Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Pour un salaire minimumde civilisation

La question des minima de salaires garantis occupe une place centrale dans l'histoire sociale, comme dans celle du droit du travail.

Un peu d’histoire :

Il s’agit, en effet, d’une exigence ancienne des travailleurs d'autant plus aiguë qu'ils ont été longtemps privés de droits syndicaux. Cette exigence n'est pas propre à la France et elle se manifeste sous des formes différentes selon les pays capitalistes . La quest ion est portée à l'échelle internat ionale. L'organisation internat ionale du travail saisie émet quelques recomman dations en la matière. En France , l’idée du salaire minimum apparaît très tôt lors d'un des plus anciens mouvements sociaux, celui célèbre des canuts lyonna is. Les historiens ont analysé sa genèse . L’un deux sou ligne : «... Une idée devient dominante dans les ateliers : pour lutter contre la diminution de salaire il faut arracher la fixation d'un tarif audessous duquel les fabricants ne pourront pas descendre. Déjà en 1789, 1793, 1811 et 1817, on avait ainsi réglé le prix du trava il. Le tarif apparaît aux canuts comm e le salut suprême» (1). La quest ion ne cesse d'occu per la scène sociale. Elle sera présente dans les grands affrontements de classes . En 1936 et en 1968. Les accor ds Matignon (1936) com por tent un relèvement généra l des salaires, selon une échelle décroissante et stipulent : « un réajustement nécessaire des salaires anormalement bas ». Les multiples conventions collect ives, signées aux lendemains des accor ds Matignon, cont ien dront, effect ivement , des salaires minima garant is par grandes caté gories profess ionne lles.

Le minimum vital :

Après les souffrances endurées pendant l'occu pation par les salariés, on com prend que la notion de minimum vital se trouve placée au centr e des préoccu pations sociales. Cette notion de minimum vital est explicitement intr oduite dans le statut des fonct ionna ires, élaboré sous l'autor ité de Maurice Thorez. Elle est alors largement admise par l'opinion. Sa popularité fait que les gouvernements et le patronat n'osent s’y opposer fronta lement , alors que leurs conce ptions libéra les supposent de faire régner sur le marché du tra vail le maximum de concurr ence entr e les tra vailleurs pour appr ofondir leur exploitation. En consé quence , ils sont fondamenta lement opposés au salaire minimum garant i puisqu 'il tend à limiter les effets de cette concurr ence . Le rétab lissement de la libre négociation des salaires mettant fin au régime autor itaire de leur fixation imposé par Vichy relance à nouveau, relancer cette deman de Les syndicats exigent , en effet, que celle-ci soit assor tie d'un salaire minimum inter profess ionne l et obligato ire.
Le SMIG :
Dans les tra vaux préparat ifs à l'adoption de la loi du 11 février 1950 qui éta blit un nouveau cadre légal à la «libre» discuss ion des salaires cette revendication est présente et la loi about i, finalement , à la créat ion d'un salaire minimal interprofessionne l garanti. C’est l’acte de naissa nce du SMIG. Il devait, selon la loi, êtr e fondé sur un budgettype élaboré et chiffré par la Commission Supérieure des Conventions Collect ives, créée par la même loi, com prenant les représentants des organisations syndicales ouvrières, du patronat , des assoc iations familiales. Les discuss ions donne lieu à un affrontement très vif entr e les représentants du patr onat et les organisations syndicales et familiales. Des divergences fondamenta les de conce ption existent avec le patr onat , mais également entr e les propositions des divers syndicats . Ces derniers élaborent une proposition commune de fixer le salaire minimum à 17 500 FF par mois. Le patronat avançant finalement la position de 12 160 FF. Le gouvernement décida finalement de reten ir un taux horaire de 78 FF qui, sur la base de 173 heures mensue lles, se tradu isait par un salaire de 13 495 FF qui ne représenta it que 77% du chiffre présenté en commun par les organisations syndicales. Des abattements sont appliqués selon diverses zones géographiques du terr itoire nationa l. Les salaires des jeunes de moins de dix-huit ans subissent d'impor tants abattements . Un salaire minimum de niveau inférieur est créé pour les salariés agricoles.

