Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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SOLIDARITÉ ENTRE LES PEUPLES ET MOUVEMENT POPULAIRE POUR UNE SÉCURITÉ D’EMPLOI ET DE FORMATION

 

Pour une nouvelle alliance : Europe-Pays en développement et émergents

Le samedi 16 février, dans le cadre du « Forum pour un autre monde » sous l’égide du journal

l'Humanité avec BEUR FM et plusieurs organisations (voir page 37) s'est tenu un atelier sur le thème : « Que peut la politique, en liaison avec le mouvement social, face aux marchés financiers et aux multinationales », avec la participation de : Paul Boccara, économiste, Julio C. Gambina, président d’ATTAC Argentine, Maria Angel Martinez Castell professeur d’économie à l’Université de Barcelone, Bernard Sanders, de la revue allemande Socialismus, Nasser Mansouri Guilani, directeur du centre confédéral d’études économiques de la CGT et membre du Haut Conseil de la Coopération. Nous publions leur contribution à cet atelier ainsi qu'un compte rendu des interventions

Julio C. Gambina

Mon ami Paul Boccara conna ît bien la situat ion en Argentine. Il vous a donné une bonne image de la situat ion économ ique de notr e pays.

Le fait principal de la situat ion économ ique en Argentine c’est la par ticipation populaire. Paul Boccara a ment ionné que la consu ltat ion populaire a réun i 3 millions de votants . Cet élément a permis que des organisations populaires, syndicales, de producteurs , d’agriculteurs , de petites entr eprises, d’organisations de droits humains, ATTAC Argentine soient reçues par le Président actue l. Il ne reçoit, ou tout autr e Président, personne qui n’ait un pouvoir politique.

Le problème argentin c’est l’absence d’alternat ive politique face aux politiques économ iques qu’on appelle « néolibéra les » qui ont été menées ces 25 dernières années . Il n’y a pas de politique alternat ive parce qu’il y a eu un véritab le terr orisme d’Etat avec 30 000 disparus . Ensuite, il y a eu un terr orisme économ ique avec l’hyper inflation mais auss i une répr ess ion patr onale qui cont inue aujour d’hui. Les entr eprises qui dominent l’Argent ine sont nor d-amér icaines, es pagnoles, frança ises , alleman des, suédo ises mais auss i argentines. La terr eur d’Etat et la terr eur des entr eprises ont engendré une peur dans la société, une peur qui paralyse... et, au cours des 25 dernières années , il y a eu une véritab le impun ité pour les entr epreneurs . Et, à l’inverse de ce que beaucou p pensent , il n’y a pas moins d’Etat, il a une autr e fonct ion, il est au ser vice de l’accumu lation des profits, des richesses , des pouvoirs pour les grands groupes qui dominent .

C’est pour cela que le fait le plus impor tant est la mobilisation populaire qui contribue à la résolution des fractures du mouvement populaire. Jus qu’en décem bre 2001, les tra vailleurs au chômage lutta ient de leur côté , les travailleurs dans l’emploi du leur, les agriculteurs d’un autr e et les petits entr epreneurs d’un autr e encor e. En décem bre 2001, il y a eu une véritab le explosion et le dialogue a commencé dans la même langue, en regroupant l’ensem ble des revendications bien qu’elles soient différentes . Mais tous savent que la politique hégémon ique actue lle ne ser t qu’un groupe rédu it de bénéficiaires.

Pour me faire com prendre, la chute des dépôts du système financ ier argentin a été de 20 milliards de dollars en 2001, c’est un chiffre compara ble en ce qui concerne la baisse des réser ves de devises. Durant toute l’année 2001, les couc hes dominantes de l’économ ie argentine ont retiré l’argent des banques et l’ont fait sor tir d’Argent ine. C’est un processus qui s’est déroulé durant 25 ans dont le gouvernement avait conna issance . Cependant, il n’a jamais rien fait. Entr e le 27 et le 29 novembre 2001, les couc hes moyennes ont retiré mass ivement leurs dépôts des banques. C’est alors que le gouvernement argentin est inter venu en empêchant que les petits épargnants puissent retirer leur argent des banques. Quan d les grands spécu lateurs faisaient sor tir l’argent du pays, l’Etat n’a rien dit. Mais il est inter venu pour « défendre » le système financ ier au moment où les petits déposants ont voulu retirer leurs économ ies.

Ce système financ ier est à 51% dans des mains étran gères (banques nor d-amér icaines, es pagnoles, frança ises ). Pour défendre les banques transnat ionales, le système financ ier a des réser ves de l’ordre de 60 milliards de dollars mais l’argent des argentins à l’étran ger est de l’ordre de 100 milliards de dollars et cer taines étu des parlent même de 150 milliards de dollars . Il faut défendre le système financ ier argentin, mais il existe un système financ ier argentin à l’étran ger qui est supér ieur à celui d’Argent ine.

Existe-t-il une crise économiqu e en Argentine ou une manipula tion politique dans le cadre de l’accumula tion transnationale de capital ? L’Argent ine cont inue à produire des richesses . Elles par tent vers l’étran ger. c’est la nou velle forme de dépendance . Il cont inue à y avoir une production de richesses et une expropriation de plus-value mais cette plus-value n’est pas accumu lée pour le développement local, mais elle ser t pour augmenter la concentrat ion de capitaux dans les firmes transnat ionales.

