Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Assises nationales : Les moyens financiers : Réorientation et création (atelier 4) et Droits et pouvoirs des salariés (atelier 3)

Les moyens financiers : Réorientation et création

Introduction de l’atelier 4 par Denis Durand

En une campagne électorale où l’attention se focalise, à juste titre, sur les conditions  de financement  des pro   grammes des candidats en compétition, l’élaboration d’une loi pour la sécurisation de l’emploi et de la forma   tion est un exercice de grande actualité : on vise à mettre en place des institutions qui concrétisent et rendent pos   sible un changement radical.

Radical parce qu’il s’agit d’éradiquer  le chômage. La construction d’un système de sécurité  d’emploi  ou de formation  suppose une autre croissance mettant les moyens financiers au service du développement des hommes : santé, éducation, formation, recherche… Pour cela, il ne faut pas seulement changer la répartition des richesses (la « part de gâteau » des salariés), il faut aug   menter la taille du gâteau, et aussi, changer la recette avec laquelle il est préparé en changeant les critères de gestion des entreprises. La réorientation des moyens financiers s’inscrit  en cohérence avec la conquête de nouveaux pouvoirs  pour les salariés et les citoyens, en vue de mettre ces moyens financiers au service d’objec   tifs sociaux ambitieux.

Cette introduction se contente de récapituler rapide   ment les quatre principales  sources de financement sur lesquelles il importe  d’exercer une maîtrise démocrati   que nouvelle, et trois types d’institutions à construire ou à transformer pour y parvenir.

Les sources de financement à réorienter

1. « Changer la recette du gâteau », cela veut dire qu’il faut changer l’utilisation des profits  des entreprises en com   mençant par les dégager de la pression  des marchés financiers.
Cela veut dire de nouveaux pouvoirs pour les salariés et leurs représentants sur la stratégie des entreprises, y compris  dans le domaine le plus déterminant,  celui de leur financement.

2. Cela veut dire  une utilisation différente  de l’argent public
D’abord pour financer de façon sélective les dépenses publiques utiles au développement des hommes ; Ensuite pour créer un environnement qui incite les entre   prises à la création de richesses et au développement de l’emploi  et de la formation,  en faisant jouer pleinement leur rôle incitatif à la fiscalité (modulation de l’impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle)  et aux prélève   ments sociaux (modulation des cotisations patronales).

3. Cela veut dire surtout une utilisation différente de l’argent des banques.
La vie des entreprises, petites et gran   des, surtout dans les moments difficiles, dépend des banques.
Le pouvoir des banques vient de ce qu’elles créent de la monnaie chaque fois qu’elles font une opération de cré   dit. Aujourd’hui, le développement du crédit sert priori   tairement aux exportations  de capitaux, aux opérations financières comme les « LBO » (« Leveraged  Buy Out », ou rachat d’entreprises  à crédit  dans un but de rentabilité maximale). Cela pèse gravement sur la croissance et sur l’emploi.
Réorienter le crédit serait donc le levier le plus puissant au service d’une politique de sécurisation de l’emploi — tout comme, actuellement, il est un levier très puissant en sens inverse.
D’où la puissance d’instruments tels que les bonifica   tions d’intérêt ou les garanties d’emprunts. Leur rôle est de déclencher une décision de crédit là où elle n’aurait pas lieu si le marché fonctionnait sous la seule pression des critères de rentabilité du capital. Ainsi, la mobilisa   tion de fonds public,  démultipliée  par le « levier » que constitue le crédit que cette action publique permettrait de débloquer, peut avoir des effets considérables sur l’activité économique et sur l’emploi.
Par exemple, en remplaçant les 23 milliards  d’euros, aujourd’hui dépensés contre l’emploi sous forme d’exo   nérations de cotisations  sociales patronales, par des garanties ou des bonifications  d’intérêts,  on pourrait déclencher environ 230 milliards  de crédits destinés au financement des investissements : un chiffre à comparer au total  des crédits  à l’investissement  aux entreprises non financières, qui atteignait 250 milliards  d’euros à la fin 2006. On financerait ainsi au moins 300 milliards d’in   vestissements : une fois et demie le montant  total  des investissements réalisés chaque année par les entrepri   ses et par le secteur public en France !

