La politique dite « de l'offre » a pour but, au nom de la compétitivité, de baisser le « coût du travail » (salaires+cotisations sociales) afin d'accroître les profits. Il est postulé (prétendu théorème de Schmidt ) que cela finirait par susciter une hausse efficace et durable de l'emploi dans le sillage de celles des investissements. Ce qui a toujours été contredit par la réalité.
Le levier budgétaire et fiscalo-social de cette politique est la « maîtrise des dépenses publiques» : censée diminuer déficits et dettes publics et sociaux, elle consiste à baisser la part des dépenses publiques et sociales dans les richesses produites pour, en pratique, faire reculer le poids des prélèvements obligatoires (impôts+cotisations) et, ainsi, libérer de la valeur ajoutée disponible pour les profits. Ceux-ci sont alors largement absorbés par les prélèvements financiers du capital (intérêts, dividendes..)
Cela accentue le mal vivre des populations avec le recul des services publics et droits sociaux, accroît l'insuffisance de la demande et des qualifications, encourage la précarité, les bas salaires (trappe à pauvreté), les suppressions d'emploi (à commencer par les emplois publics) et l'exclusion. Ces choix enferment dans la croissance lente, la perte d'efficacité productive et d'insupportables inégalités sociales et territoriales. D'où l'insuffisance rémanente de recettes fiscales et sociales et les gâchis croissants de fonds publics entretenant les facteurs d'accroissement des déficits et des dettes publics.
Il faut rompre pour une autre logique.
1 - Baisser le coût du capital et au lieu du « coût du travail » :
On s'évertue depuis des décennies à baisser les « charges sociales », c'est à dire les cotisations sociales payées par les entreprises, au nom de la compétitivité dont dépendrait l'emploi. On laisse ainsi de côté la prolifération du coût du capital financier (intérêts et dividendes versés par les entreprises aux créanciers et actionnaires). Or, les cotisations sociales sont des charges utiles pour la couverture des besoins, le soutien de la demande et la productivité globale, tandis que les charges financières (coût du capital) nécrosent notre système productif, accentue la dictature du marché financier et font exploser les inégalités.
En 2015, les sociétés non financières ont supporté un coût du capital financier de 269 milliards d'euros, alors que les cotisations sociales à leur charge n'ont totalisé que 181 milliards d'euros (Comptes de la Nation 2015).
Pour compenser l'impact des baisses de cotisations sociales sur les comptes de la Sécurité sociale, l’État a du débourser prés de 46 milliards d'euros en 2013 et 2014 (22,8 et 22,9 respectivement[i]).
Depuis 2014, la politique d'allègements des cotisations sociales a redoublé avec le pacte de responsabilité. Ils ont cru de 5,5 milliards d'euros en 2015 et de 9 milliards d'euros en 2016. Une nouvelle augmentation de 10 milliards est prévue pour 2017[ii]. Au total, ce sont plus de 30 milliards d'euros qui sont déboursés annuellement par l’État chaque année pour compenser les allègements de cotisations sociales patronales.
Cette pratique, inaugurée en 1992, doit cesser. L'argent public qui lui est dévolu chaque année devrait être progressivement redéployé vers un Fonds national de sécurisation de l'emploi et de la formation. Celui-ci accorderait des bonifications de taux d'intérêt pour les crédits contractés par les entreprises en vue de financer leurs investissements matériels et de recherche. Ces bonifications seraient d'autant plus élevées, jusqu'à des taux d'intérêt négatifs pour les emprunteurs, que des emplois et des formations correctement rémunérés seraient programmés avec les investissements.
2 - Développer massivement les services publics plutôt que privatiser :
Face à l'insuffisance de la demande et à la gangrène financière qui engendrent la déflation, il faut une relance sociale et la mobilisation de la monnaie à cet effet. Car, si on veut continuer de gagner en productivité avec la révolution informationnelle, il est indispensable de soutenir fortement la demande en développant les capacités humaines, autrement le chômage et les inégalités explosent.
L'expansion de tous les services publics permettrait de répondre aux besoins populaires et de soutenir fortement la demande, tout en stimulant la productivité globale avec les investissements publics efficaces nécessaires.
Cette orientation s'oppose à ce qui a été fait jusqu'ici.