Face à cette situat ion économ ique, les couc hes dominantes argentines ont proposé deux solutions : la dévaluation de la monna ie ou la dollarisation. Chacune des ces propositions est fonct ionne lle pour une par tie du capital. Le résu ltat est une dévaluation dont cer tains tirent bénéfices et dont d’autr es pâtissent . Deux exemples : les Argentins qui ont de l’argent à l’étran ger, 100 milliards de dollars , ont désorma is multiplié par deux leur pouvoir économ ique intérieur et ils peuvent accr oître leur patr imoine. C’est une bonne affaire. Les tra vailleurs dans l’emploi reçoivent, en moyenne , un salaire de 600 pesos . En décem bre 2001, cela représenta it 600 dollars , désorma is seulement 300 dollars . Personne llement , pour venir à cette rencontr e, j’ai changé 200 pesos contr e 100 dollars . Il y a un mois j’aura is eu 200 dollars . L’économ ie a gagné en « com pétitivité » contr e les salaires. Il y a donc eu une améliorat ion pour les capitaux spécu latifs et une détér iorat ion pour les tra vailleurs et l’économ ie intér ieur e.

Il y a eu cette dévaluation. Et il pourra it y avoir beaucou p d’inflation. Les banques, les entr eprises privatisées cont inuent à se battr e pour une dollarisation et ils s’app uient pour cela sur la press ion des gouvernements de leur pays d’origine dont le plus agress if est José Maria Aznar, le 1er ministre es pagnol, car les entr eprises es pagnoles sont très présentes . La première entr eprise est REPSOL. En septembr e 2001, elle a gagné pres que 2 milliards de dollars de bénéfice au niveau mond ial, dont 60% en Argentine.

Alors , y-a-t-il une crise économ ique en Argentine ? Je sais que c’est une quest ion piégée, mais comme le thème de notr e rencontr e est de savoir ce que la politique peut faire, il me semb le que c’est le fait le plus impor tant . Ce n’est pas une quest ion de chiffres mais de masses qui entr ent dans l’act ion. Je suis un des acteurs auteurs de la Sécur ité d’emploi et de format ion dont a parlé Paul Boccara , et , dans certains secteurs de gauc he, nous étions critiqués car c’était une proposition « très réformiste » comme la taxe Tobin. Nous avons répondu que l’impor tant n’est pas le caractèr e préten dument réformiste ou révolutionna ire de la proposition parce que même les augmentat ion des salaires peuvent êtr e cons idérées comme réformistes . Ce qui impor te, c’est le nom bre de celles et ceux qui entr ent dans l’act ion pour réclamer, exiger et obtenir des améliorat ions des con ditions de vie pour la majorité de la population. Si nous sommes capables d’engendrer cette action de masse pour trans former le pouvoir, le pouvoir économ ique, nous arr iverons à une action révolutionna ire.

Pour finir, comment peut-on faire depuis la France, l’Europe ou toute autre partie du monde ? En premier lieu, je veux vous remer cier pour la solidarité du peuple frança is qui s’est exprimé de plusieurs manières. Je pense qu’il faut cont inuer dans cette voie. Mais une des formes d’actions impor tantes est d’exiger du gouvernement frança is de jouer son rôle dans les organisations internat ionales, par exemple au FMI, présidé par un Alleman d. Nous savons que les Etats Unis dominent le FMI, mais quelle peut êtr e la voie alterna tive dans le FMI ? Quelqu’un pourra dire que c’est une utopie mais il faut développer ce type d’action au FMI, à l’ONU et dans tous les lieux où c’est poss ible. En mai 2002 aura lieu un sommet Europe-Amér ique Latine. Nous organiserons le sommet des peuples où il est norma l que nous protestions , mais où il sera it impor tant qu’un gouvernement de gauc he plurielle fasse press ion pour que le sommet propose des solutions alternat ives à ce que propose la politique hégémon ique trad itionne lle. Est-ce une uto pie ? c’est au moins une proposition de lutte en France pour contr ibuer à disputer l’hégémon ie du capitalisme global en encou rageant la lutte des peuples.

Il y a un point commun entr e l’Europe et l’Amér ique Latine, c’est la lutte contr e l’OMC, d’une par t, et contr e le tra ité de libre-échange de l’ALCA qui propose la même chose que l’OMC, d’autr e par t. Je pense qu’il faut ar ticuler ce que réclament les peuples eur opéens , l’annu lation de la dette , et que nous , en Amérique Latine, nous disons en fait : « il ne faut pas payer cette dette ». Ce n’est pas la même chose mais cela va dans le même sens . En ce qui concerne la taxe Tobin, lors du dern ier Forum social, ATTAC Argentine a proposé que les recettes de la taxe soient administrées par des organisations issues du mou vement populaire lui-même , par exemple le Forum social, avec un mécanisme déterm iné par les peuples. Nous avons consc ience que le produit de cette taxe ne peut provenir que des principales places financ ières. C’est une forme de rétr ibution face à des années d’exploitation capitaliste.