Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Epargne salariale : subir ou intervenir dans les gestions

La loi du 19 février 2001 a réformé l’épargne salariale, au-delà des effets d’annonce d’une nouvelle chance pour les salariés de développer leurs revenus à travers la valorisation d’un patrimoine mobilier il est nécessaire de mettre en perspective le processus de cette épargne et les enjeux pour les salariés de peser sur les critères de gestion et la stratégie des entreprises.

L’épargne salariale telle que définie par la loi de février 2001:

L’épargne salariale n’est pas nouvelle dans la législation frança ise, mais la loi de février 2001 élargit son cham p d’inter vention à l’ensem ble des entr eprises (grandes sociétés , PME PMI, petites entr eprises ), ainsi l’ass iette financ ière ser vant de base à l’épargne salariale se trouve-t-elle fortement renforcée.

De plus, la loi crée des nou velles poss ibilités de placement allongeant la durée de placement des fonds audelà de cinq ans , donc renforce la stabilité des fonds placés et permet des mou vements de capitaux sécur isés à long terme , mais pour qui ?

Tout d’abord, il con vient de rappe ler ce qui com pose l’épargne salariale.

Les sources de création de cette épargne :

Les sommes permettant d’alimenter l’épargne salariale sont de différents ordres :

La participation des salariés à l’expansion de l’entr eprise, cette dernière est légale et obligatoire dans les entr eprises de plus de 50 salariés, la formu le de calcul est définie par la loi.

Le placement de cette dernière est de cinq ans obligatoirement et par là même exonérée d’impôt sur le revenu ainsi que ses intérêts . Comme il s’agit d’une répar tition des bénéfices, ce revenu est exonéré de cot isat ions sociales. L’anc ienneté minimum requise pour bénéficier de la par ticipation est passée de 6 mois à 3 mois, ce qui élargit le nom bre de personnes pouvant bénéficier de cette répar tition des résu ltats .

L’intéress ement aux fruits de l’expansion de l’entr eprise, est prévu par la loi. Mais le contenu et la formu le de calcul sont contractue ls, c’est-à-dire négociés au sein de l’entr eprise entr e l’employeur et les salariés. Il n’y a pas de seuil de déclenc hement de l’intéressement , mais l’entr eprise doit com por ter au moins un salarié. Les mandata ires sociaux ne sont pas cons idérés comme des salariés. Pour bénéficier de l’intér essement le salarié doit avoir une ancienneté minimum de 3 mois dans l’entr eprise (cont re six mois avant) , ceci élargit le nom bre de personnes bénéficiaires de cette forme de rémunérat ion. L’intér essement est plafonné à 20% tota l des salaires bruts versés aux personnes concernées .

Les versements volontaires des salariés (et des mandata ires sociaux dans les entr eprises de moins de 100 personnes) , ainsi que les anciens salariés ayant quitté l’entr eprise à l’occasion d’un dépar t en préretra ite ou en retra ite peuvent effectuer des verse ments volonta ires à hauteur d’un montant qui ne peut excéder 25% de leur rémunérat ion ou de leur pension de retra ite ou allocat ion de préretra ite. Cette limite com prend les versements des primes d’intér essement .

Les PEE (plans d’épargne entr eprise) doivent com por ter une aide de l’entr eprise app or tée aux bénéficiaires par leur employeur en vue de faciliter la const itut ion à leur profit d’un por tefeuille collectif de valeurs mob ilières de placement . L’a bondement versé ne peut excé der le triple de la contr ibution du bénéficiaire, ni êtr e supér ieur à 2 300 eur os.

L’utilisation des fonds perçus au titre de l’épargne salariale :

Les sour ces pouvant êtr e à l’origine de l’épargne salariale développée ci-dessus sont placées dans différents plans dont cer tains sont créés par la loi de février 2001.

La mise en place de plans d’épargne a pour objectif de figer l’épargne issue de sommes affectées à la rémunéra tion du tra vail, voire à prélever sur celle-ci de façon volonta ire en es pérant un rappor t financ ier significatif.

