Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Rencontre nationale pour un contrôle citoyen de l’efficacité des fonds publics attribués aux entreprises

ORLEANS, 13 FEVRIER 2003

COMPTE-RENDU INTEGRAL DES DEBATS

ACCUEIL DES PARTICIPANTS

par Jean-Michel BODIN, Vice-Président du Conseil Régional du Centre, signataire de l’Appel-Pétition national

 

Bienvenue en Région Centre !

D’une surface équivalente à la Belgique, 6 départements, 2,5 millions d’habitants, des territoires divers, ruraux et urbains, bordée du nord au sud par le Grand Bassin Parisien, aux frontières du Limousin, à l’ouest avec les

Pays de la Loire, à l’est la Bourgogne, la Loire classée au patrimoine mondial par l’UNESCO, elle est un pôle moyen de développement économique, touristique, culturel.

Région Centre, carrefour au cœur des Régions de la France et au cœur de l’Europe, les politiques d’infrastructures, de territoires y sont cruciales.

Région Centre, à gauche depuis 1998, les luttes républicaines et citoyennes, une équipe de gauche résolue ont défait l’alliance qui avait permis d’élire un président de Conseil régional avec les voix du FN. Après près d’un mois d’action, la démocratie l’a emporté, Michel SAPIN a été élu Président du Conseil régional.Un exécutif de gauche sort d’une majorité relative avec 6 vice-présidents délégués, 3 P.S., 2 P.C. – François Dumon et moi-même – et un Vert.

Un travail nouveau s’est engagé avec comme démarche, être et faire avec les gens :

  • Projet Régional à 10 ans, Contrat de Plan État-Région, conventions et politiques nouvelles,

  • la gratuité des livres dans les lycées, tous en 4 ans,

  • une politique culturelle nouvelle, (Je salue pour cela Marc Brynhole, président de la Commission Tourisme, Sports, et Culture),

  • des critères établis pour la politique avec le monde associatif, le budget du Sport multiplié par 4 depuis 1998, (avec François Dumon, vice-président)

  • une politique d’infrastructures Fer, Contrat de Plan État-Région multiplié par 13, avec des grands projets, la ligne Nantes-Lyon, ouverture de la ligne Chartres-Orléans aux voyageurs, Plate-forme fret,

  • des espaces Région Centre dans chacun des 6 départements de la Région.

Voilà brièvement la Région qui vous accueille, en vous transmettant les cordiales salutations du Président Alain Rafesthain.

L’évocation rapide du travail engagé en Région Centre a une trame : un souci, une volonté de répondre aux besoins.

Le groupe communiste pour sa part s’est attaché, depuis qu’il existe en 1986 (9 élus en 1992 et en 1998 à nouveau 9 élus) à répondre aux besoins et à favoriser l’intervention sur les enjeux majeurs.

C’est ce qui nous avait amené, alors dans l’opposition, à faire créer par ce qu’on appelle ici l’amendement Brynhole, s’exprimant au nom de notre groupe en février 1994, une Commission de contrôle et d’évaluation des fonds régionaux attribués aux entreprises.

Dans la majorité depuis 1998, nous donnons un sens, une pratique nouvelle du travail de cette Commission, allant jusqu’au remboursement des aides de la Région quand les engagements de créations d’emplois ne sont pas respectés. Une précision, le chiffre des aides économiques directes en Région Centre, c’est 31 Millions d’.

Nous sommes donc sur une terre d’accueil favorable au sujet que nous avons prévu de débattre aujourd’hui.

C’est une première nationale, d’autres rencontres viendront. Il fallait vite relever le défi du gouvernement Raffarin et son objectif : écarter tout ce qui peut permettre aux salariés citoyens de pouvoir intervenir sur les questions des aides économiques, de l’évaluation et de la gestion.

J-P Raffarin voulait faire vite, le danger était pour lui perceptible : les commissions régionales commençaient à travailler sur la base de la loi Hue. C’était le cas en Région Centre où le principe d’une 3e réunion de la Commission Régionale des Aides Publiques aux Entreprises (CRAPE) était adopté. D’autres Régions s’y engageaient aussi.

Nous ne sommes pas dupes des projets du trio Chirac-RaffarinSeillière : faire un hold-up sur l’argent public pour gonfler les profits, alimenter la spéculation financière.

Dans le même temps, les salaires des entreprises subissent les ravages des plans sociaux.Dans notre région, ce sont les drames pour l’emploi, comme chez Matra à Romorantin et à Theillay, ou chez Philips à Dreux.

Et les salariés, les citoyens n’auraient pas le droit de jeter le moindre regard sur les fonds publics qu’auraient pu, dans le Centre ou ailleurs, engranger ces entreprises qui licencient !

En ce sens, l’enjeu politique est fort :en cette période de « nondébat citoyen » sur la décentralisation, il s’agit pour le gouvernement de mettre les territoires en coupe réglée d’un libéralisme qui pille les richesses nationales et régionales.

On sait l’importance de ces objectifs quand il est question de transférer aux Régions la compétences des aides économiques se substituant ainsi à l’État.

C’est donc un enjeu d’aménagement des territoires, de réponse aux besoins de service public et j’allais dire avant tout, des questions citoyennes et humaines.

L’urgence est donc forte d’autant que dans ce même temps, le gouvernement met en cause la loi de modernisation sociale, la retraite, la santé, l’école.

L’appel national face à l’abrogation de la loi Hue a eu un bon écho, une première liste de signataires est parue : à ce jour 337 signataires. Il s’agit, cet après-midi, d’avoir un travail en deux temps : d’abord échanges, état des lieux, élaborations, puis dans un second temps, vers 16 h 15 aborder le « comment on fait » et les propositions d’actions pour terminer ver 17 h 30.

Trois questions apparaissent :

  • quelles premières réactions suite à l’abrogation et quels premiers enseignements en tirons-nous ?

  • quelles sont les possibilités perceptibles pour développer les interventions sur tous les terrains, quelle est notre appréciation du vécu ?

  • quelles propositions nouvelles pour amplifier une riposte forte constructive et citoyenne, et donc susceptible de construire et de dégager des majorités d’actions ?

Nous pourrions : exiger la restauration de la loi et organiser sans attendre les interventions de terrain pour imposer en pratique de nouvelles orientations dans ce sens.

Travailler pour l’institution d’un droit d’alerte des salariés auprès des collectivités et des pouvoirs publics sur l’utilisation des fonds. Cela renforcerait les pratiques d’interventions qui sont déjà expérimentées dans certaines régions comme en Bretagne.

Nous pourrions œuvrer pour la mise en place dans les collectivités régionales, départementales, locales d’instances de contrôle et d’évaluation citoyennes, avec les salariés et les élus comme cela a déjà commencé à fonctionner dans certaines régions et quelques départements.

Il s’agit de s’appuyer sur les premières institutions de ce type mises en place comme dans le Centre ou le Val-de-Marne pour les généraliser et y favoriser l’intervention des salariés et des élus.

Au-delà des droits nécessaires de suspension ou de remboursement des aides publiques, de contre-propositions sur les aides attribuées par la collectivité dont elles relèvent, ces commissions pourraient également émettre des recommandations sur les dispositifs d’aides de l’Etat ou de l’Europe ayant un impact sur leur territoire. Elles pourraient aussi alerter les salariés et les populations pour favoriser des campagnes et des rassemblements, afin que les instances distributrices de fonds remettent en cause leurs attributions gâchées ou inefficaces, et prennent en compte les exigences

d’efficacité sociale.

À notre sens, cette efficacité doit se comprendre en matière d’emploi bien sûr, mais aussi en matière de formation permettant d’une part, la garantie du salaire pendant la période de formation, d’autre part la garantie de l’emploi au sortir de cette période.

Nous pourrions proposer de mettre en place des fonds régionaux et territoriaux de bonification de taux d’intérêts conditionnés par des objectifs d’emploi et de formation… Il s’agirait de promouvoir ainsi de nouvelles relations entre les entreprises et les banques.

Mettre en place des conférences régionales (départementales, voire locales ?) annuelles pour faire un bilan d’évaluation de l’efficacité des fonds publics sur l’emploi, la formation et les territoires, et proposer, si nécessaire la réorientation de dispositifs pour les rendre plus efficaces.

Voilà donc, chers amis, quelques axes de réflexion pour un échange qui va être riche et vivant, chacun s’attachant à être assez bref pour permettre de nombreuses interventions et pouvoir conclure pour cette première rencontre par des axes des propositions d’actions concrets et précis.

 

Le débat

Christine ROUBAUD :

Je suis élue de la commune de Ver nouillet , tout juste à côté de Dreux, en Eure-et-loir. Je suis très inquiète par rapport à la situation de l’emploi en Eure-et-Loir. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, 1300 salar iés sont concernés par des plans soi-disant sociaux : PHILIPS, VALEO et on peut encore en rajouter,

la liste est tr ès longue. On compte 5300 chômeurs indemnisés sur la région drouaise, on ne nous dit pas combien il y en a de radiés et on ne nous dit pas combien ne sont pas inscrits. On se demande jusqu’où cela va aller.

Quand va-t-on se décider à arrêter cette hémorr agie ? Parce que cela devient économiquement dramatique dans la région drouaise. Je pense qu’au niveau de la France c’est exactement le même topo. Mais en ce qui me concerne, cela me pose vraiment beaucoup de problèmes quant à la vie même des gens sur la région drouaise.

Si les deux entreprises Philips venaient à fermer, 6000 emplois directs et indirects seraient concernés. Ce sont les chiffres des syndicats locaux. Ce qui quand même représente la faillite du bassin drouais. Quand arrêterons-nous cette casse ? Car là, le patronat s’en donne à cœur joie avec le gouvernement qui lui ouvre toutes les portes qu’il peut lui ouvrir. Et toutes les portes qu’il pourra lui ouvrir, il va les lui ouvrir. Je pense que c’est à nous aussi de faire en sorte de clamer bien for t notre opposition à ces méthodes et à cette politique, que cela suffit, qu’il faut arrêter cela.

Je débute un peu dans le syndicalisme, mais il me semble que le Code du Travail stipule que les syndicats ont un droit de regard sur la gestion d’une entreprise, mais aucun pouvoir sur le contrôle des fonds publics. Ne pourrait-on pas modifier cet article du Code du Travail qui faciliterait quand même le contrôle des fonds publics versés à ces entreprises ? Sur la totalité des entreprises concernées, dont je vais vous fournir la liste en Eure-et-Loir, j’aimerais savoir combien ont touché des fonds publics, de quel montant et pour quel motif ? Moi en tant qu’élue, j’estime avoir des comptes à rendre aux gens qui ont voté pour mon élection. Quand ils posent la question, il faut que je puisse leur répondre. Parce ce que les gens se posent de plus en plus de questions par rapport aux fonds publics versés aux entreprises. Combien d’entreprises de la Région Centre ont été exonérées de la taxe professionnelle ? Je pense que cela aussi à son importance ! Et pourquoi ? Pour autant que je sache, un foyer ne payant pas ses impôts pour des raisons sociales ou économiques n’est pas exonéré de ses taxes ! Donc je ne vois vraiment pas pourquoi on ferait des cadeaux comme cela aux entreprises. En qualité d’élue communiste, je m’interroge sur la nécessité de verser des fonds publics à des entreprises privées peu scrupuleuses. Après avoir touché ces fonds, elles jettent à la rue des milliers de gens. J’ai déjà posé ces questions souvent. Pour une fois, j’aimerais avoir des réponses concrètes parce que les gens, les salariés dans le bassin drouais sont très très inquiets sur leur avenir.

 

Jean-Pierre MORVAN :

Je suis de la fédération du PCF de l’Essonne. Deux mots simplement. Je pense que l’intérêt qu’il faut marquer, c’est qu’en matière de fonds publics, il faut appréhender effectivement ce qui participe de l’attr ibution directe aux entreprises privées et ce qui participe également et cela vient d’être évoqué de l’exonération de charges. Il a été évoqué la taxe professionnelle, mais on peut évoquer également l’exonération des charges sociales pour les entreprises. Donc il me semble que de ce point de vue là, et y compris dans l’Essonne, nous avons la même interrogation. Même si nous arrivons peu ou prou à cerner les attributions qui sont faites à certaines entreprises, il est notoirement difficile de cerner avec exactitude l’ensemble, quantifier effectivement l’ensemble des fonds publics attr ibués aux entreprises privées dans le département de l’Essonne, et j’imagine bien dans d’autr es départements de notre pays.

Moi je prendrais pour exemple, et c’est un exemple révélateur dans le département de l’Essonne, la lutte que mènent les salariés de Lu-Danone à Ris-Orangis, (et à Calais de la même manière). Je pense que, en matière de ce que nous avons coutumes d’ap-

peler les licenciements boursiers, là nous sommes véritablement en plein dedans, avec une opération à deux tiroirs. C’est à dire qu’en effet, les deux sites Ris-Orangis et Calais ont bénéficié de fonds publics pour le développement d’activités. Sur Ris par exemple, un centre de recherche lié à Danone, qui n’a absolument rien à voir avec l’activité développée de la biscuiterie. Donc, de facto, les salariés seront évincés du processus. Pour autant, que ce soit par le Conseil Régional, que ce soit par le Conseil Général, voire, cela a été évoqué dans l’introduction, avec les Fonds Sociaux Européens, l’entreprise Danone a bénéficié de fonds. Mais dans le même mouvement, et c’est notoire à Calais, il y a aussi une opération immobilière, c’est-à-dire que dans le même temps où l’on se débarrasse des salariés, (pardonnez-moi, mais c’est comme cela que le patronat fonctionne, il se débarrasse des salariés), ils font une opération financière immobilière derrière. C’est-à-dire qu’en lieu et place des biscuiteries de Ris ou de Calais, on voit par exemple apparaître sur Ris, un centre d’habitat, enfin quelque chose qui encore une fois n’a absolument pas trait à l’activité développée. Donc, en aucune manière, les salariés ne pourront s’agréger à la dimension économique nouvelle qui est donnée, mais dans le même temps, le site est revendu. L’exemple de Calais est révélateur à cet égard : la volonté du patronat (avec l’appui naturellement du gouvernement concernant Calais), de dépasser largement la volonté affirmée des salariés aidés par la municipalité qui avaient l’ambition de constituer une Scoop, une coopérative, et donc le fait que la fermeture des sites soient anticipées de 15 mois, tient à cette réalité.

