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Discours de Pierre Laurent - Rencontre nationale pour l'industrie

Discours de Pierre Laurent - Rencontre nationale pour l'industrie

Discours de Lille de Pierre Laurent le 24 novembre 2012 à l'occasion de la rencontre nationale du PCF sur l'industrie à Lille. Seul le prononcé fait foi ( Début du discours à une minute )

 

Mesdames, messieurs,

Chers amis,

Chers camarades,

 

Je veux saluer tous les salariés et syndicalistes présents dans cette salle ; parmi nous, il y a également des syndicalistes de la FGTB venus de Belgique que je salue.

Le grand mythe de la société postindustrielle est derrière nous.

Oui, il est temps d'en finir, une fois pour toutes, avec les bêtises racontées depuis tant d'années par ces prétendus experts. Ils n'ont en réalité qu'un dogme : le déclin.

Après 30 piteuses années durant lesquelles il était de bon ton dans les salons de faire la grimace lorsque nous parlions d’industrie, voici de retour cette évidence : nous avons besoin d’industrie car sans industrie, il n’y a pas d’avenir pour l’Europe, il n'y a pas d'avenir pour la France.

Comme hier, comme toujours, une partie du capital français a fait le choix de la défaite.

Ils se sont enivrés des promesses de richesses faciles du capitalisme financier. Ils ont siroté goulûment des cocktails de stock-options et de dividendes, ils se sont soûlés aux délocalisations, ils ont pris chacune de leurs décisions en fonction d’un seul critère : le court-terme, leur enrichissement rapide, et les voilà, les mêmes, alors que la bise est venue, les voilà geignant, revendiquant, réclamant les uns telle baisse de cotisation sociale, les autres telle subvention publique. Et le pire, c'est qu'ils continuent, après tant d'années d'échecs, à les obtenir !

Et nous, les travailleurs de ce pays, nous devrions tendre l’autre joue ?

S’instaurent en effet dans notre pays une sorte de chantage permanent, d'odieuses pressions sur les travailleurs où, chaque jour, les responsables du désastre présent nous menacent d’un désastre encore plus grand, si nous ne leur obéissons pas. La direction de Renault en est ces derniers temps le scandaleux porte-voix. Ou la baisse des salaires, ou la délocalisation, voilà la compétitivité tendue vers les salariés comme un pistolet sur la tempe. Ce chantage n'est plus acceptable, car il repose sur un énorme mensonge.

Le grand mensonge actuel, c’est d'affirmer que l’industrie décline à cause de la crise, qu'il faudrait donc tous faire des sacrifices.

La vérité, c'est exactement le contraire : c'est le déclin de l’industrie, le choix de la finance contre l'industrie, le choix des rendements financiers contre la qualification et l'investissement productif qui sont les causes premières de la crise.

Le grand mensonge actuel, c’est aussi d'affirmer que l’ambition industrielle s’oppose à l’écologie. La vérité, c'est le contraire : un nouveau développement industriel est indispensable pour la transformation écologique de notre société.

Et permettez-moi de vous le dire : je ne suis pas un écologiste cosmétique et sautillant, je veux être un écologiste conséquent. Nous, notre combat, mon combat, ce n’est pas l’écomarketing, c’est la transformation écologique du système productif.

Alors oui, je l'affirme, donner de nouvelles bases productives à la France, des bases durables capables de projeter notre pays dans le XXIe siècle, ce n'est pas seulement dire qu'industrie et écologie sont compatibles, c'est comprendre qu'industrie et écologie sont désormais solidaires, que l'une ne progressera plus sans l'autre et inversement.

Et je veux dire d'emblée à tous les entrepreneurs, petits, moyens ou grands, à chacune, chacun ici, que nous sommes du côté de la création de richesses, de l’innovation, de la grande aventure du progrès humain.

Ouvrons les yeux ! Ouvrez les yeux !

Le système actuel détruit la capacité d’entreprendre, d’investir, de créer des richesses utiles ! Qui vous écrase aujourd’hui ? Les banques ou les travailleurs ?

Ouvrez les yeux, Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprise, car vous vous tirez une balle dans le pied en suivant madame Parisot et sa politique régressive et dépressive.

Ouvrez les yeux car, finalement, vous vous apercevrez qu’ici sont les vrais défenseurs de l’entreprise !

Mes amis, c’est à nous, travailleuses et travailleurs, syndicalistes, femmes et hommes de volonté, qu’il revient de relever le pays et l’Europe, d’incarner l’intérêt de la France..

C’est à nous qu’il revient, une fois encore, de se mettre en marche. Le pays a besoin de retrouver confiance en lui, en sa capacité de produire, de chercher, de créer et de réussir.

Mes amis, nous parlons au nom de toutes et tous.

Non pas au nom d’une minorité aux intérêts particuliers ou d’une partie de la France mais au nom de la France.

Non pas au nom de la France contre les autres Européens et peuples du monde, mais au nom du développement partagé, de la coopération mutuellement avantageuse, au nom du progrès social et démocratique de l'humanité.

La France a besoin d’un mouvement utile à son avenir.

Être utile, utile au pays, à l’Europe, aux travailleuses et aux travailleurs, voilà l'ambition des communistes, la seule et l'unique.

Ainsi, je veux dire clairement à propos de notre attitude à l'égard du gouvernement, que la « règle d’or » de notre position, de nos propositions, ce n’est ni de s’opposer à tout prix, ni de soutenir sans broncher, c’est de proposer, débattre, agir et décider dans l’objectif de servir le pays.

Le temps est venu du changement, et il ne peut plus attendre.

Voilà pourquoi, six mois après le changement de président, nous le disons : il faut changer de cap, refuser l’austérité pour un nouvel avenir.

Le temps est venu pour le monde du travail de reprendre confiance, en lui, en ses qualifications, en son travail.

