Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Attaques en règle contre les droits des salariés du secteur privé et les statuts public

Jacques Attali se vante de la mise en œuvre effective de la moitié de ses 20 propositions fondamentales. C’est vrai pour plusieurs de ses propositions concernant le travail et l’emploi. Il pourrait d’ailleurs tout aussi bien dire que c’est le fil conducteur de son rapport, à savoir la baisse du coût du travail, qui est mis en application depuis des années.

 

Application et aggravation des dogmes du Medef et de Sarkozy en ce qui concerne le secteur privé.

 

Le rapport est dans la continuité des politiques réclamées depuis longtemps par le patronat, appliquées depuis plus de vingt ans par les gouvernements successifs et accélérées successivement par Chirac et plus encore par Sarkozy. Mais il s’agit d’utiliser l’effet consensus espéré pour aller beaucoup plus loin

 

Parmi les décisions dites fondamentales on trouve d’abord l’effacement de la loi au profit de la négociation. Séduisante pour les syndicats, cette idée aboutit cependant à ce que la puissance publique se défausse de ses responsabilités en matière d’ordre public social et dans la pratique conduit à une diminution graduelle des droits des salariés. Au lieu de garanties légales complétées par des négociations pour plus de droits on demande aux syndicats de négocier en dessous de la loi. Cela fut manifeste lors des négociations sur la réduction du temps de travail : Martine Aubry prit la décision de tout renvoyer à la négociation dominée par le patronat et ses experts. Les résultats les plus négatifs des négociations, présentés comme novateurs, furent ensuite intégrés dans la loi pour aboutir à un échec de la RTT en ce qui concerne l’emploi et les conditions de travail.

 

C’est finalement la vieille idée de collaboration de classe qui est derrière cette promotion de la négociation bidonnée. En échange, ou en accompagnement, Attali propose de nouvelles règles sur la représentativité des syndicats fondées uniquement sur les élections et l’adoption du principe des accords majoritaires pour la validation des accords (majorité en voix et non plus en nombre de syndicats). On applaudit à ces suggestions dont le Medef ne veut pas entendre parler. L’accord majoritaire en voix est réclamé depuis longtemps par la CGT. Les députés communistes ont, depuis dix ans, déposé des amendements en ce sens toujours rejetés par les ministres du travail successifs et les députés socialistes et de droite. Peut-être faudrait-il mettre sur ce point la droite au défi en déposant une nouvelle proposition de loi.

 

Contradictoirement à cette apparente promotion des syndicats, Attali propose de réduire la présence des représentants du personnel en doublant les seuils qui obligent à l’organisation d’élections (10 salariés pour les délégués du personnel et 50 pour le comité d’entreprise). Alors même que les entreprises de 10 à 20 salariés qui disposent de délégués sont très rares ! Il veut aussi réduire les moyens d’action du personnel dans les entreprises de moins de 250 salariés en fusionnant dans un «conseil d’entreprise» toutes les institutions : délégué syndical, délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT.

 

Attali a également été entendu par avance en ce qui concerne la prétendue rupture amiable du contrat de travail puisque qu’il s’agit d’un des gros morceaux de l’accord signé en décembre par tous les syndicats sauf la CGT. Ce mode de rupture aura immanquablement comme effet de faciliter les licenciements, de mettre davantage la pression sur les salariés sans aucun effet pour l’emploi ; il diminuera les risques judiciaires pour les employeurs et sera un moyen fabuleux de fraude aux Assedic. Cet accord est si négatif qu’on peut se demander s’il est une manifestation de la

«fluidification des relations sociales» chère à Monsieur Gautier Sauvagnac ?

 

Très dans «la ligne» aussi l’immigration renforcée, dite «immigration choisie» par le Président, afin de diminuer le coût du travail en pesant sur les salaires et privant du même coup les pays en développement de leurs richesses humaines.

 

Attali remet également au goût du jour le remplacement d’une partie des cotisations patronales de sécurité sociale par une TVA sociale. Moyen très efficace pour baisser le coût du travail. On se souvient que cette idée avait coûté très cher à la droite à quelques jours du second tour des élections législatives de 2007. En l’absence d’élections nationales avant deux ans on peut craindre que le gouvernement remette l’ouvrage sur le métier.

