Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Assurance maladie : ouvrir le débat pour des solutions alternatives aux projets réactionnaires du gouvernement

Comme pour les retraites, le gouvernement voudrait réformer l’assurance maladie. Encore une fois, il veut s’appuyer sur les choix sociaux-libéraux du gouvernement de L. Jospin.

Après avoir officialisé l’entrée des fonds de pension dans le système des retraites, il s’agirait pour l’assurance maladie d’introduire en grand les assurances privées dans le système de santé.

Mais, les résistances (retraite, intermittents du spectacle...) et les échecs (décentralisation en Corse), notamment renforcés par l’existence de solutions alternatives, qu’il rencontre pour mettre en œuvre de grandes réformes libérales, l’amène à rechercher sur ce dossier de la santé d’autres voies moins frontales, mais, pour l’heure, sans vouloir changer de cap. Cela constitue un nouveau défi pour toutes les forces de progrès que le PCF entend contribuer à relever en avançant dès aujourd’hui des pistes alternatives pour répondre aux difficultés réelles de l’assurance maladie.

C’est dans un moment où un fort mouvement social en France existe pour la défense des retraites, du service public de l’Education nationale, contre les lois de décentralisation Raffarin, que J. Chirac lors du congrès de la mutualité française annonce le chantier de l’assurance maladie.

Le Président de la République a dans un premier temps affirmé son soutien à la réforme des retraites engagées par J.-P. Raffarin et F. Fillon, puis annoncé la réforme de l’assurance maladie « indispensable à la qualité et à la pérennité de notre système de santé ». Tout en se montrant prudent : « Notre système de santé est bon. Il ne faut ni le bouleverser ni certainement pas en changer. Mais il est fragilisé par la dilution des responsabilités qui conduit notamment à la spirale des déficits ». Il s’est dit vouloir instituer « une architecture de responsabilités engageant tous les acteurs : assurés-sociaux, professionnels et établissements de santé, assurance maladie et opérateur de la couverture maladie complémentaire... L’assurance maladie complémentaire doit être mieux reconnue en devenant un acteur à part entière d’une vie conventionnelle renouvelée et élargie par l’instauration d’un véritable partenariat ».

Il est à noter l’ambiguïté du terme « assurance maladie complémentaire ». De qui parle-t-on, des mutuelles ou des assurances privées ?

Pour cette réforme J. Chirac donne du temps. « L’Etat et les acteurs du système de santé doivent engager le travail nécessaire à la mise en place au plus tard au terme des douze mois à venir. Il faudra plusieurs années pour que notre assurance maladie trouve un équilibre durable. »

J.-L. Mattéi a confirmé la réforme de l’assurance maladie à l’automne avec le projet de loi de finance de la Sécurité sociale : « Après avoir mis sur les rails à l’automne de l’an dernier la réforme de l’hôpital et celle du médicament, elles (les réformes) avancent régulièrement pas à pas, je souhaite conduire posément mais avec détermination une succession d’adaptation dans le temps sur la période de la législative ». Tout cela nous annonce sans doute des réformes à petit pas pouvant masquer les vrais enjeux et cherchant à éviter un débat de fond sur l’assurance maladie. Le gouvernement va essayer de ne pas recommencer les erreurs de ce printemps où deux réformes, qui se sont télescopées (décentralisation et retraites), ont amplifié l’explosion sociale. Face à ce nouveau projet du gouvernement, un vrai débat de fond doit avoir lieu car, s’ajoutant à la casse des services publics (éducation, EDF-GDF, hôpital) et au démantèlement de la protection sociale (retraite et maintenant assurance maladie), il s’agit d’un remodelage en profondeur de notre société pour ouvrir en grand, aux appétits des marchés financiers, des secteurs qui jusque là leur échappent en totalité ou en partie. Tout cela est conforme aux volontés de l’OMC avec l’AGCS visant à réduire l’éducation et la santé à des marchandises, aux politiques libérales de l’Europe qui n’ont de cesse de réduire les dépenses publiques et aux ambitions du MEDEF explicitées dans son projet de refondation sociale.

Deux projets de société s’affrontent

Une société qui apporte des réponses solidaires aux besoins fondamentaux des femmes et des hommes : éducation, santé, retraite, transport, eau énergie… ou une société où chacun individuellement trouve la réponse en fonction de ses possibilités financières.

Il faut mesurer la différence entre la démarche d’Ambroise Croizat, ministre communiste qui initiât la création de la sécurité sociale pour « faire face à tous les aléas de la vie... chacun contribuant selon ses moyens et recevant en fonction de ses besoins » et celle de J.-L. Mattéi qui estime qu’« il faut sortir du tout gratuit, les complémentaires pourraient proposer des couvertures variables selon la volonté des gens de s’assurer pour tel ou tel risque ».

Ce sont des projets qui touchent au plus profond de l’individu, de tous les hommes car s’attaquer à l’assurance maladie, c’est toucher à la santé, c’est-à-dire à la possibilité accrue d’être en bonne santé et de le demeurer (condition de vie-prévention) par l’accès de tous au meilleur soin.

