Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Paquet fiscal :paquet cadeau pour les riches

Parmi les réformes ultra-réactionnaires que la Droite a mises en œuvre depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, figure en bonne place la loi « en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat », dite loi TEPA, promulguée en août 2007.

Ces mesures sont décrites au fil des articles : exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires (article premier de la loi TEPA), franchise sur la rémunération des emplois étudiants saisonniers (article 4), réduction d’impôt au titre des emprunts immobiliers des particuliers (article 5), allégement des droits de mutation sur les successions et les donations (articles 8 à 10), renforcement du bouclier fiscal (article 11), réduction de la valeur imposable de l’habitation principale au titre de l’impôt de solidarité sur les fortunes (ISF) (article 14), allégement de l’ISF pour investissement dans le capital des petites et moyennes entreprises (article 15), mise en œuvre du revenu de solidarité active (articles 18 à 23).

Les masses financières en jeu, en tout cas telles qu’elles étaient décrites dans les différents rapports parlementaires et dans l’exposé des motifs du projet de loi, étaient considérables. En année pleine, c'est-à-dire, en principe, dès 2008, la défiscalisation des heures supplémentaires devait produire une moins value de recettes pour l’État de 3 765 millions d’euros, la mesure sur les emplois étudiants coûter 40 millions, celle sur les emprunts immobiliers 1 890 millions, l’allégement des droits de mutation 1 370 millions d’euros, le bouclier fiscal 810 millions et les mesures relatives à l’ISF 310 millions de plus.

Enfin, la mise en place du RSA devait générer une dépense nouvelle de 25 millions d’euros. Soit un mouvement total d’un peu plus de 8,2 milliards d’euros pour l’ensemble de ces mesures. Une mise en œuvre pour le moins contrastée.

 

Huit mois après la promulgation du texte, la mise en œuvre de ses dispositions est pour le moins contrastée. Pour une partie de ces mesures, nous ne disposons encore pour l’heure que d’évaluations formelles fournies notamment par la loi de finances, tandis que pour d’autres, nous avons d’ores et déjà à disposition des éléments quantifiables et mesurables.

Travailler plus pour gagner plus : quel bilan ! Prenons la mesure la plus emblématique du projet de loi, la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires.

L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) en a dressé un bilan d’application au dernier trimestre 2007.

Le nombre d’heures supplémentaires déclarées par les entreprises s’élève, pour ce trimestre, à 144 millions, niveau très largement inférieur au nombre d’heures supplémentaires effectuées en 2006 puisque les rapports associés au projet de loi partaient d’une moyenne annuelle de 900 millions d’heures supplémentaires, soit 200 à 250 millions d’heures par trimestre.

Observons également que la mise en œuvre du dispositif suit assez nettement l’évolution de l’activité des secteurs puisque, sans surprise, c’est au mois de décembre (mois des fêtes de fin d’année et de clôture du bilan dans bien des entreprises) que le niveau des heures déclarées a été le plus élevé.

Sans surprise également, notons que ce sont dans les secteurs de la construction, des transports et de la restauration que le niveau des heures supplémentaires déclaré a été le plus important.

La faiblesse récurrente des salaires et la médiocre qualité des conditions de travail dans ces secteurs peuvent laisser penser que le dispositif a joué en effet d’aubaine, en permettant aux entreprises de faire valoir des heures supplémentaires jadis non déclarées comme telles et à substituer ce mode de rémunération à des repos compensateurs.

Rien ne laisse en tout cas préjuger de la réalité d’une augmentation du volume d’heures supplémentaires effectuées, contrairement aux attendus mêmes du projet de loi.

S’agissant enfin du coût pour les finances publiques, il s’avère très nettement inférieur à celui programmé dans le projet de loi.

Il s’élève en effet à 546 millions d’euros, soit une somme très éloignée des 1 280 millions d’euros bruts prévus à l’origine.

