Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Refonder l'Europe - Conclusion de la convention nationale du 16 novembre 2013 par Pierre Laurent

Bonsoir à toutes et à tous,

Je veux commencer par remercier tous les camarades qui ont préparé la convention, tous les camarades du Comité du projet, singulièrement Isabelle de Almeida qui dirige le travail du Comité du projet à mes côtés et Patrick Le Hyaric qui a coordonné le travail sur le projet européen.

Nous avons procédé à beaucoup d'auditions, il y a eu de nombreuses contributions, beaucoup de réflexions ont été accumulé. C'est un travail indispensable. Cela demande toujours du temps, mais ce matériau est très important pour alimenter notre réflexion collective.

Mettre sur pieds le comité du projet était une décision de notre congrès et nous avons l'intention de procéder à ce type de convention sur différents sujets et de manière régulière dans les mois et les années qui viennent. Nous sommes déjà au travail sur la prochaine qui portera sur la question d'un nouveau modèle industriel social et écologique. Je pense que tout cela va être profitable.

Je veux aussi remercier tous les participants, Aurélie Trouvé d'Attac et Michel Vakaloulis pour leurs éclairages, tous les invités européens et Marie-Christine Vergiat, députée européenne du Front de gauche. Au long de la journée nos camarades du Front de gauche, Eric Coquerel, Alain Faradji, Stéphanie Treillet sont venus écouter nos débats aux côtés de camarades européens et d'autres régions du monde, Mikael Gustafsson du Parti de la gauche suédoise, Andreas Guenther de Die Linke, Murray Smith du Luxembourg, l'ambassadeur de Bolivie, le Secrétaire général du Parti communiste Libanais, et beaucoup d'autres qui sont passés.

Je veux me livrer à quelques réflexions sur la discussion que nous avons aujourd'hui, sur le texte de la convention d'abord, puis sur la mise en perspective de ce travail dans la préparation des élections européennes de mai 2014.

Le travail que nous avons réalisé avec ce texte est extrêmement précieux. C'est un travail qui doit continuer. Nous nous en sommes rendu compte nous-mêmes dans le Comité du projet, au fur et à mesure que nous dessinons les contours de notre projet européen, nous soulevons des questions que nous ne résolvons pas forcément dans l'immédiat. Donc, nous devons continuer. Mais je pense – et c'est ce que je proposerai demain au Conseil national – que nous pouvons acter ce texte, avec les modifications qui lui ont été apportées lors des discussions, comme un document qui marque une étape essentielle de notre réflexion sur notre projet européen.

Pourquoi une étape essentielle ? Parce que – et c'est la réflexion principale que je voudrais faire sur nos débats de convention – nous avons un long passé de luttes et de réflexions sur la construction européenne. Nous n'abordons pas cette discussion en découvrant l'enjeu européen. Nous nous sommes exprimés à chaque étape de la construction européenne en avançant des propositions fortes. Nous avons mené la bataille de 2005 et beaucoup d'autres. Le Front de gauche est né de nos batailles européennes. Il est trop sévère de dire, comme je l'ai entendu, que nous réalisons seulement aujourd'hui les dégâts de cette construction. Je rappelle quand même que nous étions le seul grand parti à mener la bataille sur des bases progressistes pour dire « non » à Maastricht en 1992. Nous avons mené cette bataille courageusement et parfois très seuls à gauche. Toutes nos batailles et tous nos diagnostics ont montré leur pertinence.

Cela a été dit par Patrick Le Hyaric ce matin, nous sommes entrés avec la crise de 2008 et avec l'approfondissement de la crise de l'Union européenne elle-même, dans une période tout à fait nouvelle dont nous savons que l'Europe et l'Union européenne ne sortiront pas indemnes. Le problème n'est plus de savoir si l'Union européenne va rester aussi mauvaise, la période débouchera inévitablement sur des transformations profondes. Le problème est de savoir si ces transformations vont être des transformations progressistes ou un saut qualitatif vers une situation pire encore, où l'Union européenne serait mise davantage au service de la compétition entre les peuples ; ou bien même éclaterait pour laisser place à la confrontation de nationalismes populistes.

