Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Elections suédoises :

Le parti social-démocrate chute sur l'emploi

 

Daniel Cirera (1)

La victoire de la droite et la défaite du parti social-démocrate de Suède aux élections législatives du 17 septembre suscitent légitimement un flot de commentaires. S'il existe des raisons conjoncturelles, comme une certaine usure du pouvoir, la signification du résultat, pour la gauc he, mais aussi pour la droite, déborde largement la conjoncture et la Suède elle-même. Cet échec qui touche le parti vitrine de la social-démocratie européenne nous concerne aussi directement en France compte-tenu de l'intensité du débat sur la résistance du «modèle social français» aux politiques libérales. Plus largement, ce résultat est à mettre en regard avec les alternances successives dans la plupart des pays de l'Union européenne, dans la dernière période. On peut avancer l'idée qu'il traduit dans les conditions suédoises un malais e politique plus général, profond, qui n'a épargné à ce jour aucu ne force politique en responsabilité.

Ce résu ltat est incontesta blement un événement . Pour les suédo ises et les suédo is d'abord. En donnant la majorité à la coalition de droite, ils ont mis fin à 12 ans d'un gouver-

nement social-démocrate le recor d de durée pour un gouvernement social-démocrate en Europe. C'est le meilleur résu ltat de la droite depuis 1928 et le pire pour les socialistes depuis les années 20. Or ce résu ltat sur vient alors que les grands indicateurs , comme on dit croissance , inflation étaient au vert, et alors que partout en Europe on présenta it les réformes entr eprises par le gouvernement de gauc he comme exemplaires: conc iliant libéralisation et protect ion, «compétitivité» et filet de sécur ité pour les plus vulnéra bles, notamment les privés d'emploi.

 

Or c'est sur cette quest ion de l'emploi que s'est jouée l'élection. La coalition de droite a fait cam pagne sur le thème de «Remettr e la Suède au travail». Le premier ministre se prévalant du système de protect ion et d'indemnisation qui concernant jus qu'à 20% de la population et d'un consensus syndical, arguait que la croissance suffirait à rédu ire un chômage éta bli autour de 6%, mais touchant en fait entr e 22 et 24 % des jeunes de 20 à 24 ans. Ce bilan n'a manifestement pas suffi. L'absence de volonté de s'attaquer effectivement à cette quest ion, à la rédu ire à un «traitement social», com biné à une croissance sans créat ion emploi, a été habilement utilisé par la droite. Outre le fait que pour la première fois elle se présenta it unie, la droite conduite par le

«Rassem blement modéré » s'est présentée comme s'atta quant au chômage, par l'aide aux entr eprises et par une politique d'incitation, même contra ignante . Elle propose ainsi de rédu ire les cotisations sociales des petites entr eprises, les impôts pour les faibles salaires et le montant des prestat ions de chômage. Il envisage auss i de nou velles privatisations. Mais, contra irement aux élections, de 2002 elle avait subi un échec cuisant, la droite n'a cessé d'insister sur le fait qu'elle ne metta it pas en cause les acquis histor iques de «l'Etat social». Qu'il s'agissait simplement d'un modern isation, d'une adaptation du modè le aux con ditions de la concurr ence mond iale. Ce discours , qui vise en fait à avancer dans le remodelage néo-libéral de la société au profit du capital tout en prenant en compte l'ancra ge des références sociales, l'attac hement au ser vice public, et à l'égalité, trouve de puissants relais en France . Si la droite, et le patr onat se félicitent de la victoire de leurs amis en Suède, le «modè le nordique» mérite à gauc he un débat sérieux, approfondi, exigeant sur les limites, y compris politiques, du compromis social-démocrate , face aux enjeux , aux pressions, aux exigences du capitalisme contem porain, notamment dans son cadre eur opéen. AHelsinki Dominique de Villepin a vanté l'excellence du modèle finlandais. La flex-sécur ité danoise fait les délices de Mme Parisot à l'université d'été du Medef placée sous le thème «Concilier l'inconciliable». Et la capacité des sociaux-démocrates suédo is à amor tir les effets sociaux des mesur es de libéralisation par le financement public et des impôts élevés, fait référence dans la social-démocrat ie frança ise. Il ne s'agit pas de nier les acquis cons idéra bles issus de con ditions histor iques, culturelles, particulières et sur tout de rappor ts de forces sociaux favorables à la classe ouvrière suédo ise et nordique. Mais les élections suédo ises ramènent à la quest ion essent ielle du niveau et du sens des réformes à entr eprendre pour répondr e aux besoins populaires face aux pressions néo-libérales, inscr ites dans les politiques européennes . Ainsi, le traitement social du chômage ne répond pas dura blement à cette quest ion si fondamenta le pour toute société qu'est la créat ion mass ive d'emplois.

 

Plus fondamenta lement encor e, c'est la notion même de«modè le» qui doit être contestée . On comprend pourquoi en France des forces sociales et politiques sont fascinées par des «modèles» sociaux qui font avancer des mesur es de libéralisation et de déréglementat ion, de flexibilisation du marché du travail, tout en préser vant un cer tain consensus social. Plus que jamais, il est indispensab le de porter attent ion aux expériences menées par les autr es peuples, notamment en Europe. De même que les propres expériences frança ises les succès et les échecs-, sont regardées avec attent ion. Ainsi à partir du socle d'acquis cons idéra bles des luttes populaires en France , la quest ion n'est-elle pas de chercher des voies originales, pour un nouveau progrès social et démocrat ique ? Pour aller vers l'éra dication du chômage, pour sécur iser les parcours de vie, en ne mettant pas seulement à contr ibution l'Etat, mais auss i les entr eprises, en s'atta quant au pouvoir de la finance . En l'occurr ence, sur la quest ion de l'emploi, qui sera centra le dans les échéances à venir, comme partout en Europe, il faut proposer, face au Medef et à la droite, comme à gauche, des solutions réalistes audacieuses , qui s'atta quent à la racine des problèmes. En dehors de tout «modèle».

(1) Daniel Cirera est membre du comité exécutif national du PCF, chargé des Questions européennes. europe@pcf.fr

 

 

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