Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La création de la Direction Générale des Finances Publiques : un cas d’école

Ce n’est pas un hasard si la première grande opération de restructuration des administrations de la Fonction publique d’État concerne deux administrations qui représentent le cœur des institutions financières publiques de notre pays.

À savoir, l’administration des impôts (DGI) qui a pour missions principales d’asseoir et de contrôler l’impôt et l’administration de la comptabilité publique (DGCP, les trésoreries) qui a en charge le recouvrement de l’impôt ainsi que la gestion et le suivi de l’exécution des budgets des collectivités territoriales et autres établissements publics. Le symbole ne pouvait pas être mieux choisi, le signal ne pouvait pas être mieux donné, les signes en direction du monde de la finance ne pouvaient pas être plus clairs.

 

Comme le Président de la République l’avait lui-même annoncée au lendemain de son élection, la fusion de la DGI et de la DGCP devait constituer la pierre angulaire d’un projet d’ensemble de la réforme de l’État.

 

La création de la nouvelle direction issue de cette fusion, la DGFIP réunit dans les faits tous les objectifs vers lesquels tend la RGPP. Les multiples réunions ministérielles qui ont présidé à cet avènement et auxquelles les partenaires sociaux ont été conviés depuis le début de l’année, ont, malgré les efforts de communication déployés, en permanence confirmé la logique régressive que sous-tendait l’ensemble de cette réforme.

 

Avec l’objectif prioritaire d’une suppression massive d’emplois (70 000 sur 130 000), il s’agit de concrétiser le dépeçage des missions des deux administrations par la destruction de l’implantation et de l’organisation des réseaux, par la dégradation des conditions de travail que caractérise une profonde remise en cause des droits et garanties des personnels.

 

Loin des propos ministériels, la situation objective qui résulte de cette fusion n’assurera en rien le maintien et à plus fortes raisons, le développement des missions jusque-là assumées par la DGI et la DGCP. Car en ligne de mire est un affaiblissement du maillage géographique des services des impôts et des trésoreries. Ainsi sont programmés le regroupement et la suppression de trésoreries mixtes (générale et municipale), la suppression de nombreux centres des impôts, la mise en place de pôles centralisés dont la conséquence sera l’amputation des missions des structures excentrées dont l’existence sera inévitablement remise en cause.

 

Cette vague de restructuration massive risque bien d’emporter de façon définitive et cela très rapidement un certain nombre de missions déjà sur la sellette depuis quelques mois. Il s’agit du service des domaines devenu « France Domaines», du service du cadastre sachant que les centres des impôts fonciers ont dores et déjà disparu. Les plus vives inquiétudes pèsent sur le devenir des conservations des hypothèques dont le rôle est de rendre les actes authentiques, c’est-à-dire de garantir juridiquement la propriété d’un bien immobilier.

 

Le contrôle fiscal notamment dans son volet externe qui concerne plus particulièrement les entreprises et les contribuables fortunés risque d’être réduit à la portion congrue. De nombreux services du renseignement et de la recherche sont aujourd’hui mis en «sommeil» dans l’attente du feu vert pour relancer leur activité.

 

De nombreuses missions sont en passe d’externalisation ; par exemple celles qui relèvent des missions informatiques ou de la gestion des cités administratives.

La méthode est connue. La réduction des moyens humains et matériels, rendant plus difficile l’accomplissement des missions publiques, est utilisée pour justifier de l’inefficacité des services publics.

 

Une voie suivie dans les faits depuis de nombreuses années par les divers locataires de Bercy. La volonté de supprimer des emplois, au risque de dégrader les missions publiques financières, a en effet été la boussole des politiques conduites par les Ministres qui se sont succédés au Ministère des Finances depuis les années1999-2000 avec notamment les tentatives de MM. Strauss-Kahn et Sautter autour de ce qu’il était convenu d’appeler alors la mission 2003. Toutes les réformes engagées ensuite ont labouré le même sillon.

 

Bien entendu, il était hors de question pour quelque Ministre que ce soit d’afficher son intention de détruire ou seulement même de réduire des missions aussi nécessaires au fonctionnement de l’État. À chacun des épisodes, l’affichage était l’amélioration du service public.

 

À leur décharge, il faut dire que l’idée vient de loin. Déjà lors des discussions ayant entouré la mise en place de l’Acte Unique Européen, entré en vigueur le 1er juillet 1987, il était sérieusement question dans certains cercles, qu’ils émanent de la commission de Bruxelles ou de cabinets ministériels nationaux, d’envisager une forte réduction des personnels du Ministère des Finances. Une des hypothèses avancées était leur division par deux.