Je veux insister sur cela parce qu'il y a un débat que nous avons, pas seulement dans le PCF, mais aussi dans le Front de gauche, dans la gauche en général. Il y a des camarades qui disent qu'il ne faudrait pas laisser du terrain au Front national, dans la contestation. Je crois que la bataille qui est engagée dans toute l'Union européenne est d'ores et déjà une bataille non pas sur le rejet mais sur les solutions à la crise. Toutes les forces politiques, à commencer par l'extrême droite, sont sur la bataille des solutions. La question fondamentale pour disputer le terrain à toutes les forces politiques est d'être nous aussi porteurs d'un projet et de solutions à cette situation de crise. Nous ne devons pas rivaliser sur « qui sera le meilleur à dire que cette Union européenne est catastrophique ». Toutes les enquêtes d'opinion disent que le rejet est massif. L'enjeu majeur de l'affrontement politique est « dans quelle direction ce rejet massif va trouver ses solutions ». Toute la bataille politique se concentre d'ores et déjà sur cette question.

La force du texte que nous avons discuté, même si nous devons encore progresser, est qu'il apporte des réponses, une vision, des perspectives. Il y a l'affirmation de principes clairs et forts de réponses à la situation actuelle. Ils ont une force et une cohérence. Par exemple : nous disons que nous sommes favorables à une « union de Nations et de peuples souverains, libres et associés ». Des camarades ont dit que la question de la souveraineté était extrêmement importante et que nous ne l'abordions pas dans le texte. Mais elle traverse presque tout le texte qui dit quel chemin prendre pour reconquérir des pouvoirs et de la souveraineté. Parce que la souveraineté, c'est la question des pouvoirs et de la démocratie. Il faut proposer un chemin de reconquête de ces pouvoirs confisqués. Nous proposons un chemin pour reconstruire une union de Nations et de peuples. Nous parlons d'une Union européenne coopérative et solidaire, ce qu'elle n'est absolument pas. Elle est aujourd'hui une union de libre concurrence, de concurrence systématique entre les travailleurs, de libre circulation des capitaux mais d'entrave à la circulation des femmes et des hommes. Nous portons donc une vision radicalement nouvelle. Il ne s'agit pas seulement d'une formule, nous la déclinons dans une architecture nouvelle pour mettre en œuvre ces principes démocratiques. Ce que nous disons sur l'Europe à géométrie choisie cherche à répondre à cela. Ce que nous disons sur l'obligation de ne jamais imposer à un peuple une politique européenne mais de toujours chercher son adhésion. Ce que nous disons – et c'est nouveau – sur notre conception des critères d'adhésion est très important. Il faut bien qu'un parti comme le nôtre ait quelque chose à dire sur les principes au nom desquels un pays se joint ou ne se joint pas à l'UE. Nous savons que beaucoup de pays ont rejoint l'Union européenne sous le chantage et sur la base de critères d'application des directives de libéralisation et de déréglementation.

Sur toutes ces questions, nous avons avancé en ne nous réfugiant pas dans une vision qui esquiverait l'enjeu majeur de la souveraineté et de la libre association des peuples ; bien au contraire. Mais nous ne voulons pas échapper non plus à l’exigence essentielle de coopération entre les peuples, de partage, de mise en commun qui sont au cœur de notre projet communiste. Allons nous être capables, à l'échelle de l'Europe et du monde, de faire de l'enjeu de la coopération entre des peuples et des Nations différentes, un enjeu progressiste et pas celui de la marchandisation et de la libre circulation des capitaux ? Si nous voulons sérieusement permettre à l'Europe d'être un acteur majeur au niveau mondial, qui permette la transition écologique – c'est par définition un enjeu qui dépasse les frontières – la coopération, la mise en commun et le partage sont incontournables. Aurélie Trouvé en a parlé ce matin, la conférence sur le climat se tiendra à Paris en 2015. Cela devra être un objectif central de nos luttes et de nos mobilisations pour permettre à cette conférence de déboucher enfin. C'est de notre responsabilité d'organiser la mobilisation pour la faire réussir. Nous savons que pour gagner, il faudra une bataille coopérative, des luttes coopératives, des objectifs coopératifs à l'échelle de l'Europe et du monde.

