Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Face au blitzkrieg des droites, Union – action – plate-forme commune (Edito)

Chacune des trois droites (F. Fillon, M. Le Pen, E. Macron) programme une blitzkrieg, ou « guerre éclair », pour recomposer notre pays en phase avec le nouvel ordre que cherche le capital financier… et qu’il n’arrive toujours pas à trouver.

Référendum dans la foulée pour l’une, tout faire par passer par ordonnances en quelques mois pour les deux autres. Dans tous les cas : profiter d’une tétanisation post-élection pour assommer le mouvement populaire et engager une révolution conservatrice.

Ils cherchent tous trois, de façon différente, à répondre aux défis nouveaux – révolution informationnelle et numérique, nouvelle phase de la mondialisation (Trump, Chine, Brexit, migrations, militarisation) – au service du capital financier.

F. Fillon s’appuie sur une base sociale traditionnelle, ultra-conservateur sur les « valeurs » qu’il utilise pour rassurer certains sur le « sociétal », il programme un choc de compétitivité anti-social au service des profits et un enrôlement renforcé dans la guerre économique avec une intégration politique et économique renforcée autour de la zone euro au sein d’un pôle Eurasien, et avec une militarisation accrue.

M. Le Pen utilise le prétendu « coût de l’immigré » pour masquer le coût du capital, détourner la colère populaire face à l’insuffisance des services publics, aux délocalisations et au chômage, et faire l’Union sacrée nationale derrière le patronat pour une guerre économique renforcée.

E. Macron conjugue un appui sur le grand capital et sur les couches supérieures (cadres supérieurs et aspirant patrons) par un discours chatoyant sur l’entreprise et sur la modernité technologique et sociétale (lui pourtant si ambivalent sur les étrangers vivant en France), pour effectuer lui aussi un choc de compétitivité anti-social, mais dans une fuite en avant européiste vers une intégration européenne renforcée atlantiste et un condominium européen de quelques gouvernements au service des grandes multinationales financières.

Et tous trois confortent et affirment l’autorité patronale.

Face à cela, les enjeux d’une gauche de contenus sont aigus, fondamentaux, pour relever les défis objectifs que le capital financier prétend relever. Mais comment s’attaquer à ces enjeux si à la présidentielle la gauche est éliminée dès le premier tour ?

M. Valls battu, une plate-forme politique est encore possible. On peut partir d’un certain nombre d’objectifs sociaux et écologiques qui sont en commun : le rejet de la loi El Khomri, un revenu pour chacun, une émancipation du travail, une nouvelle culture écologique pour une nouvelle production et une nouvelle consommation, développer les services publics et sortir de l’austérité jusqu’au niveau européen, l’anti-racisme et le refus du rejet de l’Autre. L’accord affirmerait que l’enjeu consiste en la conquête de nouveaux pouvoirs sur des moyens financiers au service de ces objectifs, qui doivent être eux-mêmes suffisamment ambitieux. C’est le triptyque fondamental : objectifs sociaux et écologiques / moyens sur l’argent / pouvoirs nouveaux qu’a toujours rencontré la gauche ; soit lors de ses échecs (le « Mur de l’argent » durant le cartel des gauches, les « 200 familles » de la Banque de France lors du Front populaire, la « dictature de la finance » depuis, disons 1982-83) ; soit lors qu’elle a réussi en les affrontant victorieusement (notamment à la Libération).

Ce type d’accord serait une base donnant sens à une unité pour la présidentielle, avec une pluralité de candidatures aux législatives et une conception de l’union pluraliste, reposant sur l’autonomie d’action créatrice de ses composantes et la primauté à l’intervention populaire.

Cette unité est possible dans un débat à gauche, avec des propositions précises. Le débat de la Bellevilloise du 28 février, intitulé « La finance est (toujours) notre ennemi », l’a montré. C’est jusqu’à présent le seul débat public entre les 5 formations de gauche pour cette présidentielles (Verts, PS, France-Insoumise, Ensemble !, PCF). Un appel à l’unité en ce sens a été signé en quelques jours par plus de 5.000 personnes. Intitulé Rassemblement à gauche, urgence, il est initié par des citoyens aux engagements différents (syndicalistes, intellectuels, artistes, responsables du PS, responsables du PCF, nationaux et fédéraux, élus, …). Il propose 8 points précis avec des éléments de convergence et de débat : Emploi, travail, salaires ; Protection sociale ; Services publics ; Écologie ; Argent ; Europe ; Démocratie ; Égalité et Justice.

