Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Quand les banques font des cadeaux...

...165 millions d’euros à Bernard Tapie et à Philippe Hersant, mais zéro euro de crédit à la Coopérative des ouvrières du Lejaby…

On peut à juste titre se poser de nombreuses questions, économiques, financières et politiques relatives aux conditions dans lesquelles est intervenue la mainmise sur de beaux actifs de la presse régionale réalisée par Bernard Tapie en parvenant, à racheter à un très bon prix, plusieurs titres régionaux relativement importants du Groupe Hersant Médias (GHM) comme : La Provence, Nice Matin, Var Matin, Corse Matin, etc. Le chiffre d’affaires de ces journaux avoisine les 180 millions d’euros avec un résultat net de 8 millions d’euros représentant plus de 350 000 exemplaires vendus.

On peut également essayer d’élucider les motivations qui vont conduire 17 banques dont la BNP-Paribas pour le montant le plus important, à abandonner 165 millions d’euros soit 77 % de leurs créances sur le Groupe Hersant, à Bernard Tapie, lui permettant de réaliser cette très belle opération. Avec seulement 25 millions d’euros, Bernard Tapie va devenir propriétaire d’un groupe de presse dont la valeur est estimée à 110 millions d’euros.

Les banques, qu’on connaissait plus âpres dans les négociations avec d’autres groupes, auraient cédé au chantage du Groupe Hersant les menaçant du dépôt de bilan, mais elles auraient été également sensibles aux pressions du CIRI, car cette opération importante ne pouvait se conclure que sous l’égide du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle) qui rassemble 14 administrations de l’État, dont le secrétariat est assuré par le Trésor, donc sous l’autorité du ministre des Finances Moscovici.

Le CIRI explique lui-même son rôle : « Ce regroupement de compétences permet une concertation utile à la prise de décisions des acteurs et au suivi des plans de restructuration. »

Le ministre des Finances a-t-il agi seul pour ce cadeau scandaleux offert à Bernard Tapie et également à l’exilé fiscal en Suisse Philippe Hersant qui était devenu, dans le même temps, actionnaire défaillant ? Comment ce chef d’entreprise, en faillite, retrouve-t-il soudainement 25 millions d’euros alors qu’il a planté lamentablement ses divers créanciers ? Y a-t-il encore une justice en France sans parler de morale ?

En ce qui concerne le passé, sur le plan économique, Bernard Tapie est bien connu. Qu’a-t-il fait de Look, de Wonder, de Terraillon, d’Adidas, sans parler de l’Olympique de Marseille (conduit à la faillite) ? Combien de licenciements compte-t-il à son actif, combien de fermetures d’entreprises dans les conditions les plus scandaleuses ? A-t-on oublié l’épisode Sarkozy/Lagarde du Consortium de réalisations (CDR) où le chef de l’État de l’époque sauva Tapie d’une procédure judiciaire qui ne tournait pas à son avantage, en l’engageant vers un « arbitrage privé » où il eut gain de cause, suite à un certain nombre d’irrégularités toujours en cours devant les Tribunaux.

Le Syndicat SNJ-CGT a raison d’interpeler le Premier ministre, le ministre des Finances, la ministre de la Culture et de la Communication, leur demandant de s’expliquer, et au président de la République de s’opposer à cette reprise.

La presse, les journaux ne sont pas des actifs économiques comme les autres. Ils relèvent de la liberté de la presse et d’une certaine déontologie. On peut être inquiet, quand le Premier ministre Jean-Marc Ayrault interrogé sur le sujet ne répond que sur le terrain de l’emploi pour se féliciter du résultat obtenu.

Le retour de Tapie en Provence a provoqué un véritable tollé politique car, malgré ses démentis, il n’a jamais caché son ambition de conquérir la mairie de Marseille, son ex-avocat, l’ancien ministre Borloo, voit cela de bon augure pour tenter d’ancrer son nouveau parti l’UDI dans la métropole de la région PACA.

Le député socialiste de Marseille, Patrick Mennucci, lui aussi, dénonce le nouveau scandale Tapie et demande l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions dans lesquelles l’homme d’affaires a mis la main sur les titres du groupe Hersant Médias. Il sera intéressant, si sa demande est prise en considération par le président de l’Assemblée nationale, de voir comment le Premier ministre, le ministre des Finances, le ministre du Redressement industriel et la ministre de la Culture et de la Communication, représentés au CIRI, de voir quels arguments ils ont avancés, pour obtenir l’accord des banques pour effectuer, en période de vaches maigres, ce cadeau de 165 millions d’euros au profit d’un homme d’affaires marron et d’un exilé fiscal, en faillite potentielle ? Car ce cadeau n’a pas pu intervenir sans leur accord.

Les citoyens ont le droit d’être éclairés et les banques doivent s’expliquer de l’usage qu’elles font des dépôts de leurs clients. Car sans ces dépôts de la clientèle, elles ne seraient plus rien.

Donc, on peut exiger de connaître le détail, banque par banque, des abandons de créances consentis dans cette affaire Tapie/Hersant.

Pour aider la coopérative Lejaby, les banques disent Non!

C’est bien connu, les mœurs du monde des affaires sont exécrables, et plus particulièrement celles des banques, largement tolérées par les édiles au pouvoir.

Cet épisode qui agite le monde médiatique a rappelé à ma mémoire l’interview au micro de France Inter, entendue un matin, il y a quelques semaines, de la responsable syndicale CGT des ouvrières de la coopérative Lejaby.

Elle a expliqué la galère que cela avait représenté après les luttes pour défendre leur savoir-faire et leurs emplois, pour créer la coopérative, pour rassembler les maigres économies des ouvrières sans travail depuis des mois et a remercié tous ceux qui, connus ou inconnus, ont contribué à l’indispensable souscription.

À la question qui lui fut posée par la journaliste sur le soutien des banques, elle répondit qu’aucune banque n’avait consenti à les soutenir. La Caisse des dépôts leur avait adressé une simple lettre de recommandation à transmettre à une filiale susceptible de leur octroyer un crédit de 40 000 €. Comment ose-t-on de façon aussi méprisante répondre à la détresse humaine qu’elles renoncèrent à solliciter ?

Le rapprochement des situations est éloquent : des cadeaux consentis par les banques à Tapie et au fils Hersant et le refus de soutenir financièrement les ouvrières, mobilisées pour leur emploi, qui prennent à bras-le-corps le redémarrage de leur entreprise en inventant une nouvelle gestion, démocratique, qui a pour objectif la sauvegarde de l’emploi de chacune.

Ces deux exemples démontrent bien qu’une véritable réforme des banques est indispensable. Une loi sera bientôt mise en débat.

Rendre leurs opérations plus transparentes. Réduire leur taille et séparer la banque de détail de la banque d’investissement. Mais cela ne doit pas occulter l’essentiel : l’urgente nécessité de réorienter l’activité des banques vers le financement de l’économie réelle et de l’emploi au service d’un développement humain durable, et donc le besoin impérieux de mettre cette activité sous contrôle social, sous des formes à déterminer. n

 

 

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