Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Offensive patronale pour l’augmentation du temps de travail

« Si vous me permettez, me disait un hono rable fabricant, de faire travaill er chaqu e jour dix minutes de plus que le temps légal, vous mettrez chaqu e année 1000 livres sterling dans ma poche. Les atomes du temps sont les éléments du gain »

(extrait du rapport d’un inspecteur du travail anglais cité par Marx dans Le Capital)

Qu’on ne s’y trompe pas. Ce n’est pas seulement les 35 heur es qui sont dans le collimateur mais la notion même de durée légale du tra vail ; l’objectif des libéraux est de remplacer la durée légale par la durée maximum de 48 heur es par sema ine prévue par la directive eur opéenne sur le temps de travail, et en plus, pourquoi pas, des dérogations par accor d individuel du salarié comme cela se fait en Grande Bretagne. A l’intér ieur des 48 heures la durée du tra vail sera it librement fixée par accor d d’entr eprise (1). C’est bien cela qui est visé car on peut déjà très facilement déroger aux 35 heur es après les divers assou plissements intr oduits par les différents gouvernements succes sifs :

Du fait, comme tout le monde le fait remar quer, de la fixation du cont ingent réglementa ire annue l à 180 heures et de la poss ibilité de prévoir plus par accor d. Ce cont ingent autor ise donc une durée de tra vail moyenne de 39 heur es. Il y avait débat pour savoir si les entr eprises pouvaient utiliser librement ce cont ingent en fixant une durée régulière du tra vail à 39 heur es ou si les heur es supp lémenta ires étaient réser vées aux surcroîts d’activité. Or une ordonnance de juillet 2004 évoque explicitement les entr eprises organisées sur une base supér ieur e à 35 heur es ce qui semb le donner car te blanc he aux em ployeurs . Il reste cependant que l’accor d inter profess ionne l de 1995 réser ve l’usage des heures supp lémenta ires aux surcroîts d’activité. Mais auss i du fait même de la loi Aubry et des accor ds de RTT tel qu’ils ont souvent été négociés : pauses exclues du temps de tra vail effect if, forfaits-jours des cadres permet tant des sema ines de 50 heur es et plus, absence d’obligation de pointage automat isé autor isant toutes les fraudes , flexibilité accrue , pas d’obligation d’embauc he débouc hant sur l’aggravation de l’intens ité du tra vail ….

D’autr e par t les allègements de cotisations sociales ont été déconnectées de la durée du tra vail par la loi Fillon. Repasser à 39 heur es ne com por te plus le risque de la per te des allègements de cotisations. Ainsi le financement des 35 heur es marchait de pair avec la déterm ination d’un « nouveau barème de cotisations » (celui revendiqué par le MEDEF qui aujour d’hui préten d qu’il n’a rien deman dé), Mar tine Aubr y elle-même , dans sa circulaire parlait, à propos des allègements , du « nouveau barème de cotisations », c’est pour cette raison, précisait-elle, qu’il n’y avait pas à contrô ler la légalité des accor ds (2).

Enfin on remarque, depuis plus d’un an, une évolution de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation défavora ble aux salariés qui tend , sur des sujets auss i impor tants que l’annua lisation ou les forfaits, à satisfaire les exigences patr onales en matière de durée de tra vail et de flexibilité.

