Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Table ronde 6 : Assurer l’avenir des retraites et de notre protection sociale

Force est bien de constater que le dialogue social affiché ne peut pas tout. Langue de bois et vocabulaire technocratique tendent à occuper le terrain. Une avalanche de réunions dites de concertation ne peut masquer la non-réponse aux besoins sociaux et l’absence d’une réforme de progrès social du financement de la protection sociale et des retraites. Dans les conditions actuelles, cela se présente comme une vaste offensive d’intégration sociale des syndicats. Seule la lutte à partir de propositions alternatives permettra d’infléchir une réforme juste et efficace des retraites et du financement de la protection sociale.

Le financement de la protection sociale : l’avenir n’est pas assuré, inquiétude sur les pistes envisagées

Le texte prend beaucoup de précautions et reste volontiers ambigu, mais les inquiétudes demeurent, notamment sur la façon de réduire les déficits comme sur le refus de dégager de nouveaux moyens de financement. Ainsi le développement des cotisations sociales à partir de leur articulation au relèvement de l’emploi, et des salaires, n’est pas à l’ordre du jour. Tandis que la piste du recours à la CSG comme la volonté de réduire les cotisations patronales au nom de la compétitivité des entreprises et même de l’emploi refont surface.

Des constats et objectifs qui se veulent partagés mais qui restent ambigus

Il est certes affirmé que « le haut niveau de solidarité qui caractérise le système français de protection sociale a permis d’atténuer, notamment pour les personnes les plus vulnérables, les effets de la crise économique actuelle. Il doit être préservé ». On relève « une inadaptation structurelle entre le niveau des dépenses et celui des ressources ». On avance que les difficultés de financement mettraient en cause la confiance de la population, et en particulier des plus jeunes générations, dans le système de protection sociale, et conduisent à financer par l’endettement une partie des dépenses. Mais on ne s’engage pas à développer le financement, et l’on considère que la question centrale serait la réduction des déficits et de la dette publique. Il est ainsi déclaré : « Il est nécessaire d’apporter rapidement une solution pérenne à ce problème en améliorant à la fois l’efficience du système de protection sociale et celle de son mode de financement, prenant en compte notamment ses effets sur le dynamisme de notre économie. Il est important de se placer dans une perspective européenne et pluriannuelle. »

Si dans le contexte du « dialogue social », on se garde de reprendre explicitement le dogme néoclassique de l’excès des prélèvements publics et sociaux, notamment des cotisations sociales, particulièrement des cotisations patronales, on retient quand même l’idée que cela ne doit pas entraver le « dynamisme de notre économie ». Et l’on avance sans grande précision l’idée qu’« il convient d’adapter notre système de protection sociale à l’évolution des besoins sociaux, afin de prendre en compte en particulier la perte d’autonomie des personnes âgées, les difficultés d’insertion des jeunes dans la vie active, et l’émergence de nouvelles formes de pauvreté ». Il est ensuite souhaité de « forger un consensus national autour des grandes priorités de notre système de protection sociale », afin de s’assurer d’une évolution « soutenable » des dépenses de protection sociale. Cela exigerait « une forte implication des partenaires sociaux dans ce processus et dans l’élaboration concertée des solutions pour assurer l’avenir de notre système de protection sociale. » Et l’on viserait à « refonder le pacte social dans le respect du rôle de chacun, État comme partenaires sociaux ». Il est aussi prétendu que « les différents organismes de concertation créés au cours des dernières années auraient fait la preuve de leur capacité à établir des diagnostics ». Alors que ces organismes, pour l’essentiel, ont véhiculé des principes de la pensée unique et des politiques économiques libérales ou sociales-libérales. Ainsi est-il affirmé que le Haut conseil du financement de la protection sociale créé par Sarkozy, certes revu dans sa composition, pourrait constituer un cadre de travail sur le financement de la protection sociale. Et l’on ajoute de façon étroite et peu explicite : « Il importe d’évaluer les différentes options au regard de leur impact financier et économique, de leurs implications en termes de justice à la fois entre niveaux de revenus, entre les femmes et les hommes, entre générations et envers les personnes en situation de handicap et enfin de leurs répercussions sur les régimes de protection complémentaire. »

« Élargir et diversifier les sources de financement de notre système de protection sociale »

Le Haut conseil du financement de la protection sociale, saisi dès le mois de septembre 2012, devra établir un diagnostic sur les modalités actuelles de financement de notre protection sociale. Il devrait travailler sur le partage entre les besoins de protection sociale relevant d’une approche contributive et non-contributive, vieille idée chère notamment à Jean-Baptiste de Foucault, visant principalement à éclater la Sécurité sociale et surtout à réduire la part du financement par cotisations, en montant la CSG sur les risques dits non contributifs. Il s’agirait de préconiser les évolutions « possibles » du système actuel, à partir d’une « diversification des recettes » Sur la base de ce rapport, qui sera remis au Premier ministre au premier trimestre 2013, le gouvernement engagerait une concertation avec les partenaires sociaux.