F. Hollande s'est félicité d'avoir ramené le déficit public vers les 3 % du PIB requis par le pacte de stabilité : de 4,8 % en 2012, ce déficit a été ramené à 3,3 % en 2016 (72 milliards d'euros). Il s 'est félicité de ce que le poids de la dette publique, qui a cru de 25,5 points de PIB entre 2007 et 20102, n'aura cru que de 6,4 points de PIB entre 2012 et 2017 pour atteindre 2148 milliards d'euros, soit 96,5 % du PIB..
Mais cette légère inflexion est très fragile et prépare, en fait, de nouvelles difficultés car elle a été obtenue grâce aux bas taux d'intérêt faisant écho, en France et en Europe, à la déflation rampante (désormais ils raugmentent) et, surtout, par le rationnement des dépenses pour les services publics qui alimente ce climat déflationniste.
En effet, hors crédits d'impôt, les dépenses publiques en France seraient passées de 56 % du PIB en 2014 à 54,56 % en 2017, selon Bercy. Le recul de la charge d'intérêts de la dette ne compte que très peu dans cette évolution avec un prélèvement de 41,6 milliards d'euros en 2016. En fait, ce sont les dépenses de services publics qui ont largement été sacrifiées, comme en atteste l'évolution des effectifs de l’État hors loi de programmation militaire et plans de lutte anti-terroriste : - 12.032 entre 2013 et 2016.
Il faut donc en finir avec le « stupide » pacte de stabilité, lutter sans attendre pour les services publics, rompre avec l'austérité. Et cela en exigeant que la BCE utilise sa création monétaire, non pour épauler la finance, mais pour déployer une très grande expansion conjointe des services publics en Europe. Si, en France, cette revendication prend corps en posant la nécessité de créer un Fonds européen ad hoc démocratisé, elle diffusera ailleurs en Europe du sud où ce type de solution se cherche aussi.
Il faut aussi, pour développer les services publics, en finir avec les privatisations et promouvoir un nouveau type d'entreprises publiques qui, en sus de leurs missions renouvelées de service public, veillerait à sécuriser l'emploi et la formation en coopération, avec des critères de gestion d'efficacité sociale, au lieu de la rentabilité financière, et des pouvoirs effectifs d'intervention des salariés, des usagers, des populations et de leurs élus.
C'est dans le même esprit que l’État devrait chercher à jouer son rôle d'actionnaire dans les entreprises à capitaux mixtes, au lieu de se comporter en « partenaire dormant » ou en gestionnaire de portefeuille.
3 – Former tout au long de la vie plutôt que d'enfermer dans l'assistance:
Au lieu d'encourager, au nom de la compétitivité, les politiques patronales de suppression et de précarisation des emplois, au lieu de faire la chasse aux chômeurs et de diriger les privés d'emploi vers des contrats aidés sans avenir ou vers des stages parking, au lieu de redistribuer des revenus d'assistance ou de remplacement de plus en plus misérables avec, pour condition, l'obligation d' accepter n'importe quel emploi ou activité, il faut faire exploser la dépense de formation, rémunérer correctement les salariés en formation, sécuriser leurs parcours professionnels.
Cela nécessite, en particulier, une tout autre utilisation de l'argent public affecté aux dépenses dites « actives liées aux politiques du marché du travail » (12,7 milliards d'euros selon la DARES en 2013). Les moyens affectés à la formation professionnelle des demandeurs d'emploi, qui en constituent plus de 47 %, tendent à stagner par rapport aux dépenses « d'aide à l'emploi », principalement les contrats aidés.
Cela exige aussi une tout autre utilisation des dépenses globales de formation professionnelle et d'apprentissage (32 milliards d'euros en 2012), dont 13 % sont à la charge de l’État. On sait qu'elles servent, dans une très large mesure, à financer des formations courtes et non diplômantes. Si cela permet de générer un chiffre d'affaires annuel de 13 milliards d'euros pour 55 000 organismes spécialisés, ces dépenses sont très largement gâchées car elles ne permettent pas l’accès ou le retour à l'emploi durable et correctement rémunéré pour le plus grand nombre.
