Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Dans l’hyper-capitalisme financier, les Fonds de pension jouent contre les retraités

S’il était besoin de convaincre de l’efficacité économique des retraites par répartition, l’analyse de l’évolution des Fonds de pension depuis 2000 pourrait suffire. Amplement secoués en 2001 par l’explosion de la bulle internet, à nouveau dans la tourmente par celle de la bulle immobilière, ceux-ci ont enregistré en moyenne des pertes de l’ordre de 20% depuis août 2007. Certains ont disparu corps et biens comme l’un des fonds Carlyle aux États-Unis. Le drame est que les fonds de réserve souverains ne sont pas épargnés. En Norvège, le fonds chargé de gérer les dividendes de la hausse du pétrole (dont le pays est devenu le second exportateur mondial) dans l’intention de constituer des réserves pour le système de retraite a vu ses avoirs placés sur les marchés financiers fondre de 20 milliards d’euros en 6 mois. Plus «modestement» en France, le système par capitalisation de la Fonction publique, la Préfon, accuse des pertes colossales et le Fonds de réserve des retraites enregistre en un an une perte de 3,1 milliards, soit pratiquement 10% des avoirs totaux début 2007.

L’absurdité du système se révèle dans le développement d’une spéculation forcenée. Provisoirement sauvés de la crise des subprimes
par les banques centrales qui ont injecté des centaines de milliards d’euros ou de dollars en liquidités, Fonds de pension et banques en ont profité pour spéculer sur les produits alimentaires de base (notamment les céréales) ; avec une incidence sur leur hausse d’au moins 40%, donc quasiment autant que la part attribuable à l’augmentation de la demande mondiale et à la concurrence entre les terres vivrières et celles consacrées maintenant aux bio-carburants. La spéculation s’est ensuite reportée sur le pétrole luimême, en contribuant d’au moins 50, voire 60 dollars, à la hausse jusqu’au prix actuel qui frise les 140 dollars le baril en ce début du mois de juin 2008.

Il n’est donc pas faux d’affirmer que les Fonds de pension pour les retraites contribuent largement à affamer ceux qui sont déjà très vulnérables sur le plan alimentaire. Ainsi, alors qu’elles luttent contre le «fléau de l’inflation par les salaires», les banques centrales ont implicitement encouragé une inflation meurtrière pour les bas revenus, pour préserver à court terme le taux de profit. Comble enfin de cette logique folle, les fonds spéculateurs perdants à ce jeu, il en existe nécessairement, seront à nouveau sauvés, au moins pour certains et un temps encore, par les banques centrales et il ne leur restera qu’à recommencer. Mais le risque d’implosion générale du système bancaire et financier même est évoqué par certains analystes.
La conséquence pour les retraités condamnés à la capitalisation est de se voir menacés d’une paupéri sation à terme, avec la volatilisation des avoirs destinés à leur verser une pension… Partout, les contrats de capitalisation fondés sur un système dit à «prestations définies» (une pension garantie en fonction des cotisations) disparaissent, remplacés par des systèmes à «cotisations définies» où la seule référence devient la valeur boursière, obligataire ou immobilière des placements au moment de la liquidation. Fort logiquement, on assiste à un phénomène de fuite que l’on connaît dans les systèmes de répartition mis à mal par les «réformes» : ceux qui sont en mesure de liquider leur contrat de capitalisation s’empressent de le faire en estimant que les choses seront pires demain… Le mirage de la capitalisation explose, amplifié par les confirmations du futur éclatement de la bulle immobilière en Europe (déjà très sensible en Espagne) : compter se préserver en acquérant un (des) bien(s) immobilier(s) locatif(s) ne fait dans un premier temps qu’amplifier le phénomène de bulle ; dans un second temps, il ne garantit absolument pas d’un rendement effectif, l’aventure pouvant se terminer dans des conditions véritablement dramatiques.

Dans ces conditions, on doit vivement critiquer l’esprit des réformes libérales de systèmes de retraite qui s’acharne à démonter les systèmes par répartition et à favoriser du même coup la capitalisation. L’essence même des fonds de pension est la spéculation et leur développement en termes d’influence sur les marchés financiers, monstrueux ces dernières décennies, est la première  des  menaces  d’une crise  systémique mondiale dont l’effet sur l’économie réelle pourrait être cataclysmique.

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