Nous disons dans ce texte que nous voulons une Union émancipée des marchés financiers. C'est fondamental. Il ne s'agit pas d'énoncer cette formule, nous essayons de la décliner, comme le disait Yves Dimicoli dans son intervention, à travers l'enjeu des pouvoirs en traitant de batailles réelles. Si nous voulons émanciper l'Europe des marchés, cela nécessite la reconquête de pouvoirs concrets. Sur l'euro, Frédéric Boccara a développé l'idée pour laquelle nous nous battons en France et en Europe, du fonds européen de développement social. La reconquête du pouvoir de création monétaire au service de l'emploi, de la transformation sociale et écologique, de la relance industrielle est un objectif fondamental. Mercredi, j'ai rencontré à Bruxelles, comme Président du PGE, Bernadette Ségol, la présidente de la Confédération européenne des syndicats. La CES a accepté notre invitation et s'exprimera devant le congrès du PGE à Madrid mi-décembre. La discussion est entrée en résonance avec celles que je mène avec Alexis Tsipras, le président de Syriza en Grèce. Il y a des économistes qui évoquent le scenario suivant : la solution, face à l'incapacité de la Grèce à payer la dette, serait d'effacer la dette grecque mais, en échange, la Grèce devrait sortir de l'euro. On efface leur dette et ils sortent de l'euro. Et après, la Grèce se débrouille. Elle est livrée à la concurrence internationale et l'Europe est « débarrassée du problème grec ». Si les camarades de Syriza gagnent les prochaines élections législatives – ce qui n'est pas une hypothèse folle – la responsabilité qui sera la nôtre à ce moment-là, sera de dire « nous voulons la Grèce qui refuse les memoranda ». Ils les refuseront, ils demanderont des renégociations auprès des autorités européennes et ils auront face à eux les forces des marchés coalisés pour les faire plier. Nous devrons dire que nous voulons la Grèce dans l'Europe sur les bases qui sont les leurs, parce que le peuple vient de voter. Nous devrons être à leurs côtés pour obtenir que tout ou partie de leur dette soit annulé et un financement de la reconstruction de l'économie grecque. Voilà bataille qu'attendront à ce moment-là les démocrates et les travailleurs de ce pays et la bataille que nous aurons nous-mêmes intérêt à mener pour essayer de changer la situation en France et dans tous les pays d'Europe. De la même manière, la bataille que nous menons en disant que la France devrait être la première à rouvrir le débat européen, en utilisant sa position forte dans le système européen, est nécessaire pour nous en France comme partout ailleurs. Les batailles autour de la dette et de l'euro sont décisives pour reconquérir le pouvoir confisqué par les marchés financiers.

C'est la même chose quand nous posons la question de l'Europe sociale. Ce débat revient sans cesse malgré les tentatives de l'écraser, de le contourner. Dans le débat en cours sur le salaire minimum en Allemagne, le débat en cours, y compris dans les hautes sphères de l'UE, sur les excédents commerciaux excessifs de l'Allemagne, le débat qui vient de rebondir sur les problèmes des travailleurs détachés avec ce qu'il s'est passé en Bretagne avec les travailleurs roumains, ce qui est en question, c'est l'Europe des droits sociaux ou l'Europe de la déréglementation. Ce sont des batailles décisives pour obtenir de nouveaux droits pour les salariés européens et pour faire reculer les logiques de compétition et faire prévaloir des logiques de coopération.