Le temps est venu de renouer avec les grandes heures de l’histoire de la France quand dans les difficultés, c’est la classe ouvrière, c’est le travail qui sauva le pays du désastre.

La vérité est toujours plus simple que l’erreur, disait Paul Nizan. Oui, la vérité est plus simple que l’erreur.

Et cette vérité est simple : le temps est venu pour le peuple de reprendre son avenir en main.

 

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Amis et camarades,

Je pense à toutes celles et à tous ceux qui travaillent, qui produisent chaque jour les richesses du pays.

Je pense aux désespérés, aux déçus, aux travailleurs licenciés, à celles et ceux qui vivent dans la peur, à ceux qui espèrent un sursaut.

Je pense aux millions d’ouvrières et d’ouvriers maltraités depuis des décennies. À ces millions d'entre nous dont on a prétendu qu'ils n'existaient plus.

C'est avec eux que nous voulons lever dans le pays des forces nouvelles. Pour un nouveau projet national et européen qui place l'essentiel au centre de ses objectifs : l'humain d'abord ! Et plus les marchés. C'est ici, dans cette région Nord-Pas-de-Calais que ce cri d'avenir a retenti la première fois : l'humain d'abord !

Mes amis, nous n’avons pas le droit de laisser tomber le pays, de laisser la crise faire le lit de l’extrême-droite et d’une droite radicalisée à l'extrême.

Mes amis, l’heure a sonné d’engager le grand rassemblement social, de lutte et politique pour transformer la majorité exploitée et méprisée en majorité agissante pour le changement !

 

*** PARTIE I : LA VERITE SUR UN DESASTRE ***

Le premier acte de la renaissance, c’est la vérité.

La vérité est que la finance a mis l’industrie française au bord de la faillite.

Les chiffres accusent. C'est une politique délibérée de casse que le pays a subi.

Depuis 1980, l’économie française a détruit plus de 2 millions d’emplois industriels.

De 2000 à 2007, 63% de ces destructions sont la conséquences de la dérégulation sauvage du commerce international. Les grands groupes français ont expatrié la production et la recherche.

Depuis le début de la crise financière, la saignée s’est accélérée : plus de 350 000 emplois ont été perdus dans l’industrie entre 2007 et 2011.

En 2009, sur 256 100 emplois détruits, 164 700 l’étaient dans l’industrie soit 64%. On n’ose imaginer les chiffres de 2012.

La France, avec 12% de part industrielle, est désormais à la 15e place des pays membres de la zone Euro, loin derrière l’Italie, la Suède et l’Allemagne.

Entre 2001 et 2010, la recherche allemande a déposé trois plus de brevets que son homologue française. Ce qui montre l’inefficacité du crédit impôt recherche tant vanté par la droite et le Medef.

Notre déficit de commerce extérieur s’envole : nous ne produisons quasiment plus de biens courants et l’essentiel de notre exportation se concentre dans trois secteurs : l'aérospatiale, l’agroalimentaire et le luxe.

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Cette situation est d’abord l’échec d’une stratégie : la politique de niches. Ils nous ont dit : « Vous allez voir ce que vous allez voir : on va se spé-cia-li-ser. Et la France s’en sortira par le haut-de-gamme. »

Moralité, on a tout lâché. Cette politique a permis aux grands groupes du CAC 40 de faire de juteux profits sur certains secteurs à haute valeur ajoutée en affaiblissant la cohérence du tissu industriel français.

L'essentiel des pertes de la France à l'exportation s'explique par le nombre restreint de produits à proposer. En clair : nous n’avons plus grand chose à vendre !

Ainsi, la France est quasiment rayée de la carte pour ce qui est des machines outils, de l'éolien, des panneaux photovoltaïques, de l'électroménager, du textile, des ordinateurs et des microprocesseur... En matière de médicament, son activité de recherche a presque disparu du sol national.

Où est donc passé le grand miracle de la spécialisation ? Où sont donc passés les grands avantages de la spécialisation dans quelques niches de haut-de-gamme ?

Le résultat de la stratégie de niches est là : c’est le crash industriel français.

Il s’agit donc d’inverser la logique et d'orienter l’essentiel de notre effort vers la réponse aux besoins sociaux nationaux et européens.

 

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Revenons sur les causes de ce désastre. Qui est responsable ? Est-ce vous, nous, les travailleurs ? Qui est responsable ?

N’en déplaise à Jean-François Copé qui affirmait il y a peu que la France avait le coût du travail le plus élevé d’Europe. C’est faux.

Ce garçon a décidément beaucoup de mal avec les chiffres.

Je le répète, c’est faux. La fable du « coût du travail » est un mensonge.

Que les perroquets politiques et médiatiques répètent en boucle que le problème de la France est la compétitivité salariale ne changera rien à l’affaire, c’est faux.

Les Allemands sont mieux payés que nous dans l’industrie automobile !

Le coût du travail dans l’industrie en France reste équivalent à celui de l’Allemagne : en 2008, 33,2 € de coût horaire de main d’œuvre en France et 33,4 € en Allemagne.

Sur la branche automobile : 33 € en France contre 43 € en Allemagne. Les Allemands « sont » un tiers plus chers ! L'Allemagne a, dans ce secteur, le coût du travail le plus élevé d’Europe.

Voici la réalité. Même le Bureau américain des statistiques du travail le confirme. On travaille moins en Allemagne qu'en France !

Alors, quelle est cette logique folle ? La vision socialiste de l’Europe serait de se faire la guerre pour savoir qui sera le moins cher ? Ce n’est pas sérieux.

Même des économistes libéraux disent que le problème de l’Europe, c’est la faiblesse des salaires et un rapport de force ultra-favorable au capital.

La « compétitivité », c’est un nouveau mot pour un vieil attrape-couillons. Ils ont peur de s’attaquer aux profits financiers alors ils tapent sur les salariés européens.