C’est-à-dire qu’il y a cette double opération économique : les licenciements d’une part, naturellement sans remboursement des fonds qui ont été attribués et d’autre part cette opération immobilière.

Donc toutes ces choses doivent nous interroger et je rejoins ce qui a été dit précédemment : c’est-à-dire que la première étape, me semble-t-il, c’est d’apprécier quantitat ivement et le plus fi nement possible quels sont les montants des aides, quelles sont leurs provenances, puisque nous convenons qu’il y a cette nécessité d’avoir un regard et un contrôle des salariés bien évidemment, mais j’allais dire plus largement, (je suis élu également dans une commune), par les élus, par les citoyens d’une manière générale.

Il a été démontré que des expériences ont été menées sur la récupération des fonds dès lors que l’objectif n’était pas atteint. Je ne suis pas hostile à ce qu’il y ait des aides publiques, ce qui pouvait s’inscrire par exemple pour Calais dans le cadre de la création d’une coopérative. Je ne suis pas hostile au fait qu’il y ait des aides publiques, pour autant, il faut qu’elles soient contrôlées et si l’objectif, (puisque cela fonctionne comme cela, il y a un contrat d’objectifs qui doit être passé), si l’objectif n’est pas atteint et bien il faut que les sommes soient remboursées. Donc deux exemples, (il en est d’autres dans l’Essonne), à partir d’Alcatel, qui pourrait participer à peu près de la même appréciation, de la même dimension, et de Hewlett Packard, c’est un peu plus compliqué, là on touche aux Fonds Sociaux Européens puisque c’est H.P.-U.S. qui, pour satisfaire les dividendes attribués aux actionnaires, sacrifie effectivement les salariés et ses sites dans l’Essonne ou à Grenoble. C’est Annie David , ex-sénatr ice communiste, ex-salariée d’H.P. Grenoble qui m’a indiqué la même chose sur Grenoble. J’insiste quand même sur l’exonération des charges sociales, il a été évoqué la T.P., je crois que c’est un fait certain qu’il faut s’y attacher. Mais l’exonération des charges sociales, je crois que c’est important aussi, d’autant qu’il me semble avoir vu que les zones franches remontaient en charge. Or, on sait ce qu’ont donné les zones franches. La commune où je suis élu à une petite part d’une zone franche. En terme d’emploi, cela n’a pas été ce que l’on pouvait escompter, loin s’en faut. Donc là aussi, sur la remise à flot des zones franches, il faut être vigilants, sans aucun doute.

 

Michel LEPRETRE :

Je suis Maire-adjoint à Vitry-sur-Seine dans le Val-deMarne et représentant de l’ADECR (Association des élus communistes et républicains) du Val-de-Marne. Plusieurs réflexions. Tout d’abord je pense et c’est comme cela que nous le prenons, qu’il y a une nécessité : c’est que cette initiative nous appelle à un r ythme soutenu parce qu’il y a un vrai enjeu, un enjeu fort dans le domaine d’emploi. On voit la situation qui se dégrade. En même temps, il y a un enjeu aussi pour faire la démonstration qu’il y a une autre polit ique possible, et qu’il y a d’autres choix qui sont jouables. Je voudrais ouvrir une parenthèse tout de suite, car je pense que l’intr oduction nous l’a permis, et j’y ai appris des choses. Dans le Val-de-Marne, au niveau du Conseil Général, il y a une initiative de prise aussi, qui concerne le contrôle des fonds publics. Je pense que l’on a aussi int érêt à ce que cet te ini t iat i ve nous aide à confronter les expériences.

Ce qui me fait dire cela aussi, c’est le dernier propos qui vient d’être tenu sur les zones franches. A Vitry, on a apprit par la presse, il y a une dizaine de jours que Borloo nous mettait, sans nous demander notre avis, sans même nous consulter sur le périmètre, comme étant attributaire d’une Zone franche. Au début on a eu une réaction pas seulement dubitative, mais aussi interrogative sur ce qui se tramait derrière. D’autant que la zone qui nous est annoncée nous semble assez complexe à faire avancer au niveau de l’emploi. Cela étant, quand on y regarde de plus près, j’ai pris le temps de travailler déjà au téléphone avec des copains de Calais et de Champigny qui ont des zones franches. Il y a aussi eu du travail de fait pour faire évaluer, par exemple, sur le contrôle de l’arr ivée des entreprises, la comptabili sation effective des emplois. J’ai le sentiment que ce qui s’est passé à Champigny ce n’est pas tout à fait ce qui s’est passé à Bordeaux, où il s’agissait pour le maire de Bordeaux de faire passer à la caisse un certain nombre d’entreprises, (je caricature). Donc je dis que l’on a besoin de parler de dossiers réels et concrets, et d’appréhender des choses et des expériences un peu différentes.

Autre chose, je crois que l’on a quelque chose qui peut nous aider à avancer, c’est la question de l’exigence de la transparence, l’élue de l’Eure-et-Loir le disait tout à l’heure. Mais je crois qu’il y a des choses, on le sent bien dans notre pratique au quotidien dans l’activité municipale et c’est bien pour la politique, que le citoyen attend du retour. Je trouve que l’on est les seuls à porter ce combat de transparence notamment sur la question des fonds publics. C’est ce qui peut nous aider à progresser et à fai re progresser.

Parce que derrière cela, il n’y pas seulement l’aspect de la place des élus, il y a aussi l’efficacité économique. Parce que je partage complètement ce qui a été dit d’emblée par notre amie, (aujourd’hui on le voit bien il y a ce qui vient de se passer avec le 49.3), il y a une série de choses, d’évènements politiques d’envergure.

Mais ce qui se passe derrière, ce sont des dizaines de milli ers d’emplois qui sont sur le grill ou qui sont en train de sauter. Dans le Val-de-Marne, avec ce qui arrive à Airlib, cela risque d’être très problématique, notamment autour de l’aéroport et pas seulement. Ma vill e n’est pas concernée directement, mais cela ne peut pas ne pas avoir de conséquence dans notre département.

Voilà un peu les éléments, il y a quelque chose que l’on est en train de constituer ; c’est l’intérêt de ma venue ici. On a besoin de travailler cette idée et d’aller plus loin. J’ai pris le temps de lire les noms des premiers signataires. Je trouve qu’effectivement, et je part age ce qui a été dit en introduction, parce que j’ai reconnu beaucoup de noms, qu’il y a la possibilité de constituer quelque chose, un tissu, une toile d’araignée où on pourrait dénoncer un certain nombre de choses..

 

Jean-Louis LE MOING :

Je suis conseill er régional, élu dans le Loir-et-Cher. Je pense qu’au niveau de l ’at t r ibution des fonds publics, l’imagination est au pouvoir. Cela rejoindra d’ailleurs le propos précédent. Il y a déjà les fonds euro-

péens, dont l’attr ibution, dont les modalités d’appli cation sont un combat. Il y a les fonds régionaux, les fonds évidemment de l’Etat. Il y a tout ce que les départements mettent en œuvre pour apporter des aides directes ou indirectes à l’implantation des entreprises. Il y a tout ce que les agglomérations, les municipalités, mettent également dans le paquet. Et puis il y a maintenant depuis quelques temps, de nouveau, les zones franches. Blois, ma ville, est dans le coup de ce point de vue. C’est-à-dire qu’au prétexte qu’une zone considérable de notre ville, 18000 habitants sur 50 000, est frappée de plein fouet par le chômage, la précarité, bref tout ce que l’on connaît, Borloo est arr ivé et a décrété, il y a quelques semaines, toute la ZUP de Blois en zone franche. Cela crée une espèce de zone de non-droit social. Je crois qu’il faut appeler cela ainsi. Quiconque vient implanter une entreprise de moins de 150 salariés se voit exonéré de toute taxe professionnelle, de tout impôt sur les sociétés, et va bénéficier d’autr es aides supplémentaires diverses savamment adaptées à tous les cas. Il y a avec ce gouvernement un cap supplémentaire qui est passé et je trouve que l’on a intérêt à faire monter la question de l’attr ibution des fonds publics en général et dans toutes leur dimension en regard avec leur efficacité sociale. Je trouve qu’il y a, bien sûr, la question que l’on met en évidence, de l’emploi et de la formation. Mais je trouve qu’il nous faut faire monter la question des salaires, de l’éthique, du respect dans l’entreprise, notamment dans la jeunesse, mais pas seulement d’un travail gratifiant, mais d’un travail dans lequel on est reconnu, respecté, considéré. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard s’il y a, à mon avis, en parallèle, tous ces procès aux prud’hommes qui se développent sur la reconnaissance de l’individ u. Il me semble qu’il faut que l’on prenne bien en compte cette question de l’individu et de sa reconnaissance. Donc, attribution des fonds publics, contrôle a priori en faveur de l’emploi, de la formation, de l’écologie, des salaires et de l’individ u, je crois que c’est la grande question sur laquelle on peut se retrouver avec beaucoup de monde, si on décide comme on le fait ensemble ici de passer un cap.

 

Jean-Michel GAUTHIER :

Je suis élu dans l’Eure-et-Loir. Je vais être assez bref, car beaucoup de choses ont été dites. D’abord ce que je voudrais dire, c’est qu’avant de contrôler les fonds publics, il faut les attr ibuer. Et déjà regarder comment on attr ibue, et à qui ? Avoir déjà une espèce de méthodologie d’attr ibution et éventuellement contrôler ces attr ibutions avant de donner les fonds publics, me semble nécessaire. Parce qu’une fois qu’on les a donnés, après il faudra les contrôler. Or, pour contrôler les fonds publics, la question que je me pose, c’est, avec les collectivités territoriales dans leur ensemble, comment va-t-on contrôler les fonds publics européens au niveau régional ou départemental, comment va-t-on savoir à la région qu’il y a des fonds publics attribués par des mairies ?

Comment va-t-on savoir comment sont att ribués ces fonds et à quel titre aux entreprises et notamment, comment une entreprise, si elle est multinationale sur un ensemble territorial, un pays, va-t-elle peut-être s’en servir pour licencier à tel endroit, c’est-à-dire, toucher des fonds publics, mettons de la Région Centre, pour soi-disant aider des emplois dans la Région Centre, mais supprimer des emplois dans une autre région ? C’est sur toute cette méthodologie qu’il semble aussi qu’il va falloir travailler.

Mais c’est un travail difficile. Il faut savoir qui apporte les fonds publics aux entreprises, savoir si on attribue des fonds publics à une collectivité terr it oriale pour développer. Par exemple, le parc du Perche, puisque je suis de l’Eure-et-Loir, va toucher peut-être des fonds de la Région et des fonds de l’Europe puisqu’il y est éligibl e. Comment ces fonds publics qui vont servir à développer vont-ils se retrouver dans des entreprises, avec les passations de marchés ?. Alors, c’est tout un débat là-dessus qu’il ne faudra pas éluder.