Le partage de cette somme est le suivant : 142 millions d’euros environ en faveur des employeurs, au titre des allégements de cotisations sociales pour la part dite patronale et 404 millions d’euros en faveur des salariés, c'est-à-dire un gain net inférieur à trois euros par heure supplémentaire effectuée.

Si l’on suppose que les salariés concernés effectuaient déjà dans le passé ces heures supplémentaires, cela signifie tout simplement que, pour le plus grand nombre, le gain net de revenu se situe aux alentours de 14 euros par mois, si l’on s’en tient à la moyenne d’heures supplémentaires sur le trimestre...

Dans les faits, les chiffres se dispersent entre un euro et demi dans le secteur le moins utilisateur (les télécommunications) et 26 euros dans le secteur le plus utilisateur (la construction).

Se pose toutefois la question de la réalité de l’accroissement des rémunérations liées à la mise en œuvre du processus.

En effet, les sommes que nous évoquons ne concernent que les conséquences, en termes d’allégement de cotisations sociales, des heures supplémentaires.

Le tout est de savoir, maintenant, ce que représente, en salaire net direct, le volume des heures supplémentaires effectuées.

On notera d’abord, et c’est assez significatif de la communication gouvernementale sur le sujet, qu’aucune des sources statistiques consultables (ACOSS, Ministère du Travail,...) ne présente le bilan des heures supplémentaires en distinguant les heures supplémentaires «nouvelles» des heures supplémentaires correspondant à un surcroît d’activité déjà observé par le passé.

Si l’on extrapole le nombre d’heures supplémentaires déclarées, on peut situer autour de 2 milliards d’euros le salaire direct défiscalisé et désocialisé qui a été distribué au dernier trimestre 2007, somme à rapprocher des 5 millions de salariés qui en auraient effectué peu ou prou. Le gain trimestriel serait donc de 400 euros par salarié concerné, environ.

Mais nous avons souligné que le volume d’heures déclarées s’avérait assez nettement inférieur au volume observable les années précédentes.

Ce qui pose la question de la consistance des heures supplémentaires déclarées.

Le cas le plus probable est celui de la reconduction, en 2007, d’heures supplémentaires déjà effectuées par les mêmes salariés, dans les mêmes entreprises, dans le passé.

Le volume d’heures déclarées épouse assez largement la répartition sectorielle des heures supplémentaires telles qu’elles étaient pratiquées dans le passé et, notamment, touche peu les secteurs qui ont largement annualisé et forfaitisé les temps de travail de leurs personnels.

Pour donner quelques exemples, on n’a déclaré que moins de 3 heures dans les entreprises du secteur financier (les banques pratiquent largement la forfaitisation), quand on a déclaré plus de 26 heures, sur le trimestre, dans le secteur de la construction.

De même, plus les entreprises sont importantes, plus la proportion de celles qui ont recours au dispositif est élevée.

Ainsi, un peu à la surprise générale, moins du tiers des très petites entreprises (celles comptant de moins de 10 salariés) ont fait une déclaration TEPA, quand 81 % des entreprises de plus de 2 000 salariés l’ont fait.

Ce qui explique, par exemple, un relatif succès du dispositif dans les secteurs de la métallurgie et des constructions mécaniques.

Donc, tout laisse à penser que les heures supplémentaires déclarées sont des heures récurrentes, qui se reproduisent chaque année, le dispositif n’ayant de fait eu qu’un effet d’aubaine, permettant de défiscaliser et de désocialiser ce qui existait déjà.

Une bonne part des 2 milliards d’euros de salaire direct complémentaire ne serait donc pas un véritable plus pour les salariés.

Enfin, reste la question de la prise en compte fiscale de cette rémunération.

L’évaluation des voies et moyens de la loi de finances 2008 évalue, à la louche, à 400 millions d’euros l’impact de la mesure «heures sup» en termes d’impôt sur le revenu non payé.

Cette évaluation, soulignons le encore, tient compte des prévisions affichées lors de la discussion du projet de loi TEPA et non pas de sa réalisation.

