Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Faut-il introduire une « dose de capitalisation » dans le système des retraites en France ?

L'introduction de la capitalisation s'effectuerait en réalité au prix de la réduction des moyens de financement des retraites obligatoires par répartition, en particulier les régimes complémentaires. Or, ce sont les régimes qui contribuent à assurer aux retraités un taux de remplacement favorable. La capitalisation aggraverait ainsi la crise du financement des retraites par répartition.

La capitalisation implique d’énormes réserves financières. Un régime par capitalisation est ainsi beaucoup plus coûteux en prélèvements qu’un régime par répartition. On peut calculer que pour la montée en charge d’un système par capitalisation, les prélèvements doivent être 3 fois plus importants pour assurer un même niveau de retraite que la répartition. Il y aurait donc des prestations réduites et des prélèvements très lourds, de fait une réduction du pouvoir d'achat des salariés et des retraités, au lieu d'une amélioration comme on le prétend. Cette réduction du pouvoir d'achat des salariés et des retraités déprimerait encore la demande effective, jouerait contre l'emploi et la productivité du travail.

Le rendement des retraites par capitalisation exige des taux d'intérêt réels élevés. Ceci est contradictoire avec un bon fonctionnement de l'économie ; dans une logique keynésienne, ce qui incite un entrepreneur à investir, c'est la comparaison entre l'efficacité marginale du capital et le taux d'intérêt; en d'autres termes, si ces derniers sont lourds, il est plus avantageux en court termes de placer son capital sur les marchés financiers plutôt que de l’investir dans une activité directement productive.

La capitalisation favorise (engendre même) le phénomène de bulle financière ce qui est amplement démontré aujourd'hui avec les fonds de pension américains donc des risques de krach boursier. Cette enflure financière élargit le fossé entre sphère financière et sphère réelle et contribue à limiter la croissance réelle en déprimant l’incitation à investir dans la production.

Derrière la logique de capitalisation, on fait resurgir le dogme de l'épargne qui fit l'objet dans les années 30 d’un débat fameux entre Keynes et Hayek. Dans la conception néo-classique traditionnelle, l’épargne longue ne peut être en excès, elle finance les inves-

tissements, puis les emplois et, à terme, les retraites par capitalisation. Keynes a montré que ce dogme de l’épargne va de pair avec la dépression de la demande effective, de l’incitation à investir. Ce qui tend finalement à "casser" la croissance réelle. Cette critique reste d'actualité : le dogme de l'épargne que l’on tend à renforcer aujourd'hui se conjugue avec celui de la déflation des salaires, des dépenses sociales et de l'ensemble des dépenses publiques. On tend ainsi à limiter les débouchés et à fragiliser la croissance réelle plutôt que de l'alimenter.

Au contraire, les retraites par répartition contribuent à alimenter directement la demande effective, elle tendraient à stimuler la productivité du travail et la compétitivité des entreprises à partir du développement des ressources humaines. En n’intervenant pas sur les marchés financiers, elles font obstacle au développement des bulles spéculatives.

L’idée qui est en train de se faire jour est que l'on peut avoir de bons fonds de pension gérés paritairement avec l'intervention des syndicats, ce qui limiterait les conséquences d'une gestion risquée pour les cotisants. Mais, même gérés paritairement, les fonds de pension creuseraient les inégalités entre entreprises, entre secteurs, en développant une conception extrêmement élitiste et individualisée des retraites et consacreraient alors l'éclatement des solidarités et de l'équité intra et intergénérationnelle.

Aucune garantie n’existe d’une utilisation de ces fonds de pension pour l’emploi, les retraites, la croissance réelle. Au contraire ceci aggraverait tous les risques d’un branchement des fonds de pension aux risques et aux exigences des marchés financiers. Ce qui entraînerait des prélèvements considérables.

Une génération devrait cotiser deux fois en cas de mixité entre répartition et capitalisation, pour sa propre retraite par capitalisation de demain, mais aussi pour le régime par répartition d'aujourd'hui.

Ce qui entraînerait des prélèvements considérables, alors que dans le même temps les prestations seraient réduites. Ainsi l’introduction de la capitalisation au lieu de sauver les retraites serait un facteur d’aggravation de l’insécurité pour les retraités.

 

 

le 31 mars 2003

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