Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Comptes publics : un déficit qui vient de loin

Comme chaqu e année, en cette période, le Gouvernement, le parti majoritaire et la plupart des dirigeants de la Droite apportent leur point de vue sur la délicate situation des comptes publics.

Le déficit de l’Etat demeur e élevé, se stab ilisant depuis plusieurs années aux alentours de 45 milliards d’euros, tand is que les com ptes sociaux conna issent un déficit encor e significat if (plus ou moins 10 ou 11 milliards d’euros).

Pour faire bonne mesur e, le spectr e de la dette publique est régulièrement agité, et son montant impor tant (1 100 milliards d’euros, soit trois ans ou peu s’en faut de dépenses budgétaires ) est sans cesse mis en exergue, tradu it d’ailleurs à hauteur de 17 000 euros par habitant de notr e pays.

Mais il en est des com ptes publics comme de bien des choses : l’histoire et la mise en pers pective qui en découle est suscep tible de nous indiquer quelques unes des raisons qui con duisent à la situat ion présente , situat ion d’ailleurs régulièrement noircie à outrance pour just ifier, par la suite, toutes les politiques d’austér ité et de rigueur budgétaire possibles, y com pris celles conçues dans des législatur es à majorité de gauc he. La France conna ît un déficit budgétaire depuis 1974, et cette situat ion fait donc quasiment partie du paysage politique tel qu’appr éhendé par la plupart des Gouvernements ayant mené les affaires du pays depuis lors . Ce déficit s’est cependant largement accru à com pter du milieu des années 80 et a connu une expansion spectacu laire dès lors que les choix fiscaux opérés au plus haut niveau ont été des choix d’allégement de la contr ibution des entr eprises au financement de la dépense publique et de la solidarité nationale. Depuis 1985, peu à peu, l’impôt sur les sociétés a été ramené de 50 à 33,33 % pour le taux norma l, tand is que de for t nom breuses dispos itions dérogatoires ont été progressivement ajoutées au cadre législatif de cet impôt . Dans le même ordre d’idées, la taxe professionne lle a connu deux réformes essent ielles, l’une cons istant , dès 1987, à rédu ire de 16 % la base d’imposition, la seconde , à com pter de 1999, visant à faire dispara ître la part taxable des salaires de cette même base d’impos ition. Enfin, à compter des mesur es Balladur de 1993, une vaste politique d’allégement des cotisations sociales des entr eprises, centrée sur les bas salaires, a const itué l’alpha et l’oméga de la politique publique pour l’emploi.

Le coût de l’ensem ble de ces mesur es, au bout de vingt années de mise en œuvre, s’avère par ticulièrement élevé.

La seule baisse du taux de l’impôt sur les sociétés impacte , depuis 1985, pour 230 milliards d’euros de moins values fiscales pour l’Etat ( soit le quar t de la dette publique négociable actue lle ) et représente pratiquement cinq années de déficit budgétaire.

L’allégement de la taxe professionne lle, pour sa part, représente , depuis 1987, près de 120 milliards d’euros de coût pour l’Etat,
ces coûts intégrant les apports respectifs de l’allégement de 1987, de la suppr ess ion de la par t taxable des salaires et, sur tout , des effets du plafonnement à la valeur ajoutée .

Enfin, les allégements de cotisations sociales, singulièrement développés depuis 1992, const ituent une charge budgétaire nette supér ieure à 106 milliards d’euros. On notera , au cœur du débat sur la dépense publique, que la dépense liée aux exonérat ions est passée entr e 1992 et 2005 de 6 milliards de francs à 22,2 milliards d’euros, c'est-à-dire que l’Etat dépense aujourd’hui plus de vingt fois plus à ce titre qu’il ne le faisait il y a un peu moins de quinze ans…

Résultat : 30 % des cré dits d’inter vention publique de l’Etat étaient consommés , en 2005, par le seul financement des exonérat ions de cotisations sociales.

Au moment où le Gouvernement s’appr ête à proposer une revalorisation des cré dits budgétaires inférieurs à l’inflation et la suppr ession de 10 000 emplois de fonct ionnaires, ce rappe l n’est sans doute pas inutile. Sur ces trois orientat ions, ce sont donc, en à peu près vingt années , plus de 450 milliards d’euros (la moitié de la dette négociable) que l’Etat a soit renoncé à percevoir, soit payé en lieu et place des entr eprises.

Et tout cela pour un résu ltat qui laisse quelque peu perplexe : croissance économ ique molle, dépassant de plus en plus rarement les 2 %, dénat ionalisation et délocalisation industrielles, niveau de l’emploi pour le moins incer tain ( l’économie frança ise n’a créé que 2 millions d’emplois dans le secteur marchand depuis vingt ans et l’industr ie com pte aujourd’hui moins de salariés qu’en 1970 ), persistance d’un niveau de chômage impor tant et précar isation renforcée des con ditions de tra vail des salariés. Ce qui signifiera it, presque, que les mesur es fiscales incitatives prises depuis vingt ans ont con duit en réa lité à créer les con ditions d’une persistance dura ble des déficits publics. Les déficits publics trouvent donc essent iellement leur origine dans les moins values de recettes et les dépenses « obligées » que l’Etat a décidé de suppor ter, ces charges étant d’ailleurs majorées par les moins values de recettes et le coût de l’accom pagnement social de l’ensem ble des mesur es précitées . Ainsi, les trois milliar ds d’euros de la prime pour l’emploi sont , pour le cou p, le corollaire de l’encoura gement aux bas salaires initié par les allégements de cotisations.

Une vraie politique de gauc he doit donc, manifestement , rompr e de manière délibérée avec ces straté gies suicidaires de gestion publique, les difficultés budgétaires ayant just ifié et just ifiant encor e toute remise en cause du ser vice public rendu à la population. Ÿ
 

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