Le gain de pouvoir d’achat risque fort d’être moins significatif encore en septembre prochain pour les salariés redevables de l’IR, et ce pour trois raisons au moins : un, une bonne partie est déjà non imposable ; deux : une partie des heures supplémentaires déclarées n’a pas un véritable caractère de nouveauté (nous venons de le voir) ; trois : si tant est que le salarié concerné effectuerait de «nouvelles» heures supplémentaires, il risque de perdre, au titre de la prime pour l’emploi, une partie de ce qu’il aura gagné.

Ce point, confirmé lors de la discussion du projet de loi par Christine Lagarde elle-même, est soigneusement ignoré pour le moment dans la communication gouvernementale.

Difficile en effet d’expliquer à des gens qui gagnent peu et à qui l’on demande de travailler plus pour gagner un peu plus que l’automne venu, on va réduire leur prime pour l’emploi justement parce qu’ils auront travaillé plus !

Deux autres mesures ont eu une incidence budgétaire mesurable dès la fin d’année 2007.

Il s’agit d’une part du bouclier fiscal et, d’autre part, de la réduction des droits de mutation.

Le bouclier fiscal n’a pas rencontré le succès attendu à l’origine.

En effet, en lieu et place des 400 millions d’euros de dépense fiscale prévue ( et de 93 000 foyers fiscaux concernés ), nous sommes, fin 2007, en présence de 222 millions d’euros de dépense, pour moins de 23 000 contribuables, et ce en dépit d’une campagne de relance des bénéficiaires potentiels mise en œuvre, à grands frais de gestion administrative et logistique, par la Direction générale des impôts.

N’oublions pas que les agents des Impôts ont été utilisés, en partie (dépenses de personnel et dépenses de fonctionnement) pendant plusieurs mois pour cette relance consistant à minorer les recettes fiscales de l’État...

Même en tenant compte du retard dans le traitement de quelques 3 000 dossiers en attente, le bouclier fiscal n’a pas fait recette, et devrait voir son coût 2007 plafonner aux alentours de 250 millions d’euros.

En fait, la seule mesure dont on est certain qu’elle a trouvé une pleine application dès 2007 est le dispositif d’allégement des droits de mutation, tant sur successions (ce qui avait motivé l’essentiel de la communication gouvernementale sur le sujet) que sur les donations (où la discrétion a plutôt joué...).

Si l’on s’en réfère aux documents budgétaires, l’État aurait perdu 300 millions d’euros sur la fin de l’année 2007 au titre des successions, la baisse des droits consommant de fait l’évolution spontanée de la valeur des patrimoines transmis et 370 millions d’euros au titre des donations.

Cela fait au total 670 millions d’euros (bien plus que la défiscalisation des heures supplémentaires) pour ces mesures.

L’impact du paquet fiscal en 2007 est donc bien plus faible que celui attendu, et s’avère inférieur à 1,5 milliards d’euros.

Et en 2008 ?

Si l’on se réfère aux éléments disponibles, l’année 2008 devrait marquer un échec relatif de nombre des dispositifs prévus par la loi TEPA.

S’agissant des heures supplémentaires, en projetant le résultat de la fin de l’année 2007, on se situerait aux alentours de 2,4 à 2,5 milliards d’euros, dont 1,8 à 1,9 milliards au bénéfice de salariés.

On est donc très loin des montants attendus à l’origine et qui se rapprochaient des 4 milliards, nonobstant tout accroissement du volume d’heures supplémentaires effectuées.

Encore faut-il souligner que ce montant n’intègre ni les effets d’assiette affectant les cotisations patronales dans les plus grandes entreprises, ni l’incidence de la prise en compte des heures supplémentaires 2007 sur la prime pour l’emploi 2008 pour les salariés.

On peut considérer que ces effets divers portent une plus value de recettes de 100 millions d’euros, entre l’État et la Sécurité sociale.

Il minore également l’impact de la réduction d’impôt sur le revenu qui pouvait découler de la défiscalisation, d’autant que nombre des salariés concernés étaient, d’ores et déjà, non imposables.

