1- Des aides considérables ont été mises à la disposition des banques depuis décembre 2008 ( aides de l’État et de très gros appuis de la BCE à très faible taux d'intérêt), mais sans aucun changement des critères du crédit. Aussi ont-elles pu faire beaucoup de marge en faisant payer relativement cher le crédit pour les investissements réels et la trésorerie des entreprises, et en maintenant grand ouvert le robinet du crédit pour les placements et la spéculation.
2- Des tas de PME sont en difficulté du fait de la stagnation économique et/ou du comportement prédateur des banques et des grands donneurs d'ordre;
3- Les grands groupes empruntent, eux, sur le marché financier et font du cash. Mais ils refusent de développer efficacement l'activité en France, continuant de délocaliser tout en distribuant d'énormes dividendes et en consacrant des milliards d'euros à racheter leurs propres actions pour en accroître le rendement.
Il faut absolument commencer à déborder ces blocages aux sommets des banques, des groupes et de l'État. Sans attendre, dés le niveau des bassins d'emploi et des régions, on peut se doter d'un nouvel outil institutionnel, à portée des salariés, des citoyens et des élus, pour engager, à l'appui des luttes pour l'emploi et l'activité, la bataille de réorientation du crédit.
La masse des crédits aux entreprises, fin mai 2015, totalisait 708,4 milliards d'euros (Banque de France).
Mais l'argent du crédit sert, avant tout, à faire plus d'argent et il va là où il rapporte le plus, le plus vite et le plus sûrement de l'argent : sa sélectivité, favorable à la rentabilité financière, joue contre l'emploi.
Il est plus facile d'emprunter des milliards d'euros aux banques pour des opérations financières et spéculatives que pour développer le potentiel productif du pays : cf. les rachats répétitifs par Patrick Drahi d'entreprises à crédit...alors que des tas de PME se serrent la ceinture et n'osent même plus demander des crédits, laissant ainsi vieillir leur outil de production.
Si, sur un an et après avoir longtemps stagné, le crédit aux PME a cru de 1,8 %, le crédit aux grandes entreprises a, lui, augmenté de 6,4 % (Banque de France).
Nous proposons un « nouveau crédit » pour l'investissement réel (matériel et de recherche) des entreprises.
1 - Son taux d'intérêt pourrait être très abaissé, jusqu'à devenir nul ou négatif ( une partie de l'emprunt ne serait pas remboursée par l'emprunteur).
2- Mais il serait d'autant plus abaissé que le crédit servirait à financer des investissements programmant plus d'emplois et de formations correctement rémunérés et contrôlés.
3- Pour amorcer la pompe de ce nouveau crédit, nous proposons la création d'un Fonds national pour l'emploi et la formation (FNEF) qui recueillerait les quelque 30 milliards d'euros accordés annuellement aux entreprises en exonérations de cotisations sociales patronales prétendument pour faire de l'emploi.
4- Cette dotation publique permettrait au FNEF, sous le contrôle des salariés et des élus, de prendre en charge (bonification), de façon sélective, une partie des intérêts versés aux banques par les entreprises pour leurs crédits à l'investissement: plus cet investissement programmerait d'emplois et de formations correctement rémunérés et contrôlés et plus le taux d'intérêt du crédit serait abaissé, jusqu'à devenir nul, voire négatif.
Loin de donner lieu à des « effets d'aubaine » pour les entreprises bénéficiaires, cette « bonification » servirait à:
- Faire de crédits qui, par définition, devraient être remboursés par les entreprises bénéficiaires;
- Encourager des crédits dont le remboursement entraînerait une utilisation des profits pour l'emploi (les entreprises remboursent toujours leurs crédits à partir des profits).
Ce FNEF serait partie prenante d'un pôle financier public, chargé de développer largement ce nouveau crédit, autour de la Caisse des dépôts (CDC), de la banque postale, d'Oséo...avec les banques mutualistes et coopératives (dans le respect de leurs statuts) et avec des banques nationalisées.
Sans attendre que l'on puisse imposer la création d'un pôle public financier et du FNEF, on peut, dans chaque région, sur décision du Conseil régional, créer un FREF intervenant selon les mêmes modalités que le FNEF. Outre qu'il permettrait de commencer, tout de suite, à réorienter le crédit, à l'appui des luttes, il constituerait aussi une base pour que, le jour venu de changements politiques d'ampleur, soit institué un FNEF.
