Samedi 4 novembre 2006 à Pont de Claix, Sud Grenoblois, Isère
Les Assises locales de la chimie qui se sont tenues le 4 novembre à Pont de Claix, à l'initiative de la Fédération de l'Isère avaient une double visée : partir du concret des initiatives locales en cours de construction pour la défense de la filière et des territoires, en tirer les enseignements pour donner du corps aux propositions de politiques alternatives en préparation, en particulier avec la préparation des Assises Régionales et Nationales pour la sécurisation de l'emploi et de la formation.
Les présents :
Une trentaine de personnes, beaucoup d'élus, surtout locaux, pas que des communistes, le maire communiste de Pont de Claix, Annie David, sénatrice de l'Isère, Patrice Voir, conseiller régional et secrétaire de la fédération, des syndicalistes de la plate-forme chimique, Maurice Rognin et Bernard Ughetto, particulièrement au fait de leur projet, des responsables départementaux de la CGT, des militants communistes de l'agglomération, Yves Dimicoli.
La chimie du Sud Grenoblois
C'est trois communes : Pont de Claix, Jarrie et Champagnier. C'est Polimeri, une lutte d'un an, exemplaire, mais qui n'a pas fait reculer ENI, le pétrolier italien, ni les pouvoirs publics en France pris en flagrant délit d'entente cordiale pour la casse industrielle et de l'emploi.
Chat échaudé craint l'eau froide: les salariés de la plateforme de Pont de Claix, mis en alerte, ont compris qu'il ne s'agissait pas d'un cas isolé. Avec leur syndicat CGT, ils ont décidé d'anticiper, ont réussi à se procurer l'ensemble des informations industrielles et financières, et, avec les services du CIDECOS, ont élaboré un projet qui permettrait de développer leur entreprise et en même temps pérenniser l'activité de la chimie sur le territoire.
Replacée dans le contexte plus large départemental, régional, national et mondial par Raphaël Thaller du CIDECOS, l'étude de cas a donné lieu à un débat extrêmement riche, pointu, informé, qui a fait ressortir les points essentiels d'une nouvelle politique industrielle, soucieuse de l'environnement, de l'emploi, de la formation et de la démocratie.
L'échelle, c'est le monde.
La chimie est totalement immergée dans la mondialisation, les décisions monarchiques de quelques grands groupes mondiaux dominants. Après s'être refait une santé avec les nationalisations de 81, les groupes français, de nouveau privatisés se sont lancés dans cette foire d'empoigne du marché mondial. Rhodia, Arkema jouent ce jeu: après les phénomènes de scission et d'explosion de la sous-traitance, ils s'implantent en Chine et en Inde, procédant à des investissements sélectifs attisant la concurrence. Chaque fois, c'est l'emploi qui perd, qu'on ferme une unité ou qu'on investisse ! La dévalorisation des coûts des transports (pavillons de complaisance, route…), outre ses conséquences sur l'écologie planétaire, favorise les délocalisations vers les pays qui n'ont pas les mêmes normes sociales et environnementales. La hausse des coûts de l'énergie (pétrole, électricité), conséquences de l'ultra libéralisme, met cette industrie en première ligne de choc.
Voilà le contexte qui explique les craintes des salariés de voir fermer leur unité de production du TDI (produit intervenant dans la fabrication de matières pour ameublement...). Après la fermeture cet été de deux unités de production du TDI aux Etats-Unis et en Italie, ils ont conclu être les prochains sur la liste, compte tenu des niveaux d'investissements en Chine et des appétits européens de Bayer. Or, après Polimeri, si leur usine ferme, c'est l'existence même de la filière qui est menacée ici : 2000 emplois directs, 6000 induits.
Les questions environnementales.
Un domaine crucial dans les arguments échangés. Outre les éléments ci-dessus (transports, énergie), il y celle des risques industriels. Le meilleur exemple (pas le seul, il y aussi le stockage du chlore !) est celui du TDA, produit dangereux qui entre dans la fabrication du TDI. Dangereux, s'il est stocké, transporté, le TDA a la particularité de pouvoir être produit et consommé immédiatement. On élimine donc les risques en le produisant sur place : solution à la base du projet de Pont de Claix pour remplacer le TDA aujourd'hui fabriqué en Californie, stocké en containers, et transporté jusqu'ici à travers un continent et un océan : 100 tonnes par jour, soit 5 camions. Evidemment la solution est admise par tous, mais 40 millions d'euros d'investissement sont nécessaires : Rhodia met en avant ses charges financières et les taux d'intérêt élevés sur les marchés financiers pour justifier son refus. Apparaît ainsi; le lien entre niveau de risques et moyens de financements, comment au moindre incident sur le TDA, le pretexte environnemental justifiera la fermeture de Pont de Claix. Tout ça dans un climat local, où PS et Verts tendent à jouer les industries «propres» (High tech, services, tourisme) contre les «sales» (feues les mines de La Mure, Chimie du Sud Grenoblois, papier et métallurgie dans le Grésivaudan) pour dissimuler le saccage de la base industrielle de la région.
La question des financements est cruciale.
Les besoins de financement de Rhodia et la piste d'un crédit à 4% au lieu de 9% pose la question de l'utilisation de l'argent en Rhône-Alpes, des dépôts des banques (à 70% notre argent), du besoin d'intervention politique pour faire baisser sélectivement les charges financières du crédit pour développer l'emploi. Il faut se servir du FRERA (fonds régional pour l'emploi en Rhône-Alpes) que la Région vient de voter et qui ouvre la perspective d'un fonds national pour l'emploi et la formation.
