Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Déficit de l’Unedic et nouvelles menaces pour les chômeurs

Le Pare... un an après..

L’acc ord téléphonique donn é en octobre 2000 par Lione l Jospin à Ernest-Antoine Seilli ère, président du Medef, a abouti à l’agrément ministériel de la convention Unedic créant le Plan d’aide au retour à l’emploi (Pare), alors que des forces pluralistes, largement à notre initiative, menaient d’importantes bataill es contre ce projet, en proposant une réforme alternative de l’indemnisation du chômage et du retour à l’emploi. La capitulation du Premier ministre soulignait la dérive sociale-libérale du gouvernement de la gauche dite plurielle et allait renforcer la fracture avec les chômeurs et les plus défavorisés et contribuer au final à l’échec de Lione l Jospin aux présidentielles comme celui de toute la gauche.

Le PCF s’est ainsi retr ouvé accusé de faire le jeu du social-libéra lisme. Pour tant , c’est à l’initiative de Paul Boccara et Yves Dimicoli, qu’avait été lancé le 7 août 2000, avec d’autr es forces dans leur diversité, l’app el des 50 contr e le projet de con vention UNEDIC allait ensu ite recue illir 1 500 signatur es (1). RE EST T

1 an après la mise en place de la nou velle con vention créant le Pare, les com ptes de l’UNEDIC sont dans le rouge. L’accor d inter venu le 19 juin 2002 laisse entr evoir un nouveau durcissement des con ditions d’indemn isat ion des chômeurs , d’autant que le Medef annonce « des mesures plus difficiles » au cas où l’équilibre financ ier ne sera it pas rétab li fin 2002.

Avec le retour de la droite aux affaires, le Medef peut com pt er peser plus directement sur les choix du gouvernement . Il tente ainsi d’utiliser la montée des déficits de l’UNEDIC, auxquels le Pare et les gest ions patr onales organisant la fuite dans les licenc iements ont largement contr ibué, pour mener une nou velle offens ive contr e l’assurance -chômage.

Le retour des déficits : ses causes

  1. Le ralentissement économiqu e et la remontée du chômage. Malgré les prévisions optimistes encor e prodiguées par Laur ent Fabius fin 2001, apr ès une croissance annue lle moyenne de près de 3,6 % de 1998 à 2000, le taux de croissance du PIB est tombé à 1,8% en 2001 et n’atteindrait que 1,2% en 2002. Le retour à un taux de croissance de 2,7% en 2003 annoncé par le nou veau Premier ministre Jean-Pierr e Raffarin, apparaît peu probable.

  • La modérat ion du rythme de croissance des salaires, 2,7% prévus pour le salaire mensue l moyen en 2002, contr ibue à ralentir les rentrées de cotisations. Si le contenu de la croissance en emploi paraît s’êtr e amélioré lors de la légère reprise de 1998 à avril 2001, cette croissance est restée insuffisante et pauvre en salaires.

Cer tes , l’emploi salarié affilié à l’UNEDIC croît encor e de 1,1% en glissement en 2001 (+169 000 postes de tra vail) ; cependant, cette hausse ne sera pas suffisante pour permettr e au chômage de baisser. Pour 2003, on es père une croissance de l’emploi de 208 000 postes en moyenne annue lle (+1,7%), mais cette prévision est évidemment liée aux incer titudes sur la croissance elle-même . Il faut auss i souligner qu’au 1er trimestr e 2002, sur les 53 000 salariés supp lémenta ires affiliés à l’UNEDIC, 46 000 sont classés comme intér imaires dans les stat istiques de l’UNEDIC, cette énorme propor tion confirmant que l’emploi précaire est très nettement repar ti à la hausse après une légère acca lmie en 2000. Parallèlement , la croissance de l’emploi ne repose plus actue llement que sur le tertiaire, alors que les effect ifs de l’industr ie ne s’accr oissent plus depuis quatr e trimestr es, cette tendance semb lant s’amplifier au 1er trimestr e 2002 puisqu’ils baissent de 1%. Après le 1er trimestr e 2002, la croissance de l’emploi global sera it encor e moins soutenue .