C'est vrai aussi des services publics : c'est une bataille de pouvoir contre les marchés. Nous voulons protéger et conquérir des espaces essentiels d'échange et de travail commun entre les hommes contre les logiques de marché. Ce sont des batailles quotidiennes dans lesquelles nous voulons unir le maximum de forces en Europe. C'est vrai pour les transports ferroviaires comme pour la culture. C'est aussi notre bataille pour mettre en échec le grand marché transatlantique. Nous ne nous engageons pas seulement pour le dénoncer. Nous voulons rendre impossible la signature de l'accord. Nous voulons une victoire.

Les enjeux de connaissance, des savoirs, les enjeux scientifiques, de la recherche, de l'éducation sont également fondamentaux. Les pratiques coopératives entre les travailleurs scientifiques en la matière existent dans toute l'Union européenne. Elles sont entravées par des normes, des évaluations, au profit des marchés. Il y a un très grand travail de résistance de ces millions de travailleurs dans les universités, dans les laboratoires. Ils aspirent à une Europe qui les libérerait, qui protégerait leur travail pour le mettre au service d'objectifs sociaux.

Nous disons « union démocratique » et nous cherchons là aussi à décliner ce que cela veut dire concrètement pour la place des citoyens dans une Union européenne refondée. Nous disons qu'il faut repenser la citoyenneté. Il y a des choses dans le texte qui modifient en profondeur le rapport de l'Union européenne au monde comme l'a dit à l'instant Guillaume Roubaud-Quashie. Je partage également ce qu'a dit Alain Hayot sur les normes culturelles au sens profond du terme. La conception actuelle de l'Union européenne, la conception capitaliste, est profondément anachronique par rapport aux besoins de brassage et d'échange de coopération du monde actuel. On voit bien que la question culturelle travaille les sociétés européennes. Elle travaille en profondeur la société française et est au cœur de l'affrontement que nous avons avec les forces d'extrême droite et de droite. C'est notre rapport au monde et la vision que nous avons de la France dans le XXIe siècle qui sont questionnés. Nous devons prendre cette question avec plus d'ambition que nous ne l'avons fait jusqu'ici parce que le monde s'est profondément transformé et qu'il appelle une société française et des sociétés européennes ouvertes à ces transformations, et non pas repliées sur elles-mêmes. Il devient maintenant décisif d'affronter cette question dans toutes ces dimensions et la bataille européenne en est une.

Il y a aussi la paix, le désarmement, la sortie de l'Otan. La sortie de l'Otan peut être un objectif entendu, audible dans la campagne des élections européennes. Il faut articuler à la question de l'Union européenne celle des enjeux de sécurité internationale.

Notre projet est certes perfectible mais nous pouvons dès aujourd'hui le mettre en débat et aller vers les citoyens qui sont à la recherche d'une autre vision. Ce texte est un guide pour l'action. Ce n'est pas la description de l'Europe idéale mais un chemin d'actions qui permettent la transformation de l'Union européenne jusqu'à sa refondation sur des bases nouvelles.

Ce texte nous sera extrêmement utile pour les élections européennes.

Depuis Maastricht, nous menons une bataille contre le rouleau compresseur libéral avec tous ceux qui ont cherché à résister à cela sous des formes diverses, avec des buts et des formes d'actions divers, depuis nos batailles ici jusqu'aux forums sociaux européens. Il y a eu une affirmation continue de résistances à cette vision étriquée, folle et dangereuse de l'Union européenne qui est au cœur des traités.

2005 a été un moment clé. Pour la première fois, le peuple d'un grand pays a dit clairement « ce n'est pas cette vision que nous voulons ». Un débat a été ouvert en 2005 sur les fondements des traités et pas seulement sur telle ou telle question.