 

François DUMON :

Ce n’est pas une réponse à l’orateur précédent. Il y a des batailles qui méritent d’être menées. On en gagne quelques-unes. Je crois que lorsque l’on a négocié les fonds européens, (le Docup [ Document unique de programmation] avec l’Europe), on avait souhaité au niveau de la Région gérer t rois mesures directement, c’est-à-dire, le secteur de l’économie justement, la formation, et le secteur des infrastr uctures, soit tout ce qui concernait l’aménagement, notamment grandes lignes ferroviaires sur l’ensemble de notre région. Pourquoi s’est-on battu pour les gérer directement ? Parce que sinon il y aurait eu un empilement des aides. On a l’Europe qui intervient avec une commission, un comité de programmation qui est présidé par le Préfet de Région, et copiloté par le Président de la Région Centre, que je représente à ce comité. Mais si on n’a pas l’instruction directe des dossiers, on manque des moyens de contrôle pour les faire aboutir. On a des éléments à prendre en compte. La deuxième chose, ce sont les aides économiques de la région qui existent et celles de l’Etat. Aujourd’hui, on va se retrouver avec une décentralisation dans ce domaine qui va nous donner les aides économiques, on va se trouver chef de file, comme on dit, des aides économiques. Donc là, on va avoir une vue plus directe, assez complète, de ce que va pouvoir faire une entreprise pour prétendre aux fonds publics donc à une commission qui, sous notre impulsion, s’est développée puisque Jean-Michel Bodin y participe. On a des experts. On a la Banque de France. On sollicite pas mal d’avis pour attr ibuer ces fonds et au niveau des fonds européens, on s’appuie sur cette démarche. Autre point c’est la formation. Quelquefois, on se retrouve avec des entreprises en difficulté, qui mettent en place des plans de licenciements. Je pense à Matra, par exemple, sur le bassin d’emploi de Romorantin, aujourd’hui on va avoir une demande de fonds européens pour mettre en place un plan de formations qualifiantes. Si on n’avait pas pris en compte la gestion aussi de cette mesure au niveau de la formation, on n’aurait aucun moyen d’action sur la finalité, (pourquoi on forme des salariés de cette entreprise, si c’est pour les envoyer à l’ANPE, si le site ferme), et en même temps, on a moyen de travailler sur le contenu des formations qualifiantes et sur la part que va pouvoir y mettre l’entreprise. D’après le dossier que j’ai vu arriver sur nos bureaux, (je vous donne cet exemple mais on r isque d’avoir Philips demain par rapport au bassin d’emploi de Dreux), on est sur une participation de Matra de 7 milli ons d’, et une demande de participation au niveau de Europe de 4 milli ons d’ . Il faut savoir que Matra pourrait demander 50 %; le règlement des fonds européens leur permettrait d’obtenir 50 % sur une formation qualifiante. Donc là, on a un petit moyen, à nous de le saisir, aux salariés aussi. Sinon on aura des difficultés à ne faire valoir qu’un seul point de vue dans ce domaine. Quand on arr ive à mettr e un certain nombre d’outils en commun, on a des moyens de contrôle qui sont plus pertinents. Après la question est, (on a mené un débat, il n’y a pas tr ès longtemps avec Yves Dimicoli à Vierzon sur cette question), comment on se met les mains dans le cambouis et comment on fait avec les salariés au niveau des entreprises. Parce qu’on peut jouer notre rôle, mais il sera d’autant plus fort que sur le terrain, vont monter des exigences fort es de la part des salariés dans les entreprises. On sait tr ès bien, (c’est une difficulté dans notre pays, parce qu’il y a des exigences qui montent), que l’on est encore dans des configurations c’est le patronat qui est qualifié pour diriger les entreprises et les salariés sont un peu moins concernés. Je ne parle pas des syndicats, comme nos copains qui sont sur le terrain qui se battent et qui essayent de faire avancer ces choses, mais je parle d’un point de vue général, au niveau des salariés. Ce sont des choses qui sont un peu compliquées. Si je reprends l’exemple de Matra, parce qu’il y a mes copains qui sont ici, ils pourront vous le dire, quand on offre des primes de départ assez fortes aux salariés, (nos copains pourront vous donner les chiffres des sommes qui ont commencé à leur être attribuées), alors on voit des salariés qui se précipitent vers ces sommes pour partir de l’entreprise.

On ne peut mener avec eux la bataille du combat de l’industrialisation et montrer comment on pourrait maintenir une activité automobile dans ce bassin d’emploi et dans notre région. A la fois, il faut que dans cette situation et dans ce qui se passe au niveau national, l’on arrive à montrer les enjeux, à montrer aussi ce que l’on est capable de faire avancer là où on se trouve, quand on a des points d’appuis. Parce que l’on se pose parfois là question : « à quoi servent les élus ? », cela peut servir dans les assemblées d’élus, et cela sert comme les syndicalistes servent dans les entreprises, etc.

On a un moyen de montrer cela et de voir aussi les insuffisances qui existent et comment on peut faire monter un certain nombre de choses au niveau national. On le voit avec la modification de la loi de modernisation sociale qui a fait passer des plans de licenciements, l’appel d’air que cela a lancé du coté patronal, l’abrogation de la loi Hue au niveau du contrôle des fonds publics, c’est la première fois que les médias s’intéressent à une initiative que l’on prend dans cette région. Jean-Michel Bodin a été invité par FR3, on a les journalistes locaux qui nous ont sollicités, il y a quand même de l’attr ait pour cela. Je crois que si l’on arr ivait à faire vivre un réseau national qui montrerait les sommes engagées, à quoi cela sert , (il y a un petit tableau qui reprend les diverses mesures avec en face le nombre d’emplois qui correspondent, voir tableau en annexe) alors là on pourrait avoir des résultats qui iraient au-delà de ce que l’on a maintenant. C’est compliqué comme dans l’exemple de Matra : faut-il qualifier les salariés même s’il y a fermeture d’entreprise ? C’est un sacré débat et une question à laquelle on est confronté les uns et les autres, pas seulement les élus que nous sommes, mais également les élus salariés.

 

Vincent MAUGER :

Je suis coll abor at eur du groupe en Poitou-Charentes. Dans notre région, bien sûr, on était le laboratoire de ce qui se passe au niveau national aujourd’hui, puisque J-P Raffarin a été pendant 10 ans le Président de région. On était donc aux premières loges, on connaît déjà un peu la façon dont Raffarin travaille. Concrètement, au niveau des aides publiques chez nous, on a peu d’aides publiques à des grands groupes, déjà pour la bonne raison que le PoitouCharentes est essentiellement composé de grands tissus de PME. Donc il y a peu de vraiment grands scandales au niveau des grandes entreprises, mais il y en a quand même quelques-uns sur lesquels je reviendrai. Il y a surtout une masse d’argent donnée à des tas de petites PME. Les aides publiques en Poitou-Charentes, les derniers chiffres que l’on a, c’est en 1999, 100 M.F. par an, aides directes, alliant les aides nationales, européennes, régionales, en mettant tout dedans. Il faudrait y ajouter toutes les aides indirectes, mais là-dessus on n’a pas vraiment de chiffres, je crois que c’est comme tout le monde. C’est très difficile de chiffrer les exonérations. Donc ces aides aux PME à première vue, il n’y a rien de scandaleux dedans, ce sont des aides pour des entreprises qui créent des emplois, qui généralement sont créés. Quand ils ne le sont pas, c’est à des failli tes sur lesquelles on ne peut pas vraiment protester. On ne peut pas dire grand chose, à première vue, ces aides sont justifiées. Par contre quand on creuse un peu, effectivement on se rend compte que ce n’est pas si justifié que cela. Ce n’est pas simple à montrer, notamment on a fait l’essai avec des entreprises agroalimentaires. Elles nous disent : « on va créer des emplois pour prendre des marchés, pour lancer de nouveaux produits sur le marché ». A priori c’est tr ès bien, on crée de nouveaux emplois, on embauche des techniciens, on les forme, c’est excellent. On ne peut que donner de l’argent public pour cela. Sauf qu’une entreprise agroalimentaire qui prend des parts de marchés, cela veut dir e que, soit les gens se mettent à manger énormément soit, on va prendre ces parts à quelqu’un d’autre. Cela veut dire que des emplois vont être supprimés. Donc quelque part, à un moment donné, ces aides pour créer de l’emploi servent à supprimer des emplois ailleurs. Bien sûr, c’est difficile d’expliq uer cela à un patron de PME qui dit « je veux créer un emploi ». C’est aussi difficile d’expliquer cela à un jeune qui va être formé justement pour entrer dans une PME. On ne peut pas lui dire «écoute, on ne va pas donner de l’argent à cette PME, parce que cela va suppr imer un emploi ailleurs ». Mais quand on va jusqu’au bout, il y a cette question qui se pose. Et quand on va encore plus loin, on se rend compte que, quand cette entreprise agroalimentaire qui a demandé une aide va ensuite vendre à une grande surface son produit, elle va le vendre moins cher que si elle n’avait pas eu d’aide. Est-ce que la grande surface va répercuter cette aide sur le prix de vente ? Il y a peu de chance. Donc au total, c’est le patron de AUCHAN, de LECLERC, etc. qui va s’en mettre plein les poches avec cette aide. On aura bien donné une aide à une entreprise, à une petite PME pour créer un emploi qui sera vraiment créé, il n’y a rien à dire là-dessus. Mais à la fin, c’est l’actionnaire de la grande surface qui va gagner.

Alors arriver à faire tout ce raisonnement là quand on est avec des gens qui comprennent un peu ce que sont les fonds publics, cela va. Mais l’expliquer à un patron de PME qui veut créer un emploi ou à un chômeur qui espère une embauche, alors cela devient impossibl e !

Donc au niveau des PME il y a tout un travail à faire : comment cet argent public est utilisé de façon inefficace, pas de façon malveillante, parce que l’on ne peut pas dire que le patron qui demande une aide soit une crapule ou quelqu’un de malveillant. Mais au total cela devient inefficace, quand on fait le calcul général de ce que cela donne.

Au niveau des grandes entreprises, on a quelques cas, assez marquants. On a France Champignons, on a la Saft, filiale d’Alcatel, on a Grimaud, dont vous avez entendu parler par les infos nationales. C’est pratiquement 1000 suppressions d’emplois dans le domaine des transports, On a une entreprise pour laquelle on a réussi à avancer avec les salariés : c’est Martel, c’est la grande multinationale du Cognac, qui contrôle quasiment tout de la viticulture jusqu’à la vente à l’export, qui contrôle toutes les phases du marché, toutes les étapes de la vente du Cognac et qui vient de décider de supprimer 166 emplois. C’est un licenciement boursier. Martel est maintenant une filiale de Pernod-Ricard donc on sait que c’est uniquement fait pour les act ionnaires de Pernod-Ricard. La bataille qui a été menée sur Cognac cela a été vraiment pour faire le lien avec les questions politiques. En effet on a vu, comme on le voit partout à la télé, tous nos élus de droite locaux venir dire : «oh ! oui, ce n'est pas bien, les patrons voyous, on est en colère, on est solidaire des salariés, etc. ». Sauf qu’effectivement pendant qui parlent au niveau local, nationalement, ils votent des lois. Tous ces députés de droite qui viennent pleurer avec vous, devant vous, devant votre entreprise, qu’est-ce qu’ils font après une fois qu’ils sont à Paris, parce que localement ils jouent avec la France d’en bas, on aime bien la France d’en bas etc. mais à Paris ils sont bien du côté de la France d’en haut. C’est toute cette bataille politique qui a été menée sur Cognac, avec des signatures de pétitions, des lettr es aux députés, pour les mettr e devant leurs responsabili tés, leur dire : « vous êtes un député de droite, vous avez voté l’abrogation de la loi Hue, vous avez voté l’abrogation d’un certain nombre d’articles de la loi de modernisation sociale, comment est-ce qu’aujourd’hui vous pouvez venir devant les entreprises dire qu’il y a des patrons voyous, etc. ». Et sur cette bataille, on a réussi à faire signer pas moins de 1000 pétitions sur Cognac pour la remise en place de la loi Hue, et pour que les salariés aient de nouveaux droits dans les entreprises. C’est une pétition qui a été signée y compris dans les supermarchés du coin, car même les patrons des supermarchés se disent : « mais si on supprime 166 emplois immédiatement à Martel, ce sont des centaines d’emplois indirects qui vont être supprimés, et qui va venir faire ses courses chez nous si plus personne n’a d’argent ? ». On arrive même chez les commerçants, y compris les gros commerçants parce que les supermarchés ne sont pas les petit s commerces du coin, à faire avancer l’idée qu’à un moment donné, s’il n’y a plus de tissu économique local, si tout l’aménagement du territoire est détruit par les grands groupes, même eux vont en faire les frais. Donc c’est cette bataille politique qui a été menée, mettre en cause la droite, mettre en cause le député de droite sur ce qu’il fait à Paris. C’est arrivé à un point où même dans les journaux on a parlé des communistes en disant clairement : «la droite n’ose plus répondre aux communistes ». C’est dit comme cela, clairement dans la presse, la droite ne veut plus débattr e parce qu’effectivement ils sont coincés. Cette bataille politique continue. Il y a eu une conférence de presse, il y a deux jours, où on a dit ouvertement que l’on a affaire à un gouvernement voyou et cela a été repris tel quel dans la presse. Gouvernement voyou à deux titres, parce que déjà, c’est le premier licencieur de France, parce que l’on parle des entreprises privées mais dans le public, c’est bien pire. Dans le public c’est la SNCF, c’est la Banque de France. Les emplois jeunes, c’est le plus grand plan social de toute l’histoire du pays qui se prépare, donc le premier licencieur de France, c’est bien Raffarin. C’est un patron voyou à lui tout seul. Et puis c’est un gouvernement voyou parce qu’il donne aussi des armes aux patrons contre les salariés. Sur

les armes qu’il donne aux patrons notamment, on a fait le lien à la fois avec loi Hue, avec la remise en cause de certains articles de la loi de modernisation sociale et avec la Banque de France. Je crois que sur la Banque de France, il faut faire fort parce que ce n’est pas simplement 3000 emplois qui vont être supprimés, c’est bien plus dramatique que cela pour l’ensemble des salariés, au-delà de la Banque de France. La Banque de France c’était un moyen de contrôler un peu les comptes des entreprises. La Banque de France, ce sont des gens qui connaissent le tissu local. En matière d’aménagement du territoire, c’est quelque chose de tr ès important qu’il y ait des succursales locales, qu’il y ait des gens qui sachent un peu ce qu’il y a localement comme entreprises, quelles sont les difficultés de ces entreprises, où va l’argent public. Parce qu’à partir de la Banque de France, justement, on a la possibili té de contrôler l’argent public. C’est vrai, ce sont des experts à la Banque de France, ce sont des comptables, des techniciens qui connaissent un peu l’argent et qui ne se laissent pas mener en bateau. Parce qu’effectivement quand une entreprise montre ses comptes, généralement tout est parfait, tout est nickel, il n’y a rien à dire.

Sauf qu’il faut des gens qui effectivement connaissent, qu’ils puissent se plonger là-dedans, qu’ils puissent aller chercher derrière les chiffres ce qu’il peut y avoir. Et effectivement il n’y a qu’un comptable qui travaille à la Banque de France qui peut savoir cela. Il y a un certain nombre de syndicalistes, mais ils ont souvent du mal.