Dans la période qui suit le gouvernement se dispense de réunir la Commission supér ieure des conventions collectives et d’appliquer la procé dure légale du « budget type » et il indexe le SMIG sur l’indice officiel des prix. Cet indice, soumis à des manipulations et dont le mécan isme adopté ne con duit à l'augmentat ion du SMIG que lors qu'il marque une augmentation égale ou supér ieure à 5% pendant deux mois consécu tifs, est for tement contesté par les organisations syndicales et de nom breux stat isticiens. Dans le début des années 1954 des grèves mass ives ont lieu pour que le SMIG soit fixé à 25 166 FF. Elles imposent des augmentat ions du SMIG (Mais, il n'atte int pas ce chiffre) ainsi que des autr es salaires.

Le  patronat et le gouvernement organisent la désuétu de de la procédure initiale de fixation du SMIG. Son évolution ne suit pas la hausse des prix ni celle de la moyenne des salaires. On com prend qu'en 1968, le niveau du SMIG const itue alors une des revendications majeures des salariés. Le constat de Grene lle redresse l'écar t cons idéra ble existant entr e son évolution et celle des salaires réels. Il est relevé au minimum de 35 %la plus forte augmentation de toute son histoire
les abattements de zones et d'âges sont supprimés, le salaire minimum agricole, fusionné avec le SMIG, disparaît.

Le SMIC :

Dans le prolongement du mouvement de 1968, le gouvernement doit procé der à sa réforme en 1970 (loi du 2 avril) On change les moda lités de son indexation en visant à limiter la distors ion avec l’évolution moyenne des salaires. On intr oduit le pouvoir pour le gouvernement d’augmenter le SMIC plus que le mécan isme obligatoire d’indexation l’implique. C’est la fameuse possibilité du «cou p de pouce», que le pouvoir utilise de manière rare et homéo pathique et sur tout , comme «faire valoir».
C’est ce que vient de faire le gouvernement de Villepin avec un « coup de pouce » dérisoire de 0,3 points en augmentant le SMIC, au 1er Juill et, de 3,05%, loin des attentes des 2 500 000 smicards est une véritable injure à leur difficil e situation, mais bonn e traduction du contenu de la démagogie de l’UMP et de Sarkozy.

Le MEDEF  ne cache pas qu’il trouve trop élevé cet ajustement .

Finalement , les modifications intr oduites en 1970 ont un caractèr e asse z forme l et confortent le pouvoir du gouvernement de décider autoritairement, unilatéralement, de son taux. Un exemple de ce forma lisme est donné par la consu ltat ion obligato ire de la Commission supér ieur e des conventions collect ives (aujourd’hui. Commission nationale de la négociation collect ive), dont les membr es appr ennent le plus souvent par les médias et, avant même la réun ion de cette instance , le taux du SMIC que décide le gouvernement faisant de cette consu ltat ion une parodie pure et simple.

Il prend le nom de Salaire minimum interprofessionne l de croissance [ SMIC].

Le gouvernement issu des élections de 1981 relève le SMIC, mais à un niveau jugé insuffisant par la CGT et ne modifie pas les con ditions de sa déterm ination.

Son niveau de protection du niveau de vie des salariés, qui est à l'origine de sa création, n'a cessé depuis de se dégrader.

L'évolution du SMIC et des salaires se confond étr oitement à la lutte de classes , à sa force. Tel est bien l’ense ignement majeur de l’histoire du SMIG/SMIC.
La France pays des bas salaires.
En douze ans , le nom bre de salariés payés au SMIC est passé au pour centa ge inégalé de 16,8%,des effect ifs du secteur privé et à une propor tion très supér ieur e dans cer taines branc hes : hôtelsrestaurants (50% des effectifs), les ser vices à la personne (34%), dans le commer ce de déta il, etc. ou dans les PME.

Sa question demeure aujourd’hui au cœur du problème des salaires.

