Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Parti socialiste : ambiguïtés et contradictions sur les retraites

Les hésitations du parti socialiste pour présenter ses propositions sur les retraites révèlent la contradiction entre les exigences de prendre en compte la force du mouvement populaire contre le projet gouvernemental et le refus de rompre par une nouvelle construction avec ses choix sociaux-libéraux, choix que le congrès de Dijon a, en définitive et malgré les précautions de langage, confirmé.

En effet, si le par ti socialiste se fait incisif contr e le pr ojet Raffarin-Fillon et contr e la dr oite jus qu’à deman der le retra it du projet gouvernementa l, il est bien plus flou et contra dictoire sur ses points de désaccor d réel et sur tout sur ses alternat ives.

Propositions sur les retraites : du flou et des ambiguïtés

Ainsi, dans son discours de conc lusion du congrès de Dijon , Franço i s  Hollan de a décliné les tr ois r efus ma jeurs d u PS motivant leur rejet d u pr ojet d u gouvernement sur les retra ites :

Le pr e mi er refus concernera it la durée de cotisation : «la demande aux salariés de travailler plus pour gagner moins, l’all o n g e m e n t programm é de la durée de cotisation  40 , 41, 42 ans et davan tage». ( 1 )

Mais, d ans l e même temps , il ne remet en cause ni les engagements de Lionel Jos pin pris à Barcelone (2) de retar der de 5 ans l’age moyen de dépar t à la retra ite, ni la prise de position de ce dernier pour un alignement de la durée de cotisation pour les salariés du public sur celui du privé.

Dans ces con ditions , comment le PS se positionne-t-il aujour d’hui sur la durée de cotisations ?

Il annonce , dans la déclarat ion commune PS VertsPRG (3), du 25 mai dernier, son intent ion de revenir sur la réforme Balladur-Veil de 1993. Mais il n’évoque que les points qui concernent l’indexation des retra ites et la période de référence ser vant de base au calcul du montant de la retra ite. Cela ne signifie-t-il pas qu’il n’enten d pas abroger la principale mesur e Balladur-Veil, celle de prolonger à 40 ans le temps de cotisation pour les salariés du privé ?

Cette position n’est-elle pas confirmée dans cette déclarat ion commune qui propose d’« unifier progressive ment tous les régimes de retraite pour assurer l’égalité entre tous les salariés ». Le choix d’aller vers un allongement à 40 ans pour le public et au delà pour tous ultérieur ement n’est pas exclu puisqu’ils ajoutent qu’ils « refusent la logique prônée par le gouvernement qui utilise comme seule variable l’allongement de la durée de cotisation » ; ce qui signifie que cet allongement pourra it êtr e envisagé s’il était com biné avec d’autr es variables.

Concernant les autr es dispos itifs d e l a réforme Balladur-Veil que le par ti socialiste contestera i t , l à auss i l e flou et l’am biguïté dominent : ainsi, dans l a d éc larat ion commune , l’i nd exat ion d es retra ites ( sur les salaires ou sur les prix ) comme l a p ér io d e d e référ e nce p our l e ca lcu l d es p ens ions sera ient  « renégociés ». Il n’y a d onc p as  d’engagement clair ni sur un retour à une indexation sur les salaires, qui fonde pour tant la solidarité intergénérat ionne lle entr e les actifs et les retra ités , ni sur celui du calcul des pensions sur les dix meilleur es années .

Le par ti socialiste n’affirme donc pas clairement un choix fondé sur des références de progrès social.

Son second refus concerne le fait que « le projet ignore la pénibilité des métiers, les différences dans ses espérances de vie, les temps de formation, la situation très inégalitaire des femmes » (4).

