Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le cas Air France – KLM : Un cas d'école pour le Pôle public financier

Invoquant pour 2011 une perte d’exploitation de 809 millions d’euros, la direction du Groupe Air France appelait le 21 juin dernier, à un plan de restructuration et d’économies visant à « améliorer l’efficacité économique du groupe Air France de 20 % d’ici à fin 2014 pour faire face à la concurrence des compagnies low cost et à la hausse des prix du kérosène ». Elle annonçait alors aux représentants du personnel un plan de restructuration et d’économies : le plan Transform 2015. Son objet : en 2 ans plus de 2 milliards d’euros d’économie, au moyen entre autres d’une nouvelle saignée de l’emploi dans le groupe (1) qui supprimerait 10 % des effectifs du groupe.

Pourtant, ce sacrifice des emplois et des salaires au nom de la compétitivité et de la baisse du coût du travail ne répondra pas plus aujourd’hui qu’hier aux difficultés de fond que traverse le groupe.

Car l’origine des difficultés n’est pas dans l’emploi, mais dans un surendettement du groupe suite à la fusion entre Air France et KLM, et aux acquisitions d’actifs qui ont suivi, à des fins de concentration pour répondre à la concurrence sur un marché aérien européen libéralisé.

Une fusion faite au prix du rachat par le groupe Air France de la dette de la compagnie néerlandaise (195 % de ses capitaux propres) et d’un recours massif aux marchés financiers, qui ont construit son endettement : 2,5 milliards d’euros d’endettement brut en 2004, date de la fusion, mais 9,4 milliards d’euros en 2011 pour le groupe Air France – KLM.

Si jusqu’à présent les liquidités du groupe ont permis de faire face à ce coût du capital, les marges de manœuvres se réduisent. Or, les principales échéances de remboursement de la dette du groupe AF-KLM arrivent à terme à compter de 2015, à raison de 1 milliard d’euros par an. Mais avec un niveau d’endettement deux fois supérieur à ses fonds propres, le groupe est désormais fragile aux yeux des agences de notation. De sorte que s’il devait se refinancer en l’état sur les marchés, le groupe AF-KLM serait alors contraint de le faire à des taux supérieurs à ses concurrents, ce qui réduirait d’autant le niveau de ses marges et les perspectives de rétribution de ses actionnaires (déjà mis à l’amende sur les deux derniers exercices).

C’est pourquoi, privilégiant la recherche de liquidités pour faire face à ces échéances, la direction d’AF-KLM choisit de faire pression sur l’emploi et les salaires du groupe pour récupérer du cash opérationnel permettant de réduire le niveau de son endettement et donc le coût de son refinancement sur les marchés financiers. Le plan de restructuration générateur de 2 milliards d’euros de liquidités prend alors ici tout son sens : un rééquilibrage de trésorerie et la constitution d’un fond de roulement nécessaire à son refinancement à bas coût sur les marchés, faisant de l’emploi son critère d’ajustement.

On mesure alors tout l’enjeu très concret d’une modification des conditions de financement des entreprises et du rôle que pourrait alors jouer un pôle financier public.

Saisi par les organisations syndicales de l’entreprise, le pôle financier public pourrait en effet, dans un premier temps, apporter au groupe les liquidités nécessaires à ses échéances financières à des taux inférieurs à ceux du marché en contrepartie du maintien des emplois.

Mais dans un second temps, sur la base d’une intervention directe des salariés dans la gestion du groupe avec des pouvoirs de décision effectifs sur ses critères de gestion, il permettrait aussi d’ouvrir des lignes de crédits bonifiés nécessaires au développement de ses investissements. Dans la mesure où ces investissements assureraient un service public du transport aérien socialement efficace et le développement des emplois et des qualifications dans le groupe.

Une proposition forte de financement de l’entreprise déconnectée des exigences de rentabilité des marchés financiers, qui ne jouerait plus la survie de l’entreprise contre l’emploi mais à partir de lui.

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(1) Faisant suite à une précédente vague de suppression de postes fin 2009-début 2010 qui avait déjà liquidé 1 800 emplois, le plan Transform 2015 prévoit désormais pour 2013 la suppression de 5 122 postes pour une économie de 900 millions d’euros et le gel des salaires combiné avec la révision des avantages sociaux des salariés pour 830 millions d’économies. Mais aussi l’augmentation du temps de travail des personnels navigants (non chiffrée mais représentant un gain de productivité de 20 %), une opération de « sale et lease back » (vente et relocation) sur 34 appareils pour une économie de 700 millions d’euros. Auxquelles il faudrait aussi ajouter le regroupement en holding de certaines filiales du groupe (Brit’Air, Régional, Airliner) afin de réduire de 15 % leurs coûts parallèlement au développement de sa filiale low cost Transavia mais avec une contrainte de réduction de 10 % des ses coûts.



 

 

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