 

On ne sera pas étonné qu’une place de choix soit réservée à l’une des obsessions majeures de Nicolas Sarkozy et de Laurence Parisot : travailler toujours plus. L’exigence du Medef de suppression de toute notion de durée légale du travail est reprise sous la forme de la permission qui serait accordée aux entreprises de déroger, par accord, à cette durée légale. On retrouve la volonté d’utiliser la négociation pour faire reculer les droits des salariés. Bien que cela ne soit pas d’actualité, la suppression de la durée légale du travail permettrait aussi en cas de reprise de la croissance, de substituer les heures supplémentaires à l’embauche et de maintenir ainsi un fort volant de chômage pour peser sur les salaires et les conditions de travail.

 

Travailler non seulement plus mais plus longtemps avec, elles existent, la suppression des limites d’âge à l’emploi. Inciter ainsi, comme dans d’autres pays européens, à travailler au-delà de 65 ans.

 

Travailler aussi le dimanche bien qu’on ne voit pas en quoi le travail du dimanche aurait le moindre effet sur la croissance vu que le pouvoir d’achat n’est pas fonction de la durée d’ouverture des commerces.

 

Jacques Attali propose encore d’étendre le chèque emploi service aux TPE. Cette mesure, applicable aux particuliers pour leur faciliter les démarches administratives est anodine en apparence, elle supprime la déclaration d’embauche, le contrat de travail et le bulletin de salaire. C’est en fait un risque accru de travail clandestin, de non paiement des heures supplémentaires, de non respect des conventions collectives. Ce serait aussi, avec la suppression du bulletin de salaire, des difficultés supplémentaires pour les travailleurs précaires des TPE dans leurs démarches quotidiennes.

 

Fonction publique : le coup de massue

 

En ce qui concerne la fonction publique Jacques Attali n’a manqué ni d’imagination ni d’audace pour satisfaire le vieux rêve de tout ce que la France compte d’opposants au progrès. Il se place sur la même ligne que l’ancien stalinien et numéro deux du Medef, Denis Kessler qui veut détruire tout ce qui s’est fait en France de 1944 à 1952 y compris le statut de la fonction publique.

 

A cette fin le rapport propose de généraliser, en prenant exemple sur la Grande Bretagne, toutes les politiques de sape des services publics à l’œuvre.

 

Il conviendrait dit-il de «développer des agences pour remplir les missions opérationnelles de prestations de services». Le mode de gestion décrit est celui des entreprises privées. Sont nommément cités : les services fiscaux, l’Insee, l’administration pénitentiaire, les services sociaux, le logement, la formation professionnelle. Il faudrait aussi poursuivre dans l’externalisation de missions considérées comme annexes comme les ressources humaines, les systèmes d’information, la formation des agents, les bâtiments….

 

Il est encore proposé de «mettre en œuvre de manière systématique le principe du non remplacement de deux fonctionnaires sur trois» en insistant : «cette exigence d’efficacité devra être observée pour les trois fonctions publiques».

 

A l’inverse de l’exigence de proximité qu’expriment les citoyens il est aussi demandé de regrouper au siège de la région les services déconcentrés de l’Etat.

 

Pour les agents eux mêmes il s’agirait de «permettre aux employeurs publics de déterminer les conditions de rémunérations de leurs agents et revoir progressivement l’avancement automatique pour augmenter la part des promotions au choix» en même temps que «moderniser progressivement les modes de rémunération publics en mettant en place des primes liées à la performance collective et individuelle des agents.»

 

Pour ceux qui n’auraient pas bien compris ce qui est visé, le rapport se réfère une nouvelle fois au modèle britannique «l’essentiel des agents publics est embauché dans un cadre contractuel, dans des conditions proches de celles du secteur privé, la fonction publique de carrière est réservée aux emplois stratégiques» et propose donc d’ «assurer aux responsables des agences la liber de choix entre les deux modes de recrutement» et «d’instituer dans toute la fonction publique une gestion managériale, dynamique et flexible des personnels».

 

Au lieu de s’inspirer des garanties du statut de la fonction publique pour contribuer à sécuriser l’emploi dans le secteur public Jacques Attali, avec l’approbation chaleureuse de Nicolas Sarkozy régresse en appliquant au secteur public les recettes de gestion du secteur privé et l’insécurité fondamentale du contrat de travail lui-même de plus en plus instable. Commentant ce rapport Ségolène Royal déclara : «La France a besoin de réformes, ce rapport a été fait pour aider la France et moi, je veux aider la France».

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