Quand on n’a pas une formation d’économiste, ce n’est pas simple de travailler là-dessus. On a donc fait le lien avec la Banque de France, sur le fait que la remise en cause des missions de la Banque de France, cela va avec la casse de la loi Hue. Les deux sont liées : c’est faire en sorte que la nation, les salariés n’aient plus les moyens de peser sur les décisions économiques, sur les décisions des entreprises.

Jean-Paul PLASSARD :

Quelques remar ques, d’abord dire pourquoi on est là. On est là, parce que l ’on avai t obtenu une avancée, à mon avis, extrêmement i nt éressant e, c’ét ai t d’avoir la possibili que des masses extrêmement importantes de fonds publics (300 milli ards de F) affectées sans aucun contrôle soit-disant pour l’emploi, la formation, l’aménagement du territoire puissent devenir contrôlables ! Cela ne s’est pas fait tout seul, si on se rappelle toutes les étapes des bataill es qu’il nous a fallu mener pour obtenir cette loi. Pour certains d’entre nous, cela fait pas mal d’heures de travail. Pourquoi l’avait-on obtenu malgré les difficultés énormes ? Parce qu’il existait un mouvement d’id ées, une majorité d’id ées qui estimait en effet que ce n’était pas bien, pas moral que tant d’argent soit dépensé sans aucun contrôle. On a gagné. Nombreux sont ceux qui voyaient la façon dont les gens de droite étaient en difficulté sur ces questions dans les assemblées diverses. Pour nous, dans le Conseil Régional des Pays de la Loire, c’est un argument for t. C’était un peu l’idée, qu’il faut l’égalité entre ce qui se passe entre les fonds accordés aux collectivités et ceux accordés aux entreprises. Je crois que sur cette bataille on a obtenu une majorité d’idées et cela n'a pas pesé our rien dans le fait que la loi, (il a fallu trois manifestations), d’abord soit votée, pour qu’il y ait les décrets publiés et qu’ensuite les commissions se mettent au travail. Et ensuite dans les régions, il a fallu beaucoup de travail, par exemple dans la nôtr e, dans la Région des Pays de Loire : au départ la commission avait 4 élus de droite, et comme les communistes s’étaient quand même for tement faits entendre sur cette question nous avons pu obtenir, y compris lorsque la majorité a changé, qu’un élu communiste siège au sein de cette commission. C’est Bernard Violain qui est là. La commission a pu se tenir une fois avec un dossier extrêmement important, sauf qu’alors, je dis cela pour la boutade, notre ami Bernard avait fait remarquer à la séance du mois de novembre du Conseil Régional des Pays de la Loire l’exemple de l’entreprise Jeanneau qui avait bénéficié de fonds pour former des jeunes. Il a montré qu’il y avait tr ès peu de résultats eu égard aux sommes consommées. On a dit cela sous forme de boutade, mais il se trouve que c’est un sénateur vendéen Houdin qui a proposé l’abrogation de la loi. Cela peut paraître anecdotique mais je pense qu’il y a quelque chose de plus profond. En effet cette loi les gêne terriblement, parce qu’il semble bien qu’au-delà de l’aspect contrôle, il y ait une autre dimension qui peut être atteinte et justement c’est celle de l’intervention dans la gestion des salariés qui se préoccupent des questions qui les concernent. J’ai été extrêmement sensible au fait que la première intervention dans cette réunion soit le fait d’une militante syndicaliste et qu’elle pose la question : «a-t-on le droit ou pas d’avoir, nous les salariés, dans les entreprises des comptes sur cette question ? ». Eh ! bien justement, c’est l’un des aspects majeurs de la loi Hue, à mon avis, qui n’a pas été abrogé. C’est la réactivation donnée aux salariés, à tout membre d’un Comité d’Entreprise, d’avoir chaque année, le poids exact de l’ensemble des fonds publics perçus sous toutes les formes par l’entreprise. Je crois là, que c’est la deuxième raison de notre réunion d’aujourd’hui. Il y a un point d’appui, un levier considérable. Si la loi a pu être abrogée, à mon avis, je pense que c’est parce que ce point d’appui n’est à ce jour quasiment pas utili sé. Je connais pas mal de militants syndicalistes et vraiment de très bons copains et copines et qui se battent vraiment bien dans leurs boîtes pour les salaires, pour l’emploi, pour tout ce qui est le lot commun. Et quand on leur pose cette question : «qu’en est-il du contrôle des fonds publics dans ton entreprise ? », je parle des grosses boites, en règle générale, ils découvrent qu’ils ont ce droit, et cette possibili té. Je crois qu’aujourd’hui, il faut que l’on att ire tr ès sérieusement leur attention sur ces possibilités et je pense qu’il y a pour notre réseau un rôle extrêmement important. Pourquoi ? Ce que tu as dit pour l’Eure-et-Loir, je peux le dire pour le Maine-et-Loire, on peut le dire pour la Région, on peut le dire partout et attention ce n’est qu’un début.

François Fillon, lundi dernier dans une réunion officielle à la Région a annoncé la couleur : les délocalisations, eh ! bien maintenant il va falloir s’y faire. Cela va être la généralisation.

Souvent, la question des fonds publics apparaît lorsque les entreprises licencient. C’est toute l’expérience. Et là cette année, on a une entreprise, qui s’appelle Bleu Couture, qui a une filiale ici, dans le textile, Tours Couture. Une salariée dit, c’est dans la presse locale : «on touchait des fonds de formation, mais on n’en voyait pas la couleur ». Dans le dossier ACT, vous avez vu, 660 licenciements, une salariée à qui on posait la question : « pourrait-il y avoir de nouvelles entreprises ? », a répondu : « oui, mais on leur

donne des fonds publics et deux ans après elles s’en vont". Les salariés le voient à ce moment là. Or on le sait très bien, les plans de licenciements, les restructurations, c’est toujours plusieurs années avant qu’ils ne se réalisent, qu’ils sont en train de se préparer, de s’élaborer. Et c’est là à mon avis, un des soucis qu’il faut aussi faire avancer. C’est cette idée qu’il ne suffit pas d’alerter au moment où l’on programme les suppressions d’emplois, mais bien en amont, qu’il faut que cette préoccupation devienne une préoccupation de base et que l’on passe au fond de la dénonciation à l’intervention dans les gestions. J’ai en souvenir un article de l’Humanité qui avait été publié justement par Denis Durand sur cette question. Je le trouve extrêmement important aujourd’hui parce que nous sommes dans une autre situation, sans doute, politique. Mais je pense que nous avons tout à fait les moyens, non pas de faire avancer l’idée mais de la faire avancer dans la vie. Cela va compter beaucoup, à la fois pour empêcher les licenciements, pour poser toutes les questions, salaires, emplois, retraites mais aussi au plan politique pour montrer ce à quoi aussi on peut être utile.

 

Max NUBLAT :

J’écoute avec beaucoup d’attention, parce qu’il y en a parmi vous qui sont très près des choses. Je pense par delà tout le reste, que les élus que nous sommes pour beaucoup, ont une grosse responsabilité, parce que l’on n’est plus dans la même période que celle que l’on a vécue. On arrive à une époque charnière que ce soit au niveau mondial, européen ou français, avec des difficultés énormes et on voit bien que la droite, le grand capital, sont dans une phase ils essaient de tout mettre en œuvre pour la défense de leurs valeurs, de leurs intérêts. Quand on parle de délocalisation en France, pourquoi délocalise-t-on en France ? Pourquoi une usine qui est là, va se mettre ailleurs? En général, je ne vois pas pourquoi. Est-ce parce que cela représente des intérêts nouveaux, des aides nouvelles dont ils ne bénéficieraient pas pour rester ils sont, ou bien y a-t-il d’autres raisons ? Et en général dans ces grandes entreprises, quand il y a quelque chose qui se passe c’est toujours parce qu’il y a du fr ic der rière. En même temps dans chacune de ces occasions, ce sont des salariés qui disparaissent, cela pour la France mais aussi pour l’Europe. Je pense que l’on ne se pose pas suffisamment la question avec l’élargissement européen. Il faut savoir que dans chaque pays qui va être intégré dans l’Europe, les gr andes ent reprises fr ançaises, à l’époque actuelle, ont partout des gens qui étudient pour s’installer. Pourquoi ? Parce que tel pays se trouve dans un contexte légèrement différent, en particulier le personnel est payé moins cher, et on pense pouvoir y gagner. En même temps on est en France dans une période où, je le vois sur la Région Centre, je lis l’INSEE, il y a deux départements, le Loiret que je connais bien et c’est le cas aussi je crois pour Eure-et-Loir, c’est-à-dire les départements

« les plus riches », où actuellement le chômage se développe le plus. Cela pose un certain nombre de questions et je dis que nous élus, bien sûr il faut être en contact avec les gens. On ne peut pas être en dehors de toutes ces préoccupations des travailleurs, qui comme on l’a dit, commencent à s’intéresser à un certain nombre de choses. Ils découvrent un certain nombre de choses, mais pendant ce temps là les choses avancent et on ne parle pas toujours au bon moment de ce qu’il y a. Lorsqu’il y a du chômage, on va licencier et ainsi de suite, bien sûr on peut dire : « il y a de l’argent qui a été donné à cette entreprise et maintenant ils licencient ». Ils licencient, oui, mais les travailleurs ce qui leur importe, ce sont les licenciements ! Et donc, c’est bien avant qu’il faut inter venir. Je pense que l’on est dans une période charnière, période importante si l’ensemble des gens se battent, les salariés, les syndicalistes et les élus. Mais attention, nous élus, on ne l’a pas suffisamment intégré et on a subi un certain nombre de choses, sans penser qu’on était des élus qui étaient là pour se battre avec les gens. Cela je le dis pour moi, je ne le dirais pas de façon générale, mais je pense que c’est vrai. Il y a toute une réflexion à avoir sur le rôle des élus, sur le contact des élus bien sûr avec les électeurs, mais aussi avec la réalité économique, sociale.

J’ai une question que je me pose aussi : je suis pour que l’on aide les entreprises, mais qu’on les surveille bien sûr et que l’on sache aussi exactement ce qu’elles font avec les fonds. La Région Centre est en avance dans ce domaine là, indiscutable sur le contrôle des fonds.

Mais je me dis aussi, est-ce que l’on ne peut pas faire des propositions. Bien sûr, il faut se battre par rapport aux lois qui existent et pour qu’elles soient appliquées. Mais en même temps, j’ai une inter rogation, pour l’aide économique. Est-ce qu’il ne serait pas bien que dans toutes les entreprises qui font des profits considérables, il y ait une taxe spéciale, qui forme un fonds au plan national ou régional, un fonds qui permette de venir en aide à des entreprises qui en ont besoin et que cela permettr ait de sauver. Là, je m’interroge : l’argent que l’on donne aux entreprises, d’où vient-il ? je ne parle pas des fonds européens, mais des fonds des assemblées régionales, des conseils généraux, ils viennent pour l’essentiel de la poche des gens qui payent des impôts. On parle des entreprises, du travail, il faut parler des gens. On ne se battrait pas que pour les questions économiques. Il faut aussi que les entreprises qui font des profits paient un pourcentage qui permette de venir en aide aux entreprises qui en ont besoin, parce qu’en général, les fonds par tent ailleurs. On sait bien à quoi cela ser t…

Je pense qu’à l’époque actuelle notre réflexion est importante. Il faut que l’on le voie avec les yeux en pensant où en est à l’époque actuelle. La droite, elle, a tout les droits. J’ai entendu des choses telles de la part de responsables locaux, de députés, des sénateurs etc.…Pour eux, c’est ouvert, ils ont l’impression qu’ils ont toutes les possibilités. Vous pouvez parler de n’importe quoi, ils ont raison !.

«Maintenant on respire mieux ! »disent-ils. On est dans cette situation et en même temps quand on écoute ce qui se passe, ce qui se dit parmi les gens les plus pauvres, les plus malheureux, les travailleurs, ils sont assommés. Donc je crois que l’on a une responsabilité importante : il faut faire des propositions, des propositions que les gens comprennent. Parce que souvent, ce que l’on dit dans la tête des gens cela devient autre chose. On l’a dit, quelqu’un qui est près de la retraite, il dit « moi ce qui m’importe c’est la somme et après on verra ». J’entends cela. Les gens qui ont quitté le boulot, ils disent «il vaut mieux tenir que courir on ne sait pas ce qui peut se passer après ». C’est vrai que l’on ne sait pas ce qui peut se passer après, s’il n’y a pas un sursaut important dans ce qui se passe. Il faut que les élus à tous les niveaux, soient bien en contact précis avec ce que les gens disent, qu’on écoute d’une façon générale. Parce qu’autrement, on arrive à un moment où on n’est plus écouté non plus. C’est aussi une autocritique.