On peut estimer ce coût à 250 millions d’euros en moins value fiscale.

Sur les intérêts d’emprunts immobiliers, le coût prévu par la loi de finances 2008 se limite à 220 millions d’euros, pour environ 480 000 ménages concernés.

La défiscalisation des « jobs étudiants » demeure estimée à 40 millions d’euros.

S’agissant des ménages «ordinaires», composés de salariés, cela représenterait, au mieux, 2,3 à 2,4 milliards de cotisations sociales et d’impôts en moins.

Reste la question de la taxation des patrimoines.

Les mesures relatives à l’ISF sont censées coûter 310 millions d’euros, celles relatives au bouclier fiscal 810 millions et celles résultant de l’allégement des droits de mutation 1 571 millions.

Cela fait près de 2,7 milliards d’euros de dépense pour cette fiscalité, puisqu’il n’aura échappé à personne que l’essentiel du bouclier fiscal s’impute précisément sur l’imposition du patrimoine.

En effet, si la campagne de relance des bénéficiaires potentiels du bouclier fiscal a orienté à la baisse le montant moyen de restitution, celui-ci demeure élevé et largement supérieur au seul poids des impositions locales et de l’impôt sur le revenu moyen par ménage imposable.

Le montant de restitution avéré est aujourd’hui de 16 623 euros, quand le montant moyen d’impôt sur le revenu est de 2 643 euros, celui de la taxe d’habitation moyenne de 476 euros et celui des taxes foncières de 1 123 euros.

Dans l’absolu, donc, près des trois quarts de la restitution moyenne (quand ce n’est pas la totalité évidemment) d’un bénéficiaire du bouclier fiscal sont consacrés à l’allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune !

On pourra aussi mettre en regard la restitution moyenne, de ce montant de 16 623 euros, avec celui du revenu de référence moyen qui s’établissait, pour les revenus 2006 passibles de l’impôt en 2007, à 17 165 euros...

L’imputation possible des contributions sociales au titre du bouclier fiscal va sans doute avoir quelques effets. Mais ils seront surtout sensibles pour les très hauts revenus qui constituent déjà, à n’en pas douter, l’essentiel de la dépense fiscale, avec toutes les réserves requises.

23 000 demandes de bouclier fiscal au regard de 36 millions de contribuables de l’impôt sur le revenu et même de 500 000 assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune, cela reste marginal et montre la parfaite inutilité d’un dispositif qui, outre son injustice foncière, est inopérant et sans effet durable sur la situation économique.

Restituer 222 millions d’euros, et peut être 250, cela revient à renoncer à un millième des recettes fiscales de l’État, somme à diviser encore par rapport au produit intérieur brut... C’est dire si l’impact économique est infinitésimal. Mails est cependant autrement plus significatif pour un chaque contribuable concerné que les heures supplémentaires qui doivent constituer un bonus de cent euros mensuel maximum pour un salarié «bénéficiaire».

Les mesures relatives à l’ISF, portant sur le financement des PME ou l’abattement sur l’habitation principale, ne feront sentir leurs effets négatifs pour les recettes qu’à compter du lancement de la campagne de recouvrement de l’impôt, dans les semaines à venir.

On notera cependant que la tendance baissière observée sur la place financière de Paris ces derniers temps risque d’obérer le rendement de l’impôt, plus sûrement encore que les multiples niches fiscales dont il est désormais affublé et qui le vident de son contenu en amont, au milieu du courant et en aval...

Niches fiscales qui tardent parfois à s’ouvrir puisque ce n’est que très récemment qu’Oséo a mis en place le « guichet unique» destiné à recueillir les dons aux PME et fondations prévus par la loi TEPA pour alléger l’ISF !

De même, l’état du marché de l’immobilier de rapport peut impacter le rendement de l’impôt, dont l’essentiel des capacités nouvelles de recouvrement résident dans la chasse à la fraude fiscale, toujours rentable pour l’ISF...

