Economie et Politique publie ici un texte de Denis Durand prononcé lors d’une rencontre Pcf/acteurs de l’économie sociale et solidaire dans le cadre de l’Atelier Finances.
L’économie sociale et solidaire a un rôle très important à jouer. L’ambition qui était à l’origine de la création des banques et assurances mutualistes – donner à des communautés civiques les moyens de maîtriser leurs relations au système bancaire et à l’argent ‒ a été niée et détournée sous l’effet de la financiarisation de l’économie. Les dures réalités de la crise appellent à revisiter cette ambition, en liaison avec un mouvement global de transformation de la société, du « local » (dans l’entreprise, le bassin d’emploi, en portant attention, par exemple, aux leçons à tirer d’expériences comme celles des monnaies locales) au « mondial » (l’exigence d’un nouvel ordre économique et monétaire mondial, telle que l’expriment les mouvements altermondialistes mais aussi l’évolution des rapports de force entre l’Occident sous hégémonie américaine et les pays émergents).
Ces ambitions pourront faire l’objet des débats sur des sujets concrets.
Même si la finance est le domaine par excellence où se développe le pouvoir privé du capital, c’est aussi un domaine marqué par une forte dimension sociale et de service public. Ainsi, le secteur mutualiste et coopératif est fortement présent, depuis longtemps, dans le domaine de la banque comme dans le secteur des assurances. Cela reflète les spécificités de ce domaine d’activité, qui touche à la protection des citoyens (les assurances), à la confiance mutuelle qui est à la base de toutes les relations économiques (la monnaie, donc la banque) et à la protection de l’épargne.
Cela lui donne aussi une place importante dans la construction d’une solution à la crise passant par la lutte contre la dictature de la rentabilité maximale dans les choix de gestion des entreprises – telle que l’impose la domination des marchés financiers ‒ et la subordination des salariés aux employeurs par le salariat.
Le temps n’est plus où on pouvait nourrir l’illusion de déléguer une transformation aussi radicale à l’État. Au xxie siècle, il s’agit, pour les citoyens, de conquérir des pouvoirs nouveaux sur les décisions économiques les plus importantes, et en particulier sur celles qui déterminent la création et l’utilisation de l’argent et du crédit.
L’économie sociale et solidaire a là un rôle très important à jouer. L’ambition qui était à l’origine de la création des banques et assurances mutualistes – donner à des communautés civiques les moyens de maîtriser leurs relations au système bancaire et à l’argent - a été niée et détournée sous l’effet de la financiarisation de l’économie. Les dures réalités de la crise appellent à revisiter cette ambition, en liaison avec un mouvement global de transformation de la société, du « local » (dans l’entreprise, le bassin d’emploi, en portant attention, par exemple, aux leçons à tirer d’expériences comme celles des monnaies locales) au « mondial » (l’exigence d’un nouvel ordre économique et monétaire mondial, telle que l’expriment les mouvements altermondialistes mais aussi l’évolution des rapports de force entre l’Occident sous hégémonie américaine et les pays émergents).
Ces ambitions pourront faire l’objet des débats sur des sujets concrets. En voici quelques exemples.
Quelles missions, quelle gestion pour les réseaux bancaires mutualistes face à la financiarisation de l’économie ?
Ces réseaux – Crédit agricole, Crédit mutuel, Banques populaires voire Caisses d’épargne aujourd’hui intégrées dans BPCE – se sont historiquement réclamés d’une gestion « a. capitaliste » où le pouvoir émane en principe des sociétaires, au sein de structures décentralisées. Ces principes entrent violemment en contradiction avec la mainmise des marchés financiers sur la stratégie et la gestion de ces établissements. Les réseaux mutualistes français ont intégré en leur sein des banques de marchés de premier plan (par exemple Indosuez rachetée en 1996 par le Crédit agricole) et ont laissé les choix de rentabilité et de spéculation s’imposer dans leurs stratégies tandis qu’ils rapprochaient leurs structures juridiques et leur « gouvernance » de celles des banques privées. Ils se sont exposés à des risques considérables (subprimes, marchés de « produits dérivés »…) tandis que leur base de dépôts auprès de leur clientèle populaire s’affaiblissait.
Face à cela peuvent se déployer deux champs de lutte : l’action revendicative des salariés menacés par les politiques de réduction des coûts salariaux, de suppressions d’emplois et de régression des réseaux d’agence orchestrées par les directions ; et les initiatives que peuvent prendre les sociétaires pour s’organiser (via leurs interventions dans les assemblées de sociétaires, par exemple) en vue d’exercer une influence sur la stratégie des banques mutualistes. On peut déjà repérer un certain nombre d’enjeux, de revendications et de propositions :
Favoriser le financement d’emplois dans l’économie sociale et solidaire
C’est, par exemple, ce qu’avait fait la gauche à son arrivée à la tête de la municipalité de Toulouse en adoptant une charte qui dotait la ville d’un outil complet permettant de présenter des projets rejetés par les banques à des structures spécialisées dans l’aide à la création d’entreprises solidaires. Une étude du projet et un accompagnement tout au long de sa réalisation, financés par la ville, étaient prévus par des acteurs économiques pour s’assurer de la viabilité des projets et de la prise en compte des critères ESS (sociaux, environnement, etc.).
Si le projet était jugé viable, il pouvait bénéficier de la mise en place d’un vrai prêt solidaire en partenariat avec le Crédit mutuel, le Crédit coopératif et la CDC. Avec 1 euro de garantie apporté par la ville, les institutions financières pouvaient prêter 10 fois autant, à taux très bas. Bilan : 140 entreprises créées avec une moyenne de 6 à 7 emplois par entreprise. L’outil pouvait s’élargir maintenant à la communauté urbaine. Les entreprises aidées étaient solvables. En effet, les entreprises créées répondaient à un besoin local.
Permettre aux citoyens d’être acteurs dans le domaine de la monnaie en s’appuyant sur l’usage des monnaies locales.
Les « monnaies citoyennes » qui font déjà l’objet d’expériences dans 50 localités, comme le SOL Violette à Toulouse (http://www.sol-violette.fr/) reposent sur des engagements mutuels des partenaires qui les mettent en place : citoyens, entreprises engagées sur le respect de critères sociaux et environnementaux, collectivités, banques liées à l’économie sociale et solidaire comme le Crédit coopératif et les Crédits municipaux. Leur développement fait appel à la création de comités de citoyens. Il s’agit donc de véritables bancs d’essai pour des pratiques démocratiques et participatives, permettant à des citoyens d’exercer des pouvoirs effectifs sur des choix économiques, voire financiers, au niveau local.
Les monnaies complémentaires, désormais appelées le plus souvent monnaies citoyennes, sont, au niveau local, un « outil » efficace dans les domaines économique, social, environnemental. Elles peuvent être aussi source de démocratie participative et de création de forts liens sociaux dans les quartiers d’une commune. Après les élections municipales de 2014 quelle place doit-on leur donner dans les programmes municipaux ?
Quel service public bancaire et financier pour garantir l’accès de tous les citoyens à des prestations bancaires de qualité et pour prévenir le surendettement ?
L’accès à un compte bancaire et à des services de qualité en matière de paiements et de crédit est devenu un droit fondamental, dont la privation équivaut à une véritable exclusion sociale. Les institutions financières publiques et les institutions mutualistes ont un rôle essentiel à jouer pour imposer cette logique de service public dans le fonctionnement d’ensemble du système bancaire :
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