Concernant le chômage lui-même , les sor ties pour reprise d’emploi ont sens iblement diminué, en raison du ralentissement de la conjonctur e. En 2002, la population potent iellement indemnisable est suscept ible d’augmenter de 55 000 personnes . Dès mai 2001, le taux de chômage, qui baissait depuis 1998 (de 12,3% à 8,7% en avril 2001), est remonté pour atte indre 9,1% actue llement , en liaison avec une cer taine augmentat ion de la population active et en raison de l’insuffisance de créat ions d’emplois non aidés. Les prévisions d’une baisse de 140 000 chômeurs DEFM1 en 2003 seront sans doute à réviser, car elles reposent sur l’hypothétique croissance de 2,7% du PIB.

La fracture avec les chômeurs

Ce retournement de conjonctur e va cont inuer de compromettr e l’équilibre de l’assurance -chômage. L’effet de ciseau x bien connu aboutit, dès 2002, à voir baisser les recettes , alors que les prestat ions à verser augmentent . Mais ceci est loin d’êtr e l’unique raison du déficit de l’UNEDIC.

Le Pare et le pillag e des excédents tendent à priver l’assurance-chômage de ressources

Les dépenses dans le s com ptes de l’Unedic. L’augmentat ion du nom bre des chômeurs depuis 2001 n’explique pas à elle seule le creusement du déficit. Cer tes , le verse ment des allocat ions liées au chômage et directement à la charge de l’UNEDIC augmentera it sens iblement en 2002, d’environ 2,7 milliards d’eur os. Mais, dans le même temps , cer taines dépenses d’indemnisation diminuent , notamment celles liés à l’ARPE, dispos itif suppr imé lors de la con vention de décem bre 2000 et dont seules perdurent les allocat ions des bénéficiaires élus avant cette date, si bien qu’entr e 2001 et 2002, c’est une économ ie d’environ 600 millions d’eur os qui sera réalisée. De même , l’extinction progress ive du dispos itif des con ventions de con vers ion permet une économ ie de l’ordre de 240 millions d’eur os en 2002. L’ana lyse des com ptes prévisionnels de l’UNEDIC fait ainsi apparaître un surcoût lié à l’indemnisation de l’ordre de 1,8 milliard d’eur os (11,8 milliards de francs ), à l’augmentat ion du nom bre des chômeurs , mais auss i pour une par t à la dispar ition de la dégress ivité pour les entrants dans le nou veau dispos itif d’allocat ion de retour à l’emploi (ARE) ainsi que le passage de 4 mois sur 18 au lieu de 4 mois sur 12 de la période de référence ouvrant droit à indemnisation. Ces mesur es accor dées lors de la nou velle con vention prétenda ient améliorer la situat ion des chômeurs et faire ainsi passer les contra intes du Pare. Sous cou ver t d’un retour soi-disant plus rap ide à l’emploi, celui-ci visait à faire acce pter par les chômeurs n’impor te quel emploi à n’impor te quel salaire en imposant finalement une diminution des prestat ions .

Le Pare contr ibue en réalité très largement au déficit prévu. Ainsi, le poste « Frais de gest ion, format ion et bilan du Pare » atte int-il 215 millions d’eur os en 2001, 702 en prévisions pour 2002 (4,6 milliards de francs ) et l’hypothèse retenue est-elle de 930 millions d’eur os en 2003 (6,1 milliards de francs )… Le coût du Pare dans les prévisions de l’UNEDIC atte indrait donc près de 29% du déficit de 2002 et 50% de celui de 2003. Si le Pare ne contr ibue pas à réinsér er les chômeurs dans de bonnes con ditions , il coûte cher à l’UNEDIC et il sera intér essant d’en conna ître les premiers bilans , afin d’évaluer le coût d’une réinser tion grâce à ce dispos itif. Le Medef affirmait en 2000 que les dépenses liées au Pare sera ient plus qu’amor ties par les économ ies qu’il devait permettr e (moins de chômeurs , indemnisés moins longtemps …) et, selon les prévisions de l’UNEDIC à fin 2000, le dispos itif aura it dû dégager un bénéfice cumu lé de 15 milliards de francs entr e 2001 et 2003 (2). Nous en sommes très loin… La straté gie qui cons istait à mettr e en place le Pare en 2000, profitant d’une améliorat ion tempora ire du marché du tra vail, préten dait accé lérer le retour à l’emploi, à partir de nou velles dispos itions de politiques, dites actives, de l’emploi. Le Medef pour faire passer son projet, a acce pté, au moins provisoirement , de faire sauter les mesur es de dégress ivité qui existaient pour l’allocat ion unique dégress ive (AUD) inst ituée en 1992. Cer tes , ces mesur es ont peut-êtr e amené la légère améliorat ion des ressour ces de cer tains chômeurs – on se s’en plaindra pas – mais cela n’a pas réglé au fond la nécess ité de voir augmenter la propor tion de chômeurs indemnisés par l’UNEDIC au titre de l’assurance -chômage elle-même , la durée et le montant d’indemnisation, comme de voir prises des mesur es de progrès pour un véritab le retour à l’emploi.

