Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La privatisation de GDF : une manipulation d’Etat pour le profit financier

Prenant prétexte d’une rumeur de tentative d’OPA de l’italien ENEL sur le groupe franco-belge Suez, le gouvernement Villepin a décidé de renier les engagements pris avec la loi du 9 août 2004, transformant EDF et GDF en société anonyme, de ne pas faire descendre la participation de l’Etat en-dessous de 70% du capital de ces deux groupes. La participation publique dans GDF serait ramenée de 80.2% actuellement à environ 34% pour permettre une fusion avec Suez. L’Etat Chirac est plus que jamais un « Etat menteur » !

Si la tentative d’OPA d’ENEL avait été avérée, il eut été possible de la bloquer par un pacte entre Suez, GDF mais aussi EDF et la Caisse des dépôts, la COGEMA (toutes deux déjà actionnaires de Suez) au lieu de privatiser GDF.

En réalité, c’est bien cette privatisation, contribuant à l’émergence d’un concurrent d’EDF lui-même, pour la rentabilité financière des actionnaires de Suez, qui est recherchée. Elle s’inscrit dans la réalisation du marché unique de l’énergie décidée en mars 2002 au sommet européen de Barcelone où la France était représentée par MM. Chirac et Jospin. D’ailleurs, il avait été prévu alors qu’une évaluation de l’état d’avancement de la concurrence énergétique serait faite par le Conseil européen du printemps 2006. Nous y sommes donc !

Une opération de guerre économique au service de gros actionnaires

Le gouvernement Villepin tente de masquer ces faits et de faire oublier sa forfaiture en prétextant de son souci du « patriotisme économique ».

« Rassurez-vous !» répète-t-il, « la fusion se fait de GDF sur Suez. » C’est un mensonge de plus ! Suez c’est 41.5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2005, près de deux fois plus que celui de GDF. Et déjà toute la presse annonce que le PDG de Suez, G. Mestrallet, prendrait la direction du nouvel ensemble.

Cette opération, nous dit aussi le gouvernement, permettrait d’accroître l’indépendance énergétique de la France, passant sous silence que les principaux actionnaires du groupe Suez et de sa filiale énergétique, ELECTRABEL diversifiée jusque dans le nucléaire, sont belges.

Avenir du statut des IEi (industries électriques et

gazières) et bombe des retraites

Les systèmes actuels de retraites en France des deux entités sont nettement moins favorables chez Suez (62-65 ans et 50 % du salaire) qu’à Gaz de France (60 ans maxi et 75 % du salaire). Pour aligner vers le bas et réduire l’écart, la direction libérale de « Gaz de Suez », fera comme à France Télécom, chez Electrabel (électricien belge détenu par Suez) ou l’ex- CNR (reprise par Suez en France) :

  1. elle ne fermera pas en droit le statut IEG aux nouveaux embauchés.

  2. elle le fermera en fait, soit par des refus d’embauche au statut, soit par des embauches hors statut IEG, encouragées au cas par cas par d’éventuels salaires plus attractifs.

La fusion Gaz de France-Suez - si elle se réalise - conduira de fait à faire mourir en biseau le statut des IEG pour les gaziers en 15-20 ans par « extinction » de la population statutaire..

 

Surtout, comment penser que l’émergence d’une nouvelle multinationale énergéticienne, soucieuse avant tout de sa rentabilité financière, serait mieux en mesure que des opérateurs publics de construire des relations de coopérations mutuellement avantageuses entre les pays producteurs de pétrole et de gaz et les pays consommateurs européens. Le but de rentabilité financière et de domination, au lieu du but de co-développement, nous prépare au contraire des relations bien plus conflictuelles avec la Russie ou le Moyen-Orient.

Certes, depuis sa livraison au marché financier en 2004, GDF, engagé dans une fuite en avant concurrentielle avec EDF, a terriblement besoin de coopérations, ne disposant d’aucun gisement gazier mais possédant un réseau performant de distribution dans l’hexagone. De son côté, le groupe Suez, aussi gros soit-il, est confronté à un gigantesque bras de fer avec l’allemand EON, l’italien ENEL ou l’espagnol ENDESA. Surtout, il ne possède aucune voie d’accès en matière énergétique au marché intérieur français. Au lieu de chercher à organiser les coopérations franco-françaises nécessaires entre GDF, EDF, Suez, la COGEMA et les coopérations européennes tout aussi indispensables, le choix fait accentuera la guerre concurrentielle en France et en Europe pour le plus grand profit de quelques gros actionnaires comme ceux du groupe belge Bruxelles Lambert. Surtout, c’est EDF qui devient la cible désormais, d’autant plus que, spécialisé sur l’électricité, l’énergéticien français se trouvera confronté sur le marché français à la concurrence décuplée d’un groupe multiservices (électricité, gaz, eau, traitement des déchets).

