Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Faire reculer l’extrême droite

L’analyse des votes par catégorie ou situation sociale, par âge et par région, semble indiquer que dans la montée du vote d’extrême droite à l’élection présidentielle et dans sa résistance aux élections législatives, la question de l’insécurité sociale ait été déterminante.

Dépasser les apparences

Les motivations invoquées pour le vote Le Pen – L'insécur ité (73 %), l'immigration (30%) – ont, cer tes , cristallisé ce vote, mais tout montr e que des raisons beaucou p plus profon des sont à la sour ce de ce com por tement électoral.

Ainsi, si le vote Le Pen ne tena it qu’à la seule insécur ité liée à la délinquance , il n'est pas douteu x qu’il aura it dû êtr e mass if parmi les électeurs les plus âgés. Or, si ces derniers ont voté à 16% pour le can didat du FN, ce sont les électeurs de la classe d'âge com prise entr e 50 et 65 ans qui ont le plus voté pour l'extrême droite (22%). C'est-à-dire les plus touchés par le chômage, par l'angoisse devant le risque de per te de leur emploi et les plus menacés à cour t terme par les réformes sur les retra ites . Ce sont eux auss i qui se sentent le plus désarmés face à une irrupt ion des nou velles techno logies tand is que l’élitisme accru des format ions leur fait vivre de la plus mauvaise façon l'arr ivée dans les entr eprises de classes juvéniles formées , diplômées et moins exigeantes en terme de salaire.

Par contr e, comme le souligne le sociologue Rober t Caste l: « il existe une nette corrélation entre une partie des votes Le Pen et le sentiment d'abandon existant dans une partie de la classe ouvrière qui renvoie, en réalité, à une dégradation générale de la condition ouvrière et salariale – en particulier à la désindustrialisation, mais aussi à la précarisation ».

De même le syndicaliste Emilio Gabaglio, secréta ire généra l de la Confédérat ion eur opéenne des syndicats souligne que le résu ltat du premier tour de l'élect ion présidentielle en France est « une preuve supplémentaire qu'il aurait fallu mettre à plat depuis longtemps la question de l'insécurité sociale en Europe ».

Qui a voté Le Pen ?

Les en qu ête s à l a so r tie des bureaux de vote mon trent sans ambiguïté le lie n avec la détre ss e sociale.

Cela s'est exprimé de multiples manières :

  • d'abord le vote d'extrême droite touche les caté gories qui ont le sent iment d’appar tenir à la population la plus défavorisée et dans une situat ion qui se détér iore. Plus de 30 % de ceux qui vivent avec cette perception ont voté Le Pen. Pratiquement le double de son scor e national ;

  • cela touche en premier lieu les chômeurs votants qui ont été , selon les enquêtes , de 30 à 38% à voter pour un can didat d'extrême droite. Là où la progress ion du chôma ge a été mass ive, comme en Franche Comté (+ 29% en un an), le vote Le Pen a explosé (+ de 5 points de 1995 à 2002). Le ralliement de L. Jos pin au Pare, qui culpabilise les chômeurs jus qu'à leur faire acce pter n'impor te quel emploi, et l'aggravation de la chasse aux chômeurs dans les Anpe (les rad iations administrat ives de chômeurs ont augmenté de près de 20% en un an) ont cer tainement contr ibué au vote d'extrême droite.

Parmi les salariés, la situat ion précaire a été un facteur déterm inant dans le vote Le Pen : ce sont les salariés en contrat à durée déterm inée (21 %) et plus encor e les intér imaires qui ont utilisé ce bulletin de vote.

Dans le vote des ouvriers pour Le Pen qui est évalué entr e 24 et 30 % selon les enquêtes , il sera it nécessa ire de voir son impor tance en fonct ion des régions, du type d’industr ie, du niveau de format ion et de la place de l’entr eprise vis-à-vis des grou pes dominants , de sa place dans la « chaîne de sous-traitance ».

Déjà, les enquêtes ont montré que le niveau de format ion initiale a été un facteur par ticulièrement sens ible. Puisqu 'on cons idère que 22% à 25% des salariés dont la format ion n'a pas dépassé le BEP ont eu recours au vote Le Pen. Alors qu’ils ne sont que 7 à 8% pour les diplômés de l'ense ignement supér ieur. Ce qui exprime le besoin d’un énorme effor t de format ion avec la sécur ité d’un bon revenu de formation.

Ce bascu lement des ouvriers les moins qualifiés dans ce vote est par ticulièrement repéra ble dans les régions touchées par la désindustr ialisat ion et les délocalisations avec les drames humains qui ont traumat isé des populations entières (Ardennes

+8%, Haute Saône + 9% de votes d’extrême droite, ,…).

