Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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A propos du projet de réforme fiscale de 4 courants PS

Jean Marc Durand et Frédéric Rauch

 

À l’Assemblée nationale, mardi 2 juillet, les responsables de quatre sensibilités socialistes et de gauche se sont unis pour réclamer « une grande réforme fiscale ». Tous les habituels agitateurs d’idées du PS étaient présents : la Gauche durable de Laurence Rossignol et Christian Paul ; la Gauche populaire, réseau d’élus et de chercheurs animé par Laurent Baumel et François Kalfon ; ainsi que les deux courants de l’aile gauche du parti, Maintenant la gauche, emmené par Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann, et un Monde d’avance, qui réunit les proches du ministre Benoît Hamon.

 

I- Quatre "sensibilités" socialistes ou de gauche, dont deux de l'aile gauche du PS, souhaitent une "grande réforme fiscale" préconisant la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, d'ici à 2017.

Elles proposent de réaliser cette réforme "en quatre temps" :

- Le premier verrait "la mise en place d'une CSG progressive". Une baisse de deux points de la CSG due par plus de 50% des Français permettrait, pour un couple marié rémunéré au Smic avec deux enfants à charge, un gain de 76 euros par mois, est-il souligné.

Cette baisse du taux de la CSG "serait financée par des hausses correspondantes sur les revenus supérieurs, à partir d'un seuil qui tiendra compte des hausses d'impôts déjà votées depuis 2012". Un "mécanisme de correction" serait prévu pour tenir compte des situations familiales.

- La deuxième étape préconise de "modérer les hausses de TVA" prévues pour financer le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

- La troisième étape affiche comme ambition de parvenir "par étapes" d'ici à 2017 à une "fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG en un grand impôt sur le revenu, à la fois progressif, individualisé et prélevé à la source".

- Le quatrième axe de la réforme porte sur une "fiscalité écologique populaire et efficace", avec notamment dès le budget 2014, "un premier signal vers la convergence essence/diesel" et la programmation de la "suppression rapide des niches fiscales défavorables à l'environnement".

II- Cette proposition est lourde de conséquences sociales.

A- Sur le principe de progressivité de la CSG

Iltend à donner le change et surtout à faire croire que cet impôt est un impôt comme les autres. Mais ce n'est pas le cas. Avec ses 86 Mds d'euros, la CSG représente 24% du financement de la sécurité sociale. Impôt différent des autres, elle n'entre pas dans le budget de l’État mais est directement affecté au financement de la sécurité sociale.

De fait, considérer qu'elle doit être progressive a une double conséquence :

  1. Elle revient à considérer que le financement de la sécurité sociale doit être construit de manière progressive en fonction des revenus. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, il y a un plafonnement de la cotisation sociale. Même si les réformes successives ont tenté de supprimer le principe de ce plafonnement. De plus, cela peut amorcer une sortie du principe : «on cotise en fonction des ses moyens et on reçoit en fonction de ses besoins » (possibilité d’introduction d’une progressivité du niveau de prestations en fonction du niveau de « cotisation »).

  2. Mais surtout, l'instauration de la progressivité de la CSG prépare sa fusion avec l'I/R. Or cette fusion ferait automatiquement sauter le caractère affecté à la sécurité sociale de la CSG. Celle-ci passerait par le budget de l’État, avant d'être ré-orientée vers le financement de la sécurité sociale. De sorte que le niveau de cette ré-affectation serait tributaire des arbitrages de l’État sur ses comptes publics. Comme le disait déjà le candidat à la Présidentielle F Hollande : "une part de ce nouvel impôt serait affecté à la sécurité sociale", sans préciser laquelle. De fait, cette fusion va renforcer le pouvoir de l’État sur le financement de la sécurité sociale, avec un grand risque pour cette dernière de devenir une variable d'ajustement de la politique de lutte contre les déficits publics et la dette de l’État. L'État remplirait ainsi ses caisses à bon compte sur le dos de la sécurité sociale, celle-ci devant alors ajuster le niveau de ses prestations et de ses recettes de cotisation sociale en fonction de cette ponction. Cette proposition fait écho à l'esprit du rapport Moreau sur le financement des retraites, lorsqu'il propose un comité de pilotage composé d'experts pour un ajustement automatique du niveau des pensions en fonction de l'état des comptes de la branche !