Cette bataille s'est amplifiée avec la crise de 2008 et les réponses austéritaires qui ont été apportées par les dirigeants capitalistes pour surmonter, de leur point de vue, la crise financière, en la faisant payer aux peuples. Ça s'est aggravé encore parce que pour pouvoir imposer leurs solutions, ils ont provoqué en Europe une rupture antidémocratique. Là où ils réussissaient encore, avec certes beaucoup de résistances, à soulever des mouvements d'adhésion à leurs projets, là où il y avait des gens qui disaient, « cette Europe n'est pas parfaite, ce serait mieux s'il y avait un peu plus de social, mais nous voulons l'Europe », aujourd'hui il y a des mouvements qui veulent des ruptures fondamentales. Là où ils ne sont plus capables de provoquer l'adhésion à leurs solutions, ils les imposent par l'autoritarisme.

On a vu des choses inouïes dans les dernières années qui ont créé des ruptures politiques fortes. Des gouvernements ont été nommés par la Commission européenne sans élection. Ça a été le cas en Italie. La troïka dirige des pays contre les parlements nationaux. C'est ce qui se passe en ce moment au Portugal. Barroso, qui est portugais, comme Président de la Commission européenne, peut dire aux portugais que le problème est la constitution du pays ; constitution issue de la révolution des œillets. Il demande aux portugais de changer la constitution ! Ces ruptures antidémocratiques ont créé des chaos et des crises politiques très forts. On a vu ce qui s'est passé en Grèce avec un parti au pouvoir, le PASOK, qui a été balayé. On a vu l'Italie, l'Espagne, le Portugal.

La question est maintenant: « que va sortir de cette rupture ? ». Est-ce que de ce moment singulier, de ce moment de crise extrêmement aiguë, peuvent sortir des solutions de progrès démocratiques et sociaux ? C'est ce débat qui maintenant est dans toutes les sociétés européennes. Il ne faut pas engager le débat avec les Français en leur demandant si l'Union européenne est sur une mauvaise voie. Ils en sont convaincus. Il faut débattre avec eux de comment nous allons sortir de cette situation et dans quelle direction. Il est frappant que la CES ait publié, le 7 novembre, un texte pour un plan de relance européen. Il y a des choses très intéressantes mais il y a un débat dans la CES dont sa présidente nous a exposé très clairement les termes. Il y a dans ce texte des solutions qui ressemblent beaucoup à notre proposition de fonds européen. Mais il y a aussi des solutions qui se rabattent sur la Banque européenne d'investissement, et donc sur les marchés financiers. Pourquoi ce débat existe-t-il ? Parce que beaucoup de ceux qui cherchent les chemins du progrès social contre l'austérité pensent qu'il n'est pas possible de créer un rapport de force différent. Ce postulat pèse sur le niveau des solutions. Certains se sentent obligés d'en rabattre un peu sur les solutions qu'ils estiment nécessaires parce qu'ils ont intégré que le rapport de forces est dégradé. Voila pourquoi nous avons une responsabilité immense, non pas seulement pour montrer les risques – qui sont effectivement immenses – mais pour montrer les possibilités de changer la situation.

Les risques sont évidents. Si n'émergent pas des forces de solutions suffisamment unies, ambitieuses et combatives, le rejet, le repli, le renfermement sur l'illusion de protection nationale balayera tout sur son passage. Nous aurons alors le progrès continu de forces nationales populistes comme c'est déjà le cas dans bien des pays européens où les perspectives sont totalement bouchées. C'est comme ça que des millions de français vivent la situation actuelle. La poussée du Front national est indexée directement sur le renoncement du gouvernement. Ce progrès s'effectue sur fond de sentiment d'impuissance massif du peuple français.

