreprises.

Premièrement le patronat a reçu l’assurance qu’aucun contrôle fiscal ne serait lancé au motif principal de vérifier le bien fondé des crédits impôt recherche.

Deuxièmement, il semble désormais acquis que les entreprises pourront disposer à leur guise des sommes distribuées au titre du crédit impôt compétitivité emploi. Hors de question donc pour l’administration fiscale de se prononcer sur l’utilisation des sommes provenant du Cice, cette manne ne devant faire l’objet d’aucune contrepartie.

Pas question donc pour le fisc de se soucier de l’affectation de l’argent public ainsi distribué aux entreprises ce qui revient à considérer que finalement peu importe que cet argent serve à soutenir l’activité professionnelle ou à alimenter des opérations financières. Voilà donc le Medef rassuré, lui qui se plaignait d’un risque d’insécurité juridique des sommes provenant du Cice craignant notamment la réaction de l’administration fiscale au cas où une entreprise après avoir perçu ce Cice venait à annoncer un plan social. Bel aveu du Medef qui dans un cynisme absolu ne craint pas de demander toujours plus d’intervention de l’Etat, toujours plus de financement public, mais qui aussitôt rejette tout contrôle fiscal et social des entreprises et annonce sans frémir que leurs critères de gestion resteront inchangés, l’emploi demeurant notamment la variable d’ajustement au service des dividendes et du taux de profit.

Pour mesurer l’impact effectif de telles mesures, il faut en apprécier le montant réel. Ainsi sur l’année 2013, les entreprises auront perçu 5,2 milliards d’euros au titre du CIR et elles auront reçu 16,4 milliards au titre du Cice. Il faut ajouter à cela le nouveau CII, crédit sur l’innovation dans le domaine numérique, qui devrait se traduire par le remboursement de 20% des frais engagés dans le cadre de processus innovants. En fait c’est une somme d’environ 23 milliards d’euros qui sera ainsi ristournée aux entreprises. Rapproché du produit estimé de l’impôt sur les sociétés (IS) en 2013, soit 52 Milliards d’euro, les entreprises se verront rembourser quasiment la moitié du montant d’IS qu’elles auront acquitté.

Et ce n’est pas tout. Pour 2014, le gouvernement planche sur une réduction du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) de 33% à 30% et sur la suppression de deux taxes assises sur le chiffre d’affaires. D’une part il s’agit d’en finir avec l’imposition forfaitaire annuelle (IFA), impôt que payaient toutes les entreprises assujetties à l’IS. De l’autre, il s’agit de faire disparaître la contribution de solidarité sociale des sociétés (C3S).
S’agissant de la disparition de l’IFA, le gouvernement confirme et entérine une décision prise sous la précédente mandature. Par contre à propos de la C3S, c’est une nouveauté et cela représente une nouvelle perte de recettes de 5 milliards d’euros. Envisagée sur deux ans l’application de cette mesure consistera donc à terme rapproché, à priver les finances publiques de 5 milliards supplémentaires de recettes publiques. L’étude d’un revenu de substitution est en cours. L’assiette de ce nouvel impôt pourrait être l’excédent brut d’exploitation (EBE) appelé encore le bénéfice brut d’exploitation qui représente le résultat d’exploitation après paiement des «charges» de personnels mais avant calcul des amortissements.

L’assiette de ce nouvel impôt serait finalement assez proche de celle de l’impôt sur les sociétés. Ce que n’a pas manqué de remarquer le Medef qui exerce par ailleurs une pression sans relâche pour faire disparaître la C3S et qui pourrait ainsi obtenir à nouveau gain de cause sur tous les tableaux. D’une part la C3S serait supprimée. De l’autre le taux d’IS serait réduit de 33,33% à 30% pour «amortir» la sorte de double taxation qu’induirait la création d’un impôt sur l’excédent brut d’exploitation. Le taux réduit d’impôt sur les sociétés à 15% concernant les très petites entreprises (TPE) serait conservé.