Les formidables progrès des sciences et des techniques qui permettent de vieillir en bonne santé, d’allonger l’espérance de vie vont-ils être considérés comme une chance pour l’humanité ou une catastrophe économique ?

Face à la casse des solidarités dans des domaines les plus fondamentaux pour l’homme, la bataille contre la marchandisation de l’être humain prend tout son sens.

Ce choix ne doit pas faire l’économie d’un constat lucide sur l’état actuel de notre système de protection sociale qui possédait à sa naissance des caractéristiques tout à fait originales issues du programme du Conseil national de la résistance et qui restent toujours actuelles.

  • Une réponse solidaire aux besoins sociaux qui échappe, pour une part, aux lois du marché capitaliste de la concurrence grâce à un financement mutualisé à partir d’un prélèvement sur la valeur ajoutée des entreprises, fruit du travail salarié.

  • La gestion par les assurés eux-même avec l’élection des administrateurs sur listes syndicales. Pendant toute l’histoire de la Sécurité sociale cette question de la gestion par les représentants élus des salariés et de la place du patronat a fait l’objet de batailles acharnées.

  • Son principe d’universalité pour lequel Ambroise Croizat mena une bataille incessante et qui doit se prolonger encore aujourd’hui avec la remise en cause de la CMU et de l’AME. Si les résultats sanitaires de notre pays sont reconnus comme parmi les meilleurs au monde, cela s’explique, notamment par l’existence d’un système de soin performant dont le financement est largement socialisé avec un fort secteur public hospitalier et un secteur libéral dont les valeurs déontologiques convergent avec celles de solidaritéde la Sécurité sociale.

Mais le capital ne supporte pas que nombre d’activités liées à la santé ne soit pas soumises totalement aux critères de la rentabilité financière. S’appuyant sur les conséquences de la crise du capitalisme dans le domaine de la santé, il tente de mettre en cause les principes fondateurs de la Sécurité sociale.

La généralisation et la durée de la crise du capitalisme et les attaques incessantes qu’elle a subi depuis 25 ans ont eu des conséquences sur l’ensemble de la protection sociale qui est, elle même, en crise profonde.

Une crise d’efficacité

  • Une crise d’efficacité avec une prévention insuffisante qui est devenu le maillon faible du système de santé.

  • Un taux de remboursement des soins qui est devenu l’un des plus faibles en Europe.

  • Une crise hospitalière sans précédent avec le malaise des hospitaliers, la bureaucratie, l’asphyxie financière, la crise du recrutement, les restructurations...

Une crise de légitimité

  • Avec des assurés sociaux en prise avec une machine bureaucratique.

  • L’omniprésence de l’Etat au détriment des conseils d’administrations privés de pouvoirs.

  • L’absence d’élection des administrateurs.

  • Des conflits permanents entre toutes les catégories de professionnels de santé.

Une crise du financement

Le déficit de la sécurité sociale, qui atteint cette année 7,9 milliards d’euros, est le défi auquel le gouvernement prétend répondre pour engager sa réforme régressive. C’est sur cette crise que le gouvernement et le MEDEF s’appuient pour pousser, au nom de la réforme, les solutions libérales qui ont déjà commencé à gangrener le système. Pour cela, ils utilisent aussi les insuffisances du gouvernement précédent qui a refusé de remettre en cause le Plan Juppé (loi de financement de la Sécurité sociale) et ses choix fondés sur la seule maîtrise comptable des dépenses de santé.

Casser le système solidaire de santé

J.-L. Mattéi prétend qu’une large couverture des risques devient impossible et donc qu’il faudrait commencer à remettre en cause les principes de solidarité et de mutualisation au cœur du système de la sécurité sociale. Pour cela, il avance les idées suivantes : les dépenses de santé vont croître (allongement de l’espérance de vie et progrès des sciences), mais on ne peut plus tout rembourser. Il faut déterminer ce qui sera remboursé et ce qui sera à la charge des ménages.

Dans cette optique, le gouvernement avance pas à pas mais déterminé avec :

  • la réforme de l’hôpital avec hôpital 2007 (tarification à l’activité) ;
  • le déremboursement des médicaments ;
  • la loi de santé publique.

Mais c’est le Rapport Chadelat qui pousse le plus loin cette cohérence et donne, appuyé par toute une série d’autres rapports, la philosophie de la réforme.

Que propose le Rapport Chadelat ?

Il propose d’officialiser la notion de paniers de soins, c’est-à-dire la liste régulièrement révisable de ce que la Sécurité sociale continuera à prendre en charge avec l’assurance maladie obligatoire (AMO). A contrario, tout ce qui ne sera pas dans cette liste sera complètement abandonné à ce que le Rapport a appelé pudiquement l’assurance maladie complémentaire (AMC), c’est à dire, en clair, les mutuelles et les compagnies d’assurance qui se verront confier la totalité des remboursements de pans entiers du système de soin mais aussi la gestion des soins. Cela concernerait dans un premier temps, les soins dentaires et la prise en charge des lunettes, mais le rapport envisage ultérieurement le secteur des médicaments où les enjeux capitalistes sont considérables.