 

L’affaire est extrêmement grave. Pour l’emploi d’abord : 16 000 salariés chez Suez, 8 000 agents uniquement GDF, 60 000 agents en commun entre EDF et GDF. Mais elle est extrêmement grave aussi pour les ménages, comme pour les collectivités territoriales (communes, départements, etc.) qui aspirent à ce que l’eau, l’énergie, le traitement des déchets soient des biens publics offerts par des entreprises qui visent l’efficacité sociale au lieu de rechercher la rentabilité financière.

Suspendre l’opération en cours, coopérer pour l’emploi et la qualité des services publics

Opposons-nous à ce que l’on traite, comme le fait le gouvernement Villepin, les besoins de coopérations par la guerre entre monopoles privés ou privatisés. Arrêtons d’encourager d’énormes gâchis d’argent dans les OPA et les prétendues défenses anti-OPA. Ces milliards d’euros pourraient être utilisés au contraire à développer les capacités humaines, à protéger l’environnement, à sécuriser l’emploi ou la formation, à développer des services publics et des réseaux de partage de ces biens communs mondiaux que sont l’eau et l’énergie.

Nous appelons à la mobilisation nationale, européenne contre l’oukase gouvernemental.

Nous demandons que les rapprochements nécessaires se fassent dans le but prédominant de la sécurisation de l’emploi, de la promotion de la formation, de la défense et du développement de services publics de qualité dans tous les métiers des différents opérateurs concernés. Le noyau de cette nouvelle coopération devrait être un pôle à prédominance publique et sociale regroupant EDF, GDF, la COGEMA, AREVA ...et désormais Suez.

Cela pose inséparablement le besoin de nouveaux financements avec particulièrement l’appel à un nouveau type de crédit et à un pôle public financier qui rassemblerait, autour de la Caisse des dépôts et de la banque postale, des banques à renationaliser dont particulièrement le Crédit agricole et la BNP.

Tout cela confirme aussi le besoin impérieux de nouveaux droits et pouvoirs d’intervention des salariés pour changer les gestions de ces grands groupes qu’ils s’agissent d’EDF, de GDF ou de Suez.

Il faut cesser le feu sur le marché unique européen et organiser systématiquement les coopérations nécessaires entre énergéticiens pour la constitution de réseaux de services publics transeuropéens, largement ouverts à des coopérations avec les pays du Sud et de l’Est. Cela suppose notamment une réforme très profonde de la BCE et des politiques publiques nationales et européennes concernées.

Organisons la convergence de toutes les forces intéressées lors du Conseil européen de printemps, afin d’exiger un moratoire de la déréglementation énergétique en vue d’un bilan contradictoire, de travailler à des propositions de coopérations alternatives..

 

Chiffres clés

Suez

  1. 160 700 salariés, 5e électricien européen

  2. Capacité de 58 GW dont 32 en Europe 5,6 millions de clients

  3. 6e opérateur gazier européen 40 Gm3 vendus dans le monde 20% du marché atlantique du GNL

  4. 2e fournisseur de services à l’environnement en Europe

  5. eau potable : 80 millions d’habitants

  6. assainissement : 44 millions d’habitants

  7. services de propreté : 65 millions d'habitants

  8. Chiffre d'affaires (Md) : 2004 : 38,1 - 2005 :41,5

Gaz de France

  1. 52 950 salariés dont une part mixte EDF/GDF (distribution), 8000 agents uniquement GDF

  2. 1er fournisseur de gaz en Europe 12,5 millions de clients ou d’usagers 66 Gm3 de gaz vendus

  3. 1 er réseau de transport en Europe Réseau de 31 365 km

  4. 1 er réseau de distribution en Europe Réseau de 174 540 km

  5. 2e opérateur de terminaux GNL en Europe

  6. Chiffre d'affaires (Md) : 2004 :17,5 - 2005 :22,4

Dans l’immédiat, nous proposons que l’affaire soit immédiatement suspendue et qu’elle soit examinée par la représentation nationale, mais aussi par les élus locaux, par toutes les forces syndicales et associatives, notamment d’usagers.

Un article PDF, ci-joint, de Yves Dimicoli

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