 

Jean-Pierre CHIPOT :

Je part age ce que notre ami de Poitou-Charentes a dit. La question que je me pose sur les fonds publ i cs, c’ est que j e l es voi s souvent reliés à la création d’emplois. Quand on fai t un peu le

bilan, on s’aperçoit que ce sont souvent des délocalisations, ce qui fait que dans une plate-forme d’une entreprise sont supprimés 14 emplois et dans une plate-forme nouvelle créée par cette même entreprise dans un autre département ou une autre région, ne sont créés que 10 emplois. Résultat de l’opération sur l’ensemble, c’est moins 4 emplois et c’est surtout aussi 10 emplois qui sont pris à des salaires bien inférieurs. Il y a des économies faites sur la masse salar iale et aussi des économies réalisées grâce aux fonds publics sur la nouvelle plate-forme créée. Je me dis alors, par rapport à l’attribution de fonds publics, ce serait peutêtre de bien regarder la structure générale des entreprises qui s’implantent, si c’est vraiment leur volonté de créer des emplois et si cela ne touche pas à la structure générale de ces entreprises. Car je constate que, depuis ces années, les entreprises se sont organisées justement par petites unités. Cela leur procure des facilités pour fermer ou créer sur l’ensemble du terr itoire. Je viens d’une région, la Meurthe-etMoselle, qui a connu de grands plans de licenciements dans la sidérurgie. Quand je remonte là-haut et que je regarde, je vois maintenant l’organisation du travail qu’il y

Je peux vous garantir que tous ceux qui sont venus sur les sites de Longwy, Pompey … ce sont des entreprises qui se sont délocalisées. Quand je vois Thomson, c’est pratiquement l’entreprise de Grenoble qui a été délocalisée, et elle n’a rien créé comme emplois. Les entreprises cela va et vient, çà repart. Quand on voit ce qui se passe à Mont-StMartin avec Deawoo et plein d’autr es choses, des entreprises viennent, sucent tout ce qu’elles peuvent et après 2, 3 ou 4 ans, s’en vont. Elles laissent le même lot de galère et en provoquent même une autre car pendant ce temps elles ont créé une concurrence, liquidé des concurrents, qui eux ne bénéficiaient pas de fonds publics. A l’intérieur de tout cela, c’est l’ensemble de la société qui en paie les conséquences.

Je voudrais revenir sur les zones franches. Ces zones franches sont mises dans des quartiers difficiles qui peinent déjà à s’insérer dans une ville. Je me dis, on commence par créer des associations pour ces jeunes-là, où ces gens-là vivent, pour qu’ils fassent quelque chose, passent leurs loisirs dans leur quartier. Avec leur travail dans leur quartier, finalement, on aura du mal à les insérer, car ils ne seront restés que dans leur quartier et dans ces zones franches.

Le gouvernement fait venir de petites entreprises et en même temps il ferme les services publics de ces zones. Il faut revoir cela, il faut que les services publics soient maintenus et il faut également travailler sur d’autr es sujets qui sont liés à la problématique de ces quartiers.

Denis DURAND :

Je suis syndicaliste CGT à la Banque de France. Notre ami de Poitier s a exposé, mieux que je n’aurai osé le faire moi-même, les liens étroits qui unissent l’activité de la Banque de France et les questions qui nous occupent aujourd’hui

J’ai tr ès peu de chose à ajouter à ce qu’il a dit. Je peux donner quelques informations supplémentaires quand même. La première est que les salariés de la Banque de France participent à un mouvement de grève comme on n’a en probablement pas connu dans l’entreprise et pourtant il y a une cer taine tradition de lutte à la Banque de France. On peut penser que plus de 80 %, voir 90 % du réseau sont en grève à l’appel de l’ensemble des syndicats, ce qui ne s’était jamais vu de mémoire de syndicaliste. Je pense qu’avec un mouvement comme celui-là, dans le contexte, c’est-à-dire la révolte des élus locaux toutes tendances confondues qui l’accompagne, le gouvernement Raffarin ne pourra pas ne pas en tenir compte, même si on est très loin d’être au bout de la bataille. C’est une première information. La deuxième information, c’est que la participation, comme cela a été dit, des services de la Banque de France à l’activité de contrôle des fonds publics aux entreprises, telle qu’elle se faisait dans le cadre de la loi Hue, et d’une façon plus générale, c’est une des revendications du mouvement des salariés de la Banque de France. Cela fait partie, c’était déjà un vieux projet, déjà en 1997, il y avait eu des discussions qui auraient tendu, par exemple, à introduire dans les fichiers des entreprises de la Banque de France un enregistrement permettant de suivre les aides publiques aux entreprises. Or, ce projet n’avait pas été retenu par la direction de la Banque de France. Mais aujourd’hui, il redevient d’actualité. Les 7 syndicats de la Banque de France, dans les propositions qu’ils ont faites pour développer les activités de l’entreprise, font figurer un chapitre entier sur le renforcement de la participation des services et des succursales de la banque. A l’époque c’était dans le cadre de la loi Hue, aux commissions régionales. Les directeurs de la Banque de France faisaient partie des commissions régionales et nationales de contrôle des aides publiques aux entreprises, les directeurs régionaux de la Banque de France faisaient par tie, en général, à tit re de personnalités qualifiées de la commission régionale. Il y avait évidemment une bataille en même temps, car ils y étaient nommés avec consigne absolue de ne jamais ouvrir la bouche et de ne jamais se mouiller en faveur de l’emploi. Il y a donc là un lien qui est extrêmement profond entre ces luttes dans le secteur financier et des batailles politiques et sociales qui peuvent exister dans l’ensemble de la société. Je crois que l’on n’exagère pas si l’on dit de façon un peu caricaturale que les 4000 suppressions d’emplois qui sont programmées à la Banque de France avec la fermeture de 150 succursales, au fond cela va plus loin que 4000 suppressions d’emplois. Cela peut aller plus loin car s’il n’y a plus de succursale à Montargis ou à Blois pour aider précisément sur le contrôle des fonds publics, mais aussi pour assister, comme cela a été dit, pour donner de l’information peut-être aux salariés, aux représentants syndicaux en matière de gestion financière, on peut s’attendre à ce que les dégâts sur l’emploi soient démultipliés par rapport à ce qui a été fait et donc en France et en Europe. En effet, derr ière cette affaire de contrôle des fonds publics, pour nous syndicats et salariés de la Banque de France, économistes, il y a une cohérence avec la politique monétaire dans son ensemble. Contrôler les fonds publics, c’est une sorte de levier pour contrôler les fonds privés. On sait bien que, suivant qu’une aide publique est attribuée ou non un patron, une entreprise décidera ou non d’effectuer tel investissement. C’est donc un élément de pression, d’incitation sur l’utilisation des profits des entreprises. De la même façon, suivant qu’une bonification d’intérêt est attribuée ou non, associée ou non à tel ou tel crédit, tel ou tel projet se réalisera ou pas.

A travers cette opération du contrôle de l’utilisation des fonds publics on voit que l’on peut aller très très loin, jusqu’à dessiner l’idée d’une politique monétaire qui est très différente de celle qui est mené aujourd’hui, qui se donne pour priorité le développement de l’emploi, de la formation et des territoires et qui ne soit pas simplement une politique monétaire destinée à assurer la crédibilité de Schumberg vis à vis des marchés financiers. Du point de vue des salariés de la Banque de France, ce n’est pas du tout la même chose d’avoir une politique monétaire pour les marchés financiers : il suffit d’avoir quelques gouverneurs à Frankfort et une salle de marché et pas de succursales dans les terr itoires. Alors qu’à l’inverse, si on veut défendre l’emploi en s’appuyant sur les forces sociales qui se battent pour l’emploi, il faut être présent.

Il faut que le système européen de banque centrale, à travers les banques centrales nationales comme la Banque de France et ses succursales, s’ouvre au mouvement social et au mouvement populaire. Je crois que cela peut aller extrêmement loin au niveau de la vision de la société. Je conclurai en disant qu’à mon avis, du point de vue de salarié de la Banque de France, une initiative comme celle d’aujourd'hui nous aide, parce qu’elle nous permet de percevoir la cohérence entre nos revendications et une vision d’ensemble de la société. Cela nous permet de résister beaucoup plus efficacement aux campagnes de découragement et évidemment aux arguments de notre direction qui voudrait éviter que le débat se développe sur les missions de la Banque de France au service de l’emploi, etc. Donc il me semble que le mouvement qui est si fort aujourd’hui au niveau du personnel de la Banque de France, ne le serait probablement pas autant si ces idées sur une Banque de France au service de la société, au service de l’emploi et de la formation, au service du contrôle des fonds publics, si ces idées n’avaient pas été défendues depuis déjà assez longtemps, au sein même du personnel de la Banque de France.

 

Max NUBLAT :

Ne pourrait-on pas avoir une action, ce soir, en faveur de la lutte des salariés de la Banque de France ?

 

Jean-Michel BODIN :

C’est ce que j’avais compris dans la réflexion de Denis. Quelle init iat ive peut avoir le réseau avec les salariés de la Banque de France, soit au niveau régional, soit au niveau national, pour montrer et faire voir qu’au fond les questions que nous nous posons sont les mêmes.

Yves DIMICOLI : Je vais aller dans le sens de Denis, en soutenant très for t la pr oposi t ion d’une ad resse appuy ant l es sal ar iés de l a Banque de Fr ance dans l eur bagarre. Je trouve cette première rencontre extrêmement importante. Elle est d’ailleurs totalement inédite en France et sans doute en Europe. Et c’est une rencontre qui a une signification politique et sociale parce qu’en réalité derrière le problème des fonds publics et des décisions récentes qui ont été prises par Raffarin, il y a des enjeux de pouvoirs qui sont posées, enjeux de pouvoir pour les salariés, enjeux de pouvoirs pour les citoyens. Il est significatif que dans ces premières décisions de gouvernement, Raffarin ait décidé précisément de mettre en cause deux types de pouvoirs nouveaux acquis ou conquis à l’initiative d’ailleurs du parti communiste et des élus communistes pendant la période 19972001 : des pouvoirs nouveaux sur l’utilisation de l’argent des entreprises et des pouvoirs nouveaux sur l’emploi, sur les décisions d’emploi. Il s’agit, même si ces dispositions ont été tr ès insuffisantes, d’une première brèche qui était ouverte au plan institutionnel dans le monopole patronal de décision sur l’emploi et l’argent. C’est au cœur du système de pouvoir capitaliste, emploi/argent. C’était bien évidemment complètement intolérable pour les employeurs, les patrons, d’où les décisions de Raffarin. Mais ces avancées ont été malheureusement tr ès sous-estimées au départ et c’est l’un des hommages à rendre aux initiateurs de ce réseau que d’avoir mesuré tr ès vite l’importance que cela recouvrait. En fait, ces avancées ont été malheureusement sous-estimées et même parfois un peu décriées, il faut bien le reconnaîtr e. Cela peut être a contribué finalement à ce que le mouvement populaire ne s’en saisisse pas suffisamment.

S’il s’en était vraiment saisi, sans doute que Raffarin aurait eu plus de difficultés pour revenir dessus. Les patrons prennent appui sur les décisions de Raffarin pour ouvrir très largement les vannes des suppressions d’emplois, alors que les aides publiques sous formes d’exonérations de charges sociales redoublent. Donc je trouve que l’existence du réseau est d’autant plus importante dans ces circonstances, car il faut construire désormais une riposte populaire pour chercher à imposer en pratique des comportements, des institutions de fait, face à cette remise en cause du droit. Le droit conquis a été mis en cause, il faut une riposte pour imposer des pratiques de fait. Et je crois qu’on va voir à quel point ce réseau peut jouer un rôle important.

Deuxième chose, ce qui est en cause c’est le pouvoir énorme des grands groupes sur le territoire, sur l’utilisation de l’argent précisément.

Il y a 80 grands groupes qui en France contrôlent 1/3 des emplois et la moitié des profits d’exploitation. Ces grands groupes sont pour l’essentiel ceux qui ont canalisé les 560 millions d’euros de ressources nouvelles mises à la disposition des entreprises en 2001 sous forme de profits, de fonds publics et de crédits. Or tout cet argent comment a-t-il été utili sé ? Selon les comptes de la nation, près de la moitié de ces sommes ont été utilisées à payer des intérêts aux banques, à payer des dividendes aux actionnaires et à faire des investissements financiers. C’est dire la masse des fonds mises à la disposition des entreprises qui pourrait servir à développer les capacités humaines, mais qui sont distraits vers des utilisations purement financières. Je termine en revenant sur le denier point abordé par Denis : on a besoin d’un contrôle social, national, européen sur l’utilisation de ces fonds par les grands groupes. C’est indispensable ! Prétendre changer les choses dans le pays, sans mettre en cause ce pouvoir économique sur l’utilisation de l’argent, relève finalement de la démagogie. Les fonds publics attr ibués aux entreprises dès lors qu’ils sont dans les entreprises, se mêlent à tous les autres fonds. Donc établir un pouvoir de contrôle sur l’utili sation des fonds publics, c’est aussi établir un pouvoir d’intervention sur l’ensemble des fonds dont disposent les entreprises. Et c’est là que je reviens. Il y a effectivement par le biais de l’intervention dans la gestion, l’aide publique si elle est assort ie d’un contrôle, d’une obli gation de résultats, d’un pouvoir citoyen permettant de la suivre jusqu’au bout, elle permet de peser sur l’orientation de la gestion de l’entreprise. Cela peut être un levier tr ès important pour sécuriser l’emploi et la formation des entreprises et deuxièmement comme l’a dit Denis et je tiens à ré-insister, cela peut être un moyen de mobili ser le crédit des banques. Il faut absolument transformer les relations entre banques et entreprises, l’aide publique par le biais de la bonification des taux d’intérêts sélective, c'est-à-dire encourageant l’emploi et en pénalisant les utilisations financières de l’argent. Alors l’aide publique peut servir à tirer les banques, à tirer les crédits vers de nouveaux usages. C’est dire à quel point le champ d’intervention du réseau, de ce réseau, de notre rencontre d’aujourd’hui est important

 

Guy DESEEZ :

Je suis membre du Conseil Économique et Social Régional dans le Centre. Mon act ivité syndicale est une activité particulière, je suis secrétaire, membre de la direction nationale des privés d’emploi CGT. Mon interrogation, par rapport aux fonds publics, c’est le contrôle, oui, mais en même temps, il faut porter

la revendication de la loi Hue. Il faut la reconquérir, mais aussi s’interroger sur la nécessité de l’intervention de ces fonds publics. Il ne faut pas faire que les contrôler. Il me semble qu’avant de les contrôler, il faut une réflexion sur leur attribution. Je vais prendre quelques exemples sur l’Eure-et-Loir parce que je connais bien. On a une entreprise qui s’appelle Muller Bem. On a annoncé 500 créations d’emplois à Chartr es, n’empêche que sur 500 créations d’emplois, il y en avait 170 qui venaient d’ailleurs, c’était des emplois transférés. Il y a le Conseil Régional qui est intervenu, le Conseil Général et la vill e Chartr es et le gars qui avait le terrain à 1 F du m2. Moi en tant qu’individu, j’aurais bien voulu que la vill e de Chartr es me vende à 1 F le m2 un terrain pour construire ma maison. Je ne vois pas pourquoi mes impôts serviraient uniquement au capital. Jamais il n’y a eu 500 emplois chez Muller Bem, jamais ! Et aujourd’hui il n’y a plus que 100 salariés. Elle est passée d’une entreprise française à l’Italie. Le président du Conseil Général par l’intermédiaire du responsable du CODEL a fait la démonstration que l’entreprise, qui est restée 10 ans à Chartr es, a rapporté de l’argent aux collectivités locales. Alors si c’est vrai, quel mépris et quel déchirement pour les salariés quand ils entendent dire que cela a rapporté pendant 10 ans, et qu’aujourd'hui ça peut crever. Je crois qu’il faut que l’on réfléchisse à quel « disant social » on associe les fonds publics.

