Quelle société voulons-nous ? Une société dans laquelle, avec la domination mondialisée du marché capitaliste, s’étend la marchandisation des biens, des services, des personne s et de leur force de travail ? Ou une société de partage des richesses, des savoirs et des pouvoirs pour le développement humain ? Ou bien y a t-il un « entre-deux » où pourraient se concilier la loi intangible du marché et le progrès social ?
Avec la bata ille contr e les privatisations, on est au cœur de cette quest ion politique fondamentale : y a t’il une alternat ive au marché capitaliste ? Peut-on, et comment , dépasser le marché capitaliste tel qu’il est aujour d’hui, dominé par le marché financ ier mond ialisé ? Ou bien faut-il se contenter de choisir entr e différents modes de régulation du système , quitte pour cer tains à le critiquer en termes rad icaux ?
L’idée est largement répandue qu’il y a une contra diction entr e beso ins sociaux et logique de renta bilité actionnar iale. Mais elle va souvent de pair avec l’idée de l’imposs ibilité de dépasser la domination des marchés.
Sur ce terra in, les forces du capital mènent une bata ille d’idée très active pour con vaincre que le privé peut assur er des missions de ser vice public et assumer ses res ponsa bilités sociales (leurs repr ésentants ont invest i act ivement le récent sommet de Johannes bourg sur l’environnement sur ce thème) . Elles préten dent déséta tiser, alors qu’en réalité elles veulent un Etat qu’elles visent à mettr e encor e plus au ser vice exclusif des marchés.
Elles s’app uient sur de vrais défis de changement très profonds, à par tir de la révolution informat ionne lle : défis de développement dans le conte xte d’une crise profonde et dura ble, de financements , de coo pérat ion, de trans formation des gest ions .
Et sur l’idée qu’il n’y a pas d’alternat ive.
En réalité, avec les privatisations, il s’agit pour le capital de marchandiser pour exploiter et accumu ler, en s’attaquant à tout ce qui a été con quis de non-marchand et pourra it êtr e sour ce de profits.
Cependant le bilan des privatisations tend à montr er nettement que la régress ion qui en résu lte (en matière d’emploi, de ser vice public, de droits sociaux, d’environnement) n’est pas un risque hypothétique mais un fait.
La press ion d’exigences de renta bilité exorbitantes , dans le cadre d’une sauvage guerr e économ ique, s’exerce sur tout ce qui touche aux intérêts humains et sociaux, la seule limite étant celle de l’acce ptation par les salariés, par les peuples, des choix qui leur sont ainsi imposés .
C’est la conce ption de l’entr eprise et de la société, leurs finalités , la domination des critèr es privés de renta bilité qui sont ainsi en quest ion.
Cette conce ption est en crise, avec la nou velle phase de crise du capitalisme. La « réforme du capitalisme » est à l’ordre du jour ; elle fait même la une du Monde… Mais c’est une recherche de réforme pour conser ver : il s’agit de réguler pour la pros périté des marchés.
Ces données sont mond iales. En France la droite cherche à foncer dans cette voie, tout en tenant com pte de la com plexité du rappor t de force : les privatisations occu pent une place de choix dans son programme , en cohérence avec la baisse des charges sociales patr onales notamment pour éten dre les bas-salaires.
Sans amalgame politique hâtif, le social-libéra lisme se situe dans la même logique fondamenta le du marché : sa domination sur le PS exprime une capitulation devant la dictatur e des marchés, assor tie de prétent ions régulatrices . A ce titre, le gouvernement Jos pin a réalisé un incontesta ble recor d de privatisations. Ce qui permet à la droite, pour aggraver encor e, de revendiquer sur ce terrain une cont inuité.
Les débats actue ls au PS, s’ils reflètent la secousse du 21 avril, restent , même dans l’express ion des courants les plus à gauc he, sous l’emprise de cette option. La droite, libéra le-populiste, et le PS, avec le social-libéra lisme, rivalisent sur le même terra in. Le besoin d’alternat ive est politiquement décisif.
Le com bat contr e les privatisations doit se situer au niveau de ces enjeux, s’atta quer au cœur de la logique libéra le, la critiquer sur le fond de façon argumentée , et ouvrir des pers pectives : il s’agit de contester pour les dépasser progress ivement mais rad icalement les marchés, notamment le mar ché du tra vail, pour mieux répondr e aux beso ins sociaux et de développ ement dura ble. Il s’agit de répondr e, mieux que le capital, aux défis de développement , de coo pérat ion, de financement , d’efficacité sociale.
Les objectifs sociaux sont au centr e de ce com bat. La lutte contr e les privatisations et pour une alternat ive de progrès est au carr efour de deux exigences for tes et montantes : le besoin de ser vices publics de qualité, et la nécess ité, face à l’insécur ité sociale d’une res ponsa bilisation sociale des entr eprises, notamment vis-à-vis des droits sociaux (em ploi et format ion, salaires…) et de l’environnement . Tout appelle à relier ces exigences , à favoriser la con vergence de leurs acteurs : ceux qui, avec le mou vement anti-mond ialisation, dénoncent la marchandisation, (mais négligent celle du tra vail, et le besoin d’opposer des alternat ives au marché financ ier) , ceux qui « défendent » le ser vice public, ceux qui com battent l’insécur ité sociale. Il s’agit de donner à l’ant ibéra lisme, au delà d’une rad icalité critique gauc histe et populiste très impu issante sur l’alternat ive, la dimens ion d’un mou vement nourr i par des propositions de dépassement du capitalisme, por tant ensem ble des exigences trans formatrices comme : un nou veau type de secteur public, une réforme des inst itut ions financ ières frança ises , eur opéennes et mond iales, une sécur ité d’emploi ou de formation.