Notre travail est de réveiller les forces qui aspirent à d'autres solutions. Notre projet y contribue. Mais il ne suffit pas d'écrire ce projet, il faut le faire vivre dans l'action. Il faut travailler à des mises en mouvement convergentes autour des solutions. Actuellement, les partis dominants, les partis du consensus libéral, le Parti populaire européen, le Parti socialiste européen, désarment les travailleurs à la recherche de solutions. Notre responsabilité est au contraire d'armer les peuples avec des solutions.

Tous ces combats, nous les menons au nom de la France. Nous voulons une France qui reprenne l'initiative pour engager des politiques de relance sociale. Nous le voulons pour notre pays et pour l'Europe. Ces questions sont très liées, comme nous l'avons vu avec le renoncement de François Hollande à renégocier le pacte budgétaire européen. Quand il a pris cette décision après avoir dit aux Français et à l'Europe entière qu'il le renégocierait – il y avait dans tous les pays européens des attentes envers la France et qui regardaient avec espoir l'engagement de François Hollande – il a offert sur un plateau la victoire à Angela Merkel. S'il avait engagé le débat européen au nom de la France, peut-être que les choses auraient évolué autrement. La France a une responsabilité, nous voulons qu'elle soit à la hauteur. Guillaume Roubaud-Quashie a dit que cela avait eu une grande portée que Jean-Luc Mélenchon dise dans la campagne présidentielle que sa première visite, comme chef d’État s'il avait été élu, aurait été au Maghreb. Si la France prenait ce type d'initiative, si l'Europe le faisait, cela aurait beaucoup de résonance. Si le Président de la République une fois élu été allait à Berlin pour dire « Je suis venu vous dire que le peuple français veut renégocier le traité européen parce que les politiques d'austérité nous mènent dans l'impasse », s'il allait demain à Athènes dire « Nous ne pouvons pas laisser la Grèce dans cette situation et nous devons trouver des solutions de progrès », je suis convaincu que cela secouerait un peu le cocotier. C'est cette France-là que nous voulons, une France qui ait le courage de reprendre le drapeau du progrès social.

Voici comment je vois nos objectifs dans la prochaine période. Nous devons lever dans toute l'Europe un front anti-austérité, un front de ruptures et de solutions à la crise. Nous voulons que ce front devienne une force dans les urnes lors des élections européennes.

Je crois que c'est possible. Rien ne serait plus faux que de partir à la bataille des élections européennes en pensant que les lignes du rapport des forces sont d'ores et déjà fixées. Nous sommes dans un moment d'instabilité profonde, dans un moment où des millions de gens sont en recherche de solutions. Toutes les enquêtes d'opinion actent le fait que ces millions de personnes ne vont pas aller aux urnes, c'est l'enjeu de la bataille que nous engageons maintenant. Ce n'est pas une donnée du problème, c'est une bataille en soi. Est-ce que les plus de 50 % de français qui ont voulu le changement en 2012 vont aller aux urnes pour les élections européennes en pensant que c'est le moment d'obtenir ce qu'ils n'ont pas obtenu en mai 2012, c'est à dire une France qui veut réorienter l'Europe ? Nous savons bien que la trahison de leur parole de 2005, puis en 2012 est un obstacle. Un sentiment d'impuissance peut les gagner. Cette question est la même dans beaucoup de pays européens qui ont mené de grands mouvements sociaux contre la troïka et les politiques d'austérité.

Notre ambition doit être de lever dans les urnes, le 25 mai, un mouvement massif de protestation, de demande de rupture avec les logiques d'austérité pour des solutions de progrès social. C'est à cela que nous devons consacrer tous nos efforts dans la période à venir en ayant l'ambition de faire entrer dans le Parlement européen de très nombreux députés porteurs de cette exigence pour un groupe GUE-NGL renforcé.