Si les privés d'emploi étaient, avec leur accord, en formations qualifiantes correctement rémunérées avec la perspective effective d'accéder à un emploi choisi correctement rémunéré, des économies considérables pourraient être faites en matière de « dépenses pour l'emploi et le marché du travail », soit 105 milliards d'euros en 2014 et 4,9 points de PIB (DARES 2016) tandis que croîtrait à nouveau la base des prélèvements fiscaux et sociaux.
4 – Concourir à l'augmentation de la masse salariale du pays plutôt que de baisser les impôts et cotisations :
La dépense publique devrait être un facteur de croissance de la masse des revenus salariaux au lieu d'être utilisée sous forme de baisse d'impôts, voire de cotisations sociales salariales, au prétexte de soutenir le « pouvoir d'achat » des salariés. Et cela devrait commencer par une réévaluation des traitements et de l'emploi dans la fonction publique. La dépense publique concourrait ainsi à soutenir la demande, tout en accroissant l'efficacité productive grâce à l’essor de l'emploi et des qualifications, ainsi qu'à un progrès continu des services publics.
L'allègement ciblé de l'impôt sur le revenu (IR) est présenté comme devant, en quelque sorte, compenser le quasi-blocage et la faiblesse en niveau des revenus salariaux pour maintenir le pouvoir d'achat. Cela marche de pair avec toute la politique d'incitation des entreprises aux bas salaires et de leur déresponsabilisation par rapport à l'emploi et à l'efficacité sociale des formations.
En réalité, cela contribue à réduire le rendement de l'impôt sur le revenu où demeurent intouchables les principales niches fiscales dont bénéficient les titulaires des plus gros revenus financiers et immobiliers du capital. Cela participe aussi de sa moindre progressivité de l'I.R., tandis que progressent les prélèvements aveugles et injustes de la CSG et de la TVA.
5 – Accroître les recettes fiscalo-sociales en visant une plus grande justice sociale et en incitant les entreprises à produire plus et mieux:
- Nous voulons réformer l'impôt sur le Revenu afin qu’il devienne universel, c’est-à-dire imposant de façon identique les revenus du travail et ceux du capital avec entre autre la suppression du crédit d’impôt attaché au versement de revenus de capitaux mobiliers et de certaines niches comme les investissements dans les DOM-TOM. Il s’agit également de rebâtir une vraie progressivité sur une dizaine de tranches avec pour seuil d’imposition minimal le SMIC et pour taux sommital : 65% et une accélération de la progressivité au delà de 40 000 euros par an.
- Nous voulons augmenter sensiblement la masse des recettes de cotisations sociales:
Faire cotiser les produits financiers des entreprises et des banques au même taux que les salaires. Cela pourrait rapporter immédiatement plus de 15 milliards d'euros et contribuerait à détourner les entreprises de la recherche de revenus purement financiers ;
Réformer le calcul de la cotisation sociale d'employeur : elle demeurerait assise sur la masse salariale mais son taux serait modulé, pour chaque entreprise, en fonction d'un ratio rapportant les salaires distribués à la valeur ajoutée produite. Les recettes croissantes de cotisations engendrées compenseraient ainsi la perte progressive de rendement de la cotisation sur les produits financiers, pénaliserait la croissance financière des capitaux et inciterait en permanence au progrès de l'emploi, des qualifications et des salaires, de la valeur ajoutée disponible pour les populations et le pays.
- Nous voulons inciter les entreprises à mieux utiliser leurs bénéfices et leur capital avec:
Un impôt territorial des entreprises, nouvelle taxe professionnelle, véritable impôt sur le capital calculé sur les biens d’équipement (mobiliers et immobiliers) ainsi que sur les actifs financiers des sociétés et des banques.
Un Impôt sur les Grandes Fortunes au rendement accru par un barème relevé et une assiette élargie aux fortunes professionnelles, en les modulant selon que les entreprises augmentent ou non l'emploi et la masse salariale.
Un impôt sur le bénéfice des entreprises qui soit à la fois relevé, progressif et modulé. Relevé parce que les taux iraient de 30% à 50%. Progressif car au sein de la fourchette de 30% à 50% des taux seraient appliqués en fonction du chiffre d’affaires des entreprises afin de tenir compte de leur différence de situation liée à leur taille. Modulé car l’impôt dû serait ajusté en plus ou en moins en fonction de l’utilisation des bénéfices pour développer l’emploi et la formation.
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