Forte avec les faibles et faible avec les forts, voilà la logique de la compétitivité.

C'est fragiliser les plus fragiles, et renforcer les plus forts.

Et tout commence par les plus exploités : les femmes, les jeunes et les ouvriers. À la veille de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, je veux rappeler que les femmes sont les premières touchées – et le plus durement – par la violence économique.

Ce sont leurs salaires qui baissent en premier. Ce sont elles qui sont les premières cantonnées aux emplois partiels et précaires, les premières touchées par le chômage, les petites retraites et l'empilement des petits boulots dégradants sans pour autant pouvoir boucler la fin du mois.

Florence Aubenas le raconte dans son livre Sur le quai de Ouistreham et révèle à ceux qui la nient toute l'ampleur de l'exploitation et des dominations imposées aux femmes, en France, en ce 21e siècle.

Voilà pourquoi nous sommes féministes. Voilà pourquoi être féministe aujourd’hui, c’est refuser les politiques de compétitivité et l'austérité.

 

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En vérité, la baisse du « coût du travail » en France a accéléré la désindustrialisation de la France.

Regardez l’automobile : pendant que l’industrie allemande investissait massivement dans l'outil de production, dans la recherche et la formation de ses salariés, PSA et Renault s’enferraient dans les bas salaires, la pression sur les sous-traitants, tout en se gavant d’aides publiques.

Bilan : ceux qui ont investi, s'en sortent, les Allemands. Ceux qui ont appauvri les salariés et l'outil de production plongent.

 

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Non, en vérité, le grand tabou français, ce sont les charges financières et les dividendes.

309 milliards d’€ d'intérêts, de frais bancaires et de dividendes plombent les comptes des entreprises.

Je répète 309 milliards d’€ d’intérêts, de frais bancaires, de dividendes contre seulement 145 milliards d'€ de cotisations sociales patronales.

Et il existe une omerta française sur cette réalité.

Les dividendes et autres revenus financiers distribués sont parmi les plus élevés de l’Union européenne : 24,7% de l’excédent brut d’exploitation en 2009.

Je répète encore : on vous ment, on nous ment.

Je dénonce ce pacte du silence organisé sur le vol de plus de 300 milliards d’€ aux travailleuses et aux travailleurs qui sont ceux qui créent les richesses de ce pays.

 

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A ce vol, s’ajoute le gâchis de la recherche française qui est en situation de grande pauvreté. Quatorze présidents d'université tirent la sonnette d'alarme, la recherche française est menacée de faillite.

La majorité des promotions des grandes écoles d’ingénieurs se dirigent notamment vers les métiers de la finance. Ainsi, les intelligences les plus qualifiées sont dirigées vers les métiers les plus stupides et les plus inutiles de la société.

C’est un gâchis épouvantable pour notre pays et pour toute l’humanité.

La baisse drastique du financement public de la recherche, oblige les chercheurs à perdre leur temps précieux dans la chasse aux subventions et aux financements privés.

80% du budget indigent du CNRS sert à verser des salaires de misère aux chercheurs et cet effort pillé sans vergogne par les grands groupes du CAC40.

Les coupables de la chute française sont invisibles et il est plus facile d’accuser les salariés que de regarder avec lucidité un système entier conduire le pays dans les pires difficultés.

 

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Alors qui sont ces coupables ?

D’abord, les groupes industriels du CAC 40, intoxiqués par la finance. L'intérêt national, ils ne savent pas ce que cela veut dire.

Les holdings contrôlant Renault et EADS sont de droit hollandais et Air France menace de déménager son siège social à Amsterdam pour payer moins d’impôts et de cotisations sociales.

Ce qui est bon pour les grands groupes « français » l’est pour les actionnaires, mais pas pour les salariés, pas pour le pays.

Les stratégies financières ont remplacé les politiques industrielles.

Nous assistons à une destruction du tissu industriel avec des rapports entre « donneurs d’ordres », banquiers et sous-traitants qui contraints ces derniers à supporter tous les risques.

Pour les PMI, les investissements immatériels et les besoins de fonds sont pratiquement impossibles à financer par des crédits bancaires.

Les banques comme les marchés n’assument plus le financement de l’industrie.

Au contraire elles la saignent, elles la pompent par des crédits aux taux usuraires et par des exigences de dividendes qui plombent l’investissement.

La désindustrialisation de notre pays n'est pas simplement une conséquence de la crise. Elle est le fruit de l’échec cuisant de mauvaises politiques nationales et européennes menées depuis 35 ans.

35 ans où l’on a échafaudé des théories fumeuses sur les industries obsolètes, sur la société postindustrielle de services, sur les entreprises sans usine – et surtout sans travailleurs…

35 ans de politiques de « compétitivité », de concurrence, de « guerre commerciale », de libéralisation et de déréglementation qui ont conduit à la baisse des revenus réels des salariés avec l’intensification du travail, de la flexibilité et de la mobilité des salariés.

35 ans d’injection massive d’aides publiques, de crédit impôt recherche, de zones franches, de primes à la casse, niches sociales et fiscales, ont créée des effets d’aubaines au profit des grands groupes, sans avoir d’effet durable sur l’emploi et l’activité.

35 ans de développement massif d’emplois aidés (où ce n'est moins le travailleur qu'on « aide » que son patron), d'emplois précaires, peu qualifiés, faiblement rémunérés dans le tertiaire dont l’objectif était de compenser la disparition d’emplois industriels, et qui ont débouché sur un échec.

35 ans de désinvestissement du territoire national au fur et à mesure des départs à la retraite des salariés les plus qualifiés.

Dans le même mouvement que le départ en retraite des « papy boomer », on organise la pénurie des jeunes formés aux métiers hautement qualifiés de l'industrie pour rendre « inéluctable » les délocalisations.