Les politiques conduites depuis des année s favorisent une le peni sation des esp rits :

  • avec les privatisations et la mise en cause des ser vices publics qu'elles engendrent. L. Jos pin a privatisé plus que les gouvernements de droite ;

  • avec les baisses d'impôts et de cot isat ions sociales comme seule solution pour l’incitat ion à l'emploi ;

  • la préférence nationale pour les embauc hes et pour les mises au chômage déjà à l’œuvre dans la société actue lle (le tau x de chôma ge des immigrés est beaucou p plus impor tant) ;

  • le Pen a cana lisé auss i, de façon démagogique, la protestat ion qu'a pu susc iter la per te de repères essent iels engendrés par l'abandon du franc et le passa ge à l’eur o fiduciaire. Pour les populations vulnéra bles, celui-ci ne s'est pas du tout tradu it par une améliorat ion de leur situat ion, mais a, au contra ire, mar ché de pair avec la cra inte de la valse des étiquettes . C'est ce que semb le tradu ire notam ment la dernière enquête INSEE sur le mora l des ména ge. Le résu ltat du premier tour ne por te-t-il pas ainsi con damnat ion de la façon dont a été conçu l’eur o pour le marché financ ier, en développ ant une protestat ion nationaliste récupérab le par Le Pen.

  • Les solutions lepenistes visent à développ er rad icalement cer taines des mesur es utilisées dans les dernières années . Elles cherchent à canaliser de manière démagogique la protestat ion et les divisions sociales qu'elles engendrent pour les mettr e au ser vice d’un projet réact ionna ire.
  • Combattr e ce projet exige une critique rad icale des politiques socialeslibéra les.
  • Relever le défi de la sécurité d’emploi et de formation
  • Il existe donc une corré lation entr e une par tie des votes d’extrême droite et le sent iment d'abandon existant dans la classe ouvrière, notamment chez celles et ceux qui se sont sent is exclus dans la période de croissance . Alors que l'on a fait croire, à gauc he, que les problèmes d’emploi et les quest ions sociales avaient été réglés. Le chômage et la crainte d’y tomber avec la précar ité et le non accès à la format ion ont été les facteurs fondamentau x du vote d’extrême droite.
  • La responsabilité du patronat est acca blante dans cette situation avec ses choix de gestion qui sont au cœur du malais e salarial :
  • recours mass if à l'emploi précaire et à la flexibilité avec la tentat ive d’imposer aux salariés une véritab le « cultur e de l'aléato ire ». Alors qu’une sécur ité d’emploi et de format ion à constru ire aura it exigé une efficacité sociale des gest ions avec notamment un tout autr e rôle du secteur public plutôt que sa privatisation :

  • dévalorisation systémat ique des tra vailleurs qualifiés et entassement des non qualifiés dans des dispos itifs aidés par l’Etat à faible coût salarial ;

  • recours aux licenc iements comme variable d'ajustement pour mainten ir la renta bilité financ ière au lieu de rechercher la baisse des autr es coûts pesant sur les entr eprises en vue de promou voir une efficacité sociale ;

  • politique de sous-traitance qui a repor té sur les PME toutes les contra intes du marché financ ier et de la guerr e économ ique des grands groupes, provoquant auss i une aggravation de la situat ion des tra vailleurs de ces entr eprises. Jacques Chirac tente , aujour d'hui, de récupér er le mécontentement de ces salariés des PME pour les opp oser aux salariés des grandes entr eprises tout en recherchant à favoriser leur intégration aux objectifs patr onau x. Alors qu'il s'agirait d'abord d’amé liorer leurs con ditions salariales et de promou voir de nou veaux droits pour ces salariés. Il s’agit ainsi de créer de nouvelles con ditions de financement des PME, des mutua lisat ions et des coo pérat ions au lieu des mises en concurr ence et de la domination par les donneurs d'ordre.

  • Les politiques économiqu es et de l'emploi fondée s sur le soutien aux marchés financiers et sur la baiss e du coût salarial de l'emploi au cœur du consensus des politiques libérales et sociales-libérales ont aussi contribué au vote d’extrême droite avec :
  • les privatisations, le développement des marchés financ iers et la soumission à la BCE au lieu du développement d’un cré dit sélectif pour l’emploi et la format ion ;

  • le gâchis mass if des fonds publics de l'emploi, sans contrô le et sans évaluation de son efficacité. Alors que leur mob ilisat ion comme levier d’un cré dit sélectif des banques, pour un autr e financement des entr eprises, pourra it favoriser la créat ion d’emplois et l’essor des capacités humaines ;

  • la gest ion sociale du chômage qui a enfermé les populations les moins qualifiées dans l'alternance déses pérante entr e l'emploi précaire, les sousem plois aidés (CES, CEC, em plois jeunes ...) et le chômage au lieu d’une Sécur ité d’emploi ou de format ion ;

  • les sas de précar ité de plus en plus longs entr e la format ion initiale et l'entrée dans un emploi de moins en moins stab le. Alors qu’il éta it nécessa ire de développer l’incitat ion publique à la res ponsa bilité sociale des entr eprises sur l’em ploi des jeunes et le développement des terr itoires ;

  • l'incitat ion au recours à l'emploi à temps par tiel à l'origine de l'explosion des tra vailleurs pauvres. Alors qu’il aura it fallu faire monter un droit à un emploi à temps plein et au temps partiel choisi ;

  • le recours aux politiques de culpabilisat ion des chômeurs et les tenta tives de leur faire acce pter n'impor te quel emploi. Au lieu des incitations à ce retour par la format ion choisie et des aides sociales adaptées (aide au logement , transpor t, santé ...). Ÿ