Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Les moyens d'action des comités d'entreprise pour l'emploi et la formation

Bien que le rôle des comités d'entreprise en matière économiqu e et professionne lle soit purement consultatif, leurs prérogatives légales peuvent contribuer à la défense de l'emploi et de la formation professionnelle.

En matière de restructuration et de lic enciement , le comité d'entreprise n'a certes pas de droit de veto. Mais, malgré les lois Raffarin , il peut agir en justice pour imposer certaines obligations à l'employeur, gagner du temps, obtenir des condamnations civil es et pénales. Les obligations de l'employeur en matière de formation professionne lle sont les seules qui, en outre, sont assorties de sanctions fiscal es, ce qui est particuli èrement efficace.

 

1.– Consultation sur la formation professionnelle

Le comité d'entr eprise doit donner son avis tous les ans sur l'exécut ion du plan de format ion du personne l de l'année précé dente et sur le projet de plan de format ion pour l'année à venir (1). Cette consu ltat ion doit faire l'objet de deux réun ions spéc ifiques du comité d'entr eprise, prévues dans un ordre du jour éta bli en accor d avec le secréta ire du comité ou, à défaut d'accor d, par le juge des référés .

La première réun ion doit avoir lieu avant le 16 novembre et la seconde réun ion avant la mise en oeuvre du plan de format ion de l'année à venir. Trois semaines avant la date de chaque réun ion, le chef d'entr eprise doit envoyer aux membr es du comité une dizaine de documents d'information (3) en vue de la discuss ion en séance .

L’em ployeur doit joindre les procès-verbaux des deux réun ions du comité à sa déclarat ion fiscale no 2483 relative à la par ticipation au développement de la format ion professionne lle cont inue souscr ite pour le 5 avril de chaque année et adressée à la recette des impôts . Norma lement le procès-verbal est rédigé et signé par le secréta ire élu du comité et lui seu l. Lors que l'entr eprise com prend plusieurs comités d'éta blissement , la direction doit fourn ir les procèsverbaux de chacun d'eux.

En l'absence de comité d'entr eprise, la production d'un procès-verbal de car ence est obligatoire.

Le montant de la par ticipation de l'entr eprise à la formation, sous différentes formes (4), est égal à 1,5 % au moins de la masse salariale de l'année en cours . Si l'employeur n'a pas remis à l'administrat ion fiscale les deux procès-verbaux de réun ions (ou le PV de carence) , il doit verser au fisc une majorat ion de 50 % de sa par ticipation, soit 0,75 % de la masse salariale. Cette majorat ion semb le êtr e effect ivement imposée par l'administrat ion.

Les élus du personne l ou les syndicats peuvent vérifier auprès de l'administrat ion que l'employeur a bien remis les procès-verbaux (5).

Outre les sanct ions fiscales , le comité d'entr eprise, ou un syndicat ou l'ins pecteur du tra vail peut provoquer des sanct ions corr ect ionne lles pour délit d'entra ve si les réun ions légales n'ont pas eu lieu.

 

2.– Information et consultation sur l'emploi et sur les licenciements

Le chef d'entr eprise doit fourn ir au comité d'entr eprise une série d'informat ions sur l'emploi dans l'entr eprise . Le rappor t annue l d'ensem ble doit décrire la sous-traitance en valeur et en volume. La situat ion de l'emploi doit êtr e commun iquée au comité chaque trimestr e dans les entr eprises de 300 salariés et plus, chaque semestr e dans les autr es entr eprises, avec une descr iption chiffrée par ticulière pour les emplois précaires (CDD, temps par tiel, travail tempora ire, salariés détac hés) (6). Un rappor t annue l subst itut if au comité d'entr eprise est obligatoire dans les entr eprises de moins de 300 salariés, si le comité existe évidemment .

Dans toutes les sociétés , le rappor t annue l aux actionnaires doit êtr e commun iqué au comité d'entr eprise. Depuis 2002, dans les sociétés cotées, ce rappor t doit notamment conten ir diverses informat ions sociales : embauc hes, licenciements , main-d'oeuvre extérieur e, format ion, sous-traitance , etc .