S’agissant des droits de mutation, l’hypothèse de réduction du rendement semble proche de la réalité et se confirmerait donc comme la mesure la plus nettement réalisée de l’ensemble du paquet fiscal.

Le résultat d’ensemble des évaluations est que l’enveloppe en année pleine de la loi TEPA est d’environ 5 milliards d’euros, dont la moitié en direction de la fiscalité du patrimoine, et très peu, finalement, pour les ménages salariés.

Certains dispositifs sont appelés à croître en termes de coût pour les finances publiques (intérêts d’emprunt notamment, ou encore bouclier fiscal) mais vont-ils pour autant largement excéder ce que l’on observe pour le moment ?

Rien n’est moins sûr.

Une approche critique renouvelée

Le pouvoir sarkozyen s’est lui-même rendu compte des limites de l’exercice.

Le fameux choc de confiance qui devait découler de la mise en œuvre de la loi TEPA n’est pas au rendez-vous, et le ralentissement de la croissance tendrait même à montrer combien ce dispositif n’aura guère contribué à consolider la conjoncture française dans son environnement international, au contraire.

Les marges de manœuvre disponibles, parce que non mobilisées, pour la mise en œuvre de la loi (la non-rétroactivité de la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers a minoré, à elle seule, de plus d’un milliard et demi le coût global de la loi) ont d’ailleurs été de nouveau sollicitées.

C’est ainsi que la loi sur le pouvoir d’achat, promulguée en janvier dernier, a étendu les possibilités de déblocage anticipé de la participation, comme celle du rachat des congés payés ou des repos compensateurs...

De même, la loi de modernisation de l’économie (LME) prévoit de fortes incitations fiscales au développement de la pluri activité, par le recours au travail non salarié, celui-ci venant compenser la médiocrité de la rémunération salariée et, a fortiori, les prélèvements fiscaux et sociaux qu’elle subit ou dont elle sert de base de calcul.

Mais, surtout, la question récurrente du pouvoir d’achat et du niveau des salaires se pose avec une acuité renforcée depuis quelques temps.

Au demeurant, le développement de mouvements sociaux importants, notamment dans des secteurs très utilisateurs d’heures supplémentaires (distribution, restauration entre autres) montre que le discours officiel du «travailler plus pour gagner plus» prend de plus en plus l’allure du dogmatisme le plus achevé, loin des préoccupations réelles et concrètes des salariés.

Parmi les critiques que l’on peut d’ailleurs produire à l’encontre du dispositif heures supplémentaires, notons trois points essentiels.

  • Les heures supplémentaires, qu’on le veuille ou non, constituent en dernière instance la forme la plus archaïque de gestion des temps de travail du personnel, notamment lorsque le droit du travail permet de négocier des horaires d’activité sur la base de l’annualisation, méthode largement utilisée dans nombre d’entreprises après l’adoption des lois Aubry sur la réduction et l’aménagement du temps de travail.

Cet archaïsme affecte sans surprise les secteurs de la restauration, de la construction ou des transports, où la taille des entreprises et les modalités d’organisation sont souvent encore, très éloignées des possibilités d’aménagement offertes par la négociation et l’annualisation, voire la forfaitisation.

  • Second point qui mérite d’être relevé : le dispositif vise une forme de « paix sociale » au moindre coût dans nombre d’entreprises.

Il y a en effet fort à parier que nous sommes passés, dans certaines entreprises, d’un contingent d’heures supplémentaires non déclarées et non payées (source de conflictualité dans certains cas, cette conflictualité pouvant prendre le caractère d’une procédure juridique devant les prud’hommes en lieu et place d’un mouvement social propre à l’entreprise) à un contingent d’heures supplémentaires que l’on paierait d’autant plus facilement qu’il n’y aurait, dessus, plus de cotisations sociales à payer, tout en permettant d’escamoter toute revendication de revalorisation normale ou ordinaire des salaires.