Est-ce que l’on a donné des fonds publics pour créer des entreprises qui vont payer au SMIC et qui vont être sous-traitantes des grandes entreprises, afin de contribuer à ce que ces grandes entreprises baissent leurs coûts salar iaux ? Parce que celles-ci ne pourront avoir des gens produisant le même produit au SMIC, elles le feront produire ailleurs, y compris par les délocalisations. Il n’y a pas que l’Europe, avec deux départements proches, on est capable de délocaliser. Avec la nouvelle responsabilité régionale qui accompagne la décentralisation, est-ce qu’on va continuer à avoir des régions riches, qui vont devenir de plus en plus riches et des régions pauvres qui vont devenir de plus en plus pauvres, parce qu’elles n’auront pas les moyens d’att irer des entreprises ? On ne veut plus du capitalisme d’Etat et on va le transformer en capitalisme régional supraeuropéen. Voilà un peu mon interrogation. En même temps avec le Conseil Économique et Social Régional, on sait ce qui se passe dans la région : oui, il y a un peu plus de transparence sur toutes les aides économiques, que l’on balance de filière en filière. Il y a quand même des choses où l’on se demande honnêtement où on va.

On a du mal à voir clair sur « où va l’argent ». Il faut que l’on réfléchisse, jusqu’aux années 75, les salariés se battaient sur les salaires. Avec la crise, on a transformé les mentalités avec la bataille pour l’emploi. Cela a comme conséquence que l’on règle tout par rapport à l’emploi et on amène à des baisses de salaires, de rémunérations, au développement massif du chômage. En fin de compte, on va à contrecourant des intérêts des populations. Là-aussi, il faudra peut être que dans le réseau on réfléchisse à inverser quand même les tendances, l’emploi pour l’emploi ce n’est pas la réponse

 

Marc BRYNHOLE :

En juin 2000 on a tenu une réunion avec une configur at ion politique différente, à la veille du vote de la loi Hue. On était dans une configuration d’application d’une commission. On a eu cette réunion dans une situation l’on pensait aller plus loin, gagner plus dans ce système. Et puis, il y a eu des difficultés. J’ai le souvenir du crédit sélectif, du droit d’alerte pour les salariés. On était dans le développement, dans l’offensive, mais malgré tout on a eu une difficulté d’ordre politique, on ne peut pas faire sans le mouvement populaire. Je ne suis pas un économiste. La réalité n’est pas elle est annoncée. Je me souviens d’avoir alerté des salariés d’entreprises, sur les aides à des formations. On n’est pas arr ivé à en faire des bataill es politiques d’envergure. Sans aucun doute, mettr e le nez, la main et le cerveau du côté obscur de la société, dans ce qui se trame dans les conseils d’administration du côté de la circulation de l’argent, du côté de la création du profit, etc. ce n’était peut-être pas évident. Il faut donc reprendre ce combat tranquillement, mais de façon offensive avec une situation qui n’est pas la même, avec un rouleau compresseur qui avance avec les idées du libéralisme, du capitalisme débridé tous les verrous doivent sauter. Alors je crois que l’on doit reprendre nos cart es en main, reprendre nos atouts. Il faut repartir à l’offensive. Et il me semble, autant que la loi Hue qui est remise en cause aujourd’hui largement, que localement avec notre commission de contrôle, nous devrions en faire un de nos angles d’attaque politique pour nos lutt es d’aujourd’hui, pour faire une démonstration peut être modeste, mais indispensable, incontournable. Les richesses se créent dans l’entreprise par le travail donc par l’exploitation des cerveaux, des capacités humaines. Il y a besoin de s’occuper, nous qui voulons changer de politique et de société, de déjà résister à ce rouleau compresseur, il y a besoin de résister à cela. Il faut avoir les atouts, les éléments de compréhension, il y a besoin de pédagogie sur ces questions. Il n’est pas vrai, et personne ne le pense ici sans doute, que Raffarin et son équipe sont des gens inat taquables, inoxydables, et qu’ils sont pour des décennies. D’ailleurs la preuve, ils font voter le 49.3 pour essayer de passer en force leur plan électoral, pour essayer de maintenir leur domination. Donc ne baissons pas la garde sur ces questions et sur d’autr es, il faut donner les chiffres, on les a et on les aura. Il faut continuer à donner les informations aux salariés et à ceux qui ne sont pas salariés. On donne 500 000 francs ici, 1 million et regardons ce que l’on en fait, comment on les transforme, y compris pour lutter maintenant avant qu’il n’y ait des plans de licenciement, etc. Et puis la dernière chose que je voudrais dire de façon pédagogique : lutte/r assemblement, je pense aux régions. Il me semble que celles-ci vont avoir, auront une responsabili tr ès importante dans le cadre des lois de décentralisation dans le domaine de l’économie et de la formation. C’est un des lieux qui risque d’être décisif. J’avais fait une enquête dans le département du Loiret, il y a 4 ou 5 ans. Entre les aides économiques directes, des villes, des départements et de la région on aboutissait à un total d’environ 2500 F par foyer fiscal. Comment fait-on pour rendre cela palpable entre les salariés de l’entreprise et les citoyens. Ils sont concernés, ils payent des impôts et donc les élus sont concernés aussi. C’est le combat qu’il faut mener. Pour cela, il faut se doter d’outils encore plus performants que ceux que l’on a, pour ne pas en rester aux acquis que l’on a pu avoir à un moment donné, qui vivent aujourd’hui, que l’on ne doit pas dénigrer parce qu’ils sont effectivement utiles. Ils permettent d’aller plus loin dans la résistance et la construction d’une autre politique.

Une dernière chose : il n’y a pas que dans les entreprises classiques que cela se pose, dans le domaine culturel, c’est la même chose. Il va y avoir une problématique qui nous est posée ici en région : comment contrôler les fonds attribués aux créations culturelles. Le succès de ces œuvres permettr ait un retour pour aider à mutualiser des fonds, pour venir en aide à la création française. C’est un exemple, on pourrait multiplier comme cela des pistes de réflexion.

 

Jean-Michel BODIN :

Je voudrais dire un mot sur l’aspect public/privé. La question qui est posée, c’est qu’il faut élargir cela à tout ce qui est champ de l’utilisation de l’argent public. A la CRAPE, lors de la dernière réunion que l’on avait tenue avec le Préfet, on avait décidé d’intégrer tout ce qui était aides. Par exemple, les aides aux organismes de formations, publics ou para-publics. Donc cela ne touche pas que le privé. C’est entre autr es, savoir ce que nous faisons de l’argent public. On sait le scandale qui existe dans le domaine de la formation, on sait comment sont utilisés les fonds collectés ou donnés aux entreprises pour la formation. Il y a même des endroit s où cela ser t au chef d’ent reprise pour apprendre à voler en hélicoptère. C’est du réel, et cela, c’est pour gagner du temps pour aller prospecter à l’extérieur.

 

Bernard VIOLAIN :

C'est l e débat qui me pousse à intervenir, débat tr ès intéressant et t rès r i che. Je partage l’idée que la question de l’argent est devenue t rès populaire, mais encore faut-il qu’on la prenne bien dans sa globalité, c’est-à-dire : il n’y a pas que l es fonds pub li cs.

Derr ière il y la fiscalité, derrière il y a quels moyens pour satisfaire quels besoins, et quels sont les besoins d’ordre législatif. Il faut voir que les gens se sont appropriés la question de l’argent mais vue de façon très large. Il ne faut pas que nous on réduise la question. Il faut qu’on continue à l’élargir tr ès fortement. Je crois que notre objectif précisément, c’est de faire que cette question soit portée par les citoyens eux-mêmes, c’est-à-dire ne pas les dessaisir. De ce point de vue, je pense que quelque part quand même, on est entre nous, avec la loi Hue. On a laissé entendre que c’était réglé cette question là, alors qu’elle était plus que jamais posée, et posée pour les gens eux-mêmes. Je voudrais intervenir sur 3 points. Quelques remarques d’ordre général, trois questions que je me pose et après des propositions : je parle de mon souci en tant qu’élu et en tant que communiste, comment je suis pertinent et comment je suis capable, sur cette question là comme sur d’autres, de rendre perceptible pour les gens et donc de les faire participer à une construction politique qui effectivement pose la question d’une transformation sociale. On ne peut seulement se contenter de constater, de protester, il faut maintenant que l’on passe au niveau de construire et de montrer aux gens, avec leur intervention qu’il est possible de faire autre chose que ce qui a été fait par le passé et ce qui est fait aujourd’hui. C’est une grande question.

Pour en revenir à la loi Hue, je sais que j’ai eu la première et la seule réunion de la Commission Régionale des Aides Publiques aux Entreprises. On s’est empoigné les uns et les autres, notamment entre la droite, le MEDEF et moi, sur ce qu’était à la fois les objectifs de la loi Hue et ses missions. Parce que, avant de venir à la mission de contrôle, il y avait deux objectifs qui étaient beaucoup plus conséquents, c’était d’évaluer les impacts économiques, sociaux, qualitatifs, quantitatifs des aides publiques et de valoriser les bonnes pratiques et ce n’est qu’après que l’on contrôlait. Et je pense que dans la construction que l’on va faire, il ne faut pas qu’on lâche sur cette question-là. Donc, première chose mon souci est d’aller au-delà de la dénonciation, c’est de voir comment on s’y prend. Maintenant nous sommes confrontés à une situation, c’est l’abrogation. Mon sentiment c’est qu’il ne faut pas avoir une démarche défensive, d’être un peu les orphelins d’une loi que l’on aurait perdue. Il me semble qu’aujourd’hui, en terme d’intervention politique, nous ne sommes pas à la hauteur.

A savoir que dans sa politique, Raffarin ne remet pas en cause les choix qui ont été accomplis par la gauche plurielle. Il supprime les seules avancées qui ont été obtenues par la conjugaison des lut tes et de l’act ion des communistes, et donc çà c’est pour nous une porte importante. Il met précisément en débat l’existence de deux conceptions de société et pas trois. Il nous met vraiment en situation de mener le débat politique sur des enjeux de société fondamentaux.

Je trouve que l’on n’est pas sur une défensive, on est vraiment sur une démarche offensive, et je pense que l’on ne fait pas assez par rapport à ça. On s’en tient à des généralités. On ne pointe pas que toutes les mesures que Raffarin a supprimées sont celles-ci et pas d’autr es, y compris par rapport au mode de scrutin. Si on n'en parle pas de cela, on laisse le champ libre au PS.

Deuxième chose, d’une façon un peu paradoxale, la remise en cause de la loi Hue, de la loi sur le contrôle des financements publics, nous ouvre, je crois, j’y reviens, d’autres arguments. A savoir, je ne préconise pas que l’on demande le rétablissement à l’identique de cette loi, car on serait en dessous des ambitions, des enjeux. Dans ma Commission Régionale des Aides Publiques aux Entreprises, une fois qu’elle s’est réunie, à moins d’avoir des moyens extraordinaires de popularisation, personne ne sait ce qui se fait là-dedans. Et cela reste quand même une commission entre gens, pas de bonne compagnie parce que l’on se frotte, mais de gens en dehors du mouvement.

S’il faut demander quelque chose, c’est effectivement de donner plus de pouvoir aux citoyens, plus de pouvoir au monde social sur cette question décisive des fonds publics. Cela nous met en situation d’être à l’offensive par rapport à cela. C’était là mes quelques remarques d’ordre général. Maintenant sur mes trois propositions, il faut vraiment que l’on s’habitue à davantage partir en terme de besoins, besoin en terme d’emploi, de revenu, etc. Mais après j’ai trois questions :

Un, je pense nous avons une responsabilit é, c’est comment on met en perspective dans nos communes, dans les départements, dans les régions ce que sont réellement les aides publiques accordées en général. Tout à l’heure, le rappelait Jean-Michel, il y a une sous-estimation de ce qui se fait. A la première réunion de la Commission Régionale des Aides Publiques aux Entreprises, le document que l’on avait reçu faisait état de 63 Milli ons d’ d’aides versées et après ils nous ont dit, on a oublié plus de 30 millions d’ que l’on ne contrôlait pas. Il y avait 93 Milli ons versés par la région, par la nation et par l’Europe. Puis ils ont dit les 30 millions que l’on a oubliés, ce sont des fonds versés par des enveloppes ministérielles qui échappent en fin de compte à tous les circuits officiels. C'est-à-dire qu’il y a des batailles à mener. Et après les 93 Millions, c’était trois autres niveaux quand on rajoute les communes, les départements et les coopérations inter-communales. Bien souvent on double la mise. Et donc, si on veut continuer à rendre encore plus populaire la question et faire que les gens s’en occupent, il faut travailler tr ès fort ce que sont réellement ces aides publiques. Je dis cela parce que j’ai une proposition à faire par rapport à la construction politique. On a donc cet effort considérable à faire, et je crois que nous avons dans nos départements, nos régions, non pas tout, mais quand même des choses qui nous permettent de mettre ça en perspective.

