Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Face au "pacte pour l'euro" : pour une contre-offensive des peuples européens

le 15 April 2011

Face au

 

Jamais encore l’Union européenne n’avait poussé aussi loin une offensive contre les droits sociaux et la souveraineté populaire qu’avec la série de mesures que le Conseil européen a adoptées les 24 et 25 mars dans le cadre de la « gouvernance économique », particulièrement du « Pacte pour l’euro ».

Les décisions prises concernent directement les dix-sept pays membres de la zone euro, mais des pressions sont exercées sur les autres pays de l’Union européenne pour qu'ils s'y rallient. Six d’entre eux s'y sont d'ores et déjà résolus. Le président de la Commission, José Manuel Barroso, les a qualifiées de « plus grand changement accompli par l’Union européenne depuis des lustres ». C’est vrai : après la transformation de la Grèce en terrain d’expérimentation ultralibérale, ces décisions structurantes dressent un mémorandum européen qui vise à enfermer tous les peuples européens dans un avenir de régression sociale, une phase historique d’une brutalité inouïe. Le « Pacte pour l’euro » est le pacte contre l’Europe sociale ! C’est un coup d’État passé sous silence des marchés contre la démocratie. Qu'on en juge avec les objectifs de ce pacte :

  • « Assainissement budgétaire » ; chaque État membre devra présenter un « plan pluriannuel » permettant de « rétablir la confiance » des marchés financiers. Son « programme de stabilité et de convergence » annuel devra préciser ses « objectifs en matière de déficit, de recettes et de dépenses », la « stratégie prévue pour atteindre ces objectifs », ainsi qu'un « calendrier pour sa mise en œuvre ». Pour y parvenir, il faudra « procéder à un ajustement structurel », selon la terminologie du Fonds monétaire international et de ses plans imposés aux pays en développement. Dans cet esprit, chaque État doit présenter au Conseil son projet de budget avant son examen par le Parlement national et y intégrer les « recommandations » énoncées à son sujet par la Commission européenne.
  • « Réformes structurelles » : Ces « efforts d'assainissement budgétaire » devront être «complétés » par des réformes visant notamment les conditions de travail, la flexibilité, les systèmes de retraites, la capacité à « attirer des capitaux privés », l’« amélioration du fonctionnement du marché unique des services » par la mise en œuvre de la directive sur les services et « des mesures supplémentaires, en tant que de besoin ».
  • « Renforcement de la gouvernance » : six règlements seront adoptés d’ici juin 2011 afin de « garantir le renforcement de la discipline budgétaire » et de durcir le pacte de stabilité.
  • « Pacte pour l'euro plus » : Chaque année, les États devront s'engager, « sur la base des indicateurs et des principes » prévus par le pacte, sur des actions concrètes pour les douze mois suivants dont la mise en œuvre fera l’objet « d'un suivi sur la base d'un rapport de la Commission », suivant quatre axes :
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      • « renforcer la compétitivité », c’est-à-dire comprimer au maximum les salaires. Leur évolution fera l'objet d'un suivi, par comparaison avec d'autres pays européens et « les principaux partenaires commerciaux comparables » ! Chaque pays devra veiller à « renforcer la productivité », à « renforcer la concurrence », à « améliorer l’environnement des entreprises ».
      • « promouvoir l'emploi » : en fait, favoriser la précarité et la flexibilité grâce aux « réformes du marché du travail destinées à favoriser la flexicurité ».
      • « améliorer la viabilité des finances publiques » : les réformes à cet égard visent en particulier à allonger l’âge de la retraite et à assurer « l’adéquation des prestations sociales » et des systèmes de santé. Chaque État s'engage à inscrire dans sa Constitution ou dans une loi-cadre de façon « suffisamment contraignante et durable » un « frein à l'endettement » tant « au niveau national qu'aux niveaux inférieurs ».
      • « renforcer la stabilité financière » : on sait que c’est au nom de cette « stabilité » que des plans d’austérité  d’une brutalité insoutenable sont imposés aux pays qui ont recours à l’Union européenne, à la Banque centrale européenne et au Fonds monétaire international.
On comprend que le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats ait qualifié ces mesures de « pacte pervers pour un niveau de vie plus bas, davantage d'inégalités et un travail plus précaire », souligné qu'elles « réduisent les Etats membres à un statut quasi colonial » et annoncé qu'il « sera impossible à la CES de soutenir tout nouveau traité qui les contient » Pourquoi un tel acharnement de la part des dirigeants de droite et sociaux-démocrates européens et pourquoi maintenant? C’est que la crise du capitalisme mondialisé qui a éclaté en 2008 a entraîné la faillite du modèle structurel européen en vigueur. Pour sauver le système plongé dans la crise des banques et des institutions financières, les États ont renforcé les marchés financiers au point de leur donner un pouvoir décisif. Leur domination est aujourd’hui telle qu’elle ne laisse plus de place aux impératifs sociaux et à la liberté des peuples de choisir leur destin. Le Parti de la gauche européenne exprime son opposition absolue à ce pacte porteur d’une conception ultrarégressive de la construction européenne. Il se félicite de la décision du peuple islandais prise par référendum pour la seconde fois