Ce serait aussi la base profonde pour construire dans les luttes le nécessaire dépassement de la coupure social/ politique
Cela définit l’es pace d’une inter vention très novatrice et rassemb leuse du Par ti commun iste.
Pour les commun istes , l’enjeu de la quest ion des privatisat ions est d’autant plus for t, qu’il recou vre un champ identitaire : celui de la propriété et du pouvoir sur les gestions . Le PCF s’est identifié aux luttes pour les nationalisations, celles de la Libérat ion, celles de quatr e-vingt-un. Mais il a beaucou p tar dé à prendre en com pte les défis nou veaux, et, bouscu lé par l’effon drement soviétique, a eu du mal à formu ler une conce ption solide et neuve de l’appr opriation sociale. Cela a favorisé, malgré une opp osition réaffirmée aux privatisations des années 1997-2002, des hésitations, des contra dictions , des positions de soutien à l’ouver tur e du capital de grandes entr eprises publiques.
Engagé dans la réflexion autocr itique que cela appelle, il n’enten d pas pour autant rester hors-jeu, dans la nouvelle phase de com bat politique qui est ouver te. La coupure actue lle mou vement social/po litique est un handicap pour toutes les forces qui luttent contr e les privatisations . Si elle a pour fondement des insuffisances politiques, elle ne se résorbera pas par l’immob ilisme, ni par l’exclusion définitive du politique. Il faut en débattr e. Il faut auss i que des choses bougent à gauc he. Le PCF pour sa par t, notamment avec la Coor dination Antiprivatisations Pour une Alternat ive de Progrès, prend ses responsa bilités .
Il s’agit, à par tir d’une critique rad icale des options libérales et sociales-libérales, de formu ler et mettr e en débat dans les luttes des conce ptions alternat ives.
Se limiter à critiquer, éventue llement très fermement , les privatisations, sans mener la bata ille, avec des propositions , pour faire gagner l’idée qu’une autr e voie est possible, reviendrait à nourr ir le défaitisme, la résignation, avec le risque de récupérat ion par le social-libéra lisme.
Se contenter de « défendre le ser vice public », les acquis sociaux, sans éta blir clairement le besoin indissociable d’entr eprises publiques laissera it le champ à l’illusion que le ser vice public pourra it êtr e com patible avec des privatisations tota les ou par tielles.
En réalité, le secteur public n’est ni trop public, ni trop social ; il ne l’est pas assez
Il est à la fois trop état iste et trop dominé par les règles imposées par les marchés financ iers et acce ptées par l’Etat . Il n’est pas trop éten du, mais pas asse z, en regard des besoins de ser vice public et de res ponsa bilisation sociale des entr eprises pour un développement de tous les êtr es humains, sans élitisme ni exclusion. Il a en ce domaine un rôle moteur à jouer, pour toute la société, et notamment un rôle d’entra înement au tra vers de ses coo pérat ions avec le privé, pour faire progresser, au rythme des luttes , une mixité anticapitaliste à prédominance publique et sociale.
Et il faut prendre réso lument en com pte les défis de changement , notamment en France où le secteur public a une histoire, et des acquis par ticuliers ; ils concernent les con ditions du développement , les exigences nou velles de coo pérat ion, les besoins de financement . Au-delà, ils concernent le dépassement de l’état isme qui a auss i marqué les expériences de type soviétique. C’est pour quoi ce n’est pas pour une simple défense du secteur public et des ser vices publics qu’il s’agit de lutter, mais pour un nou veau type de secteur public, une nou velle conce ption des nationalisations.
Des changements très profonds sont nécessa ires au sein du secteur public actue l, pour une recon quête , pour lui ouvrir un nou veau champ, pour de nou velles missions du ser vice public. Cela concerne notamment :
une réor ientat ion des gest ions , avec de nou veaux critèr es,
de nou velles coo pérat ions , en France , en Europe, au niveau mond ial, pour un co-développement et non une guerr e économ ique,
des financements dégagés du mar ché financ ier, notamment à par tir d’une réforme des inst itut ions financières, un nou veau cré dit,
la con quête par les salariés, les usagers , les élus de droits d’informat ion et de pouvoirs sur les gest ions .
Cela concerne auss i le chantier de l’Europe, dans le conte xte de son élargissement , la lutte à mener pour de nou veaux tra ités , de nou velles orientat ions face aux directives de libéra lisat ion dont on ne peut se contenter de revendiquer l’application a minima, pour une reforme de la BCE.
Le capital divise et opp ose les peuples et les salariés entr e eux tout en préten dant répondr e à leurs besoins avec des politiques libéra les-populistes ou sociales-libérales.
En mettant en débat des pers pectives trans formatr ices , en les faisant vivre dans les luttes , une action politique rassemb leuse des commun istes peut êtr e un puissant levier de leur unité pour rés ister, mar quer des points , gagner, pour une nou velle construct ion à gauc he, émanc ipée du social-libéra lisme.