Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Proposer, rassembler, lutter

Chute du prix du brent de pétrole, baisse de l’euro et injection massive par la BCE de liquidités pour racheter les titres de dettes publiques européennes constitueraient les conditions d’un retour de la croissance en Europe. La première réduirait les coûts des entreprises, la seconde augmenterait leur compétitivité à l’export, la troisième augmentant la monnaie en circulation faciliterait leur financement. Et F. Hollande de dire : « la reprise est là »…

Certes, la conjoncture laisse entrevoir un nouveau répit pour l’économie européenne, avec des prévisions de croissance de la BCE positives en zone euro. Mais cet optimisme doit être fortement relativisé.

Avec les politiques d’austérité salariale et sociale, la baisse des coûts des entreprises ne se traduit ni par une hausse de l’emploi et des salaires qui permettraient de réduire le chômage et de relancer la demande, ni par une relance de l’investissement. Malgré un coût horaire total de la main d’œuvre dont la croissance ralentit en 2014, la production industrielle diminue, y compris en Allemagne, et le secteur de la construction continue sa chute. Le taux de chômage atteint 11,2 % de la population active et le nombre de travailleurs pauvres explose.

Quant à l’injection massive de liquidités par la BCE, sans sélectivité favorable à l’emploi, aux salaires, au développement durable et aux services publics, elle sert d’ores et déjà à des opérations spéculatives sur les marchés financiers. Le CAC40 a retrouvé ses couleurs d’avant la crise de 2008 avec un indice à 5 000 points, le Dax allemand a grimpé de 82 %, le Dow Jones de 48 % et le Nasdasq de 121 %. Bref, l’argent coule de nouveau à flot sur les marchés, mais refuse de s’investir dans l’économie réelle faute de rentabilité suffisante, ce qui nourrit l’endettement privé et public, et alimente de nouvelles bulles spéculatives.

Concernant l’économie française, le schéma est le même. La croissance attendue pour le 1er trimestre 2015 est de +0,3 %. Mais les productions manufacturière et de la construction continuent de baisser, comme les prix à la production industrielle. Le chômage poursuit sa hausse, malgré un net ralentissement du coût unitaire du travail. Et si le crédit aux ménages et aux entreprises semble repartir, cette hausse pour les sociétés non financières est captée par les besoins de trésorerie plus que par l’investissement.

Au final, ce frémissement de croissance essentiellement tiré par des paramètres extérieurs, qui d’ailleurs donnent des signes d’essoufflement (croissance américaine 2015 révisée à 2,2 % au lieu de 2,6 % et tassement de croissance chez les émergents), est très fragile et dangereux. Non seulement il ne répond pas aux besoins de relance de la demande ni à ceux de l’offre, mais il exacerbe les tensions entre excès de liquidités qui partent vers la finance et faiblesse de l’activité réelle accentuée par le chômage de masse, accentuant ainsi les risques de cracks financiers.

Les contradictions et dangers de la situation renforcent le besoin de propositions alternatives précises permettant de construire le rapport de forces pour la dépasser, en France comme en Europe.

à cet égard, la victoire de Syriza en Grèce a créé l’espoir et la bataille courageuse que les Grecs livrent à la Commission européenne et au gouvernement allemand pour un moratoire sur leur dette associé à une clause de croissance de 3 % va dans ce sens.

à la fois contre l’austérité et pour un autre euro, cette bataille pose avec force le besoin d’une transformation de l’euro et des institutions européennes. L’euro doit-il rester cet outil de l’austérité et les institutions européennes en être le relais y compris contre la démocratie ? Ou l’euro doit-il être mis au service du financement du développement des capacités humaines en Europe, ce qui permettrait de solutionner la question des dettes publiques ? Doit-on laisser les banques et les marchés financiers profiter des 1 140 milliards d’euros qu’injectera la BCE sur le marché secondaire pour racheter des titres de dettes publiques afin de gonfler leurs profits en prétendant que cela créera de l’emploi ? Ou bien cet argent doit-il être utilisé, d’une part, pour le refinancement sélectif des crédits bancaires aux investissements matériels et de recherche lorsque ceux-ci créent de l’emploi, de la formation et du salaire, et d’autre part, pour le financement d’un Fonds de développement écologique, social et solidaire pour le développement des services publics en Europe afin de répondre aux besoins sociaux et aux défis économiques d’aujourd’hui et de demain ?

à ces questions, les Grecs donnent une réponse qui peut constituer le point de départ d’une transformation en acte des logiques actuelles. Compte tenu de ses nombreux points d’appuis dans toute l’Europe, elle peut servir de base à un vaste rassemblement des forces de progrès en France et en Europe. à condition de se placer, au-delà d’une solidarité nécessaire, dans un processus de luttes réelles et de batailles d’idées.

La campagne du PCF « je rêve d’une banque qui… » a donné des pistes. Il faut les amplifier. La journée nationale d’actions contre l’austérité du 9 avril conduite à l’initiative de l’intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires doit nous permettre de le faire. n

 

Frédéric Rauch

 

 

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