Ces inégalités se sont fortement aggravées avec la montée en charge de la réforme Balladur-Veil. Mais le PS n’a jamais proposé d’en sor tir jus qu’alors . Et aujour d’hui, sur tout , aucune mesur e n’est avancée pour y répondr e concrète ment . De plus, le PS souha ite s’engager dans « ’élaboration d’un programm e commun de tous les partis socialistes européen s pour les futures élections au parlement de Strasbourg » (5). On peut craindre alors que la prise en com pte nécessa ire de ces inégalités ne vise qu’à app or ter des corr ectifs à des mesur es généra les régress ives s’inscr ivant, notamment dans les recomman dations des inst itutions politiques et monéta ires eur opéennes . Ainsi la Commission européenne a-t-elle mis en garde, le 22 mai dernier, cer tains pays dont la France où « les gouvernements doivent éviter d’augmenter la pression fiscale notamment sur le travail, et donner la priorité à une réduction des dépenses liées à l’âge en réformant les systèmes de retraite et de santé (6) ».

Entre l’emploi et les marchés financiers : quel choix du PS ?

Le troisième volet du refus du PS concerne le financement de la réforme du gouvernement qui ne sera it pas assuré . Les hypothèses retenues par le plan Fillon, selon le PS, « supposent une diminution de moitié du chômage d’ici 2007, alors que le nombre de demandeurs d’emploi progresse et que la croissance est bradée... Dès lors, faute de ressources, les régimes de répartition seront progressive ment affaiblis et vidés, ce qui laissera cours aux formules d’épargne individuelle et aux fonds de pension, surtout si des avantages fiscaux sont accordés pour les encourager » (7).

On ne pourra it que par tager cette dénonc iation du piège tendu à tous les salariés. Mais comment ne pas voir que la politique du gouvernement Jos pin, dominée par le dogme social-libéra l du sout ien aux marchés et la politique actue lle de la BCE, por taient les mêmes risques . Cette politique a contr ibué à fragiliser et à précar iser la croissance . Elle a amor cé des solutions con vergentes à celles du gouvernement Raffarin avec la promot ion de l’épargne salariale, préludant les fonds de pension, et son orientat ion vers les marchés financ iers au détr iment des salaires et des prélèvements sociaux.

Ainsi de 1997 à 2001, la politique économ ique centrée notamment sur les exonérat ions de charges sociales sur les bas salaires a favorisé la précar ité et la faible qualification des emplois, mis un cadenas sur les salaires en lien avec la réduct ion du temps de tra vail et développé en priorité les marchés financ iers . Elle a , d e fait, fr e iné une exp ans ion b ien plus impor tante de la base sa lar i a l e cot isante ren due poss ible par la con jonctur e favora ble de cette période.

Ce sursaut de la croissance q ui a favor isé momentanément la créat ions d’em p loi a p u masquer l a p or tée régress ive de ces choix. Les d ifficu ltés ont commencé à se révéler en premier lieu sur le front de l’emploi (8) dès le milieu de l’année 2001 q uan d l a cr oissance eur o p éenne a commencé à s’infléc hir. Dès lors , q uan d F. Hollan de déclare à Dijon que « l’emploi dans un système de répartition, c’est la clé de tout » (9) cela ne fait pas le com pte et ne dit pas, notamment comment agir de façon efficace pour l’emploi.

Ainsi, le gouvernement Jos pin, faute de se dégager de la press ion des idées social-libérales, a tenté de conc ilier le développement de l’emploi avec la promot ion et le développement des marchés financ iers sans mettr e en cause le rôle de la BCE ou rechercher un autr e cré dit pour l’emploi ou la format ion. Il a ainsi fragilisé et cont inué de saper la base de la répar tition.

Pour cela il n’a eu de cesse d’orienter l’épargne et les ressour ces financ ières dispon ibles vers ces marchés en multipliant les réformes ou les choix pour confor ter cette orientat ion :

  • loi sur l’épargne salariale (10), avec des mesur es fiscales la favorisant au détr iment des salaires et de l’épargne populaire.
  • privatisations d’entr eprises publiques,
  • privatisations d’inst itut ions banca ires publiques et semi publiques et alignement de leur gest ion sur les critèr es des marchés financ iers et de la BCE.
  • abaissement des coûts salariaux et des prélèvements sur les entr eprises, notamment des cot isations sociales patr onales. L’object if est de dégager des ressour ces financières mass ives pour les placements financ iers ou les opérat ions de fusion-acquisitions. Ces dernières ont ainsi mob ilisé plus de 700 milliards de francs par an dans les années 1997-2000 en France , un recor d histor ique.
  • la mise en place du fonds de réser ve pour les retra ites alimenté , notamment par les recettes des privatisations et dont les ressour ces seront placées sur les marchés financ iers .