« Favoriser une meilleure régulation des dépenses »

Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, Conseil d’orientation des retraites, Haut conseil de la famille… seraient saisis par le gouvernement afin de poursuivre l’identification des évolutions structurelles à mettre en œuvre pour s’assurer du caractère « soutenable » de l’évolution des dépenses et pour les financer de façon « pertinente ». On voit mal comment ces organismes technocratiques pourraient dégager des orientations progressistes en matière d’évolution des dépenses et des ressources de la protection sociale qui seraient définies dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.

Les retraites : constats et objectifs. Recherche de consensus et inquiétude sur les réformes

Si le texte déclare : « Il est essentiel de maintenir un système de retraite par répartition, solidaire et pérenne financièrement. L’objectif principal de ce système est de garantir un niveau de pension satisfaisant pour toutes les générations. Le système de retraite doit viser des objectifs d’équité (notamment au regard de l’égalité entre hommes et femmes, de la pénibilité – tant en termes de prévention que de réparation –, de la situation des jeunes et des personnes en situation de handicap). » Il est aussitôt ajouté de façon sibylline « de lisibilité et de liberté de choix ». Bien sûr on ne peut qu’approuver quand il est affirmé : « Le premier déterminant de la pérennité du système de retraites est la situation de l’emploi », mais là encore sans précision. Plus inquiétante cette idée ambiguë selon laquelle : « Toute évolution de notre système de retraite nécessite une réflexion globale, articulant prise en compte des priorités immédiates en matière d’équité et de pérennité financière du système à long terme, et intégrant l’ensemble des régimes, de base et complémentaires, dans le respect des prérogatives de chacun. » Cela présage quelle idée de réforme? Et l’on avance : «Pour assurer la confiance de nos concitoyens dans les régimes par répartition, il est nécessaire de les inscrire dans un cadre financier durablement équilibré, y compris s’agissant des régimes complémentaires, et d’améliorer le pilotage du système de retraite». Cela veut dire quoi? Les discussions à venir devraient, affirme-t-on, « s’appuyer sur les éléments de diagnostic et de prévisions réalisés au sein du Conseil d’orientation des retraites, instance reconnue pour la qualité de ses travaux ». Certes qualité et une certaine ouverture au pluralisme mais aussi, fondamentalement, une instance qui sert les plans gouvernementaux libéraux ou sociaux-libéraux.

Dialogue social et calendrier masquent le refus d’une véritable réforme de progrès du système de retraite: le financement de la retraite à 60 ans pour tous n’est évidemment pas à l’ordre du jour. Une phase de diagnostic, sur la base d’un état des lieux de notre système de retraite et de ses perspectives financières réalisé par le Conseil d’orientation des retraites, se déroulerait entre septembre 2012 et le début de l’année 2013. Un état des lieux plus précis sera élaboré sur les thèmes de l’équité du système de retraites (égalité femmes/hommes, personnes en situation de handicap, pénibilité), des déterminants du niveau de pension, de la place respective de la solidarité et de la contributivité, de la pérennité financière du système de retraite, de la transition emploi/retraite, et de la « lisibilité » du système de retraites. Différentes pistes de réforme seraient ensuite formulées par une commission ad hoc, à la suite de consultations menées auprès de l’ensemble des acteurs concernés, et à partir des travaux du Conseil d’orientation des retraites, sur la base d’un cahier des charges négocié entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Parmi les pistes de réforme, l’une d’entre elles concernerait l’évolution de notre système de retraite à long terme « solidarités et simplification ». Une phase de concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur les évolutions « souhaitables » de notre système de retraite se tiendrait à partir du printemps 2013, le gouvernement échangera avec les partenaires sociaux sur les orientations qu’il souhaite retenir pour l’avenir de notre système de retraite.

On le voit, on établit ici une feuille de route et on programme une avalanche de réunions dites de concertation. Mais le contenu envisagé est peu explicite et surtout inquiétant.

 

 

 

 

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