Les recette s de l’Unedic. Le Pare a organisé le pillage des excédents de l’UNEDIC. Sur les 100 milliards de francs d’excédents envisagés sur la période 2000-2003, la moitié a fondu dans la baisse des cotisations patr onales, baisse dont la dernière tranche était prévue pour juillet 2002. Tan dis que

20 milliards doivent êtr e reversés à l’État , en rembourse ment des sommes avancées pour faire face au déficit antérieur (acco rd de 1993). À cela s’ajoute une baisse de recettes en raison de la montée du chômage et du ralentissement des rentrées . Ainsi, les salariés et les chômeurs vont-ils devoir payer le coût du Pare.

Les mesures adoptées par l’accord du 19 juin 2002

L’accor d du 19 juin 2002 vise à rédu ire le déficit de 0,8 milliard d’eur os, afin de le faire passer de 3,2 milliards à 2,4 milliards. Pour 2003, le déficit de l’assurance -chômage sera it rédu it d’environ 0,5 milliard d’eur os, passant ainsi de 2,3 milliards à 1,85 milliard, mais ces prévisions restent largement hypothétiques.

Les mesures concernant les recettes sont les suivantes :

  • le repor t, du 1er juillet 2002 au 1er janvier 2003, d’une baisse des cotisations patr onales initialement programmée dans la con vention de 2000 ;

  • au contra ire, une majorat ion des taux de cotisations appliqués aux salaires bruts dès le 1er juillet 2002 (et en principe jus qu’à fin décem bre seulement) . Cette majoration de 0,2% au tota l se répar tit entr e 0,1% pour les cotisations des salariés et 0,1% pour les cotisations patr onales. Les taux dès maintenant applicables sont donc de 3,70% pour les cotisations patr onales et 2,10% pour les cotisations de salariés, tand is que les cotisations des interm ittents du spectac le doublent ;

  • le repor t à l’exercice 2003 du versement à l’État de 1,22 milliard d’eur os prévu lors de la con vention de décem bre 2000 et la deman de d’une « clarificat ion » des rappor ts entr e l’UNEDIC et l’État .

Les mesures visant le durcissement de l’indemnisation des chômeurs sont les suivan tes :

  • l’accr oissement du différé d’indemnisation de 7 à 8 jours du 1er juillet au 31 décem bre 2002 ainsi que l’accroissement du délai de car ence ;

  • la limitation du bénéfice de l’indemnisation du chômage pour les salariés âgés de 55 ans et plus à ceux qui just ifient d’une activité profess ionne lle de 25 ans . Il est avancé que pour favoriser le retour à l’emploi de ces catégories, on rétab lirait l’aide dégress ive à l’employeur ;

  • les allocat ions ne sont revalorisées que de 1,5% (au niveau de l’inflation), donc en retra it par rappor t à la revalorisation de 2,4% du SMIC déjà insuffisante ;

  • des press ions sur l’ANPE et une mise en cause du service public de l’emploi. Le Medef préten d que l’ANPE ne res pectera it pas ses engagements et qu’elle sera it peu efficace ; une évaluation du dispos itif est annoncée pour 2003, ainsi que des décisions concernant l’équilibre financier ;

  • en même temps , l’accor d du 19 juin évoque des menaces du durcissement du Pare ; la press ion du Medef s’exerce pour un retour à l’ancien texte, celui de du 1er projet de la con vention UNEDIC de 2000 ;

  • la menace d’un retour à la dégress ivité des allocations , l’annonce de nou velles économ ies sur le dos des chômeurs .

Contribution au développement des luttes pour une construction alternative au Pare

Le bilan du Pare montr e qu’au regard de son coût excess if, le dispos itif apparaît inefficace et engendre déjà un impor tant content ieux. Les format ions ne sont pas choisies par les intér essés , mais imposées , cour tes et utilitar istes , au détr iment de format ions plus longues et diplômantes . Cer tains chômeurs refusent alors de signer le Pare et le Projet d’action personna lisée (Pap) qui lui est lié, en arguant qu’ils ne sont que facultatifs, mais se voient sanct ionnés par la suppr ess ion des allocat ionschômage, directement appliquée par l’UNEDIC. Le Pare vise une contractua lisat ion individuelle entr e le chômeur et l'UNEDIC au détr iment de l’égalité des droits des chômeurs . Il a ainsi contr ibué à renforcer la montée des travailleurs pauvres et le dualisme entr e différentes caté gories de chômeurs .