Le débat a posé la question des aides publiques, leur saupoudrage, la nécessité de leur contrôle, d'objectifs chiffrés de création d'emplois et d'obligations en matière d'environnement. Les aides actuelles des collectivités locales à Minatec ou le pôle de compétitivité Minalogic sont vivement critiquées. Les informations sur Alliance à Crolles montrent bien que la filière de la micro électronique n'est pas dans une bulle ! Il faut s'emparer de la commission de contrôle des fonds publics mise en place par la Région.
Denouveauxdroitsdansl'entrepriseetdanslacité. Les cas de Poliméri et Rhodia démontre la nécessité de nouveaux pouvoirs des salariés dans l'entreprise; mais au-delà de nouveaux pouvoirs des élus et du rôle des citoyens sur l'économie.
Le débat a mis en avant concrètement la compétence des salariés et de leurs représentants syndicaux pour traiter l'information, avancer des solutions intégrant l'ensemble des paramètres, sociaux, territoriaux, environnementaux, de formation et pas seulement la rémunération des actionnaires ! Exiger l'information, des moratoires, pas pour geler des situations, mais pour résoudre les obstacles, avancer des contre-propositions, des projets alternatifs répondant aux besoins humains et écologiques.
Le débat sur la nationalisation de 1981 dans la chimie permet de réaffirmer l'exigence d'appropriation sociale des moyens de production, mais sur d'autres bases, d'autres contenus de responsabilité nationale, de politiques industrielles, de nouveaux droits pour les salariés, d'autres critères de gestion, d'économie de moyens financiers et de développement des capacités humaines.
La question des sites et risques industriels montre les besoins de concertation, d'éducation, de formation qui ne peuvent être limités à l'enceinte de l'entreprise, ni même aux frontières d'une ville. Les habitants de Pont de Claix et Jarrie n'ont plus à être convaincus de l'importance de la chimie, des besoins d'investissement pour l'emploi et l'environnement, mais au-delà, à Echirolles, St Martin d'Hères, Grenoble, le silence, la désinformation peuvent nourrir toutes les rumeurs. Que peuvent faire les élus ? La question explicitement posée marque un certain désarroi, mais aussi soulève la question de nouveaux droits et espaces citoyens, des rapports de force politique à créer avec le mouvement social et les citoyens, sans instrumentalisation des uns ou des autres, mais sans lesquels les élus continueront d'être intégrés dans les stratégies patronales. Au-delà des élus, l'importance des partis politiques, spécifiquement du PCF, a été rappelée par les salariés en lutte.
L'articulation emploi formation.
Plusieurs points sont venus dans la discussion :
Inquiétude devant la baisse nationale du nombre d'étudiants scientifiques qui pourrait à terme entraver le renouvellement de l'emploi dans la filière. La diminution du nombre d'emplois ne doit pas cacher les besoins importants
de nouveaux recrutements qui se prolongent par un long apprentissage sur le terrain auprès des salariés chevronnés.
Le désintérêt des patrons pour la formation professionnelle continue est révélateur de leur intention d'abandon de l'activité ! «Pas de formation, pas de développement», résumera Maurice.
Les patrons se servent du DIF (droits individuels de formation) pour les opposer aux garanties collectives. Chantage des DRH pour faire accepter des formations sécurité ou en langues étrangères sur le DIF. La production à flux tendus prive aussi nombre de salariés de leurs droits.
Difficulté de mobiliser les salariés sur la formation : focalisés sur la défense de l'emploi, ils associent formation et plans sociaux. Il faut faire avancer l'idée de l'importance de la formation en aval pour le développement de la filière autant que la promotion individuelle. Pour être crédible sur le dernier point, avancer sur les liens emploi, formation, qualification et salaires.
Besoin que les salariés des entreprises participent au nouveau collectif départemental formation/emploi. Pour le moment, seuls participent les élus en demande d'échanges et d'éclaircissements sur le maquis des dispositifs, et les professionnels de la formation continue en lutte contre la marchandisation et pour un nouveau service public de la formation continue.
Au plan territorial, on assiste à un bras de fer entre la mise en place des CTEF (Contrats territoriaux emploi formation) et des Maisons de l'emploi. Les premiers, initiative régionale visant à l'expression démocratique des besoins sont pris de vitesse par les secondes, initiées par le gouvernement et son ministre Borloo et choisies par le patronat régional et local pour garder la main sur la formation.
En conclusion
Ces Assisses locales sont une étape capitale de la préparation des Assises Régionales et Nationales. Elles ont permis, sur un cas concret de parcourir presque toutes les questions en jeu dans la construction d'une politique alternative. Confirmation de l'importance des questions de l'emploi pour les salariés comme pour les territoires; la question de la précarité était en toile de fond, car la casse des emplois industriels mène, via le chômage, aux emplois de services ou du tourisme dont les caractéristiques sont les bas salaires et la précarité ! Défendre l'industrie, c'est aussi défendre des normes d'emploi, même s'il faut penser plus loin que le plein emploi et le CDI ?
Sont venues très fort et en lien, les questions de financements et d'environnement. L'emploi dans la chimie en dépend, comme il dépend de la place et de la qualité de la formation initiale et continue. Des projets existent et vont pouvoir se déployer en lien avec les initiatives politiques des élus communistes à la Région. Enfin, les besoins d'extension de la démocratie sociale et politique sont été utilement débattus. L'élu de terrain, le salarié et le syndicaliste, le militant retrouvent le désir de s'en mêler. La monarchie patronale aurait-elle du plomb dans l'aile ?
Notes complètes disponibles sur le site de la fédération de l'Isère: http://wwwHYPERLINK "http://www.pcf38.fr/".pcf38.fr
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