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Changements climatiques et emploi : Un enjeu crucial pour l'Europe

Les changements climatiques, et les politiques européennes comme nationales sensées les combattre vont avoir un impact quantitatif et qualitatif considérable sur la situation de l'emploi dans l'Union européenne. La maîtrise publique des stratégies industrielles et la question de l'intervention des salariés seront décisives.

La Confédération  européenne des syndicats  (CES), avec le soutien de la Commission européenne, vient de réaliser une étude prospective intitulée «impact sur l'emploi du changement climatique et des mesures de réduction des émissions de CO2 dans l'Union européenne à l'horizon 2030 »(1). Cette étude analyse, dans un même mouvement, les effets sectoriels – agriculture, pêche, tourisme, finances/assurances, énergie, industrie, transport, bâtiment,  santé – les impacts, régionaux, et leurs conséquences en termes géographiques avec une étude de cas spécifique  à la France et à la région Nord-Pas-de-Calais. Elle prend pour hypothèse de travail une augmentation graduelle de 2°C des températures moyennes et l'adoption par l'Union européenne de mesures visant à réduire les émissions de CO2 de 40 % d'ici 2030.

L'étude conclut à un solde global d'emploi très légèrement positif (+1,5 %) mais avec d'énormes disparités géographiques et sectorielles.

Ainsi, l'impact serait particulièrement négatif pour l'Europe méridionale et centrale, légèrement positif pour la Scandinavie et équilibré pour l'Allemagne.

Dans le secteur de l'énergie, le bilan net en emploi serait positif, mais avec une perte en emploi direct de 20 % compensée largement par une augmentation dans le secteur des biens d'équipement et des services énergétiques. Le recul de l'emploi direct se concentrerait dans la filière charbon et fuel, tandis que les effectifs augmenteraient dans les filières nucléaires et gaz, ils doubleraient pour les énergies renouvelables.

Concernant l'industrie, la politique climatique de l'Union européenne aura des conséquences en matière d'emploi très négatives. Les mouvements actuels de délocalisation  de la sidérurgie et des cimenteries seraient amplifiés. On touche ici, au caractère pervers du protocole de Kyoto, et de la volonté de régler les problèmes climat de manière libérale dans le cadre d'un marché  des quotas  de CO2. Le résultat d'une telle approche conduit à délocaliser les industries polluantes vers les pays où les travailleurs sont les moins protégés socialement et syndicalement, au lieu d'investir  dans la recherche & développement pour rendre la production plus écologique(2). Dans la filière automobile, les effectifs se stabiliseront globalement, si l'industrie européenne investit massivement sur les technologies propres, le recyclage et la sécurisation des véhicules. C'est à l'intérieur du secteur des transports terrestres que l'on assistera au mouvement d'emplois le plus spectaculaire en Europe. Le nombre des emplois liés directement ou indirectement au rail et aux transports collectifs devrait quadrupler. Dans le même temps on assistera à un effondrement de l'emploi dans le fret routier (50 %).

À la lecture de l'étude de la CES, on comprend mieux l'acharnement des institutions européennes à déréglementer les

transports publics et le fret ferroviaire pour créer les conditions de leur privatisation (3). Pour le transport routier, si on veut éviter une catastrophe sociale comparable à celle de la sidérurgie dans les années 1977/1984, il est nécessaire d'engager dès maintenant un plan de formation et de reconversion où la mise en oeuvre d'un système de sécurité emploi formation trouvera toute sa pertinence.

Pour le secteur du bâtiment et du logement, la rénovation thermique de l'ancien sera extrêmement intensive en emplois directs non délocalisables liés à un territoire. Le gain d'emplois dépasserait le million d'hommes par année dans le cas de travaux correspondant à une haute qualité énergétique, soit

10 % de l'emploi européen du secteur. Mais le secteur du bâtiment reste peu innovant en matière de recherche & développement et peu dynamique en matière de formation et de qualification de ses travailleurs.  L'impact en France d'une réduction de 40 millions de tonnes de CO2 dans le secteur résidentiel représenterait un gain de 362 480 emplois.

L'étude de la CES montre que la lutte contre le changement ne peut réussir si elle devient un moyen de concurrence économique entre les pays. Le marché se révèle en la matière un instrument contre-productif car il ne fait que déplacer le problème d'une zone géographique à une autre.

Les considérations  malthusiennes ou anti-progrès, les tentatives de culpabilisation sont inopérantes.  Elles visent à faire porter le coût des mesures de lutte contre le réchauffement climatique sur les épaules des salariés et des citoyens les plus pauvres, et de justifier un rationnement énergétique par les prix.

Les solutions durables et efficaces, pour contrer  les changements climatiques  se fonderaient sur des investissements massifs dans la recherche & développement débouchant sur des technologies  propres(4).  Ce qui implique une fiscalité efficace en la matière qui taxe non pas les territoires ou les hommes, mais les capitaux investis des entreprises sur émettrices de CO2 par rapport aux normes et les marchandises produites dans ses conditions.

Le nucléaire, dans le cadre d'une maîtrise publique est un des éléments incontournables  de la lutte contre le réchauffement climatique.

On ne peut lutter efficacement contre les changements climatiques sans prendre en compte les questions d'emploi et sans donner, à l'échelle européenne,  aux salariés de nouveaux pouvoirs sur les questions écologiques à l'image de ceux existant sur l'hygiène, la santé et la sécurité au travail

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(1) Cette étude a été présentée le 4 juillet 2007, lors d'une conférence de presse conjointe de la CGT, de la CFDT, de FO et de CFDT. www.syndex.fr/etudes.htm

(2) Technologie de capture du CO2 par exemple.

(3) On se souviendra du chantage exercé par la Commission européenne sur le fret ferroviaire français.

(4) D'où l'importance du projet ITER qui pourra peut être dans une cinquantaine d'années déboucher sur une production propre, quasi inépuisable et bon marché, d'énergie électrique.


 

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