  • Le PEE (Plan d’Epargne d’Entreprise), l’ar ticle L 443-1 du Code du Travail définit le PEE comme un système d’épargne collectif ouvrant aux salariés de l’entr eprise la faculté de par ticiper, avec l’aide de celle-ci, à la const itut ion d’un por tefeuille de valeurs mob ilières. Le PEE peut également êtr e mis en place dans le cadre d’un groupe de sociétés (PEG). Tous les salariés de l’entr eprise ou du groupe doivent pouvoir par ticiper au PEE ou PEG s’ils le désirent, l’ancienneté dans l’entr eprise doit êtr e supérieur e à 3 mois.

  • Le PEI (Plan d’Epargne Interentreprises), est créé par la nou velle loi, il s’agit d’un PEE mais visant à mettr e en place un plan d’épargne à un niveau supér ieur à l’entr eprise, soit entr e plusieurs entr eprises précisément dénommées , soit au niveau profess ionne l soit au niveau local, soit en com binant ces deux critèr es. Ce nou veau plan permet d’élargir la mise en place de l’épargne salariale à un ensem ble d’entr eprises d’un bassin d’emploi ou d’une branc he professionne lle.

  • Le PPESV et le PPESVI (Plan Partenarial d’Epargne Salariale Volontaire ou Interentreprises), il s’agit d’une épargne à moyen long terme dont, sauf dispos ition spéc ifique, les règles de fonct ionnement sont celles du PEE. L’invest issement dans le PPESV entra îne le bloca ge des sommes pen dant une durée fixe (minimum 10 ans) à com pter du premier versement (PPESV à terme fixe), ou une période minimale de dix ans à com pter du versement de chaque somme (PPESV à terme glissant ). Cette épargne est rallongée de cinq ans par rappor t aux types de placement ci-dessus , soit une épargne dont la longueur (une décenn ie) tend à s’apparenter à une épargne longue qui tend à se rappr oc her d’une logique du type « fonds de pension ».

Mais au-delà de ces out ils, il faut noter que la loi de février 2001 cherche à assoc ier les salariés à la croissance et la performance des entr eprises. Mais à tra vers des out ils par ticuliers . En effet les différentes sor tes d’épargne salariale doivent contr ibuer à la const itut ion d’un portefeuille de valeurs mob ilières sous forme de titres (act ions ou obligations) , notamment des entr eprises d’où les placements sont issus . Ainsi la par ticipation des salariés au capital de leur entr eprise est-elle indirecte selon le schéma suivant :

Les fonds communs de placements sont const itués par des organismes financ iers avec pour fonct ion de gérer des por tefeuilles de titres pour le com pte de clients , ainsi l’épargne salariale est-elle cons idérée collectivement comme un client et les titres acquis le sont selon les recomman dations de ces derniers .

L’épargne salariale représente une masse financ ière stab le, puisque placée à moyen long terme , et permet aux organismes financ iers de bénéficier de cette « manne » pour leur assu rer les placements de valeurs mob ilières qu’ils acquièrent dans le cadre de leur fonct ion.

Ainsi ceci laisse un es pace de mise en liquidité de fonds spécu latifs bien en cours aujour d’hui dans les milieux financ iers . L’élargissement de l’épargne salariale permet de renforcer encor e plus les moyens d’action des organismes financ iers tout en essa yant d’intégrer les salariés aux critèr es de gest ion financ iers des entr eprises.

De nouveaux droits pour intervenir dans les gestions :

Mais la gest ion est du ressor t des organismes financ iers dont ils sont rémunérés sous forme de droits d’entrée et de frais de gest ion perçus annue llement , cette épargne génèr e donc des revenus acquis pour les banques.

