Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Une politique de santé pour les régions et les territoires

Les politiques de santé constituent un enjeu des réformes du gouvernement. Après la loi HPST, la loi santé actuelle approfondit la territorialisation de l’offre de soins par un pilotage régionalisé dans un cadre financier contraint, délaissant le cadre national. Du coup, les politiques de santé deviennent un enjeu majeur des politiques publiques régionales et constituent un point essentiel des prochaines élections régionales.

La région niveau pertinent pour les problématiques de santé, le département pour celles de la perte d’autonomie et de la petite enfance

La question des niveaux de responsabilité nécessite d’être prise en compte.

La santé doit plus que jamais être une responsabilité nationale. Il est indispensable que le gouvernement détermine une politique nationale de santé qui se donne pour objectifs, à la fois, l’égalité d’accès à la santé, la construction d’une offre de soins de haut niveau qui réponde aux besoins de santé des populations et l’adaptation de cette offre de soins aux objectifs d’égalité d’accès aux soins. La volonté forte est de remettre en cause les inégalités de santé, qu’elles soient géographiques ou sociales. Il ne faut pas lâcher sur cette dimension nationale de la santé avec un vote du parlement sur ces aspects.

La région, surtout celle à dimension humaine, est pour nous la bonne échelle pour la cohérence des questions de santé. Le périmètre des régions actuelles répond plus ou moins correctement à la réponse aux besoins de santé des populations. Or ce cadre va évoluer avec la réforme des collectivités territoriales. D’un côté, l’accroissement considérable de certains périmètres régionaux va remettre en cause la cohérence de l’organisation territoriale actuelle de l’offre de soins et de santé. De l’autre, la concentration urbaine que cette réforme entraîne risque d’accentuer certains risques sanitaires que l’offre de soins actuelle pourrait ne pas être en mesure de résoudre. Dans ce contexte, le niveau « d’excellence » des Centres hospitaliers universitaires et régionaux est un aspect structurant de la réponse aux besoins de la population permettant de s’articuler à une politique locale de l’offre de soins.

La région est un niveau pertinent pour approcher, d’une part, la globalité des besoins, la mise en cohérence des réponses, l’impact des interventions, et d’autre part, l’état des lieux de la destruction hospitalière, la désertification des territoires, les capacités de résistance…

La région est aussi le niveau de l’organisation de la formation professionnelle médicale et paramédicale. C’est un point d’appui considérable.

Complémentairement, nous considérons que le département est le niveau pour la cohérence en matière de petite enfance et PMI, pour la mise en place du pôle public de l’autonomie. C’est lui qui en a l’expérience. D’ailleurs la contribution des élus communistes a été importante à cet égard.

Les territoires de santé : une donnée forte depuis les lois de droite, un espace réel, mais une organisation territoriale de la santé sous contrainte

La loi « Hôpital, patient, santé, territoires » a instauré les territoires de santé. La loi Touraine va les conforter. Ce sont les DG ARS, directeur-rice-s généraux des Agences régionales de santé qui ont la responsabilité de découper les régions en territoires de santé. C’est donc un des éléments structurants de l’organisation de la santé dans les régions particulièrement avec la notion des Groupements hospitaliers de territoire (GHT), regroupant de manière unique par territoire les établissements sanitaires et médico-sociaux publics dans une entité administrative autonome. L’objectif est de concentrer de manière considérable les lieux de direction des structures sanitaires et médico-sociales pour mieux « maîtriser » ces directeurs nationalement et les contraindre à mettre en œuvre les politiques austéritaires.

Notre démarche : partir des besoins de santé de la population à l’opposé d’une recherche prioritaire de la répartition de l’offre de soins

C’est une dimension déterminante. Depuis la loi « Bachelot », la logique des politiques de santé a été renversée. La notion « des besoins » a totalement disparu au bénéfice de celle de la répartition de l’offre de soin répondant à des impératifs de diminution des dépenses remboursées ou prises en charge par la protection sociale. Ce n’est plus la politique de santé qui s’adapte à la réponse aux besoins de santé, mais l’offre de soins qui s’adapte aux objectifs budgétaires de l’État. Ce n’est évidemment pas la même chose.

Il est indispensable que la politique de santé réponde de nouveau en premier lieu aux besoins de la population. L’offre de soins que répartit chaque DG ARS n’a de sens et ne peut être appréciée qu’au regard des besoins de santé. Nous sommes les seuls à parler de la priorité des besoins de santé, à ne pas retirer aux ayants droit à la santé l’expression de leurs besoins de santé.

Le moteur de notre projet, la démocratie

Nous proposons que la démocratie soit concrétisée à tous les niveaux. Elle doit permettre l’expression des besoins mais aussi assurer un contrôle démocratique des décisions et de la mise en œuvre des réponses aux besoins de santé.

à l’opposé des opérations médiatiques vantant la démocratie sanitaire au moment où les décisions sont de plus en plus prises uniquement par le DG ARS, nous proposons la mise en place dans la durée d’une structure pérenne inédite qui donne sens à des propositions alternatives et à la pratique politique de proximité : lieu de recensement des besoins sanitaires et sociaux, lieu de détermination des réponses à apporter à ces besoins, lieu de contrôle démocratique de la mise en œuvre de ces réponses.