35 ans de stratégies d’alliances et de fusions nationales et internationales : Suez-GDF, Air-France KLM, EADS, Arcelor-Mittal, PSA-GM.

La dérégulation du commerce international, qui devait déboucher sur le bien-être général, a entraîné une mise en concurrence mondiale féroce des salariés, des territoires, des systèmes fiscaux, sociaux et sanitaires, pour l’unique bonheur des marchés financiers.

Aujourd'hui, nous le disons : 35 ans d’échec, ça suffit !

Qu’allons nous faire ? Nous n’allons tout de même pas faire la guerre aux pays émergents ! Ils ont droit au développement.

Au contraire, il faut coopérer, construire un monde dégagé de la domination occidentale et basé sur la coopération.

Le vrai problème, ce n’est pas le développement de la Chine ou celui de l'Inde, c’est la bêtise de nos décisions européennes.

Le dogmatisme libéral a déstructuré le tissu industriel européen. La grande réussite de cette stratégie aura été de consacrer des dizaines de milliards d’€ à l’affaiblissement du potentiel industriel national et européen.

Les grands sherpas de dogme, Alain Minc et Jacques Attali, ne sont en réalité que les idiots utiles du système. Reconnaissons-leur tout de même une qualité : en 35 ans, ils se sont toujours trompés, sans jamais faillir !

La concurrence a échoué : place au changement, place à la coopération ! Place à l'âge du partage.

 

 

*** PARTIE II : INDUSTRIE FRANCAISE : POURQUOI C’EST L’AVENIR ***

Un riche Américain en parlant de la France disait : « La France, beautiful country, c’est le nouveau disneyland des riches américains, des riches russes et chinois ».

Cette anecdote a sa part de vérité : un pays sans usine et un pays mort. Un pays sans développement devient un pays sous-développé.

Sans industrie, pas de développement des territoires.

Sans industrie, pas d'écologie.

Sans industrie, impossible de relever les défis de la transition énergétique ou d’affronter la transition démographique.

Sans industrie, pas de progrès en matière de santé.

L’industrie est indispensable au développement humain.

C’est l’industrie qui permet le développement de notre pays et des sociétés. Sans tracteurs, moissonneuses batteuses... pas d’agriculture possible. Sans trains, caténaires, signalisations, avions, bus, camions, navires, satellites de positionnement, pas de transport possible. Sans industrie chimique et pharmaceutique, pas de santé possible.

La désindustrialisation rend insupportable le déficit extérieur et place la France en position de faiblesse vis-à-vis des marchés financiers.

Avoir une industrie puissante, capable de coopérer avec les autres États membres de l’Union européenne mais aussi avec les pays émergents, c'est relever les défis de la crise écologique et d'un développement humain durable.

Sans investissements dans la recherche, il ne peut y avoir d’industrie performante mais sans industrie, la base matérielle nécessaire à la recherche scientifique n’existe pas.

 

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Ils ont dit : « On casse les usines, mais on conserve les savoirs ». Moralité : nous perdons les usines et les savoirs ! La séparation – les services innovants, d’un côté et l’industrie dépassée, de l’autre – n’a aucun de sens.

Le potentiel productif ne comprend pas seulement les équipements de production mais également – et de plus en plus, dans l’essor de la révolution informationnelle – les connaissances, les savoirs, les qualifications.

Le potentiel productif n’est pas limité aux seules entreprises mais englobe également les infrastructures publiques réseaux de transports, l'accès à l’énergie, aux télécommunications, internet, aux réseaux multimédia, mais aussi infrastructures de santé, de formation... Ce qui implique un formidable besoin de développement des services publics.

L'industrie de notre temps a besoin de services publics forts, c’est autour de pôles de service public forts qu’il faut engager le renaissance industrielle.

 

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Enfin, l’industrie, c’est l’avenir car nous devons engager la transformation écologique.

Une industrie utile est une industrie qui produit des biens et des services utiles, durables.

Ainsi l’enjeu est de sortir de l'obsolescence programmé des objets et de relier la valeur d’échange à la valeur d’usage.

Nous devons produire plus, avec moins de matière première et produire différemment, moins d'atteinte à l'environnement : voila le grand défi du siècle.

Oui, il faudra produire plus car nous serons 9 à 10 milliards d’êtres humains d'ici 2050, et la moitié de la population actuelle vit dans le dénuement.

Il faut donc innover dans l'organisation de la société et de la production : recycler tout ce qu’il est possible de recycler. Cela suppose d'intégrer, dès leur conception, le principe de recyclabilité des produits et de monter toute une filière de récupération des matériaux.

C’est la fin de l’économie du jetable, et c'est l’économie du réparable et du récupérable qu’il faut anticiper. Et c'est cela qui revalorisera les boucles locales de qualification et de production.

Aujourd'hui, ce sont des mégatonnes de déchets issus de produits électroniques hautement toxiques qui circulent par cargos pleins entre les continents.

Il faut donc une révolution copernicienne dans l'échelle des valeurs : un produit aura d'autant plus de valeur qu'il répondra à des besoins sociaux utiles incluant celui du respect de l'environnement, intégrant comme principe premier son niveau de recyclabilité.

C’est un essor de nouvelle filières industrielles et de service qui est nécessaire. La seule prise en charge de la fin de vie des objets demande la création de centaines de milliers d’emplois. C'est tout le cycle de vie des produits qu'il faut revoir et qu'il faut anticiper dès la conception : du procédé de fabrication, en passant par leurs usages et enfin aux traitements des déchets ultimes persistants qu'ils génèrent.

Vous le voyez, il faut cesser de culpabiliser le consommateur, le citoyen et de multiplier les mini-taxes pour une mini-écologie. Le changement écologique peut créer des centaines de milliers d’emplois locaux, qualifiés, durables.

