Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sur quelques enjeux actuels du patronat et du pouvoir

La transformation du CNPF en MEDEF, en 1997 /1998 , a marqué un tournant de la stratégie du patronat, essentiellement son durciss ement pour attaquer, sous toutes les formes, les acquis sociaux des travaill eurs. Ce qui apparaît aisément dans de multiples déclarations de son premier présid ent : le baron Seilli ère, héritier des maîtres de forges de WENDEL,d'une famill e qui s'est distinguée, notamment sous la IIIème République par son soutien actif aux forces politiques réactionnaires. Son profil étant quelque peu dévalorisé dans l'opinion publique, et même dans une partie du patronat, il a cédé la plac e à Laurence Parisot, patronne de l'institut de sondage IFOP et d'une moyenne entreprise, et est devenu le président de l'organisation européenne du patronat l'UNICE, puissa nt lobby agissa nt pour peser sur les options de l'Union européenne. Ce chang ement de têtes ne signifie aucunement un chang ement d’orientation, tout au plus une variante dans la forme de sa « commun ic ation politique », fragil e vernis sur les très anciennes rhétoriques anti-sociales.

 

 

Si on en douta it, il suffirait de se référer au plaidoyer de Mme Parisot qui, sous prétexte que la législation française impliquera it, selon elle, systémat iquement un

recours à la «faute» pour licenc ier un salarié, réclame des procé dures «simplifiée et pacifiée», débouc hant, concrète ment , sur de plus grandes facilités pour le patr onat de se sépar er de salariés. Elle prône auss i l'extens ion du contrat nouvelle embauc he, actue llement réser aux entr eprises de moins de vingt salariés pour en faire profiter, dans un premier temps , les entr eprises de 50 salariés en atten dant mieux. C'est la straté gie du «toujours plus», pratique familière du patr onat .

 

Le MEDEF en campagne

L. Parisot n'est pas le « boss » d'un grand inst itut de sonda ge pour rien. On le voit bien avec le positionnement donné à la récente Université d'été du MEDEF pour mettr e le patr onat en ordre de bata ille dans la con jonctur e politique des prochains mois. Organisée sur le mode d'un grand sho w, l’Univers ité patr onale s'est délibérément située dans la pers pective des élections de 2007. Mme Parisot n'en affirme pas moins que «le MEDEF restera neutre pendant la campagne présidentielle de 2007 mais il sera très présent pour aider les électeurs à décrypter les programm es». Pseudo neutra lité à laquelle personne ne croit sérieusement , d'ailleurs , immédiatement , dément ie par l'annonce de la publicat ion d'un « livre blanc » des analyses et propositions du MEDEF. Cette Université d'été, est révélatrice des intent ions patronales. Y était invité José Manuel Barroso, président de la Commission eur opéenne , paladin eur opéen de la flexibilité. Pour Mme Parisot : «un ami avec qui nous partageons les mêmes conv ictions». Trois ministres étaient présents : Thierr y Breton , Jean-Franço is Copé et Christine Lagarde. D'autr es hommes politiques également , tels Bayrou, Strauss -Kahn, des dirigeants syndicaux, sauf de la CGT, étaient présents , mais la vedette était indiscutab lement réser vée à Nicolas Sarkozy, chargé de clôtur er l’Univers ité et objet d’un véritable adoubement du Président de l'UMP par le patr onat . Il s’agit bien d’une inter vention délibérée du MEDEF dans la cam pagne politique et la moderne traduct ion d’une vieille pratique du patronat . Adoubement précé dant de peu celui que le Président de l’UMP allait également chercher auprès de Bush. Sarkozy saisissant l'occas ion offer te par le MEDEF s'en est pris, à nouveau aux 35 heures et s’est livré à une atta que contr e le droit de grève.

 

Le slogan généra l de la manifestat ion patronale était : «concilier l’inconc iliable». Il y a toutes les raisons de penser qu'il a été soigneusement choisi par les dirigeants du MEDEF et est , en fait, pleinement accor à l'orientat ion du gouvernement de Villepin qui, pour les prochains mois, a annoncé de nou veaux dispos itifs concernant le «dialogue social». Une notion floue qui n’est pas si éloignée de la recherche de la collaborat ion de classes .

 

Le pouvoir et les syndicats

Des premières consu ltat ions avec les organisations syndicales représentat ives ont eu lieu. Le Conse il économ ique et social a été saisi, mais présentement n'a pas encor e rendu son avis. Deux rappor ts, comman dés, il y a quelque temps , par le gouvernement l’un sur la modern isation du dialogue social [con fié à l'anc ien conse iller social de Raffarin], l’autr e sur la représentat ivité et le financement des syndicats [deman à un Conse iller d'Etat] sont publiés. Ils abordent un ensem ble de quest ions liées , proposent des scénar ios qui con ditionnent , pour par tie, les cadres de l'act ion syndicale. Autant de terra ins sur lesquels on ne saura it nourr ir l'illusion que le patr onat et le gouvernement actue l enten dent véritab lement augmenter la puissance sociale des syndicats pour faire aboutir les revendications des tra vailleurs . Les Centra les syndicales, en particulier la CGT et Force ouvrière se méfient des motivations rée lles des projets et n'en sousest iment pas les dangers. Elles sont unan imes à ne pas en atten dre grand chose de positif.