Le Parlement européen va sortir bouleversé des élections. C'est certain. Il suffit de regarder les bouleversements politiques qui ont eu lieu dans les différents pays. Le Front national travaille à constituer un réseau. Ceux qui nous disent que Marine Le Pen a cessé d'être d'extrême droite feraient bien d'aller regarder du côté des alliés avec lesquels elle travaille. Elle prétend – nous verrons à l'arrivée - laisser de côté Aube dorée et le Jobbik hongrois, les nazillons d'aujourd'hui. Mais elle est quelque part en train de travailler un groupe avec le FPÖ autrichien, le Vlaams Belang flamand, avec le parti de Geert Wilders aux Pays-Bas qui sont tous des partis ouvertement racistes et xénophobes, sans parler des partis scandinaves du même acabit. Elle essaye avec eux de constituer un groupe brun au Parlement européen.

Le Parti populaire européen et le Parti socialiste européen ont eux décidé de ne pas partir aux élections en se revendiquant de l'Union européenne mais pour porter le drapeau du changement. Martin Schulz, le leader des forces sociales-démocrates européennes, nous promet déjà des changements merveilleux !

Ils ont décidé d'instituer une nouvelle possibilité pour les différentes grandes familles politiques européennes, de présenter un candidat à la présidence de la Commission européenne. En réalité, c'est le Conseil qui gardera le dernier mot. Mais ils veulent focaliser le débat sur cela.

Le Conseil des présidents du PGE, a décidé de proposer à notre congrès de décembre d'aller à la bataille également avec un candidat. Ce n'est absolument pas parce que nous considérons que c'est une avancée démocratique comme ils veulent le faire croire pour masquer tous les mécanismes qui rendent aujourd'hui l'UE plus autoritaire. Nous savons que c'est un rideau de fumée. En revanche, il serait fou de les laisser une nouvelle fois monopoliser le débat européen. L'idée des présidents du PGE est d'avoir un candidat pour avoir un porte-voix qui donne de la force à tous ceux que nous voulons rassembler en Europe. Vous savez que le nom que nous avons proposé est celui d'Alexis Tsipras, le leader de Syriza en Grèce. Au moment où eux vont présenter des candidats français ou Martin Schulz qui est allemand, y aller avec un Grec, du pays cobaye des politiques d'austérité et avec le leader d'une force de la gauche européenne qui a connu des progrès fulgurants, qui pourrait arriver au pouvoir, aurait beaucoup de signification pour tous les européens.

La décision n'est pas prise. Elle fait débat dans le PGE, également avec des partis qui ne sont pas membres du PGE mais qui ont des députés dans la GUE-NGL. Certains considèrent qu'il ne faut pas utiliser cette possibilité parce que ce serait mettre un doigt dans un artifice des institutions européennes. Nous discutons avec toutes ces forces pour dire dans quel état d'esprit nous voulons utiliser cette possibilité.

C'est une question que nous aurons à débattre au Conseil national du parti demain puisque nous devrons avoir un mandat du PCF au congrès du PGE. Je pense que le Parti communiste français devrait officiellement dire son accord avec cette proposition. La décision sera prise lors du congrès du PGE, à Madrid.

Nous visons le développement de la GUE-NGL. Le groupe dont nous disposons, qui a été construit au fil des années, et dans lequel s'investissent nos députés du Front de gauche, est un bien extrêmement précieux. Il est constitué de forces diverses. Il a su concrétiser des convergences avec des partis scandinaves. Il a su construire des coopérations qui n'avaient rien d'évidentes. Il peut en construire d'autres. Il y a un député croate qui vient de rejoindre le groupe avec l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne. Il y a des députés dans certains pays qui parfois sont isolés, mais qui représentent des forces très importantes qui cherchent dans notre direction. Nous devons travailler à son renforcement sur des bases confédérales. Il ne s'agit pas d'avoir un groupe qui soit un centre qui dise aux différents partis, aux différents députés ce qu'ils doivent faire en toutes circonstances, en particulier dans leur pays. C'est un lieu de travail commun très important.