Malgré des déclarat ions contra dictoires, notamment un arrêt du Conse il d’État du 11 juillet 2001 (3), pour de nombreux juristes (4) et dans la réalité vécue par les chômeurs , la signatur e du Pare et du projet d’action person nalisée (Pap) revêtent un caractèr e obligatoire. Dans la bata ille juridique qui a démarré , des premiers succès ont été rempor tés par les assoc iations de chômeurs , puisque la jurisprudence qui commence à s’éta blir tend à juger excess ives les prétent ions de l’UNEDIC par rappor t à ce que dit le Code du tra vail sur les sanct ions poss ibles à l’encontr e des chômeurs .

En raison du pillage des excédents de l’année 2000 et de l’insuffisance organisée de ses moyens de financement , l’UNEDIC se voit dans l’inca pacité de faire face à la nouvelle remontée du chômage depuis mai 2001, ainsi qu’aux obligations engagées par le Pare, faute d’avoir voulu rechercher une véritab le refonte du financement de l’assurance -chômage. L’accor d du 19 juin sera suivi, comme cela a déjà été annoncé , de mesur es plus rad icales pour tenter de résorber les déficits. Pour tant , com pte tenu des difficultés de la conjonctur e et de la poursu ite probable de l’augmentat ion du chômage, on voit mal comment l’équilibre des com ptes pourra it, dans l’imméd iat, se rétablir. Bien au contra ire, l’accé lérat ion des politiques déflationnistes qui préten dent relancer la croissance à par tir de la réduct ion des déficits publics et sociaux, des emplois publics et des prélèvements obligatoires contr ibuera à laminer les es poirs de retour à la croissance réelle. La remise en cause de la loi de modern isation sociale et l’annonce de la liber té retr ouvée pour les entr eprises de licenc ier aggraveront encor e la montée du chômage. Or, les com ptes de l’assurance -chômage sont imméd iatement sens ibles à la conjonctur e. ELLES POUR

LESLe Medef rejette la res ponsa bilité sur l’ANPE, qui sera it, selon lui, inefficace pour favoriser le retour à l’emploi. Du cou p, l’ANPE, accélère les rad iations afin de minor er le nom bre de chômeurs . Il faudrait, à l’inverse , en s’app uyant sur les reven dicat ions des syndicats , à l’ANPE même , mener des bata illes pour créer les emplois et les formations nécessa ires dans le service public de l’emploi, afin de mieux gérer les doss iers des chômeurs , pour organiser les format ions qui répondent véritab lement aux besoins des chômeurs , quant itat ivement et qualitativement , et pour obtenir les financements corres pondants . Mais évidemment , le Medef souha ite au contra ire la remise en cause du ser vice public de l’emploi, afin d’imposer une réforme qui donnera it plus de pouvoir à l’UNEDIC.

Pour inverser ces tendances , les luttes pour l’éta blissement de construct ions alternat ives apparaissent plus que jamais nécessa ires (5). Ÿ

  1. Cf. Issues, n° 57, 2001, Pour une refondation de progrès social de l’Unedic, de l’indemnisation du chômage et du retour à l’emploi », Actes du Forum du 30 septembre 2000 à la Sorbonne

  2. Cf., pour l’analyse des comptes prévisionnels de l’UNEDIC en 2000,

C. Mills (avec J. Caudron), Protection sociale. Économie et politique. Débats actuels et réformes, Montchrestien, 2001 chap. 6, p. 232.

  1. Cet arrêt estimait la signature du Pare obligatoire pour l’ouverture des droits à indemnisation des chômeurs, mais déclarait en même temps que la signature d’un Pap était facultative.

  2. Cf. notamment Gérard Lyon-Caen, « Un agrément, des désagréments », Droit social, n° spécial “ La nouvelle assurance-chômage ”, avril 2001, p. 377.

  3. Nous renvoyons au prochain numéro la réflexion sur des propositions d’initiatives pour une amélioration radicale de l’indemnisation du chômage et d’un véritable retour à l’emploi.