 

Patr onat et gouvernement pour étayer leurs propositions invoquent, volontiers, l’argument de la faible syndicalisation en France . Effect ivement inférieur e à celle d'autr es pays d'Europe occidenta le, il n'est pas démontré que l'efficacité du syndicalisme en France , lors qu'il agit uni, est moindre. Hypocritement , on fait le silence sur la répr ess ion contr e les militants syndicaux, sur les cam pagnes visant à discréd iter l’act ion syndicale, en donnant de fausses représentat ions, sur la multiplicité des procédés patronau x visant à dissuader les salariés de se syndiquer, par des méthodes qui se sont singulièrement raffinées et dont les effets négatifs sont amplifiés par le chômage et les menaces sur l'emploi. On ne peut évidemment que souha iter le développement de la syndicalisat ion. On doute que cela soit les intent ions du patr onat et du gouvernement .

 

On met également en quest ion la représentat ivité des organisations syndicales, le monopo le attr ibué à cinq d'entr e elles. D'ailleurs il n’est pas exactement un monopo le puisque qu’existe une concurr ence entr e les syndicats , pas forcément favora ble aux intérêts des salariés. Sur cette quest ion, on ignor e délibérément les propositions venant de la CGT et de la CFDT qui fondent la représentat ivité sur la légitimité syndicale et les prérogatives qui s'y attac hent, comme devant venir essent iellement des salariés, de l'élect ion et, non simplement , de la reconna issance inst itut ionne lle, trop souvent champ de manoeu vres patr onales et gouvernementa les, de leurs manipulations au nom de la politique conventionne lle. La politique des accor ds «séparés » avec des organisations minoritaires montr e que cette crainte n’est pas sans fondements . On garde le souvenir de l’accor d, après des tractat ions par ticulières, de la CFDT à la réforme des retra ites , en 2003.

 

Le patronat ne cac he pas qu'il voudrait enfermer la politique contractue lle dans le seul champ de l'entr eprise. Ce qui ne peut qu’amplifier les inégalités à l'intér ieur d'une même branc he.

 

Le débat est également porté sur la par t respective de la loi et des accor ds contractue ls dans la réglementat ion sociale. Cer tains déclarent la par t de la loi abusive et prônent sa réduct ion au bénéfice de conventions patrons / salariés. Ils ou blient que sou vent la loi est inter venue du fait de la carence à négocier du patronat et négligent son effet de généralisat ion pour tous les salariés, donc facteur d’égalité de situat ion. La quest ion n'est pas négligeable, aujour d'hui, quan d on sait que la doctr ine patr onale vise à enfermer la négociation collect ive dans la seule entr eprise. Ce qui, par définition même, en limite l'applicat ion au détriment sur tout des salariés des petites et moyennes entr eprises.

 

On ne saura it non plus perdre de vue la tendance des syndicats réformistes à privilégier la négociation en soi oubliant son contenu au bénéfice des formes qui const ituent sur tout la reconna issance de leur existence . Cette position est un prolongement de la class ique « politique de présence » du réformisme. La quest ion n'appartient pas qu’au passé . En la matière, on ne peut oublier ce qui s'est produit, il n'y a pas si longtemps , et on sait, pour cer taines organisations, que

la volonté de signer à tout prix peut l’em por ter sur le contenu des textes.

 

La négociation met en présence des intérêts en conflit. Il peut , cer tes , y avoir un com pr omis entr e les par ties prenantes . Il suppose des concess ions véritables le rendant acce ptable par les salariés, sans hypothéquer l'avenir, par exemple par des clauses de « paix sociale ». Elle n’a pas capacité, en elle-même , à appor ter des solutions. Son résu ltat n’est pas indépendant des rappor ts de forces.

 

Les places respectives de la loi et du contrat sont également mises en quest ion. En cultivant ce point D. de Villepin cherche à faire oublier ses tentat ives de passa ge en force, son com portement autor itaire, l’absence de concer tation sur le CPE et recherche une réforme consensue lle mais probablement sans novation progress iste.

 

Lidée est avancée d’une procé dure de consu ltat ion avant que les lois soient présentées au Parlement , ainsi que celle de rédu ire la place de la législation sociale au profit des conventions et accor ds contractue ls. Le MEDEF pousse en ce sens en y voyant un moyen de rédu ire la législation sociale et un terra in de man œuvres pour affaiblir les syndicats en les divisant .

 

Élection présidentielle oblige. Les par tis politiques s'intéressent aux syndicats . Pour cer tains, cela relève à l'évidence de l'affichage électora l. Ainsi, l’UMP a indiqué vouloir rencontr er les organisations syndicales. La can didate Ségolène Royal affirme vouloir absolument faire émer ger en France un «syndicalisme de masse », qu’elle inscr it dans la référence au «modè le social démocrate suédo is» qui vient de subir la défaite électora le. La CGT et la CFDT se sont déclarées host iles au syndicalisme obligatoire qu’elle semb le précon iser. La liber de se syndiquer est un droit individuel qui doit êtr e basé sur le volontar iat. Toutes ces quest ions méritent la vigilance , car elles con ditionner ont le cadre des luttes sociales à venir.

 

 

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Par Magniadas Jean , le 31 juillet 2006

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