Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La suppression du quotient familial : une idée pernicieuse

À la recherche de nouveaux moyens pour réduire les dépenses publiques et sociales en vue de répondre aux injonctions des Bruxelles comme des forces libérales et du Medef, le gouvernement socialiste prépare de nouvelles attaques contre la politique familiale et s’oriente actuellement vers une réduction voire une suppression du quotient familial. Ce principe constitue un des éléments fondateurs de l’originalité de la politique familiale française, issue du compromis social et politique de la Libération et du plan français de sécurité sociale. Avec le principe de l’universalité, la politique familiale concerne l’ensemble des familles.

Ces nouvelles attaques contre notre système de Sécurité sociale s’inscrivent dans l’accélération de la politique d’austérité. Elles sont la reprise du dogme libéral mettant en cause le caractère universel de la politique familiale en préconisant le ciblage sur les plus modestes.

Or il faut souligner le rôle dynamique que la politique familiale française joue dans la société et dans l’économie. Elle tend à relancer le pouvoir d’achat des familles, la consommation, donc la croissance. Elle contribue au renouvellement des générations. Elle permet le renouvellement d’une force de travail bien formée, en liaison avec l’entretien, l’éducation des enfants. Aujourd’hui la France est, avec l’Irlande, le pays d’Europe qui obtient le taux de fécondité le plus élevé avec plus de 2 enfants par femme. Les enfants d’aujourd’hui fourniront la force de travail et les cotisants de demain. Les fondements de la politique familiale française reposent aussi sur la compensation du coût de l’enfant quel que soit son rang et le revenu de la famille, et non une correction des inégalités sociales qui ne reposerait que sur les seules familles. Il ne s’agit pas d’instaurer une solidarité verticale entre les familles mais une solidarité horizontale entre ménages sans enfant et ménages avec enfants.

Le déficit de la branche famille alibi pour réduire les prestations

Le déficit annoncé de la branche Famille (2 milliards d’euros), présenté comme exorbitant, nécessiterait selon certains rapports officiels ou certains proches du pouvoir, une baisse de moitié des allocations de certains bénéficiaires dits aisés ou de supprimer le complément mode de garde ou de soumettre les allocations familiales à des conditions de ressources ou encore de les fiscaliser ou enfin de mettre en cause le quotient familial.

Mais il convient de rappeler que la branche famille était historiquement excédentaire, cependant son excédent servait à couvrir les déficits des autres caisses. C’est la pression des exigences libérales qui a conduit à une forte diminution des cotisations patronales et accéléré les exonérations de cotisations patronales, notamment sur les bas salaires. On a organisé l’insuffisance du financement de la branche famille, en liaison aussi avec la création de la CSG en 1991 et le transfert du financement sur les impôts des ménages. L’obsession de la réduction des déficits et de la dette publique, dans le cadre du diktat des institutions européennes, conduit à une cure d’austérité sur le dos des familles et de la croissance.

Ces nouvelles mesures de limitation des prestations familiales et notamment de limitation des « avantages » du quotient familial pénaliseraient les familles où les deux parents travaillent. Ainsi cela toucherait une famille avec 2 revenus et avec 2 enfants à partir de 5 000 euros par mois, cela représenterait 2 salaires d’enseignants, autant dire des couches moyennes. Toutes ces mesures visent fondamentalement à désengager les employeurs et leur responsabilité sociale. Elles tendraient aussi à pénaliser et à dissuader le travail des femmes.

La suppression du quotient familial : une idée pernicieuse

On assiste actuellement à la résurgence de l’idée de suppression du quotient familial, avec la suppression ou la limitation de la réduction d’impôt pour les familles nombreuses. On invoque pour cela le motif fallacieux selon lequel la réduction d’impôt profiterait aux familles les plus aisées. Le principe de cette suppression avait déjà fait beaucoup de bruit en 1997, et Martine Aubry alors ministre des Affaires sociales avait dû reculer. Cette idée de suppression du quotient familial figurait dans le rapport Attali commandé par Sarkozy mais aussi dans le programme de Hollande. Cette idée divise largement y compris à gauche. Une telle suppression toucherait en réalité particulièrement les couches moyennes. Encore une fois, on confond politique strictement sociale et politique familiale, on ignore même la différence entre une politique fiscale et une politique familiale. Et surtout on cache que l’objectif serait de faire des économies sur le dos des familles. On masque ainsi la volonté de réduire les cotisations sociales des employeurs qui tendrait à limiter le financement pour la politique familiale en dégageant les employeurs et en les déresponsabilisant de leur contribution à la branche famille, tout en transférant le financement sur les impôts des ménages.

Certains proposent la fiscalisation du financement des prestations familiales, ainsi que de nouvelles mesures d’exonération ou même de suppression ou de réduction des cotisations patronales. Le financement de la branche Famille est mis en cause par le Medef qui réclame que son financement ne soit plus opéré par les cotisations sociales. On vise aussi à fiscaliser les allocations familiales, c’est-à-dire les soumettre à l’impôt, ce qui reviendrait à reprendre d’un côté ce qu’on prétend donner de l’autre. En outre on organise le transfert du financement par cotisation sur la CSG, c’est-à-dire sur les impôts principalement des salariés. Le patronat affirme que les prestations familiales n’auraient rien à voir avec l’économie, qu’elles obèrent la compétitivité, alors qu’au contraire cela contribue à relever les débouchés et la productivité de la force de travail.

Des solutions alternatives pour dégager de nouveaux moyens de financement d’une politique familiale dynamique, moderne et renouvelée

Un nouveau financement de la branche Famille est indispensable pour faire face aux nouveaux besoins sociaux d’un politique familiale moderne. Ainsi les prestations familiales doivent être étendues : création d’ une allocation pour le premier enfant pour toutes les familles, revalorisation des prestations pour le deuxième enfant, réponse aux besoins liés à la démographie, accompagner l’augmentation du travail des femmes et la conciliation vie familiale-vie professionnelle, développement des formules de garde et création d’un service public de la petite enfance, revaloriser les allocations et les minimas sociaux pour les familles modestes, ainsi que l’allocation logement et l’allocation de rentrée scolaire, aide aux jeunes étudiants, bourses, allocation autonomie-formation, etc.

Le financement de la politique familiale doit concerner les entreprises qui profitent de la création et de la formation d’une force de travail de qualité en nombre suffisant, ainsi que des débouchés liés à l’accroissement du pouvoir d’achat. Le principe des cotisations sociales liées à l’entreprise, lieu de création des richesses par les salariés doit être défendu. Il faut mettre un terme à la fuite en avant dans les exonérations de cotisations patronales qui ne créent pas d’emplois et tirent tous les salaires vers le bas. Dans l’objectif de développer les rentrées de cotisations et leurs bases, nous proposons de consolider l’assiette salaires sur laquelle elles reposent, en modulant les taux de cotisations patronales et en soumettant les entreprises qui réduisent la part des salaires dans la valeur ajoutée produite à des taux de cotisation plus lourds.

En outre, nous proposons une nouvelle cotisation portant sur les revenus financiers des entreprises (dividendes et intérêts). Cette nouvelle cotisation, au taux de la cotisation patronale actuelle consacrée à la politique familiale, s’appliquerait aux 318 milliards de revenus financiers des entreprises et des banques identifiés en 2010 ; elle aurait rapporté à la CNAF plus de 15 milliards d’euros supplémentaires.

Il s’agit de créer une nouvelle dynamique du financement visant à répondre aux besoins actuels et nouveaux des familles comme de toute la société, dans la perspective de la construction d’une nouvelle civilisation. 

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