Quant à la procédure proposée de révision périodique du  « panier de soins », elle permettra très vite d’étendre le domaine réservé aux assureurs. Le rapport prévoit une aide pour aller un peu au-delà des bénéficiaires de la CMU pour accéder à l’AMC. Certains préconisent un crédit d’impôt.

Les assureurs répondent présents à cette offre. Ils se disent prêts à prendre en charge, dès le premier euro, les remboursements de certaines prestations, a expliqué Gérard de la Martinière, nouveau président de la fédération française des sociétés d’assurances. Ils réclament en outre de pouvoir participer à toutes les instances d’enregistrement, d’évaluation et de fixation des prix et d’avoir accès aux données de santé utiles et nécessaires des assurés.

Il va être décisif de porter à la connaissance de tous le mauvais coup qui se prépare mais la riposte doit aussi être porteuse d’un projet alternatif.

Les besoins sociaux mais aussi la possibilité de les satisfaire ne font que croître. Il faut beaucoup plus de Sécurité sociale. Une Sécurité sociale dont le champs doit s’étendre bien au delà de son domaine d’origine pour permettre à chaque individu de faire face aux besoins nouveaux liés à l’évolution de la société depuis l’autonomie de la jeunesse jusqu’à la dépendance des personnes âgées en passant par le besoin de formation tout au long de sa vie avec la construction d’un nouveau système de sécurité d’emploi et de formation.

Il ne s’agirait plus de partir de dépenses à réduire mais d’objectifs prioritaires à définir avec les moyens financiers et les pouvoirs nouveaux à promouvoir pour leur réalisation.

Cela concernerait :

  • Le développement la prévention et l’amélioration de l’accès aux soins en donnant à l’hôpital public les moyens dont il a besoin

  • La gratuité progressive des soins, avec dans un premier temps : la gratuité pour les personnes âgées dépendantes, les jeunes, les soins découlant de la prévention.

  • De même, il serait nécessaire que l’APA devienne une prestation Sécurité sociale, de développer une politique de prévention, d’améliorer le remboursement de tous les médicaments. La politique du médicament doit être revue dans son ensemble pour sortir le médicament du marché capitaliste et pour aller vers sa maîtrise publique et citoyenne de la recherche à la production.

  • Des mesures exceptionnelles pour l’hôpital (plus de démocratie et des moyens financiers) doivent être prises. Outre la suppression du secteur II, une politique vigoureuse de formation des personnels de santé doit être engagée.

Conquérir des droits nouveaux pour atteindre ces objectifs

Mettre en œuvre à tous les niveaux la démocratie sanitaire :

  • En remplaçant les ARH (Agences régionales de l’hospitalisation) par une nouvelle instance régionale de santé, plus démocratique ayant une double fonction : définir les besoins de santé et de soins de la population, répartir les crédits correspondant affectés par la Sécurité sociale et l’Etat.

  • Démocratiser la gestion de la Sécurité sociale en permettant aux assurés sociaux de se la réapproprier avec une réelle démocratie participative et en s’émancipant de la main mise de l’Etat.

  • Redonner une réelle légitimité aux syndicats, le patronat s’il revient dans les organismes de gestion, ne doit pas être en situation quasi majoritaire. Les associations de malades d’usagers, les professionnels de santé doivent avoir une place.

  • Ouvrir le débat sur le paritarisme.

  • Des pistes nouvelles pour une démocratisation de la gestion de l’assurance maladie et de la Sécurité sociale pourraient être ouvertes avec : l’élection au suffrage universel des administrateurs, celle de délégués Sécurité sociale dans les entreprises, les quartiers, les bassins d’emplois.

La nature solidaire du système doit être préservée par l’exclusion de tous les organismes de la Sécurité sociale des assureurs privés.

Se donner les moyens du financement

Ces propositions ont un coût mais elles sont un atout qui contribue à la valorisation des capacités humaines nécessaire pour relever le défi de la révolution informationnelle comme celui de la révolution démographique dans une société moderne. C’est donc en regard de telles exigences qu’il faut aborder les financements nécessaires.

Le choix d’un financement à partir de l’entreprise est un choix de société, celui de la responsabilisation sociale de celle-ci contre les choix de sa soumission aux exigences de rentabilité financière des marchés financiers. Une réforme des prélèvements sociaux sur les entreprises est nécessaire afin de favoriser l’efficacité sociale. Cela passe, notamment par une réforme des cotisations patronales ainsi que la suppression de la CSG.

Ces propositions ont pour but d’alimenter le débat national. Elles peuvent être utiles au développement des luttes sociales et à l’élaboration de perspectives politiques transformatrices de la société.

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