Selon les récentes indications de l'INSEE, la croissance du pouvoir d'achat observée en 2005 est très inférieur e à celle, pour tant faible, constatée entr e 1998 et 2002 (3%), tand is que la progression du revenu réel disponible qui com prend les autr es caté gories de ména ges, actifs ou inact ifs est tombée à 1,1% en 2005 contr e 2,2 en 2004.

Le problème est d’autant plus cruc ial qu’il ne s’agit pas seulement de suivre le mouvement des prix, mais de satisfaire des besoins sociaux en constante évolution, notamment ceux des producteurs , des salariés. Pour tant le relèvement des salaires, pour répondr e aux besoins fondamentau x de chacun et en lien avec la montée des qualificat ions , en relançant la deman de et en amé liorant l'efficacité des entr eprises, est const itutif de l'issue à la crise actue lle du système capitaliste . Ainsi, par exemple, est d’une grande actua lité le besoin de sécur ité d’emploi, de sécur ité de l’existence qui implique un niveau et une garant ie de l’emploi et des revenus et le développement des ser vices publics (mo yen de commun icat ion, santé , ense ignement , cultur e, etc .).
Les politiques dites « libéra les » du capitalisme contem porain sont destructr ices des garant ies sociales. Elles multiplient et aggravent les inégalités , engendrent le chômage et une pauvreté de masse qui englobe non seulement les chômeurs , les précaires mais une fract ion croissante de retraités et de salariés. On parle couramment , aujour d’hui, de pauvreté salariale. L’insat isfaction des besoins alimentaires touche de nom breux tra vailleurs à bas revenus . Les atte intes à la Sécur ité Sociale ont encor e aggravé la situat ion de la santé et accentué les prélèvements fiscau x.

Les besoins de logement sont d’une acuité cons idéra ble, par ticulièrement pour les jeunes . Les besoins de repos, de temps libre, cultur els s’accr oissent sous l’effet du développement des forces productives. La non satisfact ion des besoins sociaux renvoie le plus souvent à l’insuffisance des salaires et des moyens de consommat ion collect ive, aux restrictions dues au rationnement des prestat ions et à l’affaiblissement des ser vices publics. Cela entra îne les salariés au surendettement mass if, pèse sur la reproduction démograph ique et est un obst acle au développ ement écono mique. Le patr onat et le pouvoir politique ne reconna issent pas cette place du « social » dans le développement économ ique. Ils appellent à l’austér ité, décrètent nom bre de besoins vitaux super flus pour just ifier les bas niveaux de salaires dont dépen dent les niveaux de consommat ion. L’existence mass ive de bas salaires est néfaste . Elle est auss i véritablement scanda leuse quan d on voit l’opulence insolente de l’oligarchie capitaliste périodiquement dévoilée par les salaires astr onom iques, les prébendes que const ituent les « stocks options » et autr es « parac hutes dorés » que s’octr oient les dirigeants des grandes firmes comme les affaires Vinci et de son ex-PDG Zakarias ou EADS et son exdirigeant Noël Forgear.
De nécessaires mobilisations sociales et politiques La CGT fait cam pagne pour l’augmentat ion généra le des salaires et deman de de fixer imméd iatement le SMIG à 1 500 euros. Répondant aux analyses critiques d'un cer tain nom bre de par ticipants au congrès de la CFDT, en juin dernier, François Cherè que a évoqué la nécess ité d'une offens ive syndicale sur le pouvoir d’achat et les salaires, rompant avec une image de la CFDT qui revendiquait naguère de ne pas êtr e « le syndicat de la feuille de paie ». Ce sont toutes les organisations syndicales, toute la gauc he qui doivent s’engager dans l’act ion pour le relèvement du SMIC, des salaires garant is et pour éta blir dura blement une meilleur e corr espondance avec les besoins sociaux.

C’est une quest ion de civilisation dans un pays où 85% des salariés gagnent moins de 2000 eur os par mois. Ÿ

(1) Jean Bruhat : Histoire du mouvement ouvrier français, Editions sociales, 1952 , p. 231

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