Tous ces choix ont renforcé la domination des marchés financ iers sur les entr eprises pour abaisser les coût salariaux, précar iser et flexibiliser l’emploi, rédu ire les dépenses de développement des capacités humaines. Cela a miné l’emploi qualifié, sécur isé et bien rémunéré . La base de cotisation à la protect ion sociale a ainsi été limitée. Cela a empêché de rendre la croissance , elle même, moins précaire et ainsi de mieux résister au retournement de la conjonctur e mond iale et eur opéenne qui a suivi.

Ainsi, l’affirmat ion d’une priorité à l’em ploi n’est pas suffisante , c’est sa sécur isat ion, sa qualification avec la formaton qu’il faut promou voir. C’est toute la cohérence de la politique économ ique, budgétaire, monéta ire et du cré dit, qu’il s’agit de mettr e au ser vice d’une sécur isation de l’emploi et de la format ion contr e les choix contra dictoires qui tentent de conc ilier emploi et développement des marchés financ iers .

Insuffisances notoires et contradictions des propositions sur le financement.

conforter la répartition ou favoriser la capitalisation?

Enfin, les options de financement des retra ites du par ti soc ialiste doivent auss i êtr e inter pellées . A Dijon, F. Hollande a deman dé un effor t de tous : « des actifs comme des inactifs, des ménages comme des entreprises, des revenus du travail comm e du capital » (1l). Si le PS semb le faire échos à l’exigence , por tée par le PCF, notamment , de faire contr ibuer réellement les revenus de la finance , c’est d’autr e chose qu’il s’agit puisque les profits financ iers des entr eprises ne seront pas touchés par ses propositions..

En effet, il propose :

  • d’augmenter les cotisations sociales pour les régimes de répar tition (12),
  • d’augmenter la CSG (13),
  • d’affecter une par tie de la CSG et « une ressour ce tirée de la richesse produite (14) » au Fonds de réser ve pour les retra ites .

Avec la contr ibution sociale généra lisée (CSG) on préten d mettr e à contr ibution tout le monde , mais en réalité, elle pèse mass ivement sur les salariés, les chômeurs , les retra ités .

Cela va accr oître les inégalités , les contr ibutions des salariés et des plus fragiles et encor e rédu ire la par t consa crée aux dépenses sociales prélevée sur les profits des entr eprises.

Ce choix exigé par les marchés financ iers et les capitalistes pour mainten ir leurs prélèvements mass ifs sur les entr eprises, va auss i accentuer la tendance à la fiscalisation des dépenses de la protect ion sociale, comme le montr e ce recours à la CSG. Mais, sous la press ion à la baisse des dépenses publiques et sociales réclamée à cor et à cri par la BCE et les inst itut ions eur opéennes , c’est auss i l’engrenage vers une privatisation du système de retra ite qui sera it à terme engagé.

Par ailleurs , le PS propose de verser une par tie des recettes supp lémenta ires de la CSG et celles tirées du prélèvement sur la richesse produite dans le fonds de réser ve pour les retra ites (15).

Aujour d’hui les réser ves financ ières cumu lées de ce fon ds de réser ve s’élèvent à 13 milliards d’eur os. Mais  L. Jospin s’éta it fixé l’objectif de 150 milliards d’eur os en 2020 à placer sur les marchés financ iers en atten dant de faire face aux besoins de financement liés aux évolutions démo graph iques . Outr e que 90% des ces 150 milliards d’eur os sont encor e à prélever, ces ressour ces sera ient sous la dépendance des incer titudes de la Bourse . De plus, ce sont autant de ressour ces financ ières qui pourra ient êtr e or ientées vers le développ ement des ca pacités humaines et des investissements créateurs d’emplois. Elles aura ient pu renforcer la base du système de répar tition, mais elles seront stér ilisées dans la finance .