La question reste entière : la puissance publique prendra-t-elle la mesure de la mobilisation nécessaire de nouvelles filières industrielles, scientifiques, d’investissements et de formation ?

Quant le président de la République annonce 100 000 rénovations de logements par ans au plan énergétique, il ne peut pas ignorer que nous n’avons pas les filières industrielles propres à répondre à cette demande.

Alors, on continue les envolées lyriques ? On continue l’écologie de salon ? Ou on avance, vraiment ? Quand un ministre allemand, conservateur, avance l’idée d’un Airbus européen du photovoltaïque, on y va ? Ou on continue à acheter nos panneaux photovoltaïques ailleurs et à liquider notre potentiel de recherche ?

Oui, il faut imposer de nouvelles normes écologiques et sociales aux produits vendus en Europe et en France pour aller vers la transformation profonde des modes de production et de consommation. Et oui, il faut créer de nouvelles filières industrielles pour organiser et accompagner ce changement de civilisation.

Vous le voyez, l’industrie est l’avenir car nous avons besoin d’engager une nouvelle ère industrielle. Investir maintenant, c’est soulager les générations futures. Les investissements d’aujourd’hui sont les richesses de demain.

 

 

*** PARTIE III : NOTRE PLAN POUR L’INDUSTRIE FRANCAISE ***

 

Alors voici notre plan pour l'industrie. Notre plan est simple : d’abord attaquer la transition énergétique

Il n’y a pas de civilisation sans maîtrise de l’énergie. Les actuelles énergies carbonées sont dépassées en raison du caractère fini des ressources et de leurs impacts sur l’environnement et le climat.

Et nos besoins en énergie vont croître inéluctablement avec l’augmentation de la population et son vieillissement.

Sans une vraie politique industrielle nationale de filières s’appuyant sur un effort colossal de recherche, dans le cadre de coopérations européennes et internationales, jamais il ne sera possible de relever le défi de la transition énergétique en France et ailleurs.

Et sans maîtrise de l'énergie, il n'y aura pas d'industrie performante. La libéralisation de des prix de l'énergie peut tuer l'industrie.

C'est sur de tout autres bases qu'il faut concevoir les bases du développement et du redressement productif : la complémentarité, la mutualisation, le dénominateur humain – et non celui de la profitabilité financière.

La constitution d’un mixte énergétique alliant toutes les possibilités d'énergies non carbonées – du nucléaire aux énergies renouvelables –, reposant sur un pôle public pourraient coordonner toutes les entreprises, tous les organismes de recherche, liés à l’énergie de la production à la consommation comme à la réduction des gâchis dans un cadre national et européen.

 

Notre plan est simple.

Répondre aux besoins d'un nouveau type de développement humain durable, accessible à tous, sans les immenses inégalités actuelles.

 

Il faut sortir de la stratégie de niches. Prenons la question de l’automobile. Nul ne peut nier le besoin individuel ou familial de se déplacer d’un point à un autre du réseau routier. Nul ne peut nier le besoin de véhicules propres et sécurisés. Hors effet de prime à la casse, force est aussi de constater qu’en France 85% des véhicules neufs sont achetés par des plus de 55 ans ce qui ruine la légende du marché français saturé. Ce qui montre que la question de la faiblesse des salaires participe fortement à la crise de l’industrie automobile en France.

C’est pourquoi la production et la conception d’automobile ont de l’avenir en France, pour peu qu’on se préoccupe du pouvoir d’achat de nos concitoyens et qu’on investisse dans les véhicules propres et durables correspondant aux vrais besoins de mobilité de demain.

Dans tous les secteurs, il faut favoriser la relance de la diversification de notre production.

Il faut donc une orientation publique claire : le redéploiement de grandes filières.

Et je veux insister : on nous dit, il faut développer, à l’instar de l’Allemagne une économie tournée vers l’exportation. Mais qu’on m’explique : si le modèle est « tout le monde doit vendre plus qu’il n’achète », dites-nous alors qui achète ?!?

Il faut immédiatement protéger l’outil de production pour pouvoir relancer de nouvelles bases et de nouvelles ambitions industrielles.

Il faut mettre un coup d'arrêt immédiat aux prédateurs : comme je l'avais demandé, avec les deux présidents de groupes, à JM Ayrault dès l'entrée en fonction du gouvernement, annoncer un moratoire sur les plans sociaux et adopter immédiatement la loi contre les licenciements boursiers ; supprimer toutes les niches sociales et fiscales (LBO, niche Copé).

Et, au-delà, il faut poursuivre une politique volontaire de relance industrielle.

L'exemple de la sidérurgie avec Arcelor-Mittal. Il y a urgence, L. Mittal a fixé au 30 novembre l'échéance. Qu'a fait le gouvernement ? Il attend les repreneurs comme on attend le messie, alors que L. Mittal sabote toutes les solutions. Le gouvernement doit cesser de servir de passe-plats comme il l'a fait pour Pétroplus, pour PSA, et prendre ses responsabilités.

D'abord, il faut mettre un terme au scandale d'Arcelo-Mittal

Aujourd'hui, après avoir accumulé une dette de plus de 22 milliards de dollars qui a prélevé 1,8 milliards de dollars en charges d'intérêt nettes sur les richesses produites l'an dernier, il est mis en demeure par ses créanciers d'emprunter à des taux de 7-8%, du fait de la dégradation de sa notation financière.
Sa réponse consiste, dans la précipitation, à  fermer des sites, comme récemment à Liège, en Belgique, d'où il n'a pas hésité à transférer 37 milliards de dollars vers le Luxembourg par « optimisation fiscale ». Il multiplie les cessions d'actifs pour ne garder que les plus rentables, au mépris de toute cohérence industrielle et en laissant, à chaque fois, sur le carreau des centaines de familles et des bassins d'emploi sinistrés.