4. Cela veut dire, enfin, une autre utilisation de l’argent européen : celui des fonds structurels, celui de la Banque européenne d’Investissements et surtout  celui de la Banque centrale européenne.

Les institutions  à créer ou à transformer

Ces institutions permettent  de concrétiser  le principe d’une réorientation des moyens financiers au service de l’emploi et de la croissance réelle.

Fonds régionaux et Fonds national pour la sécurisation de l’emploi et de la formation
Chaque région, en liaison avec les conférences régiona   les pour l’emploi  et la formation,  confierait  à un fonds régional pour l’emploi et la formation  (FREF) le pouvoir de décider l’attribution d’aides aux entreprises. L’action du FREF serait décidée par un comité régional pour l’em   ploi et la formation, agissant au nom et par délégation du Conseil régional, qui compterait  en son sein des repré   sentants  des institutions financières,  des entreprises, des administrations économiques,  des élus locaux  et régionaux, des salariés, des associations de lutte contre l’exclusion et le chômage.
Les FREF tireraient leurs ressources d’une réorientation des aides publiques : au lieu d’alléger les coûts salariaux supportés par le patronat  et les actionnaires  (exonéra   tions d’impôts et de cotisations  sociales), les aides allé   geraient les charges financières pesant sur les entrepri   ses par la technique  des bonifications  d’intérêt  ou des garanties d’emprunts bancaires.

L’intervention d’un FREF se déroulerait en quatre temps :

● des forces sociales (salariés, syndicats, élus et acteurs économiques locaux…) se mobilisent en faveur d’un projet d’investissement efficace en termes de création de valeur ajoutée et d’emploi,
● elles le soumettent au FREF qui décide ou non de soutenir le projet par une garantie ou une bonification,
● incitées à le faire par ces aides, et placées sous la pres   sion de la mobilisation sociale, une ou plusieurs banques prennent la décision d’accorder les crédits nécessaires au lancement de ce projet : il peut donc être réalisé,
● au cours de la réalisation du projet, si les engagements de créations d’emplois et de mise en formation ne sont pas tenus, l’aide et arrêtée, à titre de sanction. Dans le cas contraire, à l’issue du projet, la valeur ajoutée créée permet de rembourser l’emprunt.
Au niveau national, les fonds régionaux coopèrent entre eux dans le cadre d’un Fonds national pour la sécurisation de l’emploi et de la formation.
Pôle financier public
Les institutions financières publiques, parapubliques ou mutualistes existantes sont en crise profonde : Caisse des dépôts, caisses d’épargne et leurs filiales, Banque pos   tale, Banque de France. Il ne s’agit pas seulement de les restaurer dans leur fonction  traditionnelle consistant  à exercer des missions spécialisées d’intérêt général (finan   cement du logement, des collectivités locales, des PME). Il s’agit de construire,  à partir de ce secteur public qu’il faudra élargir, un ensemble cohérent dont la fonction essentielle, en coopération  avec les FREF, est de peser sur le marché bancaire pour favoriser la mobilisation du crédit au service de l’emploi et de la croissance réelle. Le pôle financier public n’a de sens, dans notre projet, que s’il est une arme, un « bras séculier du mouvement social », pour dégager l’économie des marchés financier.Le pôle public a vocation à développer des coopérations au niveau européen avec d’autres institutions financières publiques nationales (comme les caisses d’épargne alle   mandes) et avec la Banque européenne d’investissement.

La BCE
La Banque centrale européenne est l’institution la plus puissante en ce qui concerne l’orientation du crédit. Elle a pour mission de réguler le crédit bancaire, ce « carbu   rant » de l’économie.