Enfin cette option tourne le dos à une modification de la gestion des entr eprises vers le développement des hommes et aggrave sa « contam ination » par la finance .

D’où l’enjeu d’une réforme alternat ive de la cotisation retra ite, comme nous le proposons avec une réforme de l’assiette de la cot isation sociale patr onale visant un essor des prélèvements à par tir d’une modu lation des taux de cotisations. Ceux-ci sera ient abaissés pour les entr eprises qui accr oissent l’emploi, les salaires et la format ion et ils sera ient relevés pour celles qui cherchent à les abaisser dans la valeur ajoutée « globale », c’est à dire y com pris leurs revenus financiers

  1. F. Hollande. Discours de clôture du congrès du PS de Dijon.

  2. Dans les Conclusions du sommet de Barcelone de Mars 2002 signées par J.Chirac et L.Jospin la recommandation suivante : « chercher d’ici 2010 à augmenter progressivement d’environ 5 ans l’âge moyen et effectif auquel cesse, dans l’union européenne, l’activité professionnelle ».

  3. Appel commun PS-Verts-PRG pour le retrait du plan Fillon. AFP du 26/05/03.

  4. F. Hollande. Discours de clôture du congrès du PS de Dijon.

  5. F. Hollande. Discours de clôture du congrès du PS de Dijon.

  6. Bruxelles réclame des réformes de fond pour maîtriser les déficits. AFP 22/05/03.

  7. F. Hollande. Discours de clôture du congrès du PS de Dijon.

  8. Après un recul constant du chômage depuis 1997, celui-ci repart à la hausse avec une progression de 100 000 demandeurs d’emploi entre juillet 2001 et décembre 2001.

  9. F. Hollande. Discours de clôture du congrès du PS de Dijon.

  10. S’il n’existe pas formellement, aujourd’hui d’épargne retraite (autre nom des fonds de pension) bénéficiant d’exonérations fiscales, ouverte aux salariés, le Plan Partenarial d’Epargne Salariale Volontaire, mis en place par le gouvernement Jospin, et dont la durée d’épargne est actuellement limitée à 10 ans constitue une étape vers une épargne-retraite. Ce plan peut être alimenté par des versements des salariés et des abondements des employeurs (plafond de 30 000 F par an) bénéficiant de fortes incitations fiscales et sociales : exonérations sociales sur l’ensemble des versements sauf CSG et CRDS. Exonération fiscale entière jusqu’à 15 000 F et prélèvement forfaitaire de 8 % sur les abondements patronaux pour la part comprise entre 15 000 F et 30 000 F. En effet, ces incitations favorisent l’abondement du plan d’épargne contre les salaires, sapant la base cotisante à la retraite. Ce qui ne peut que réduire le montant de la retraite future et inciter à épargner pour tenter de compenser ce manque à gagner.

  11. F. Hollande. Discours de clôture du congrès du PS de Dijon.

  12. Le PS considère-t-il que les cotisations sociales patronales peuvent être un moteur du développement économique ou persiste-t-il à penser que ce sont des «charges» qui ne sont qu’un coût à réduire ?

  13. F.Hollande : “ Il faut augmenter les cotisations et notamment la CSG dont un point de hausse équivaut à deux années supplémentaires de cotisations ”. AFP : 19/05/03.

  14. S’agit-il d’une ressource nouvelle ou d’une pérennisation d’un prélèvement comme la CRDS (0,5% des revenus) arrivant à terme en 2013 ou encore d’un reversement des cotisations retraites conditionné par une baisse du chômage, mais qui pourrait aussi compromettre toute amélioration nécessaire des prestations chômage ?

  15. Le fonds de réserve pour les retraites est alimenté aussi par les privatisations, des prélèvements de nature fiscale et les produits des licences UMTS ( qui se sont effondrés) et les excédents de la caisse nationale d’assurance vieillesse et du FSV. Ces excédents pourraient, sans doute, trouver œuvre plus utile ailleurs pour répondre à des urgences sociales comme celles touchant les très petites retraites notamment.

 

 

Par Morin Alain, le 31 March 2003

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