Cer tains syndicats ont décidé de mettr e en place une comm ission afin d’agréer les fonds de placement selon des critèr es sociaux, mais il me semb le qu’il faut dépasser le débat sur les seuls critèr es sociaux, même s’ils amènent une appr oc he plus

« éthique » des placements ils ne suffisent pas à eux même . En effet la recherche de la sécur ité financ ière des fonds et de la renta bilité de ceuxci peuvent con duire à caut ionner des gest ions régress ives con duisant à des effets contra ires aux buts recherchés par les salariés.

Une appr oche des gest ions d’entr eprises avec de nou veaux critèr es doit êtr e mise en place afin de financer des projets de développement ou de codéveloppement au niveau de branches, de filières ou de bass ins d’emplois. Les nou veaux out ils le permet tent au plan financ ier tand is que les lois votées au cours de l’année 2001 renforcent les moyens d’inter venir dans les gest ions d’entr eprises (rôle des élus des comités d’entr eprise à la place réser vée au personne l dans les organes dirigeants de l’entr eprise...).

Pour inter venir dans les gestions il convient que les salariés utilisent ces nouveaux moyens pour peser sur les décisions tant straté giques qu’opérationne lles.

La loi sur l’épargne salariale :

La loi sur l’épargne salariale prévoit des incitations à accr oître l’act ionnariat des salariés dans l’entr eprise et la représentat ion des salariés actionnaires et des salariés dans les organes de direction des entr eprises (con seils d’administrat ion ou conse ils de surveillance) .

Ainsi, lors de toute augmentat ion de capital, la loi oblige les sociétés à se prononcer sur une réso lution tendant à réaliser une augmentat ion de capital réser vée aux salariés dans le cadre du PEE ou du PPESV. Il s’agit d’une obligation dont la sanct ion est la nullité de la décision d’augmenta tion de capital.

Dans la foulée des dispos itions sont prévues pour inciter à la représenta tion des salariés actionna ires dans les conse ils d’administrat ion et de surveillance . Le co de de commer ce oblige les sociétés dont le capital est détenu à plus de 3% par les salariés de l’entr eprise à inscr ire une réso lution tendant à réser ver un ou plusieurs sièges d’administrateurs ou de membr es du conse il de sur veillance à l’ordre du jour de l’assem blée générale des actionna ires.

Pour effectuer leur mandat les administrateurs ou membr es du conse il de sur veillance ont droit dans les six mois suivant la prise de leurs fonct ions à un stage de format ion économique, financ ière et juridique d’une durée maximale de cinq jours .

Le même droit est accor dé aux salariés de l’entr eprise qui sont membr es du conse il de sur veillance d’un fonds commun de placement d’entr eprise.

La loi « Nouvelle Régulation Economiqu e » (NRE) :

Cette loi a réformé le mode de fonctionnement des sociétés à conse il d’administrat ion, mais en matière de droits des salariés la loi NRE a codifié des droits nou veaux d’informat ion et de consu ltat ion.

Ainsi, en matière de concentrat ion d’entr eprises le comité d’entr eprise doit êtr e informé , dans le cadre des OPA ou OPE. Le comité d’entr eprise doit êtr e réun i imméd iatement en cas de dépôt d’une offre publique d’achat ou d’échange. Lors de cette réun ion du com ité d’entr eprise, le com ité décide s’il souha ite enten dre l’auteur de l’offre.

L’auteur de l’offre doit adresser au comité d’entr eprise la note d’information éta blie en application de la réglementat ion. L’auteur de l’offre est tenu de répondr e à la deman de d’entr etien de la par t du comité d’entr eprise. Son refus entra îne l’annu lation des droits de vote acquis par l’offre publique, la levée de cette suspens ion s’opère après que l’auteur de l’offre ait été enten du par le comité d’entr eprise.

Le comité d’entr eprise peut se faire ass ister par un exper t pour étu dier l’offre publique dont fait l’objet l’entreprise ou le groupe.

Mais la loi NRE renforce également les informat ions qui doivent faire l’objet d’une inscr iption dans le rappor t de gest ion en matière de con ventions réglementées ou norma les entr e sociétés ayant des administrateurs communs , en matière de rémunéra tion des dirigeants .

