Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La dramatique situation de l’emploi dans la recherche

La ritournelle de la secrétaire d’État à la recherche est bien rôdée : « La recherche publique est sacralisée et la recherche privée du profit se porte bien grâce au Crédit impôt recherche. » Pourtant l’inquiétude monte chez les personnels de la recherche et la désindustrialisation du pays s’accélère.

Dans la recherche industrielle, en 2013, le nombre de chercheurs est en baisse. C’est ce qu’affirme notamment la presse spécialisée qui cite l’enquête de l’observatoire TRENDEO : « les activités de R&D ont généré moins de créations que de suppressions de postes en 2013 ». Pourtant les aides de l’État n’ont jamais été aussi massives. Au titre du seul Crédit impôt recherche (CIR), c’est plus de six milliards de cadeaux fiscaux qui abondent les trésoreries des entreprises et qui permettent d’augmenter les dividendes. Ce sont les multinationales qui profitent le plus du CIR, à l’exemple de Sanofi qui encaisse plus de 130 millions d’euros chaque année en fermant ses centres de recherche à Montpellier et Toulouse.

Dans la recherche publique, la réalité de l’emploi est bien en deçà des annonces du ministère. Il faut savoir qu’il existe deux notions très différentes en termes de comptabilité des emplois publics : le plafond d’emplois et la masse salariale. Comme il faut bien payer les personnels en postes et leur accorder le peu qui leur reste en terme de promotion et d’avancement de carrière (le GVT), dans une période où la valeur de point d’indice est gelée depuis 2010, c’est la masse salariale qui est le facteur limitant. Et il est évidemment inacceptable de voir le gouvernement envisager le maintien de ce gel jusqu’en 2017.

Le plafond d’emploi ne sert qu’aux effets d’annonces du ministère. L’exemple du CNRS est significatif. Sa masse salariale est bloquée depuis 2010. Pour tenir le budget, la direction du CNRS ne remplace que les seuls départs en retraite. C’est-à-dire que chaque année les postes rendus vacants par les départs ou le décès de fonctionnaires en activité ne sont plus remplacés. 806 emplois de fonctionnaires ont ainsi été supprimés. Mais cela n’a pas suffi, car la direction du CNRS a dû aussi supprimer 1 500 postes de contractuels payés sur le budget de l’État. La suppression de ces emplois ne permet plus de remplacer les personnels en maladie ou de recruter ceux qui remplacent temporairement les retraités avant le recrutement de nouveaux fonctionnaires.

Les conditions de travail se sont fortement dégradées dans les laboratoires et les services, accroissant les risques psycho-sociaux.

La situation est similaire dans tous les organismes de recherche et les universités. Depuis le transfert des personnels dans des universités devenues autonomes, celles-ci doivent aussi geler ou supprimer des postes. Ainsi de 2011 à 2013, ce sont 2 080 postes d’enseignants autorisés qui n’ont pas été ouverts au recrutement. Il en est de même pour 1 000 postes annuels dont le ministère annonce la création pour les universités. Dans de nombreux établissements, cette dotation est utilisée pour combler le déficit. Ainsi, malgré cette pseudo hausse, l’autorisation d’ouverture de postes d’enseignants-chercheurs n’est plus que  de2 847 en 2014 alors qu’elle était de 3 613 en 2011. La situation est similaire pour les personnels techniques et administratifs.

Sans compter les doctorants ni les vacataires d’enseignement (près de 100 000), il y a plus de 70 000 précaires ingénieurs, techniciens personnels de bibliothèque, chercheurs et chargés de cours qui assurent le fonctionnement quotidien de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les précaires représentent 30 % des personnels dans les laboratoires du CNRS, jusqu’à 40 % dans ceux de l’INSERM. Cette situation inadmissible ne peut plus continuer !

Au moment où la précarité est massive dans l’enseignement supérieur et la recherche, où les besoins de formation et de recherche s’accroissent, l’annonce d’un budget dit « stabilisé » pour 2015 masque une profonde dégradation de la situation des établissements et de leurs personnels.

Dans un tel contexte, comment garantir la qualité du service public?

La manne du Crédit impôt recherche doit être réorientée vers le budget du service public de recherche et d’enseignement supérieur pour permettre de relancer l’emploi et résorber la précarité. Au lieu d’un CIR indifférencié, le soutien à la recherche des entreprises doit se faire sur des opérations ciblées et contrôlées en privilégiant les PME.

Face à cette situation bien différente de la propagande gouvernementale la communauté se mobilise.

Le 11 juin 2014, plus de 700 représentants des instances scientifiques des organismes de recherche se sont rassemblés pour interpeller le gouvernement. Les directeurs de laboratoires s’adressent à François Hollande. Les médias reprennent des initiatives, comme Science en Marche. Les organisations syndicales appellent à manifester pour l’emploi. n

 

* Secrétaire général du SNTRS-CGT.

 

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