M. Lakshmi Mittal a une stratégie de gestion essentiellement financière et spéculative, achetant, débitant et revendant à la découpe des unités de production et des potentiels de savoir-faire, au grès de la conjoncture des marchés financiers.

Si tout cela coûte très cher aux Français, le rendement pour la famille Mittal est considérable. Le groupe présentait un excédent brut d'exploitation (EBITDA) de 10,1 milliards de dollars en 2011 et de 4,4 milliards de dollars encore au premier semestre 2012. Cela a permis à la famille d'encaisser quelques 40% des 1,19 milliards de dollars de dividendes versés en 2011 et des 598 millions de dollars versés au premiers semestre 2012.

Ajoutons à  cela les bonus versés au « senior management » d’ArcelorMittal, dont font partie le PDG et son fils, qui ont atteint 17,2 millions de dollars en 2011. On ne peut pas, on ne doit pas laisser ce financier cynique dépecer nos atouts nationaux !

Ensuite, la solution existe et consiste à sauvegarde filière chaude et filière froide ensemble.

Comme le soulignent depuis un mois déjà les syndicats du groupe et nombre d'élus territoriaux lorrains, « la cession uniquement de la phase chaude est un non-sens ».
En effet, au sein du « cluster lorrain» d'ArcelorMittal, elle est totalement intégrée à son aval industriel de finition à froid de Florange dont l'un des principaux débouchés est l'industrie automobile. Elle a développé d'importantes complémentarités avec les usines de Mouzon, dans la Meuse, et de Dudelange, au Luxembourg.

Cet ensemble intégré peut s'appuyer aussi, faut-il le rappeler, sur un centre de recherche performant à Mézières-les-Metz, qui consomme 15 des 80 millions d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR) attribué au groupe. Et il peut s'adosser sur un solide réseau de formation professionnelle.

Le PDG d'ArcelorMittal sait parfaitement que couper la « filière chaude » de Florange de la « filière froide » condamnerait une cohérence qui contribue, aujourd'hui, à limiter l'appel de la France à des productions importées, y compris celles provenant d’usines sidérurgiques contrôlées par la famille Mittal à l'étranger.

Il essaye donc d'imposer ses choix à la France et à l'Europe en s'opposant à l'engagement que vous avez pris devant les Français de tout faire pour redresser l'industrie et l'emploi industriel de la France.

Ensuite, puisque le gouvernement est sensible aux rapports officiels, pourquoi ne s'appuie-t-il pas sur le rapport Faure – tout monde connaît, au moins de nom, le rapport Gallois et son « choc de compétitivité », mais étrangement personne ne sait qui est Pascal Faure dont le rapport, rendu le 27 juillet dernier au ministre du Redressement productif, préconise des « options nationales » à mettre en œuvre pour sauver Arcelor.

Il y est souligné combien les hauts fourneaux, l'usine d'agglomération et la cokerie d'ArcelorMittal à Florange s'insèrent de façon cohérente, avantageuse et efficace dans le « »cluster lorrain » de ce groupe. Cet ensemble a toujours su  être en pointe en matière d'innovations, comme en attestent à la fois les nombreuses nuances d'acier qu'on lui doit, tout récemment encore l'Usibor si performant, et le fait qu'il ait été retenu pour concevoir et expérimenter une sidérurgie de l'avenir, économe en CO2 (projet ULCOS).

Le rapport ajoute que « ce patrimoine de compétences est aujourd'hui menacé » par la fuite en avant financière et spéculative de M. Lakshmi Mittal.

Il dénonce le fait qu'y ait été réalisé « très peu d'investissements de transformation et de croissance » depuis 2006, soulignant en contrepoint le besoin urgent d'investissements « de mise à niveau et de développement » à hauteur de 450 à 600 millions d'euros sur cinq ans.

Nous pouvons arrêter le faux suspense du repreneur !

L'Etat doit réunir avant le 30 novembre tous les acteurs impliqués ou intéressés par cette affaire : M. Mittal, bien sûr, les syndicats du site et du groupe, les élus des collectivités territoriales concernées, mais aussi les représentants des PME clientes ou sous-traitantes, ceux des services et entreprises publics ou mixtes gros consommateurs d'acier (SNCF, RATP, EDF, GDF-Suez, Renault, grands propriétaires de logements sociaux, compagnies immobilières...), ainsi que les représentants de la CDC, du Fonds stratégique d'investissement (FSI) et du pool des banques d'ArcelorMittal.

Il s'agirait, premièrement, de dégager un prêt à très bas taux d'intérêt pour les 600 millions d'euros d' investissements urgents nécessaires. Deuxièmement, en attendant l'entrée en phase opérationnelle de la Banque publique d'investissement, ne pourrait-on pas constituer une structure à capitaux mixtes de prise de contrôle des actifs sidérurgiques mosellans d'ArcelorMittal, avec des participations possibles de la Région et d'entreprises clientes en vue d’élargissements ultérieures jusqu’à d'autres actifs du groupes ? On progresserait ainsi dans le sens de « l'option nationale » préconisée par le rapport Faure  avec la reprise, qui peut être progressive, par un autre actionnaire de « l'ensemble des activités sidérurgiques du groupe ArcelorMittal sur le territoire français », option présentée par ce rapport comme la « plus cohérente » au plan industriel.

Il s'agirait, en même temps, d'obtenir l'engagement de la famille Mittal de continuer de faire alimenter les unités de la « filière froide » de Florange par les productions de sa « filière chaude ».  Si elle l'accepte, on aiderait à une renégociation d'une partie de la dette du groupe. En cas de refus, ne faudrait-il pas la mettre en demeure de rembourser toutes les aides publiques accordées depuis 2006 ?