Réduire le taux de l’IS figurait dans le programme présidentiel. Le Medef s’appuie aujourd’hui sur cet engagement pour en demander l’application arguant que les très grosses entreprises en arriveraient par divers systèmes de taxes additionnelles à supporter un taux de 40%. On voit où le patronat veut en venir avec un tel argument dont l’exagération n’a pour limites que les recettes fiscales enregistrées au titre de l’impôt sur les sociétés, recettes qui de façon générale se situent autour des 10% du total des recettes fiscales de l’Etat. Cet argument fait par ailleurs une impasse totale sur les multiples dispositifs de réduction de l’assiette fiscale des grandes entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, allant du report des déficits jusqu’au mécanisme de l’intégration fiscale en passant par des procédés comme les amortissements dérogatoires sans parler de l’amendement Copé sur la taxation des plus values de cession et des divers moyens d’externalisation des bénéfices. Au total l’ensemble de ces mesures aboutit à ce que le taux réel d’IS appliqué aux entreprises du CAC 40 ne soit que 9% alors qu’il est de l’ordre de 24% pour les PME.

Cet aspect des choses aura visiblement échappé au Medef. On peut même dire que cette réalité semble totalement étrangère à la culture prédatrice du patronat français. Son aveuglement idéologique est tel qu’il en éprouve un réel embarras à convenir que c’est dans les entreprises, sur les lieux de travail, que se crée la richesse. Evidemment on peut comprendre pourquoi. Car dès lors que l’on convient de cela, on convient que c’est l’activité salariée et l’action publique (services publics, infrastructures - voies, énergie, eau et assainissement… mais aussi formation, santé, financements-… ) qui sont la principale, voire sinon l’unique au moins l’essentielle force génératrice de cette richesse. Un état de fait qui légitime totalement la mise en œuvre d’une maîtrise sociale de cette création de richesses et la construction d’outils d’intervention en rapport avec cette exigence. A savoir des droits et des pouvoirs d’intervention dans les gestions pour les salariés et un système d’imposition permettant d’orienter l’utilisation de la richesse crée avec l’objectif d’impulser un nouveau mode de production et de croissance à partir de critères d’efficacité sociale et d’efficience sociétale et environnementale ?

C’est en ce sens que nous proposons de bâtir un nouvel Impôt sur les sociétés. Celui-ci devrait tenir compte de la réalité diverse du monde des entreprises ce qui suppose d’établir une progressivité de cet impôt en fonction de leur chiffre d’affaires. Cette progressivité pourrait s’établir sur la base d’un barème de 4 ou 5 tranches entre un taux minimum de 30% et un taux maximum de 50%.

A ce premier volet de réforme s’en ajouterait un second dont l’objectif serait d’inciter les entreprises à faire le choix de l’investissement réel en faveur du développement de l’emploi et de la formation contre le gaspillage financier au travers d’opérations boursières et financières. C’est à ce niveau qu’interviendrait sur fond d’incitation, une modulation de cet impôt en fonction de la nature des investissements réalisés : en plus si de nature financière, en moins si de nature à favoriser l’investissement réel, l’emploi et la formation.

Nous sommes certes loin de la vision développée au niveau gouvernemental. Pour autant, comment ne pas constater que les politiques conduites depuis de nombreuses années maintenant, et dont la ligne directrice est l’allégement des prélèvements fiscaux et sociaux sur les entreprises n’ont fait qu’alimenter la crise et nous enfoncer dans le cercle vicieux déficits-dette-austérité au point que l'on comptabilise chaque jour des milliers de chômeurs et de précaires supplémentaires.

Pourtant un slogan de F. Hollande au cours de la campagne de la présidentielle 2012 nous invitait à reprendre en cœur « le changement c’est maintenant ! ». En contrepoint le candidat désignait l’adversaire à combattre : la finance  et la logique de l’argent pour l’argent. Il serait bien qu’il s’en souvienne ou alors que tous ensemble nous le lui remettions en mémoire et que face à l’arrogance du Medef nous affirmions très fort notre détermination à mettre le cap à gauche.

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Par Durand Jean Marc, le 08 septembre 2013

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