La deuxième question que je me pose, c’est qu’il faut désenclaver un peu le débat. Ce n’est pas le débat entre nous et les entreprises. Il faut le mettre de façon beaucoup plus conséquente sur la place publique, faire se rapprocher justement ce qui ce passe en terme d’aides avec la fiscalité. Aujourd’hui dans nos communes et dans le sens large du terme, les entreprises contribuent de moins en moins à la fiscalité locale. Par contre elles récupèrent de plus en plus d’aides et d’exonérations et ce sont finalement les ménages qui paient . C’est une pr emière chose. Deuxième chose, c’est par rapport à la formation. JeanMichel a pris une car icature par rapport aux patrons qui se payaient les avions. Mais attention, je vois que dans la région, aujourd’hui la taxe d’apprentissage n’est plus essentiellement collectée par les OPCA, de moins en moins. Elle est collectée directement par les organismes mis en place par le MEDEF, mais pas pour faire des t ransports d’avions. C’est pour construire des centres de formations adaptés, qui vont du niveau bac +2 jusqu’à bac +10. C’est pour trouver des financements autres. Je prends un exemple c’est Vuitton, cette entreprise de luxe. J’ai démontré que dans la région, où elle s’est implantée, elle a créé 500 emplois qui sont pris à 100 % en charge pendant 5 ans, exclusivement par le fait que le MEDEF a trouvé le biais de collecter des fonds destinés à la formation et à l’apprentissage pour faire cela. On a donc intérêt à ne pas rester sur des choses trop étroites…il faut vraiment que l’on désenclave, que l’on donne de l’ouver ture à ces questions-là.

Et la troisième question, je pense quand même que dans le souci en fin de compte de faire que les gens s’approprient davantage ces questions, il y a la place réelle de l’entreprise dans la société. Je suis en train de travailler, je ne suis pas arrivé au bout, c’est très complexe, dans une région comme la nôtre, les Pays de la Loire. Aujourd’hui les salaires versés par la fonction publique et à commencer par cette collectivité territoriale, plus les aides publiques, cela représente plus que les richesses d’entreprises privées !. Et là, il y a quand même pour nous un sacré souci à avoir, parce que l’on voit bien que l’économie est en train de drôlement évoluer. Et naturellement, dans ce contexte là, c’est le MEDEF qui tire. Le capitalisme pompe sans créer d’emploi.

Il y a vraiment des réflexions tr ès conséquentes à avoir sur ce qu’est aujourd’hui la réalité, comment les choses ont bougé, comment les choses ont évolué en fin de compte dans cette entreprise de profond remodelage.

Cela m’amène à quelques propositions qui n’ont rien de particulier. Mais je crois que l’on a une cible aujourd'hui de gens à consulter, le mouvement social, bien sûr, je n’y reviens pas, mais les élus locaux. Il faut que l’on voie comment on peut les mettre dans le coup. Ils représentent manifestement aujourd’hui, je crois, un atout pour nous permettr e d’aller beaucoup plus loin. J’ai lancé un appel. Pour l’instant, les réponses que j’ai, ce sont plus celles des maires de droite que des maires de gauche. Pourquoi ? parce que maintenant, c’est la période des budgets, dans le contexte que l’on connaît. Plus l’État se désengage sur ses responsabili tés et plus les gens se tournent vers les élus locaux, pour leur dire, «attention ! ». Et en même temps, on voit bien que les besoins augmentent de façon exponentielle dans les communes.

Les élus sont confrontés à cela. Ils sont confrontés à des entreprises petites ou grandes qui réclament des exonérations, qui réclament des aides, qui réclament des équipements, avec une fiscalité qui est en train d’exploser. Il y a vraiment à regarder et je pense que le travail vers les élus est un travail extrêmement conséquent.

 

Gérard IRAGNES :

Je suis conseill er général de Midi-Pyrénées, je ne suis pas venu de Cahors avec Joëlle GREDER qui est secrétaire du comité régional du PCF de Montauban, pour ne rien dire. Même si c’est difficile d’être original maintenant, avec tout ce qui vient d’être dit. Même si, et je m’adresse à Jean-Michel Bodin, même si c’est compliqué de venir de Cahors à Orléans, parce que si finalement on avait fait le bon choix du train, ce qui était logique, il aurait fallu aller quasiment à Paris et revenir à Orléans ou passer par Bordeaux. Enfin toute une complication, alors on a été obligé de venir en voiture,

Je dirai deux ou trois choses après tout ce qui a été dit. Donc membre de feu la commission régionale, cela nous a posé les problèmes tels qu’ils viennent d’être évoqués, dès la première réunion d’installation. Mais aussi, lors d’une deuxième réunion fin juillet où il n’y avait quasiment personne, parce que c’était une façon aussi pour le Préfet et pour le Président du Conseil régional de montrer «l’enthousiasme »qu’ils avaient à voir cette Commission Régionale des Aides Publiques aux Entreprises fonctionner. Moi je dirais que l’abrogation de la loi Hue n’a pas soulevé d’indignation fantastique du côté du Conseil Régional, c’est le moins que l’on puisse dire. Malvy n’a jamais été un franc partisan de cette loi. Ceci dit, on avait déjà posé quelques jalons et cela me paraissait intéressant. Notamment on avait, avec Alain Morin t ravaillé sur le cas de VALEO, puisque Cahors fait partie des sites qui ont été rayés de la carte par VALEO, avec 400 emplois supprimés. Donc on était tr ès intéressé. Je dirais que notre atout dans cette affaire, c’est que l’opinion publique est tr ès favorable à cette idée de contrôler l’argent public. C’est un atout fantastique ! A une époque on disait même, (on avait eu une réunion précédente du réseau), on disait que finalement ils auraient du mal à y toucher à cette loi, tellement elle était populaire. Mais ceci dit, pour toutes les raisons politiques que l’on sait, on en est là. Mais c’est vrai que c’est notre chance. Ce qui veut dire que l’on va pouvoir certainement mobiliser autour de cette idée de restaurer la loi sur le contrôle. Dans la région, il y a des tas de plans de licenciements de grands groupes comme VALEO. Il y a Pechiney aussi dans l’Ariège. On a un scandale fantastique qui n’est pas résolu, c’est STORAGE TECH, montré dans l’Humanité récemment. Cette entreprise qui a touché 23 Millions de Fd’argent public pour créer 400 emplois, qui en a créé 100 et à laquelle on n’a rien demandé, ce qui est un vrai scandale !. C’est une multinationale américaine, donc on a un terrain favorable, d’autant qu’il va y avoir d’autr es plans qui vont venir et que finalement aussi, quand on fait signer une pétition, on recueille du succès. Le plus difficile, ce n’est pas tellement de faire signer, c’est d’aller chercher les signatures, c’est cela qui est le plus compliqué, parce que j’ai vu des responsables de CGT, CFDT de VALEO qui évidemment sont favorables, des responsables socialistes qui ont signé la pétition, des conseill ers régionaux. Donc on n’a pas trop de difficultés, mais après il faut aller chercher les autres signatures. Mais moi, je me pose la question : est-ce que cela va être suffisant ? Car même si on recueille 300, 400 peut être 1000 signatures, rapidement, en Midi-Pyrénées, ce qui va être faisable, est-ce que cela va être suffisant pour créer un mouvement, un rassemblement et l’élargir ? Donc c’est peut être là qu’une réunion comme celle d’aujourd’hui est intéressante, parce qu’elle nous permet d’échanger. A mon avis, pour qu’on soit vraiment offensif, cela a été dit, on peut avancer l’idée de restaurer la loi Hue dans son esprit et notamment l’idée d’évaluation sur les politiques menées mais dans toute sa dimension. Car comme vous le savez, avait été évacuée par les décrets, une partie des contrôles des aides de l’Etat. Il y a beaucoup d’argent public qui a été délivré sans contrôle.

Il va falloir lancer cette idée qu’il faut la rétablir dans toute sa totalité et certainement aller plus loin. L’idée de contrôle me paraît essentielle, primordiale. Mais c’est vrai aussi, l’idée que dans les critères d’attr ibution, il faut aller plus loin, parce lorsqu’une entreprise qui a touché des fonds publics délocalise, le remboursement, il est moral, et cela personne ne le conteste. Mais l’emploi est perdu. Donc il faut agir bien en amont et c’est bien à ce moment là, quand on attribue les aides, sous une forme ou une autre, qu’il faut agir, qu’il faut être offensif. D’autant que l’on nous annonce pour les mois et les années à venir des plans de délocalisations, avec l’ouverture à l’est, etc…, des délocalisations monstrueuses, donc i l faut qu’avec cett e loi , on soit offensif.

 

Jean-Pierre SOBLAHOVSKY :

Je suis salarié à Matra Automobiles, enfin dans sa filiale MVC qui est sise à Theillay. Matra Automobil es, je le rappelle, c’est le groupe Lagardèr e qui est au-dessus. Ce n’est pas un groupe qui a peu de moyens. Il est en train de racheter «VUP éditions »pour obtenir le monopole au niveau de la communication dans notre pays. C’est aussi ce qui explique le relatif silence qui entoure les licenciements à Matra Automobiles et les circonstances dans lesquelles cela se passe. Parce que c’est vraiment scandaleux. Pour en revenir aux fonds publics et les aides données par l’Etat, par la Région, etc., je voudrais soulever quelques scandales. Je travaille à Theillay et à Theillay, aujourd’hui il n’y a pas encore de licenciements. Par contre dans une situation financière avec environ 10 millions de pertes, théoriquement on devrait être en dépôt de bilan. Aujourd’hui que propose le préfet du Loiret-Cher ? Simplement faire des dérogations concernant l’URSSAF. Je rappelle toujours, Lagardère est au-dessus. Est-ce que c’est sérieux ?, est-ce que demain on aura encore la Sécurité Sociale ? On se bat pour les retraites et si on continue comme cela demain, il n’y aura plus de Sécurité Sociale. Alors cela fait partie aussi de l’aspect scandaleux des aides, les allègements qui sont faits. Autre chose, il y a des gens qui à force de travailler sont fatigués. Il y a des inaptitudes. A la CGT on a donné un avis favorable pour qu’il y ait des postes aménagés pour les personnes handicapées. Au final, on s’est fait rouler dans la farine, parce que les postes au bout d’un an, de deux ans, ces postes sont mis en production. Les mecs, ils ne peuvent plus y être . Et quand on pose la question au patron, il répond «maintenant c’est fini, on n’en parle plus ».

Autre chose, la formation, question très importante parce que c’est un point essentiel pour développer l’out il de travail. On s’aperçoit, et on le dit avec le bassin d’emploi du romorantinais, on fait de la formation que l’on appelle « employabili té ». Et une fois que vous avez cela dans l’entreprise et que vous êtes licenciés, vous allez où après ?, nulle part. Cela ne donne rien, et effectivement des aides sont données pour ça. Quand j’apprends, je ne suis pas surpris, qu’il est sollicité 4 Millions d’ d’aides pour un plan de formation, non pas pour créer des emplois ou pour consolider des emplois, mais simplement faire en sorte que l’on fasse passer la pilule des licenciements dans le bassin d’emploi du romorantinais, qu’est-ce que l’on va faire, techniquement en tant que salarié ? Je m’interroge, ce sont mes impôts, qu’est-ce que je vais faire ? Et comment moi, en tant que communiste, je vais mobiliser les salariés sur les autr es questions. C’est ça, quelque part, qui doit nous sensibiliser. Le rôle des élus syndicaux qui sont présents dans une rencontre comme aujourd’hui est important et je remercie ceux qui l’ont organisée, car habituellement on nous empêche de le faire. Exemple, quand Delevoye a rencontré les élus de la Région Centr e, je remercie Alain Rafesthain d’avoir souhaité notre présence. Mais cela n’a pas été accepté par le ministr e, et Lorjoux, le maire de Romorantin, est revenu réjoui parce qu’il avait la promesse d’avoir des aides pour compenser les pertes d’emplois. On comprend alors pourquoi ils ne veulent pas la présence des élus du personnel, des élus syndicaux. C’est toute une démarche qui est cohérente de leur part. Ils parlent de démocratie, oui, mais ne l’appliq uent surtout pas.

Voilà, il y a tout un tas de sujets qui mériteraient d’être abordés. Mais vraiment il faut toujours se souvenir que les richesses sont créées par le travail, par l’emploi et pas par des aides.

 

Jean-Michel BODIN :

Peut-être Alain, notre animateur préféré du Réseau national, qui œuvre beaucoup pour que ces initiatives se développent, peut-il lancer quelque idées et puis essayer de donner quelques axes que l’on pourrait suivre, si on décide d’en faire nos pistes d’actions pour les semaines et les mois à venir, en intégrant la proposition qui a été faite d’une sorte d’adresse publique aux salariés de la Banque de France, pour leur dire la solidarité active qui est la nôtre vis à vis de leur action, pas uniquement pour des raisons de solidar ité, mais parce que nous avons une conception semblable de la pertinence du r ôle de la Banque de France.