Simultanément, pour une politique de redressement national, il faudrait conditionner les aides du « plan automobile », décidé en juillet dernier, à l'engagement par Renault et PSA d'acheter  de l'acier français, comme il faudrait, en liaison avec la relance du logement social et des transports ferroviaires, que les secteurs de la construction immobilière et la SNCF soit incités à faire de même. Et on pourrait négocier une participation de ces clients majeurs au capital de la structure mixte de contrôle des actifs sidérurgiques mosellans d'Arcelor et au-delà.

Arnaud Montebourg a plaidé pour une prise de contrôle public temporaire et Michel Sapin a cru bon de polémiquer en lui répliquant que les « nationalisations sont d'un autre âge ». Mais c'est lui qui est d'un autre âge car que propose-t-il ?

C'est une bataille importante dans laquelle l'Etat devrait entièrement mobilisé, comme il devrait l'être dans le ferroviaire (avec les salariés de Bombardier et avec les régions), dans le naval (avec les salariés de la SNCM et des chantiers), dans l'agro-alimentaire (avec les salariés de Doux, de Mulliez).

Assez de discours – des actes !

 

Notre plan est simple.

Coopérer pour la recherche et la qualification

 

Protéger l’outil de production, c’est assurer aux salariés de l’industrie un système de sécurisation de l’emploi et de la formation tout au long de la vie qui permettrait à notre pays d’aborder dans les meilleures conditions les mutations technologiques à venir de l’appareil productif, tout en augmentant les salaires et en transformant les conditions de travail. Sécuriser l'emploi et la formation des plus exploités, les femmes, les jeunes, les ouvriers, des techniciens – sécuriser l'emploi de tous.

Protéger l’outil de production implique de mettre fin à la précarité des jeunes chercheurs, qu’ils soient tous en CDI, et que leurs salaires soient substantiellement revalorisés. Ceci n’est pas un coût mais un investissement pour l’avenir.

Protéger l’outil de production et le développer, demande, plutôt que d’avoir recours à l’intérim et de virer les salariés de plus de 55 ans, d’embaucher dès maintenant en CDI de jeunes ouvriers, techniciens, ingénieurs afin que la transmission de savoir-faire s’organise entre générations. C'est donc mettre sur pied un véritable plan d'embauche et de formation pour cela.

Protéger l'outil de production, c'est promouvoir de nouveaux droits et pouvoirs aux salariés et aux travailleurs pour décider des stratégies et décisions de leur entreprise et de leur branche. C'est faire de l'égalité salariale femme-homme, et de la reconnaissance des compétences de femmes dans les postes à responsabilité, la clé de la transformation du travail. Il faut une nouvelle loi qui donnera aux salariés droit de moratoire, droit de préemption, droit de coopération.

La souffrance au travail n'est pas inéluctable et c'est collectivement en arrachant le pouvoir au managérisme financier que nous ferons reculer cette souffrance.

Enfin, il faut protéger les savoirs et les savoir-faire de toute privatisation, et encourager l’Open-source, le partage des savoirs et compétences.

La maîtrise sociale de la connaissance est devenue un terrain d’affrontement central entre le capital et le travail, aussi important que l’appropriation sociale des moyens de production et d’échanges.

L’appropriation sociale des savoir-faire et des connaissances passe par la maîtrise par les salariés de la propriété et de l’usage des brevets, des copyrights, de la propriété intellectuelle, un effort massif de formation initiale et continue en faveur des filières scientifiques et techniques et la valorisation dans toute la société de la culture scientifique et technique. Les États-Unis et la Chine l’ont compris contrairement à notre pays.

On ne peut plus laisser les actionnaires s’approprier le savoir-faire des salariés. C’est ce vol de connaissances et de savoir-faire qui donne aux actionnaires le pouvoir de délocaliser. La lutte des Molex l’a malheureusement démontré.

Il faut que la France et l’Europe aient enfin une politique industrielle, une volonté politique, et que celle-ci ne soit plus subordonnée à la concurrence.

Nous proposons que se mettent en place des politiques industrielles à l’échelle de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie, du transport, des télécommunications, de la chimie, de la sidérurgie, du recyclage des déchets, du médical, des nanotechnologies, de l’aérospatiale.

Ces politiques s’appuieraient sur une coopération entre services publics de chaque état membre, et sur la constitution de pôle public industriel à l’échelle de l’Europe.

 

Notre plan est simple.

Placer les grands groupes et les banques au service du développement

 

Nous le savons, les banques et les grandes groupes sont les premiers responsables. Leur politique est irresponsable. Pour mémoire, les banques allemandes investissent pour les deux tiers dans l’activité économique alors que les banques françaises font leurs profits dans les opérations sur les marchés financiers.

Il faut donc un pilote ! Et ce pilote, c’est la monnaie, c’est le crédit, c’est la banque. Sortir de la crise industrielle, c’est reprendre le pouvoir sur les banques et l’orientation du crédit.

A l’échelle de l’Europe, il faut créer un vrai Fonds européen d’aide à la réindustrialisation et aux relocalisations sur la base de crédits sélectifs et de véritables plans de formation.

Nous devons porter l’effort de R&D publique comme privée à plus de 3% de PIB.

Cela implique de transformer les pôles compétitivité et des pôles de coopération interconnectés en réseau. Il faut mettre fin aux crédits impôt recherche dont se gavent les grands groupes du CAC40, et le remplacer par du crédit sélectif orienté principalement vers les PMI/PME

On favoriserait aussi, via les collectivités locales, les universités, les lycées techniques, les écoles professionnelles, l’implantation de Fab-Lab dans toutes les localités afin de développer, le goût du partage et de la création, la culture scientifique et technique, les circuits courts et les relocalisation.

70 grandes entreprises contrôlent 60% du réseau de PME-PMI. Et les traitent comme des esclaves de leurs exigences de rentabilité financière. 70 grandes entreprises ont droit de vie ou de mort sur des dizaines de milliers d’emplois.