de refuser les sacrifices qu’on prétend lui imposer pour lui faire payer la crise financière. Il apporte son soutien total aux nombreuses et puissantes mobilisations sociales qui sont organisées, les unes après les autres, en Grèce, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Hongrie, au Portugal ainsi qu’à l’échelle européenne. Au travers de ces luttes, les peuples européens témoignent de leur refus de se soumettre aux plans d’hyperaustérité. Des ouvriers, des jeunes chômeurs, des femmes, des immigrés jusqu’aux militants de la culture, elles et ils sont de plus en plus nombreux à défendre aujourd’hui les valeurs de services publics, de biens communs, de conditions de travail et de salaires humains. Elles et ils sont de plus en plus nombreux à exiger un salaire minimum garanti et une autre répartition des richesses du haut vers le bas. Même les petits entrepreneurs sont aujourd’hui sous la pression de ce système. Parmi ces mobilisations, de grandes luttes contre la précarité se développent dans plusieurs pays. La précarité est en effet au cœur des transformations impulsées par le capital et les forces néolibérales pour plier les sociétés à leurs exigences. Elle est devenue au fil des années la voie « normale » de l’entrée des jeunes dans la vie professionnelle et la condition de plus en plus réservée aux femmes salariées. La tendance à son institutionnalisation comme norme sociale induit une précarisation générale de la vie ; elle renforce la pauvreté, les inégalités sociales et les discriminations, l’isolement, le repli individuel et la concurrence entre les travailleurs et les peuples. La suppression de la précarité est aujourd’hui un objectif clé le mouvement social et progressiste. Dans cet esprit, le PGE apporte son soutien total aux grandes mobilisations contre la précarité du 12 mars au Portugal, du 9 avril en Italie et du 30 avril prochain en France. Le Parti de la gauche européenne affirme sa conviction qu’une contre-offensive politique de la gauche européenne et des mouvements sociaux est indispensable et sa détermination à y prendre sans attendre toute sa part. Ainsi, la période qui s’est ouverte est celle d’une alternative : ou bien la rupture avec toute ambition sociale et démocratique, dont les mesures du Pacte pour l’euro fixent le cadre ; ou bien la rupture avec la domination des marchés financiers. La nature des problèmes posés implique donc que cette contre-offensive mette l’accent sur une triple exigence :
  • un changement radical de la conception de l’Union européenne, de ses traités et de ses politiques, qui porte la perspective stratégique d’une refondation de l’Europe donnant la priorité immédiate au développement social et à la solidarité. Cela implique de mener une campagne de masse au niveau européen pour la défense de l’emploi, contre la précarité, pour la défense de la protection sociale. Dans le même temps, nous exigeons une solution européenne à la crise des dettes publiques (qui suppose l’annulation d’une partie de celles-ci et l’amélioration des conditions de remboursement) ;
  • des mesures concrètes permettant de mettre en cause la toute-puissance des marchés financiers et de les soumettre à la régulation et au contrôle social  ;
  • l’implication des peuples, des citoyens et des acteurs sociaux dans l’élaboration, l’évaluation et le contrôle des politiques européennes. Le Parti de la gauche européenne défend le droit fondamental des citoyens de choisir leur présent et leur avenir. Le « Pacte pour l’euro » autoritariste mérite une réplique d’indignation et de révolte démocratique des peuples européens. C’est pourquoi nous exigeons l’organisation de référendums ou de toute autre forme possible de consultation démocratique dans tous les pays membres de l’Union européenne pour demander le rejet de ce nouveau traité.
C'est le sens que nous donnons à « l’initiative citoyenne » (collecte d'un million de signatures en Europe) que nous avons proposé de lancer. Nous avons ainsi avancé l’idée qu’une telle pétition, en opposition frontale au « fonds de stabilisation financière » et aux plans d’hyperaustérité, demande la création d’un fonds de développement social et de solidarité. Le financement de celui-ci serait libéré des exigences des marchés financiers, puisqu’il reposerait sur la taxation des mouvements de capitaux, la transformation des missions de la Banque centrale européenne (pour lui permettre de prêter directement aux États à des taux d’intérêt bas pour financer des investissements publics créateurs d'emplois et favorisant le développement social, les services publics, la défense de l'environnement) et une augmentation du budget européen. Lorsque cette nouvelle disposition d’ « initiative citoyenne » entrera en vigueur, nous préciserons en fonction des évolutions intervenues le contenu de notre proposition. Son but est d’obtenir, grâce à l’intervention commune des citoyens européens, l’ouverture d'un débat officiel sur les trois impératifs constitutifs de la contre-offensive nécessaire des peuples européens. La construction de ce projet requiert de grands efforts de concertations, de convergences et si possible d'initiatives communes avec toutes les forces syndicales, associatives et politiques, les élus et les personnalités progressistes d’Europe. C'est le devoir de la gauche de relever ce défi. Le Parti de la gauche européenne entend y contribuer de toutes ses forces.   Le Parti de la gauche européenne Budapest, le 16 avril 2011
 

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