Principes de fonctionnement :
Le FREF prendrait en charge tout ou partie des intérêts payés aux banques par les entreprises sur les crédits finançant leurs investissements (bonification). Plus elles programmeraient d'emplois et de formations correctement rémunérés et contrôlés et plus les intérêts à payer aux banques sur ces crédits seraient abaissés.
La Région pourrait, de plus, garantir ces crédits de façon tout aussi sélective.
Gestion et missions :
Le FREF serait géré par un conseil d'administration placé sous l'autorité du Président de la Région et composé d'élus régionaux et locaux, de représentants des organisations syndicales de salariés et des associations de chômeurs, de représentants du système éducatif et de formation, des employeurs et institutions financières, de l' État. Ce conseil, après débats et consultations des institutions représentatives du personnel des entreprises, déterminerait les critères et le montant des attributions ainsi que les modalités d'évaluation et de contrôle.
Le FREF assurerait deux grandes missions:
1- Faire face aux urgences:
Le Conseil régional interviendrait pour que, dans chaque département, le préfet décide d'un moratoire sur les suppressions d'emploi et réunisse des tables rondes pour discuter des propositions alternatives des syndicats, des comités d'entreprises, des délégués du personnel et des élus.
En mobilisant un nouveau crédit bancaire et des capacités d'expertise pluralistes, il aiderait à ce que soient retenues, dans chaque cas, celles de propositions qui réduisent le plus d'autres coûts que les coûts salariaux (intérêts, dividendes...).
Le FREF serait le partenaire financier de ces actions et pourrait, à ce titre être saisi par les comités d'entreprises, les délégués du personnel, les syndicats et associations, les élus.
Il faciliterait l'accès à la formation qualifiante des salariés vulnérables, en liaison étroite avec les missions locales pour l'emploi, l'AFPA et le service public de la formation continue, et il encouragerait leur maintien en formation jusqu'au retour à un emploi décent.
2- Préparer l'avenir:
Le Conseil régional ferait procéder, en concertation avec les autres collectivités, à un inventaire détaillé des besoins d'emploi, de formation et d'accompagnement.
Il prendrait l'initiative d'organiser une Conférence régionale annuelle pour que les salariés, les citoyens, avec les syndicats, les associations, les élus, les représentants des entreprises, des institutions financières et des services publics puissent intervenir sur les choix. A partir du recensement des besoins, cette Conférence définirait des objectifs sociaux chiffrés de recul effectif du chômage, de créations d'emplois ou de transformations d'emplois précaires en emplois stables et correctement rémunérés, de mise en formations, depuis les bassins d'emploi et jusqu'au niveau régional. Le FREF serait largement sollicité, avec d'autres institutions, pour contribuer à la réalisation des décisions.
La Région, en concertation avec d'autres, interpellerait le Parlement et le Gouvernement pour que soit réunie une Conférence nationale annuelle visant, dans le même esprit, à sécuriser l'emploi et la formation à partir d'objectifs chiffrés annuels et demandera, pour cela, la création d'un FNEF.
Quel financement ?
Une partie des sommes affectées dans le budget du Conseil régional au «développement économique, innovation, tourisme» pourrait constituer l'amorce de ce Fonds.
Par exemple, dans son budget 2015, la région Île-de-France a alloué 230 millions d'euros à ces crédits. Elle pourrait consacrer 100 millions pour la prise en charge sélective des intérêts payées aux banques par les entreprises qui investissent dans la mesure où elles programment plus d'emplois et de formations.
Dans l'hypothèse d'un taux d'intérêt moyen pondéré de 2% pour les crédits à moyen et long terme, l'intervention en bonifications de la région Île de France pourrait permettre de lever une masse de crédits nouveaux à taux zéro de 5 milliards d'euros pour l'investissement réel: 100 millions seraient en effet réservés à cette bonification de crédits pour l'investissement, dans la mesure où il s'accompagne de créations d'emplois et de mises en formations correctement rémunérés et contrôlés.
Article publié par la Lettre du RAPSE n°128 - octobre 2015
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