Elle le fait, en particulier, en « refinançant » une partie des crédits  que les banques financent. Elle pourrait utiliser cette arme de façon sélective, pour décourager les cré   dits alimentant  l’inflation financière et immobilière,  les sorties de capitaux, les délocalisations, et pour encoura   ger les crédits soutenus par les FREF et les Fonds natio   naux pour l’emploi et la formation. Les masses financiè   res ainsi mobilisées pourraient  être énormes. Cela peut paraître difficile à obtenir. Mais la victoire du non au réfé   rendum a montré que même dans ce domaine le mouve   ment populaire peut être le plus fort. Et au cœur même du système financier, des luttes sociales existent qui peu   vent aider à aller dans le même sens, comme c’est le cas, par exemple, à la Banque de France.

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Droits et pouvoirs des salariés et responsabilisation des entreprises

Compte rendu de l’atelier 3 par Yann Le Pollotec

Gagner des droits et pouvoirs nouveaux pour les salariés et les citoyens sur les entreprises, responsabiliser socialement les entreprises par rapport aux salariés, aux territoires, et à tous les citoyens :

● C’est non seulement redonner de l’espoir, combattre le sentiment d’impuissance, face à libre circulation des capitaux, face à la mondia   lisation capitaliste, mais c’est aussi et surtout entrer de plein pied dans un processus de transformation sociale s’appuyant sur une appro   priation démocratique qui soit le fait de tout notre peuple.
● C’est se placer en situation d’anticiper et pas seulement de lutter pour sauver des emplois, de l’activité ou négocier au mieux les plans dit sociaux.
● C’est en fait, commencer par les fins en se donnant les moyens de mettre au centre la question de la réponse aux besoins humains, la question de la finalité du travail.
Cela doit être le sens de notre démarche, cela doit être l’objectif de notre projet de loi qui bien sûr est à compléter et à enrichir. Autour de ces points d’entrée, il y a eu débat dans notre atelier entre deux écoles :
● Celle de partir des individus en s’emparant des GPEC, de la question de l’emploi (sa qualité, sa durabilité), de la formation, en faire un cheval de Troie pour retourner les stratégies patronales et financières.
● Celle  de partir des besoins humains à satisfaire, des stratégies des entreprises et de l’orientation des dépenses de formation  et de recherche & développement.

L’idée de nouvelles institutions de type prud’homal permettant une action collective sur les choix de gestion des entreprises est jugée utile.
Cependant, de nombreux intervenants ont souligné qu’il fallait se garder de tomber dans une judiciarisation des rapports sociaux et économiques.
Il nous faut répondre à l’urgence sociale avec des moratoires sur les plans de restructuration. Il faut nous donner les moyens d’anticiper fortement sur les stratégies patronales et d’imposer en amont d’autres choix au quotidien.
Il a été souligné qu’il nous faut travailler encore plus sur l’articulation entre–établissement–entreprise–groupe et–région–nation   Union européenne.
La question  des PMI/PME, des TPE est centrale : C’est là où souvent l’arbitraire patronal est le plus fort, mais dans le même mouvement ces entreprises et leurs salariés deviennent les variables d’ajustement de la stratégie des grands groupes.
Il existe un lien fort entre nos propositions sur la VIe République et notre vision de la responsabilité sociale, sanitaire et environnementale de l’entreprise.
Notre objectif n’est pas seulement de contrôler les fonds publics ou d’obtenir du donnant  donnant sur l’emploi, il s’agit de permettre aux citoyens d’un territoire d’agir sur les choix de gestion et les choix stratégiques de l’entreprise. La responsabilité sociale d’une entreprise ne doit plus être un argu   ment commercial mais un devoir encadré par la loi.
De véritables pouvoirs d'interventions doivent être dévolus aux sala   riés sur les gestions. Si les salariés d’Airbus avaient eu ces pouvoirs face aux actionnaires, la catastrophe industrielle de l’A380 n'aurait pas eu lieu ou aurait eu de faibles conséquences.
Le recours à une propriété et à un financement très majoritairement publics  à l'échelle de l'Union européenne, comme à l’échelle de la nation ou de la région n’ont plus à être tabou, y compris les systèmes d’avances remboursables, ou de crédit auprès d’un pôle public bancaire. Seule la propriété sociale est capable d'assumer à long terme des projets industriels ambitieux au service de tous.

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