 

Alain MORIN :

Je n’aurais pas la prétention de faire une synthèse de tout ce qui s’est dit et de pousser immédiatement un certain nombre de questions. Je crois que l’on va y travailler et on va y retravailler avec ceux qui animent. Car il y a tellement de choses qui y ont été dites !… Moi je voudrais revenir sur trois choses.

La première est que l’on a une contradiction difficile à gérer. D’abord la hauteur de l’enjeu que constitue cette bataille d’une part, et d’autre part, le besoin de favoriser l’appropriation militante de ces questions et cela c’est difficile. Comment on peut faire ? Il ne faut ni lâcher d’un côté, ni lâcher de l’autr e. Alors sur l’enjeu, je pense que l’on a raison de dire qu’aujourd’hui il est européen et mondial. Je pense qu’il faut poser les questions. Je veux juste vous donner un exemple. Aujourd’hui la contradiction énorme à laquelle toute la société est confrontée, c’est en premier lieu les exigences fondamentales des marchés financiers, des grandes entreprises, de mobiliser toute la société, de mobiliser tous les fonds disponibles, de mobiliser les fonds publics pour mener la guerre économique et en même temps garder le monopole total sur la gestion de cette aide, surtout ne pas partager les choix, ne pas laisser discuter des choix, je crois que c’est ce qui est caractéristique. D’ailleurs c’est tellement caractéristique que la semaine dernière, il y a eu une déclaration de Chirac, Schröder, et Blair, au niveau européen, qui ont dit : «aujourd’hui il y a la compétition internationale, il faut que l’Europe soit compétitive. Alors, il faut aider le patronat à mener la bataille et faire sauter tous les carcans bureaucratiques qui pourraient les empêcher de mener la guerre économique, etc.». C'est-à-dire, pas question de demander des comptes, pas question de contre-proposer face aux choix des grands groupes, voilà ce qui est aujourd’hui au cœur du libéralisme. C’est-à-dire, le soutien des Etats au marché, et aujourd’hui comme c’est en crise avec la domination des marchés, on pousse encore plus loin ce libéralisme. C’est à ce niveau là, que les questions sont posées. Donc et je crois que l’on est au cœur avec cette question du contrôle des fonds publics, de leur évaluation, des modifications, des réorientations de l’utili sation des fonds publics. On est au cœur de la lutte contre le libéralisme. Donc je pense qu’il faut retenir la proposition, d’être à l’initiative d’un atelier au Forum Social Européen qui se tiendra à Saint-Denis, Ivr y et Paris l’année prochaine, où l’on discuterait de cette question, en invitant évidemment bien au-delà de la France tous les gens qui sont confrontés dans tous les pays au même problème, est très pertinente.

Le deuxième point, sur lequel je voulais dire un mot, c’est venu très souvent, c’est la question : « est-ce que c’est utile, les aides publiques ?», et « est-ce que l’on peut vraiment y changer quelque chose autrement qu’à la marge ou est-ce que c’est beaucoup d’efforts pour pas grand chose ? ». Je pense que les aides publiques, c’est considérable, bien sûr. C’est constitutif du système, aujourd’hui les entreprises sont gavées de fonds publics. Sinon beaucoup crèveraient. Cela c’est la première chose. Deuxième chose, d’un côté, il y a inefficacité évidente des fonds publics par rappor t à l’emploi, par rapport à la formation, tout le monde l’a constaté. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les fonds publics soient inefficaces pour tout. Parce que chaque fois qu’il y a des objectifs qui sont annoncés, il y a d’autres objectifs qui sont poursuivis. Il y a un type d’aides, de fonds publics, qui pousse à une logique financière, la baisse des coûts salariaux en général, qui baisse les salaires. Et tout cela au profit des entreprises, pour développer les marchés financiers. En fait c'est çà qu’il faut changer dans les aides publiques ! La preuve que c’est efficace, c’est quand ont été proposé les exonérations de charges sur les bas salaires.

Il faut savoir qu’avec ces exonérations de charges qui ont été mises en œuvre entre 95 et 98, (vous savez c’était pour les salariés qui étaient en dessous de 1,3 SMIC, cela déclenchait automatiquement l’aide, l’exonération de charge), cette disposition a permis que le nombre de salariés au SMIC passe de 5 milli ons à 8 milli ons en 3 ans, sur les 14 milli ons de salariés du privé, c’est-à-dire plus de 50 % des salariés. Il y a eu l’incitation massive à développer cette même chose pour le temps partiel. Quand on a mis en place l’exonération pour le temps partiel, en quelques années on est passé de 8-9 % de l’emploi total à 17 %. Cela veut dire que les aides publiques peuvent être très efficaces pour infléchir les gestions dans un sens. Mais ce qui aujourd’hui domine, c’est pour pousser justement ces logiques financières qui poussent vers les bas coûts salariaux. Je pense qu’il peut y avoir de l’efficacité des aides publiques par rapport aux intérêts patronaux, mais il peut y avoir des aides publiques qui rendent cohérents les objectifs sur la question de l’emploi, de la formation des emplois qualifiés et la façon dont on aide. Car il n’y a pas qu’une façon régressive d’exonération de charges qui tire vers le bas les salaires. Il peut y avoir d’autres types d’aides qui sont tr ès efficaces pour l’emploi. D’ailleurs, et c’est là dessus que l’on doit mener la bataille, il n’y a pas qu’un type d’aide à l’emploi.

Vous voyez dans le dossier que l’on vous a remis, il y a un tableau (1) qui compare les aides publiques sur les bas salaires, les aides publiques Aubry I et Aubry II et une aide qui avait été mise en oeuvre dans les années 95-96, par bonification de crédit d’autant plus important qu’il y avait des emplois créés. Et vous verrez, quand on étudie ce dispositif, on s’aperçoit qu’avec le même financement public, dans le cas du crédit bonifié on a créé 70 fois plus d’emplois que la loi Aubry et la ristourne Juppé. Cela veut dire qu’il y a des modes de financements plus efficaces que d’autres. Et cela avait été fait au niveau européen. C’était un dispositif qui a été tr ès peu utili sé, c’était en 93, quand dans les PME cela allait très mal. On a mis en place ce dispositif. Cela veut dire que l’on est capable d’avoir des aides publiques liées à des crédits qui permettent de développer l’emploi qualifié et cela peut répondre aussi au souci de notre ami de Poitiers sur la concurrence. Oui, c’est vrai, avec les aides publiques, on va aider d’un côté l’entreprise et puis on va fermer, supprimer des emplois dans une usine à côté. C’est vrai dans une économie qui ne se développe pas, où il n’y a pas de croissance. C’est ce qui se passe. Mais il peut y avoir aussi des formes de financement, de développement du crédit qui favorisent le développement dans la croissance. Dans ce cas là, il peut y avoir d’autres usines.

Troisième point, c’est ce que je voulais dire par rapport à l’aide à l’appropriation par les gens de ces questions là. Je suis d’accord avec Violain, il faut aller de l’avant. On ne va pas se bloquer. Bien sûr, on exige la restauration de la loi Hue. Mais il s’agit tout de suite, sans attendre, dans l’action, d’essayer de proposer des choses, à partir de ce qui dans les luttes commence à émerger. Je pense qu’il y a un certain nombre de propositions que l’on devrait pousser. On a présenté la proposition du droit d’alerte sur l’utilisation des fonds publics par les salariés, cela s’exerce déjà. Ce que l’on voudrait c’est l’institutionnaliser, le développer. Mais ce sont des choses qui se font déjà à partir, comme en Bretagne, de la connaissance qu'ont eu les élus des aides publiques données par les départements, les régions. Ils ont dans chaque entreprise fait le bilan des emplois créés ou non. Ils ont exigé des remboursements comme dans la Région Centre. Cela veut dire que même sans institution spécifique, ils ont pu faire monter cette exigence dans la bataille. On peut la favor iser en proposant ce droit d’alerte. La deuxième chose sur laquelle on pourrait aussi lancer des propositions, c’est la création de développement d’instances de contrôle dans les collectivités en s’appuyant sur l’existant. Cela existe dans la région Champagne et dans le Val-de-Marne. Je pense que l’on a raison, parce que le volet régional va prendre une importance énorme. Et pourquoi ne pas aller au-delà de ce qui existe déjà, le contrôle des aides régionales par une instance où il y a des élus, desreprésentants des syndicats, comme c’est le cas dans le Centre ? Mais ne pas se limiter aux aides régionales, dans la mesure où aujourd’hui la région est pilote de toutes les aides, d’Etat ou européennes. Pourquoi ne pas proposer que ces instances puissent analyser l’efficacité de toutes ces aides, du moment qu’elles ont un impact dans la région et avoir aussi la possibilité de contre-propositions. Il faut pouvoir contester certaines aides, des aides qui sont tr ès négatives.

Enfin, ce sont des choses qui existent, qu'il faut développer, c’est la mise en place de fonds régionaux. Il y a beaucoup d’aides qui existent qui pourraient être converties. Il pourrait y avoir aussi des prélèvements sur les entreprises, sur les bénéfices ou les placements financiers des entreprises. En même temps, il faut essayer de voir que ces fonds régionaux soient à l’initiative de dispositifs efficaces pour l’emploi. Pousser l’idée des fonds de bonification de crédit en fonction des emplois créés dans les entreprises, à partir de ce qui s’est fait en 1995 et qui était tr ès efficace, c’est une possibilité. La dernière chose, c’est cette idée de conférence régionale annuelle.

A partir des lutt es qui sont menées, des initiatives des commissions de contrôles dans les régions, à partir d’aides publiques qui sont développées dans une région, il faut rassembler les salariés, les syndicalistes, les élus, les gens concernés, les spécialistes pour faire le point, pour savoir ce qui marche, ou pourquoi cela ne marche pas. Il faut que les salariés puissent faire monter leur exigence dans ce type de conférence. Cela peut être une proposition qui peut être expérimentée dans une région, en Ile-de-France, on est en train de préparer cette proposition. Par rapport à notre réseau, il s’est surtout focalisé sur l’aide aux élus, aux militants, pour que la loi Hue puisse être votée et pour que les décrets et les circulaires puissent êt re publiés. Nous avons eu un frein du gouvernement et des socialistes sur cette question. On a eu beaucoup de difficultés, c’est pourquoi elle s’est mise en place relativement tard, et qu’elle n’a pu être popularisée. Donc elle a été beaucoup plus difficile à défendre. Mais en même temps, voyons bien qu’on a eu un biais dans le travail de ce réseau : il était tourné tr ès fortement vers les institutions, car on voulait que les commissions se mettent en place. Et cela a été fait d’une manière pas assez suffisamment en lien avec les batailles autour de l’emploi, autour de bataille de gâchis de fonds dans les entreprises. Aujourd’hui il y a besoin de bien corr iger, de bien travailler pour une meilleure liaison avec les élus, les salariés. On continue un peu sur le style de ce qu’essaye de faire, de ce que fait l’Huma : des cas concrets, populaires.

Et en même temps, il y a un mouvement qui est en train de se créer y compris dans les entreprises autour de la bataille des fonds publics. C’est utilisé par les syndicats, par les salariés pour mettr e sur la défensive le gouvernement, le patronat, et pousser les exigences. Il y a un moment, on proposait par exemple le remboursement des aides reçues pendant 5 ans en fonction des délocalisations. C’est une proposition sur laquelle on peut réfléchir. Nous voyons bien le lien qui existe entre ce dont on discute cet après-midi et ce qu'il y a en ce moment à l’assemblée nationale, et le

  1. On voit bien l’importance que vont prendre les régions. Ce que je disais tout à l’heure, vis à vis de la mobili sation de la société et des fonds publics pour mener la guerre économique, l’échelon régional va être essentiel. Aujourd’hui, derrière le 49.3 du gouvernement, il y a une volonté de transformer la composition des Conseils régionaux pour qu’il y ait des forces consensuelles sur les idées socialo-libérales ou libéro-libérales qui soient d’accord sur les financements publics des marchés financiers, des entreprises. Il y a un lien direct pour empêcher toute alternative autour de ces questions à l’échelon régional et je pense que c’est aussi au cœur des bataill es d’aujourd’hui.

Je crois que la journée d’aujourd’hui marque aussi une chose importante : dans la préparation de cette journée, c’est une rencontre nationale que l’on avait envisagée. Mais nous voyons bien que l’échelon régional pour ce type d’init iative doit cer tainement être beaucoup plus favorable. Donc l’expérience qui s’est faite aujourd’hui, qui a d’ailleurs mobili sé beaucoup dans la Région Centr e, pourquoi ne pas la renouveler dans d’autres régions, à partir des enseignements de celle-ci ? Et en même temps, l’appel que l’on a lancé a besoin de prendre un aspect régional. Il me semble qu’on a besoin d’avoir maintenant des appels régionaux pour engager cette bataill e.

 

Jean-Michel BODIN :

C’est un plan d’actions important. Merci à tous… . Des écrits vous seront transmis sur cet après-midi de tr avail et des propositions nouvelles seront sans doute exprimées par les uns et les autres. C’est au fond un appel à ce que chacun fasse ses propositions, fasse remonter ses expériences, les enseignements qui sont les siens et qu’au niveau du réseau, Alain se charge de cela et anime, qu’il puisse rediffuser ces initiatives, ces réflexions, ces propositions. Rentr ez bien dans vos terres !

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Par Economie et Politique, le 01 February 2003

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