En atten dant le jack pot des 48 heur es (3) le Medef veut augmenter le temps de tra vail au moindre coût . Le discours stup ide sur le « travailler plus pour gagner plus » passe ma intenant au second plan rem placé p ar le thème “ travailler plus pour préserver l’emploi » avec le chanta ge aux délocalisations ou aux abandons de marché. A l’exception des heur es supp lémenta ires ponctue lles on n’a jamais gagné plus en tra vaillant plus, ce sera it même le contra ire ; sur le moyen terme le salaire mensue l ne dépend pas de la durée du tra vail, il est le résu ltat de l’offre et de la deman de sous réser ve des luttes et des législations . Le Medef se dévoile maintenant un peu, il es père pouvoir augmenter la durée du travail sans augmentat ion de salaire, soit en obtenant imméd iatement l’accor d des salariés avec le chanta ge à l’emploi, soit en payant dans l’imméd iat les heur es supp lémenta ires et en se rattrapant vite par le gel des augmentat ions du salaire de base ; mais il veut auss i limiter l’invest issement de dépar t en obtenant du gouvernement une remise en cause des majorat ions des heur es supp lémenta ires. Les capitalistes visent auss i des com pensations rap ides avec de nou velles baisses de la fiscalité et des cotisations sociales et une autr e diminution du coût moyen du tra vail grâce aux nou velles sub ventions sur les salaires prévues par le plan Borloo, aux délocalisations et à la sur exploitation de nou veaux tra vailleurs immigrés. Le Par ti socialiste appelle à une riposte contr e les tenta tives de remise en cause des 35 heur es. Belle initiative mais que propose-t-il concrètement ? Une enquête d’opinion indique qu’une majorité de frança is est opp osée à une remise en cause de la durée légale de 35 heur es mais favorable à des assou plissements supp lémenta ires. Cela en dit long sur le désa pp ointement des salariés après la mise en oeuvre des lois Aubr y, alors même que le projet des 35 heur es fut sans doute une des raisons principales de la victoire de 1997. Le Medef a beau jeu aujour d’hui de surfer sur les déce ptions pour pousser son offensive. Le projet de gauc he ne peut se résumer à la défense des lois Aubr y.

Le pays a besoin d’un projet sur le temps de tra vail qui améliore les con ditions de vie pour tous , qui change les con ditions de travail notamment en diminuant son intens ité, contr ibue à la créat ion mass ive d’emploi, à la sécur isation et à la promot ion de l’emploi et de la format ion comme au changement du contenu de la croissance .

Pour ces objectifs les commun istes ont élaboré des propositions concrètes , tradu ites dans des propositions de loi, que nous mettons en débat :

D’une par t, réduct ion rap ide de la durée du tra vail à 32 heur es, limitation de l’annua lisat ion aux secteurs saisonniers , suppr ess ion du forfait-jours , cont ingentement des emplois précaires et par tiels contra ints

D’autr e par t, pouvoirs de décision du comité d’entr eprise sur le volume et la qualité des effect ifs.

Cela devrait auss i êtr e cou plé à des effor ts sans précédent pour la mise en format ion au lieu du plan Borloo auquel des dirigeants socialistes semb lent souscr ire. Outre une série de réformes pour l’accès réel à des format ions qualifiantes pour ceux qui en ont le plus besoin, il s’agirait de doubler les moyens de la format ion profess ionne lle.

Pour ce qui concerne le financement d’un tel programme nous proposons de suppr imer les exonérat ions de cotisations et d’y subst ituer un nouveau système de cré dit (tau x et bonifications fonct ion de l’efficacité de l’invest issement en emplois et format ions) et un nouveau mode de calcul des cot isations sociales qui prendrait en com pte le rappor t entr e les salaires et la valeur ajoutée .

Enfin et alors que l’offens ive patr onale pour l’augmentation du temps de travail est généra le en Europe il n’est pas poss ible de s’opp oser aux atta ques de la droite et du patr onat frança is sans s’opp oser à une const itut ion eur opéenne qui, en institutionna lisant le capitalisme et la concur rence entr e les tra vailleurs d’Europe, donne car te blanc he au Medef. ■

 

  1. Le temps de travail gratuit est la source même de la plus value, donc du profit capitaliste ; tout le temps de travail accompli au-delà du temps nécessaire à la reproduction de sa force de travail constitue la plus value à la base du profit. D’où le combat constant et acharné du patronat pour s’opposer à toutes les formes de réduction du temps de travail.
  2. Le dispositif Aubry étant dès l’an 2000 déconnecté de toute obligation d’embauche il ne pouvait que se révéler néfaste pour l’emploi. Il a débouché sur 17 milliards d’euros de baisse de cotisations patronales alors que les nouvelles embauches, qu’elles soient dues à la RTT ou à la croissance, ont entraîné une dépense salariale nouvelle de 8 milliards d’euros, soit un gain pour les employeurs de 9 milliards d’euros. La droite et le patronat en ont rajouté une louche avec 3 milliards d’euros supplémentaires d’exonérations de cotisations et le recul de l’emploi depuis 3 ans, le patronat voulant maintenant supprimer les 35 heures tout en conservant les 20 milliards d’euros d’allégements.
  3. Des députés de droite proposent déjà que la durée de base soit fixée librement par accord d’entreprise entre 35 et 39 heures et que le contingent s’ajoute à cette durée ce qui ferait 43 heures.