Concernant la remarque qui a été faite à propos de nos rapports avec les différents partis communistes, nous menons un travail très suivi avec l'ensemble des partis communistes. Ceux qui sont dans le PGE et d'autres au niveau européen. Gilles Garnier était le week-end à Lisbonne aux Rencontres internationales des partis communistes et ouvriers. Nous avons signé une résolution avec l'ensemble des partis communistes présents. Seuls quelques uns, le Parti communiste grec et quelques autres, ont refusé de signer ce texte, rédigé par les camarades du Parti communiste portugais.

Nous avons été des initiateurs du Parti de la gauche européenne, qui rassemble des partis communistes et d'autres. Aujourd'hui ce parti rassemble le PCF, les partis fondateurs du Front de gauche, le Parti communiste d'Espagne, Izquierda unida, Die Linke, Syriza, Le Parti communiste de Bohême Moravie qui vient de faire 15 % aux législatives en République Tchèque. En Finlande il y a le Parti communiste et l'Alliance de gauche qui est sur d'autres positions. Notre impératif est de continuer à rassembler ces forces. Nous travaillons aussi avec des forces d'autres régions du monde. Avec des forces de la Méditerranée, par exemple, nous avons créé un forum euro-méditerranéen. Nous travaillons avec le Forum de Sao Paulo, avec les partis communistes qui y sont très actifs, mais aussi avec les autres.

Dans le document d'orientation politique que nous discutons pour le congrès du PGE, nous avançons une proposition très importante qui doit être plus discutée. Il s'agirait de créer un Forum des alternatives européennes. Si le PGE retient cette idée là, nous tiendrons la première édition de ce forum à l'automne 2014, dans le nouveau paysage politique de l'après élections européennes. Il s'agirait d'une rencontre annuelle où toutes les forces politiques, qu'elles soient au PGE ou non, que des forces sociales et syndicales puissent y discuter avec nous des alternatives politiques.

Malgré les efforts que nous avons faits, nous sommes très loin d'avoir les espaces suffisants à notre disposition. Nous n'avons pas encore construit suffisamment les espaces de dialogue politique pour gagner les batailles. Des camarades ont demandé, dans la discussion, pourquoi nous n'arrivons pas à bouger le rapport des forces. Je dirais très prosaïquement – même si ce n'est pas la seule réponse – que c'est d'abord parce que nous avons commencé très tard ce travail. Les forces avec lesquelles nous nous confrontons sont coalisées depuis le premier jour dans l'Union européenne. Nous avons créé le PGE en 2004. Il a fallu des années pour créer la GUE-NGL. Francis Wurtz, qui est ici avec nous, a joué un rôle décisif pour créer, impulser, convaincre de l'intérêt de ce groupe. Si nous voulons que ce travail de rassemblement paye, il faut avoir conscience qu'il y a un énorme travail politique pour le concrétiser, pour concrétiser les convergences.

C'est une grande responsabilité que nous avons, comme Parti communiste français, pour mener ce travail et faire les efforts de dialogue politique, et je dirais même de compromis politique, nécessaires pour créer les espaces qui vont permettre à ces forces de prendre conscience de leur poids collectif et de ce que peuvent être nos ambitions communes.

Pour mener la bataille des européennes, il faut que nous impulsions un travail sur les listes des candidatures le plus rapidement possible. Nous voulons être prêts d'ici décembre parce qu'il y a un calendrier électoral compliqué. Si nous voulons mener cette bataille correctement, il faut être prêts au plus vite. Nous devons le faire en lien avec notre campagne contre le coût du capital, contre l'austérité, contre l'injustice fiscale et contre les licenciements, pour une relance sociale, démocratique et écologique.

Merci à tous pour le travail que nous avons mené aujourd'hui qui, je le répète, est très précieux. Il est notre bien commun et nous allons tout faire pour qu'il porte ses fruits dans nos actions.

 

Convention nationale du projet sur les enjeux européens du 16 novembre 2013 – Siège du PCF. Conclusion par Pierre Laurent, secrétaire national.