Les donneurs d’ordres devraient être garants auprès des banques de prêts à faible taux que contracteraient leur sous-traitant en échange de garantie en termes de salaires et de droits sociaux. Et des chartes contractuelles contraignantes de coopération-traitance et non plus de sous-traitance devraient lier donneurs d’ordres et sous-traitants.

Cela passe également par la mobilisation des fonds de la Banque européenne d’investissements (BEI), la mise en place d’un pôle public des banques, des assurances et du crédit au niveau national et européen.

Au niveau national, comme au plan régional voire de certains bassins d’emplois, des structures de pilotage et d’orientation doivent être mises en place avec les outils de financements innovants nécessaires comme des crédits sélectifs en fonction de l’investissement dans la formation, l’outil de production et dans la recherche.

L’objectif est que la puissance publique exerce une influence incontournable sur les décisions les plus structurantes pour créer un nouvel écosystème industriel.

 

Notre plan est simple.

La protection intelligente contre le protectionnisme idiot

 

Avant de conclure sur la politique industrielle nécessaire à notre pays et à l’Europe, je voudrais dire quelques mots sur la question du protectionnisme.

Il faut remettre en cause de l’Organisation mondiale du commerce qui n'est rien d'autre d'autre que l'organisation mondiale de la concurrence libre et non-faussée.

Il ne s’agit pas de pratiquer un protectionnisme qui conduirait à l’autarcie ou à la destruction des économies émergentes ou à l’enfermement, mais de remettre en cause un libre-échange sauvage et dévastateur.

Il est normal et nécessaire que des peuples puissent, à un moment donné, aider et protéger certaines filières stratégiques. Sans aide des États, Airbus n’aurait jamais pu voir le jour, mais si l’Europe avait pratiqué le protectionnisme cela aurait entravé gravement son développement.

Alors, oui il faut de la protection intelligente. La politique de fermeture totale préconisée par Marine Le Pen conduirait à plus de guerre économique et à la fermeture d’entreprise. La politique de protection intelligente permet de coopérer et de réindustraliser.

Les droits de douane doivent donc être utilisés. Il faut, à capacité et moyens de production équivalents, créer les outils douaniers et fiscaux pour encourager les convergences de progrès en matière de salaire, de droits sociaux, de fiscalité, de normes environnementales et sanitaires.

 

*****

A l’heure de conclure, je veux insister sur la course de vitesse entre les tenants du capital qui veulent tout privatiser en brevetant le vivant, les savoirs et les savoir-faire, les découvertes scientifiques, les idées et même les mots pour les exprimer, et ceux qui veulent un monde d’ouverture et de partage.

La révolution numérique est un champ de bataille où l’on voit que le capitalisme est prompt à muter pour polluer tout nouvel espace de liberté et d’émancipation, en tentant de privatiser l’un des biens communs le plus précieux de l’humanité, à savoir le travail, la connaissance et l’accès au savoir.

L’exemple de Google est à ce titre édifiant. Google fort de ses 90% de parts de marché des moteurs de recherche sur le Web, monopolise les informations laissées par les internautes lors de leur passage sur le Net.

Or, la privatisation et la mise en concurrence des savoirs et savoir-faire et l’ultra concentration des pouvoirs et des richesses qui en découle, vont à rebours de la logique même de la révolution informationnelle.

Sauf à régresser ou à disparaître, l’humanité ne pourra résoudre ces problèmes qu’en faisant appel à l’intelligence collective et distribuée, au libre partage en réseaux et à la pollinisation des savoirs et des savoir-faire, au travail en réseaux de manière coopérative, décentralisée et coordonnée.

Ainsi, il faut prendre conscience qu’entrer dans une nouvelle période de développement industriel, à but social et écologique, c’est entrer dans la réorganisation de la production et du travail autour d’un principe nouveau, celui du partage et de la mise en commun.

Le grand principe concurrentiel qui fonde le monde dans lequel nous vivons est désormais une idée morte, inefficace. Le monde se meurt d’un trop-plein de concurrence et des gâchis de la guerre économique alors que la révolution technologique pousse à l’avènement d’un âge du partage.

**

Je veux conclure en disant aux travailleurs du pays, à toute la gauche, syndicale, intellectuelle, populaire, politique qu’il est temps pour nous d’engager le mouvement d’unification de nos proposition et de nos énergies pour reconstruire le pays et reconstruire l’Union européenne.

Et je veux le dire clairement : nous savons comment redresser le pays. Notre débat présent le montre. Nous savons. Nous avons les solutions pour libérer les forces du travail, de la recherche et de la création. Nous avons les solutions pour construire un système plus efficace, plus juste, plus écologique, plus harmonieux.

Nous savons. Prenez confiance en vous ! Prenons confiance dans la capacité du peuple français et des peuples européens à résoudre démocratiquement leurs problèmes. Cessez de déléguer les savoirs et les pouvoirs à une petite bande de techniciens, de financiers, de représentants de la bourgeoisie financière cupide et sans valeurs, les pouvoirs principaux de l’économie, de la banque et de l’entreprise.

A mes amis du Front de gauche, je veux dire qu’il est temps d’engager la bataille pour l’avenir, sur le terrain, partout pour que se lève l’exigence majoritaire du changement.

Nous avons proposé au Front de gauche, de lancer une grande campagne d’action et de rassemblement pour un front anti-austérité et pour une nouvelle politique. Oui, les mois qui viennent devrait être consacrés selon moi, à réunion plusieurs millions de signatures pour construire un rapport de force social et politique nouveau.

En temps de crise, le sursaut doit venir du peuple.

Le changement, nous allons l’exiger, nous allons le construire, le changement, c’est vous, c’est nous toutes et tous, alors en avant !

 

En avant ! Le pays a besoin de vous !

Vive les ouvriers, les ingénieurs, les techniciens !

Vive l’industrie, les travailleurs et les travailleuses !

Vive la République !

Et vive la France !

 

 

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