Le comité d’entr eprise voit un certain nom bre de pr érogatives nouvelles s’ajouter à celles qu’il possè de déjà :

  • deman der en just ice la désignation d’un mandata ire chargé de

convoquer l’assem blée généra le en cas d’urgence ;

  • requérir l’inscr iption de projets de réso lution à l’ordre du jour des assem blées ;

  • envoyer deux de ses membr es à l’assem blée généra le. L’ar ticle L432-61 du Code du tra vail prévoit que ces par ticipants peuvent deman der à êtr e enten dus lors de toutes délibérat ions requérant l’unan imité des assoc iés.

Cette loi NRE permet donc de renforcer l’informat ion des salariés de l’entr eprise et donc de pouvoir se doter des moyens d’inter venir sur les actes de gest ion courantes de l’entr eprise comme en matière de straté gie de regroupement , concentrat ion et const itut ion d’ensem ble d’entr eprises. Le comité d’entr eprise peut ainsi élaborer des avis pouvant peser sur les choix de gest ion hors du seul cénac le des conse ils d’administrat ion ou directo ires, voire le monopo le des seuls mandata ires sociaux.

La loi de modernisation sociale :

La loi de modern isat ion sociale intr oduit de nou veau x droits des comités d’entr eprise en matière de licenc iements , elle permet une information consu ltat ion sur le projet de restructurat ion et de com press ion d’effectif et sur les moda lités d’application.

Elle permet un recours à l’exper t com ptable du comité pour étu dier le projet de restructurat ion ce qui permet au comité d’entr eprise de contes ter les motifs de la restructurat ion et élaborer des propositions alterna tives.

La loi intr oduit également des modalités nou velles en matière de prévention des licenc iements tant en matière de reclassements que format ion profess ionne lle (notamment en matière d’acquis profess ionne ls).

La loi oblige également l’entr eprise à l’origine du plan de restructurat ion visant à affecter le volume d’activité ou l’em ploi à informer imméd iatement l’entr eprise sous-traitante . Ainsi commence à prendre cor ps au sein de la législation la notion d’entr eprise élargie en matière sociale.

Ainsi l’ensem ble des lois abordées ci-dessus permettent de développer des es paces d’inter vention des salariés dans la gest ion des entr eprises à tra vers différents angles, soit le com ité d’entr eprise, soit en tant qu’actionna ires, soit à tra vers des formes de placements collectifs.

Mais pour inter venir efficacement , il con vient de se doter d’outils permettant de prendre en com pte l’ensemb le des éléments con duisant à l’élaborat ion de la straté gie de l’entr eprise sans subir la press ion de la pensée unique en matière de « con duite de la politique d’entr eprise ».

Les représentants des salariés ont besoin d’un format ion élaborée indépendamment des écoles de gest ion patr onale. Pour permettr e cette autonomie, il con vient de développer la recherche en matière de nou veaux critèr es de gest ion reposant sur le développement de la valeur ajoutée à tra vers un emploi qualifié.

La format ion profess ionne lle doit êtr e mise au ser vice du développement des emplois nou veaux néces saire à la créat ion de valeur ajoutée de production, inscr ite dans un plan à moyen et long terme et cons idéré comme un invest issement immatér iel. De plus, la performance de l’entr eprise doit êtr e jugée globalement dans le cadre de la mob ilisat ion de moyens et de savoirs faire au sein d’un collectif de production plus large que la seule entité. En effet la performance financ ière d’une entr eprise dépend trop souvent de sa capacité à rédu ire la marge de ses fourn isseurs , or c’est un développement de l’ensemb le du processus de créat ion de la valeur qu’il faut prendre en cons idérat ion.

Les lois intr oduisent de façon partielle la notion d’entr eprise élargie que l’on doit développer en rappr ochant les différents acteurs d’une filière ou d’un bass in d’emplois. Ÿ