 

Les objectifs de libéralisation du marché, devenus de véritables dogmes, sont profondément inscrits dans les politiques mises en œuvre au plan européen et national depuis plus de 20 ans maintenant. Les services publics et particulièrement leur déclinaison française sont au centre des attaques. Outre les administrations financières, l’hôpital dont un projet de territoires envisage de supprimer 235 établissements, les offices d’HLM, les collectivités territoriales sont dans le collimateur. La création d’une caisse de retraite pour les fonctionnaires d’État est l’antichambre de la casse du code des pensions.

 

Les premières victimes d’une telle politique sont certes les couches sociales les plus défavorisées. Mais de plus en plus nombreux sont celles et ceux qui en subissent les effets dans leurs conditions de vie quotidiennes. Car en toile de fond c’est aussi l’impôt, dans ses fonctions de redistribution et d’impulsion de la politique économique, qui est visé. La relative concomitance entre la décision d’instaurer un paquet fiscal pour les plus riches, de promouvoir la RGPP et de décider de la fusion DGI-DGCP montre la cohérence de la démarche.

 

Néanmoins le pouvoir qui se veut toujours mieux le relais des intérêts capitalistes, semble déjà éprouver le besoin de passer à une nouvelle étape. Par symétrie à la RGPP mais aussi pour pousser encore plus loin les feux de la déréglementation fiscale, il est maintenant question de RGPO (Revue Générale des Prélèvements Obligatoires) dont la charge est confiée à Mme Lagarde, actuelle Ministre des finances

 

La Revue Générale des Prélèvements Obligatoires :

assise idéologique d’une nouvelle réforme fiscale ?

Même si les orientations de cette revue générale des prélèvements obligatoires ne sont pas encore suffisamment précisées, il ne semble pas être risqué que de présumer du label libéral dont celle-ci sera empreinte. Certains signes avant-coureurs ne trompent pas.

Parmi les groupes de travail chargés de préparer cette RGPO, l’un d’entre eux aura plus particulièrement la responsabilité de réfléchir aux problèmes de «compétitivité et d’attractivité» du système fiscal français. On devine ce que cela sous-entend. Jugé trop complexe, trop rigide et trop lourd dans le cadre de la mondialisation, le système fiscal français mériterait une sérieuse cure d’amaigrissement.

Il va donc être question très prochainement au nom d’un

«balisage de la trajectoire fiscale», de remettre de l’ordre et de la lisibilité au sein de la législation fiscale. Au titre des projets qui pourraient être exhumés des tiroirs, on peut citer la TVA sociale, la suppression définitive de l’Impôt sur la fortune, une révision du taux de l’impôt sur les sociétés, une réforme de la taxe professionnelle, une révision de la fiscalité sur les revenus financiers (revenus de capitaux mobiliers et plus-values).

D’ores et déjà ce projet a reçu un soutien de choix en la per-sonne du Directeur général du Fond monétaire international, M. D. Strauss-Kahn qui a « vivement félicité» le gouvernement français pour ses révisions générales des politiques publiques et des prélèvements obligatoires.

Pourtant des voix semblent s’inquiéter jusque dans les rangs de la majorité gouvernementale de la future évolution que risquent de suivre les prélèvements fiscaux. Ainsi M. Carrez rapporteur général du budget à l’Assemblée Nationale, estime que «si cette remise à plat fiscale doit concourir au même objectif que la RGPP, soit le déficit zéro, il faudrait prendre la décision de ne plus baisser les recettes de l’État». Une telle préconisation semble en effet judicieuse. Car réduire à nouveau les recettes de l’État contribuerait à assécher encore un peu plus les financements publics, générant une aggravation du déséquilibre budgétaire et créant les conditions d’un creusement de la dette.

On imagine le nouveau remède qui serait alors administré. En parfaite osmose avec la mythologie du tonneau des danaïdes, les choix de gestion dominants ne peuvent que conduire à un grave enfoncement dans la crise et à une profonde récession. Il est urgent pour sortir de ce cercle vicieux de prendre un certain nombre de dispositions qui rompent radicalement avec les orientations actuelles. Le Parti communiste dispose d’un certain nombre de propositions en ce domaine qui seront à repréciser dans un proche avenir. Au cas particulier, il s‘agit présentement par de premières propositions sur les services publics, de s’attacher à réactiver une réflexion dont le corpus idéologique a subi un affadissement cruel.

 

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