Ce nouvel impôt sur le revenu fusionné a, en outre, pour fonction d’y soumettre l’ensemble des citoyens, la CSG étant acquitté par chacun quasiment au premier euro perçu. Ce serait le moyen d’élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu aux revenus les plus faibles. La fusion sous-tend également à terme la mise en place de la retenue à la source, autre moyen d’alourdir la pression fiscale sur l’ensemble du monde salarié. Pour mémoire, ne sont exonérés de CSG que les revenus suivants (en fait des allocations):

  • Allocation de logement special (ALS) ou familial (ALF) ou aide personnalisée au lodgement (APL)

  • Prestations familiales : prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), allocations familiales, complément familial, allocation de soutien familial (ASF), allocation de rentrée scolaire (ARS), allocation journalière de présence parentale (AJPP). Mais une réflexion gouvernementale est actuellement en cour visant à fiscaliser les prestations de la politique familiale.

  • Revenu de solidarité active (RSA)

  1. B- Sur la modération des hausses de TVA pour financer le CI-CE.

    Rappelons que les 20 milliards d'euros sont financés par 10 Mds d'euros de fiscalité nouvelle (TVA et fiscalité verte) et 10 Mds d'euros de réduction des dotations publiques aux collectivités territoriales et services publics. Cette disposition est mauvaise et inappropriée.

    D’une part, parce que dans le schéma du CI-CE acté par le gouvernement, quelle que soit la solution choisie, elle impactera in fine les ménages. Soit par une perte de pouvoir d'achat, soit par une réduction des services publics rendus localement ou nationalement à la population.

    De l’autre, parce que le CI-CE représente un cadeau fiscal supplémentaire aux entreprises, assorti d’aucun dispositif de contrôle, qui vient s’ajouter aux 172 milliards de niches fiscales et sociales dont elles bénéficient déjà et qui dans les faits jouent contre l’emploi, les salaires et la formation.

    En réalité, les tenants de cette "grande réforme fiscale" loin de remettre en cause le principe fondateur de cette nouvelle niche fiscale aux entreprises participent à valider l’idée d’une nécessaire baisse « du coût du travail ». Ils cherchent juste à laisser croire qu'il faut en atténuer les effets sur les populations. 

 

C- Sur la promotion de la fiscalité verte

Au-delà du débat sur son affectation, c’est la création d’un nouvel impôt, en fait d’une nouvelle taxe sur la consommation. Il s’agit de la confirmation d’un type de réforme fiscale mettant à contribution les ménages, et cela à partir des revenus les plus modestes (harmonisation de la taxe sur le gazole et suppression de niches anti-écologiques) et en renonçant à imposer les entreprises et le capital. Alors que les entreprises seraient exemptées de toute contribution à la préservation de l’environnement, cette taxe écologique alourdirait la pression fiscale sur l’ensemble des ménages. Et ce n’est pas le gain fiscal de 76 euros pour un couple avec 2 enfants rémunéré au SMIC que permettrait l’introduction d’une progressivité de la CSG, qui viendrait changer fondamentalement quelque chose à l’affaire.

III- Les propositions alternatives en matière de fiscalité du PCF-FG

Si la gauche, socialiste ou verte, ambitionne réellement de sortir du matraquage fiscal, alors elle doit repenser les fiscalités nationale et locale pour les rendre socialement et économiquement efficaces, utile au développement de l'emploi, des salaires, à la préservation de l'environnement et à la croissance réelle.

Cela passe par les mesures suivantes:

  • un impôt sur le revenu de type universel à taux et au nombre de tranches relevés ;

  • un impôt sur les sociétés progressif et modulé selon l’affectation des bénéfices ;

  • un nouvel impôt territorial des entreprises taxant leurs placements financiers ;

  • un ISF au barème rehaussé intégrant les biens professionnels modulés en fonction des efforts consentis en matière d’emplois et de formation.

  • Un recul de la pression fiscale sur la consommation (TVA, TIPP)

  • Une réforme de la fiscalité directe locale passant par une véritable révision des bases d’imposition et le plafonnement de la taxe d’habitation.

  • Un plan pluriannuel d’abandon de la CSG en même temps qu’une réforme du mode de financement de la protection sociale (taxation des revenus financiers des entreprises, hausse modulation des taux patronaux en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée en tenant compte des branches professionnelles, suppression des exonérations de cotisations sociales patronales).

 

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