Ce n’est pas une entreprise de communication passagère et/ou opportune de quelque force politique en mal de reconnaissance sur les questions de santé, ce n’est pas une entreprise de flatterie des professionnels de santé, ce n’est pas un colloque, avec force experts, aussi compétents soient-ils, pour régler, en deux ou trois jours l’état sanitaire d’une région.

Non, c’est une démarche ancrée dans la proximité, dans les cantons, les villes et villages, les départements ; c’est une mise en commun, pour une élaboration de propositions alternatives, sur la base des attentes, connaissances et compétences de toutes celles et ceux qui ont intérêt à ce que cela change, vite. Nous proposons des Assises de la Santé, tenues à tous les échelons des territoires.

Une telle démarche s’inscrit dans une volonté partagée de concrétiser la démocratie sanitaire participative de proximité.

S’engager dans la tenue de ces Assises, c’est s’engager dans la construction de lieu(x) de l’intervention citoyenne, pour et avec :

‒ Les professionnels de la santé/syndicats ;

‒ Les usagers/patients/associations/comités locaux de défense ;

‒ Les élus (locaux, départements, régions) ;

‒ Les organisations politiques engagées dans les Assises.

Le « tiercé gagnant » : besoins/propositions (dont le financement)/action devrait être toujours présent.

La démarche démocratique participative de proximité doit rester visible, les propositions portées à la connaissance de la population pour son soutien actif, dans un mouvement à double sens : villes, canton, départements, région.

Les enjeux de santé pour ces élections régionales

Les différences de mise en œuvre des choix gouvernementaux par les DG ARS ne doivent pas faire perdre de vue la finalité de la démarche engagée : poser des actes politiques forts pour la construction d’une politique de la Santé publique luttant contre les inégalités d’accès aux soins, pour une offre de soins de haut niveau, et répondant aux attentes et besoins de la population et des professionnels.

C’est la démarche du projet partagé dans le rassemblement de la gauche réunie dans le Front de gauche.

La démocratie sanitaire, participative et de proximité est au cœur de nos propositions. Elle est indispensable pour combattre tout de suite les reculs de la loi « Bachelot » comme celle de Marisol Touraine. S’ils doivent rester articulés aux enjeux nationaux, régions et territoires ont aussi besoin de vrais projets avec une vue d’ensemble. Ils ont besoin de maîtriser l’ensemble de la politique territoriale de santé afin d’adapter l’évolution de l’offre de soins et de santé en fonction des besoins de leurs populations. Cette politique territoriale nécessite de véritables schémas régionaux des politiques de santé contrôlés démocratiquement.

Il en est ainsi des structures sanitaires ou médico-sociales insuffisamment sécurisées. Un bilan régional, consolidé au niveau national est la première étape du traitement de ce problème. Il faut construire dans chaque région un plan de remise aux normes, établissement par établissement.

La problématique de la démographie médicale exige urgemment cette nouvelle approche des questions de santé et de l’offre de soins, pouvant lutter contre les inégalités territoriales qui continuent de se creuser alors que de nouvelles fractures territoriales apparaissent, que des déserts médicaux urbains et ruraux menacent de s’étendre.

C’est pourquoi nous voulons relancer, dans le cadre de ces régionales, la proposition que nous avancions lors des élections départementales de demander la mise en place de Conseils cantonaux (ou de bassins) de santé, qui seraient l’outil pertinent à ce territoire.

Ces conseils cantonaux (ou de bassins) de santé veilleront à l’expression des besoins de santé de manière spécifique pour le secteur concerné (y compris en matière de démographie médicale en vue de définir les besoins de professionnels de santé). Ils valideront la réponse à ces besoins apportée sur le territoire concerné et contrôleront démocratiquement la mise en œuvre. Cela permettra les réajustements indispensables et les évaluations démocratiques.

La territorialisation peut être un instrument permettant de concilier les objectifs d’égalité et de proximité. Comme le montre si bien Emmanuel Vigneron (1), géographe de la santé, la santé ne peut être abordée comme un champ isolé des politiques publiques locales et nécessite des instances transversales de proximité.

Cela passe aussi clairement par un moratoire sur les fermetures de services, d’activité et d’établissements comme l’avaient proposé les sénatrices et sénateurs du groupe CRC. Au contraire il faut enclencher un processus de réouverture de structures de proximité. La proximité c’est aussi l’excellence. Nous proposons aussi l’arrêt des partenariats public/privé en particulier pour les opérations immobilières qui sont de véritables pillages de l’argent socialisé. La fermeture des hôpitaux de proximité, entraîne non seulement un transfert des activités considérées comme rentables sur les établissements privés de proximité (comme l’ont déjà montré toutes les fermetures réalisées), mais également une faille dans le maillage sanitaire par l’abandon de ce qui est dédaigné par le privé, dans l’attractivité de certains territoires. La fermeture d’un hôpital conduit aussi à une perte d’intérêt des métiers de médecine ambulatoire et s’avère un obstacle à l’installation de jeunes professionnels sur ces zones.

Oui, ces élections régionales constituent aussi pour les communistes un enjeu sanitaire majeur. n

 

 

(1) Les inégalités de santé dans les territoires français, état des lieux et voix de progrès : Emmanuel Vigneron, ed. Elsevier Masson, 2011.

 

 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.