Il n'est pas trop tard pour conjurer la catastrophe, pour obtenir cette unité. Et s’unir, ce serait lancer une dynamique nouvelle, qui peut mener loin.

Nous refusons de mener la « politique du pire ». Les communistes français l’ont toujours refusée. Dès 1934, après les errements sectaires, voire gauchisants des débuts des années 1930, ou après les tentations du retour vers le réformisme et celles d’une idéologie social-démocrate, vague confuse et éclectique des débuts des années 1920.

Il est indispensable de porter des contenus précis dans les deux campagnes : présidentielle et législative. C’est le moyen de tenir la gauche debout, avec des idées communistes debout et renouvelées, un parti communiste debout. C’est le moyen de contrer les idées de renonciation, de collaboration avec le grand capital financier ou de rejet de l’Autre. Et ceci, en prenant au sérieux les défis de nouveauté portés par les révolutions informationnelle, écologique, monétaire, démographique et militaire.

C’est le moyen d’unir le plus largement ceux qui souffrent, jusqu’aux élections législatives où peut se manifester une union d’un type nouveau à gauche pour appuyer des candidats présentés par le PCF dans une démarche ouverte, pour battre aussi bien l’extrême droite et la droite que la gauche de renonciation (encore très présente dans les candidatures législatives alors qu’elle a été battue par la primaire de gauche) ou que le gauchisme. Ce dernier tend à stériliser la radicalité, à l’enfermer et à conforter ainsi la division, donc la pôle position de Macron, en refusant, au nom du « tout ou rien », la moindre alliance à gauche.

Pourtant la radicalité est plus nécessaire que jamais. Car ce qui est à l’ordre du jour, ce n’est pas de mettre des digues ou des barrières (souvent illusoires) au capitalisme hyper-financiarisé actuel, c’est d’engager concrètement le dépassement du capitalisme et du néo-libéralisme (son anthroponomie) pour aller vers une civilisation de partages pour chacun.e, commune à toute l’Humanité.

Farfelu ? Pas si sûr. L’exemple du code du travail montre bien trois conceptions des choses : un code du travail néo-libéral ; un code du travail fait de digues plus ou moins fortes laissant intouchée la logique du coût du travail et les pouvoirs patronaux du capital ; un code du travail du 21è siècle engageant le dépassement du marché du travail et du salariat capitaliste comme dans la proposition de loi de sécurité d’emploi et de formation (SEF) déposée par André Chassaigne, les députés communistes et Front de gauche.

La social-démocratie est profondément en crise parce que l’ordre du jour est de dépasser le capitalisme. Les gens le sentent bien. C’est pourquoi, il serait fou de parier sur une recomposition social-démocrate de la gauche, vers une sorte de parti socialiste d’avant 1914, même avec un courant communiste ou marxiste. La recomposition de la gauche se fera sur des idées, et avec une grande dose de communisme autogestionnaire, pour chacun.e. Elle demande un PCF épanoui, autonome, ressourcé dans les luttes du monde du travail et de la société. Un PCF qui n’a pas peur d’être lui-même et de façon moderne. Ce ne sera pas facile. Mais avons-nous le choix ?

En économie politique, dépasser le capitalisme, c’est relever le défi d’une nouvelle efficacité et de se libérer, pour cela, de la domination du capital financier. C’est ce que partagent différents amis d’Économie & Politique à l’étranger que nous avons pu rencontrer ces derniers mois, en Chine, en Russie, en Italie, du Brésil, d’Equateur ou de Cuba.

Cette approche peut permettre de construire des majorités. La dernière en date est celle, inattendue, qui s’est formée au CESE autour de l’avis adopté pour « Le financement des PME/TPE au service de l’emploi et de l’efficacité », avis que j’ai présenté, et que seul le MEDEF a rejeté, avec son satellite CPME, tandis que la CFDT s’abstenait et que tous les autres groupes ont appuyé par un vote positif, non seulement toutes les autres confédérations syndicales, mais aussi les artisans ou les professions libérales. Nous y reviendrons ultérieurement.

Alors portons l’unité et les contenus indissociables, avec un Parti communiste debout et des idées communistes dans les présidentielles et les législatives, pour ouvrir une nouvelle voie, desserrer l’étau, et surtout être utiles à tous et à notre monde. Nous vivons des « temps déraisonnables » où l’on prend « les loups pour des chiens », mais « quand les blés sont sous la grêle / fou qui fait le délicat / fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat ».

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.