Mais c'est sur tout en matière de consu ltat ion avant une restructurat ion ou un licenc iement collect if pour motif économ ique que surgissent les principaux litiges. Et c'est sur les moda lités de cette consu ltation que le gouvernement et le Medef ont tenté de rédu ire les droits des comités d'entr eprise. Mais, malgré la loi du 3 janvier 2003 qui a « suspendu » cer taines dispos itions de la loi de modern isation sociale (7), les entr eprises doivent toujours consu lter le comité d'entr eprise sur le projet de licenc iements d'abord, et ensu ite sur le plan social (app elé désorma is plan de sauvegarde de l'emploi). Lors des grands licenc iements (plus de 9 salariés en 30 jours) le comité d'entr eprise peut se faire ass ister de son expert-com ptable , ce qui lui permet sou vent de faire des contr e-propositions et de les faire conna ître au personne l , le tout avec informat ion du Directeur dépar tementa l du tra vail .

La loi oblige toujours l'employeur à saisir « en temps utile » le comité d'entr eprise en cas de projet de com pression des effect ifs ; le comité peut faire des propositions et l'employeur doit lui faire une réponse motivée.

Très souvent les comités d'entr eprise se plaignent de l'insuffisance des informat ions données par l'employeur pour just ifier les licenc iements . En ce cas , ils refusent d'émettr e leur avis et deman dent au juge des référés de suspendre ou d'annuler la procé dure des licenc iements .

C'est ainsi que des juges ont suspendu la procé dure pour irrégularité de la convocat ion du comité d'entr eprise, mais auss i parce que le plan de sau vegarde de l'em ploi ne com por tait pas de just ificat ion économ ique, techn ique et financ ière suffisante ; ou se borna it à énumér er les mesur es légales ; ou ne précisait pas les mesur es de reclassement ; ou parce que ces mesur es étaient insuffisantes au sein du groupe ; etc .

Ou bien encor e les juges ont annulé la procé dure en raison de l’absence de rense ignements utiles quant aux raisons économ iques, financ ières ou techn iques du projet ; ou du caractèr e vague et sans référence vérifiable du plan de sauvegarde de l'emploi ; ou de l’inexistence ou l’insuffisance des propositions de reclassement ; ou de l’absence de démar ches auprès des sociétés du groupe.

Et selon la jurisprudence actue lle, la nullité des licenciements ouvre droit à des réintégrations ou, à défaut, à des indemnisations.

Ajoutons que le comité d'entr eprise peut déclenc her la procé dure d'alerte interne avec deman de d'explications à l'employeur sur des faits préoccu pants et il peut saisir le conse il d'administrat ion ou de sur veillance de la société. Il peut alors se faire ass ister par l'exper t-com ptable. Il peut réclamer des documents , au beso in devant le juge des référés .

Enfin le comité d'entr eprise peut s'adresser directement aux actionna ires, les quels ne sont pas toujours au courant de la situat ion de l'emploi dans l'entr eprise. Il peut ainsi leur envoyer des obser vations ; ou deman der l'inscr iption de projets de réso lutions à l'ordre du jour de la prochaine assem blée généra le ; ou deman der la con vocat ion d'une assem blée généra le extraor dinaire des actionna ires ; ou envoyer deux délégués du comité à l'assem blée généra le. Telles sont , brièvement résumés , quelques uns des moyens d'action des comités d'entr eprise dans le domaine de l'emploi et de la format ion... à con dition, bien entendu, que le comité existe (8) et qu'il soit dynamique.

Mais de nou veaux dangers planent sur ces attr ibutions. Sous le noble prétexte de simplifier le droit, le gouvernement Raffarin veut casser l'ordre public social et a nommé une comm ission pour flexibiliser encor e plus l'emploi (9). Et para llèlement ses amis ont déposé une proposition de loi mettant des bâtons dans les roues aux ins pecteurs du tra vail, trop gênants pour le patr onat (10).

  1. Art. L. 933-1 et s. Code du travail ; cf M. Cohen, « Le droit des comités d'entreprise et des comités de groupe »,

  2. LGDJ, 7ème éd., p.590.Art. 40-6 de l'accord national interprofessionnel étendu du 3 juil. 1991 modifié en 1994.

  3. dont la liste est fixée par l'article D. 932-1 du Code du travail

  4. Cf ouv. précité, page 592.

  5. En vertu de la loi de 1978 sur l'accès aux documents administratifs.

  6. Art L. 432-4-1 du Code du travail (cf ouv. précité page 506).

  7. Voir ouv. précité, tableau 23 page 671.

  8. 43 % des établissements assujettis n'ont pas de C.E. (cf ouv. préc. page 79)

  9. « Mission »présidée par M. de Virville, DRH du groupe Renault (cf éditorial RPDS nov.2003).

  10. Proposition n°914 de M. Novelli et 81 autres députés UMP, déposée à l'Assemblée nationale le 13 juin 2003.

 

Par Cohen Maurice , le 01 décembre 2003

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