  • Enfin, troisième grief de fond : l’effet d’éviction.

Nous avons indiqué que le nombre des heures supplémentaires déclarées au dernier trimestre 2007 était inférieur aux prévisions.

Pour autant, 144 millions d’heures supplémentaires déclarées, c’est l’équivalent de 300 000 emplois à temps plein sur la période concernée, et notamment dans le champ des contrats à durée déterminée ou des missions intérimaires.

Cet effet d’éviction est d’ailleurs en partie vérifié dans les statistiques de l’ASSEDIC qui, en décembre 2007, mois le plus haut en termes d’heures supplémentaires déclarées, enregistre une baisse de 3 510 emplois dans l’industrie et surtout de 9 040 emplois intérimaires dans le secteur de la construction, le plus gros utilisateur d’heures supplémentaires.

Il conviendrait donc de s’interroger sur les motifs d’inscription au chômage depuis l’adoption de la loi TEPA pour vérifier la réalité de cet effet d’éviction.

Selon l’étude mensuelle de la DARES sur le chômage en mars dernier, les fins de contrat à durée déterminée et les fins de mission d’intérim constituent les deux éléments les plus dynamiques de progression des inscriptions à l’ANPE.

Ce sont d’ailleurs les deux postes qui, sur la durée, et notamment depuis l’an dernier, consolident le niveau de la demande d’emploi avec un flux mensuel de plus de 130 000 nouvelles inscriptions pour l’une ou l’autre de ces deux raisons.

S’agissant des autres dispositifs de la loi TEPA, les critiques initiales peuvent être maintenues.

  • La mesure relative à la déduction des intérêts des emprunts immobiliers, comme elle ne rend, en moyenne, qu’un peu moins de 500 euros par foyer fiscal, ne fait que corriger à la marge l’impact des conditions de prêts immobiliers édictées par les établissements de crédit, et notamment celui des taux variables, apparaissant dès lors comme une incitation à la poursuite de ces pratiques conduisant les ménages au surendettement.
  • N’insistons pas plus avant sur les effets du bouclier fiscal au regard de l’activité, de même qu’il convient sans doute de relever à nouveau que les 190 millions d’allégement d’ISF attendus au titre de l’investissement dans les PME représentent la mobilisation de 380 millions de ressources nouvelles pour celles-ci...

Qu’est-ce que représente cette somme au regard de l ‘encours des prêts bancaires accordés aux entreprises qui s’approche désormais des 1 000 milliards d’euros ?

Au mieux une goutte d’eau dans l’océan de l’inégalité d’accès au crédit, au pire une niche fiscale de plus pour quelques contribuables de l’ISF.

  • Reste l’allégement de la fiscalité du patrimoine et notamment la juteuse opération sur les donations qui demeure une affaire à double détente, avec une chance au grattage (sur la donation) et une chance du tirage (avec l’allégement éventuel de droits de succession et surtout d’ISF subséquent).

Et puis 5 milliards de coût de l’ensemble de ces mesures à portée économique et sociale discutable, qu’est-ce que cela représente encore ?

Ne serait-ce pas, entre autres, le montant des annulations budgétaires que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour tenir les objectifs de convergence européens ?

Ainsi donc, les salariés auraient la double peine.

Ils ne pourraient escompter gagner plus qu’en travaillant plus et il leur faudrait, en plus, subir les conséquences du démantèlement des services publics (l’école de leurs enfants, le lycée du plus grand, etc.) résultant de ces incitations ?

Non, décidément, ce paquet fiscal trompeur est bel et bien un cadeau empoisonné

Documents utilisés pour cette étude :

  • Évaluation des voies et moyens des lois de finance ;
  • Communiqué de l’ACOSS : bilan des heures supplémentaires du 4e trimestre 2007 ;
  • Bulletins mensuels de l’UNEDIC ;
  • Évolution du travail intérimaire (UNEDIC) ;
  • Statistiques DARES.

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Par Paker Alain , le 31 mars 2008

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