Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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D’autres choix pour la SNCF

La grande manifestation nationale unitaire des cheminots actifs et retraités du 26 nov embre dernier à Paris à l’initiative de six fédérations syndical es, a été un événement très important pour la défense et la promotion du service public SNCF.

Depuis 1996, celle-ci a abandonné la politique de marge des années quatr e-vingt/quatr e-vingt-dix, provoquant son déclin, pour une politique de volume qui a permis un développement de ses activités .

Officiellement ce cap n’est pas remis en cause

Mais la politique Raffarin place cependant l’entr eprise publique en mauvaise postur e face au défi de la construc tion eur opéenne et aux besoins de financements nouveaux.

Jus qu’ici, en effet, la décision d’ouvrir à la concurr ence le trafic de fret ferr oviaire eur opéen, en mars 2003, a été limitée au seul fret et au seul réseau transeur opéen, excluant le cabotage jus qu’en 2008.

Ceci est à mettr e au com pte de l’act ion du ministr e commun iste Jean-Claude Gayssot , de la rés istance des cheminots et de l’attac hement profond des frança is au service public.

Mais Bruxelles veut pr écipiter l’échéance . Et, d’ores et déjà, des réflexions sont engagées pour ouvrir le cabotage fret et le trafic voyageurs lui-même à la concur rence . Or, pour M. de Robien, il n’est plus quest ion d’une opp osition ferme et définitive de la France à une telle ouver tur e. Cela accentuera it la mise en concurr ence aveugle entr e les différents opérateurs , accr oissant la congestion de l’offre et le gâchis de moyens sur les zones et les axes les plus renta bles, le rat ionnement s’imposant ailleurs .

Au contra ire, ce qui devrait prévaloir pour développer des ser vices publics ferr oviaires de qualité en Europe, c’est la coo pérat ion entr e réseau x pour répondr e aux exigences communes de cont inuité et d’améliorat ion des ser vices publics offer ts avec les créat ions d’emplois et les effor ts de format ion nécessa ires. La com plémentar ité entr e les modes et les réseau x de transpor t est une néces sité. les projets techno logiques doivent êtr e de véritab les out ils au ser vice des chaînes de transpor t performantes , multimoda les et multiréseau x, en toute sécur ité. Et cela nécess ite des entr eprises publiques , dégagées des contra intes de renta bilité financ ière et visant l’efficacité sociale et économ ique.

Les coo pérat ions des différents réseau x sur l’axe Belgique, Luxembourg, France se sont révélés bien plus efficaces que les axes « nor d sud » organisés sur le mode de la concurr ence .

Ce sont de telles coo pérat ions qui devraient êtr e encou ragées en Europe en privilégiant des cré dits favora bles à l’emploi et à la format ion, soutenus par la BCE (1) et la BEI (2), au lieu de favoriser la dictatur e des marchés financ iers avec le pacte de stab ilité.

En matière de financement , précisément , la SNCF est confrontée aux orientat ions négatives de la politique Raffarin qui enten d accor der la priorité à la Bourse .

La créat ion de Réseau Ferré de France (RFF) n’a en rien réglé le problème de la dette ferr oviaire. RFF, qui en suppor te l’essent iel, cherche à y faire face en renta bilisant l’usa ge des infrastructur es dont il est propriétaire.

En 2002, les péages imposés à la SNCF ont atte int près de 2 milliards d’eur os, en augmentat ion de plus de 26% depuis 2000, tand is que sa propre dette (7,32 milliards d’eur os) s’est accrue de près de 13%.

Cela peut s’aggraver avec la décision du gouvernement de rattacher l’organisme de répar tition des capacités d’infrastructur e (ORC) à RFF qui devient juge et par ti. le risque est grand que ce soit la loi du marché qui décide des tar ifs et que les sillons soient attr ibués aux plus offrants , au détr iment de la réponse aux besoins de trans por t et de ser vice public

Cette situat ion se conjugue avec une diminution des moyens alloués par l’Etat : alors qu’il faudrait 214 millions d’eur os par an pendant 5 ans pour financer les projets ferroviaires contenus dans les contrats de plan Etat-Régions, 140 millions d’eur os seulement ont été budgétés pour 2003. Pour les transpor ts com binés, la dotat ion a été rédu ite à 35 millions d’eur os à par tager avec les chargeurs , alors que chacun reconna ît la nécess ité du rééqu ilibr age rail route . Où en est-on des orientat ions visant le doublement du trafic fret SNCF à l’horizon 2010 ?

Tout cela const itue une contra inte supp lémenta ire imposée à l’entr eprise publique au détr iment des salariés, des usagers , de l’emploi, de la format ion, des déroulements de carr ière et du développement d’un ser vice public de qualité.

Une telle politique du gouvernement a pour conséquence imméd iate la vente d’actifs, de patr imoine immobilier et de filiales (Société Hydro Electr ique du Midi...)

Dans ce conte xte, la politique de volume se fait à moyens sans cesse contra ints avec, en contr epoint, la recherche obsess ionne lle de gains de productivité apparente du tra vail sur le dos des cheminots et la diffusion d’une cultur e de gest ion anta gonique avec le ser vice public. Après un recul d'un millier d'emplois en 2002, il est fait état d'une nou velle baisse de 1 270 emplois d'ici la fin de l'année 2003 qui sera it pour l'essent iel suppor tée par le fret, les directions centra les et régionales. C'est encor e par un ajustement sur l'emploi que l'on cherche à rédu ire les déficits, tout en cont inuant à protéger les prélèvements financ iers mass ifs des banques et des marchés financ iers sur l'entr eprise au titre de la dette SNCF et indirectement par l'intermé diaire de RFF. Alors qu'après des décenn ies de choix du tout routier aux consé quences dramatiques, la recon quête du ser vice public du rail avec des créat ions d'emplois avait commencé à mar quer des points et permetta it d'envisager une politique en prise avec les nou velles exigences de transpor t, va-t-on, au nom de la renta bilité financ ière, revenir en arr ière au prix d'immenses gâchis humains, financ iers et écologiques ?

Il faudrait au contra ire que la SNCF et son groupe visent un objectif d’efficacité sociale et économ ique, avec de nou veaux critèr es de gest ion et des pouvoirs effect ifs d’inter vention des cheminots , des usagers , des élus sur son orientat ion.

Il faut , en effet, que l’entr eprise publique puisse non seulement développer un ser vice public de qualité, mais auss i app or ter à toute la société en sécur isant l’emploi et la format ion, la rec herche et une croissance rée lle dura ble.

Cela appelle une tout autr e politique de financement de la SNCF : un allégement effect if et consé quent de la dette ferr oviaire ; l’app el à de nou veaux financements bancaires sélectifs à taux très abaissés et que pourra ient impu lser ensem ble la Caisse des dépôts et les Caisses d’épargne, affirmant ainsi une vocat ion nou velle du pôle public financ ier ; une augmentat ion des dotat ions d’Etat en contr epar tie d’engagements nou veaux sur le développement de l’entr eprise publique.

  1. Banque centrale européenne.

  2. Banque européenne d’investissement.