Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Contre la précarisation : Construire une sécurisation effective des emplois

● De la crise du CPE à l'ampleur nouvelle des enjeux de la précarisation et des luttes contre elle.

● Du rejet du CPE et de la précarisation à la montée des exigences de sécurisation des emplois et des formations

● Des objectifs de sécurisation des emplois, à des moyens financiers, des pouvoirs, et des initiatives pour une construction nouvelle.

Trois contributions  de Paul Boccara

De la crise du CPE à l'ampleur nouvelle des enjeux de la précarisation et des luttes contre elle

Enjeux des contrats de précarisation généralisés

Les luttes pour le retrait du CPE ont aussi porté contre l'offensive de la droite pour des contrats  de précarisation généralisés. Déjà le Contrat Nouvelles Embauches (CNE), venait de permettre,  pour les entreprises  de moins de 20 salariés, de licencier sans motif pendant deux ans. Le Contrat Première Embauche (CPE) a repris  le licenciement sans motif pendant deux ans pour les jeunes de seize à vingt-cinq.

En s'appuyant sur les difficultés réelles des jeunes à entrer dans l'emploi, et sur leur fragilité, il s'agissait de généraliser cette précarisation  radicale, en frappant  tous les jeunes avec ce contrat, et aussi de tenter de l'utiliser contre tous les contrats  de travail. Cela concerne  une régression  fondamentale par rapport  à la protection  minimum du droit social: l'obligation de motiver le licenciement et la possibilité de recours auprès des tribunaux pour motif abusif, à l'opposé d'un droit arbitraire absolu du patronat.

D'ailleurs , on vient aussi d'instaurer le contrat « senior » : à cinquante-sept ans, un CDD de dix-huit mois, renouvelable une fois. On pourra licencier un senior au CDI pour le mettre en contrats précaires de dix-huit mois. Et, au-delà, l'idée a été avancée dans des rapports d'économistes, dans la droite, dans le MEDEF, d'un contrat  unique qui remplacerait  la dualité CDI et CDD, et pour lequel le licenciement serait permis sans motif.

Nouveauté de la précarisation, conditions de son aggravation récente, montée de la protestation

À côté du chômage massif qui est monté graduellement dans le monde entier depuis une trentaine d'années et qui persiste à des niveaux élevés dans l'Union européenne, l'explosion de la précarité des emplois (CDD, intérim, contrats aidés, etc.) et des emplois dits atypiques (temps partiel, etc.) est encore plus marquée, grandissante, surtout pour les nouvelles embauches.

Cela renvoie sans doute à la conjonction, d'une part, des exigences de rentabilité financière du capitalisme mondialisé, avec la mise en concurrence  des salariés du monde entier et la pression sur leurs salaires et, d'autre part, des conditions de la révolution technologique informationnelle.

La productivité formidable, économisant comme jamais le travail direct et les moyens matériels (et le travail qu'ils demandent), combinée à la pression concurrentielle sur le salaire et les dépenses  sociales, en tendant à déprimer la demande globale , pousse au chômage massif. Mais aussi, les vagues répétées d'innovations techniques radicales et d'investissements  corrélatifs matériels et financiers, peuvent relancer momentanément, en attendant  l'éclatement des suraccumulations  matérielles et financières entretenant la  dépression de l'emploi, la croissance réelle et des reprises d'emploi, à côté des destructions.

D'où les exigences de précarisation, qui en outre renvoient à la concurrence entre salariés et facilitent les pressions sur les conditions de rémunération et de travail, tandis que les pressions des entreprises  sont épaulées par les politiques des États.

Cette précarisation connaîtrait une aggravation récente dans le monde, en Europe et notamment  en France. À l'échelle mondiale, c'est la maturation des nouvelles technologies, et l'accélération de l'élévation de la productivité dans la production matérielle industrielle et aussi désormais dans les services. Cela s’est traduit  par la chute temporaire des activités de la dite « nouvelle économie » de 2001 à 2003, y compris aux États-Unis, puis le renforcement de la concurrence mondialisée au cours de la reprise ultérieure. Au niveau de l'Union européenne, c'est l'aggravation de sa croissance moindre, par rapport à celle des États-Unis et des pays émergents, avec le renforcement des exportations de capitaux favorisé par la politique menée de la Banque centrale européenne, surtout dans les pays dominants comme l'Allemagne et la France, vers les États-Unis, les pays émergents,  le reste  de l'union européenne  élargie. Cette croissance financière extravertie et cette moindre croissance réelle poussent au relèvement des objectifs de rentabilité financière ainsi qu’à des pressions accrues sur l'emploi et les salaires, à généraliser la précarisation.  En France, outre les exigences des chefs d'entreprise et du MEDEF avec l’exacerbation de l’irresponsabilité sociale et nationale des entreprises, surtout des plus grandes, y compris par leur pression sur les sous-traitants,  les conditions politiques ont également pu favoriser encore l'agressivité du gouvernement  contre  le droit social et pour la précarisation.

En effet, après  l'élection présidentielle  de 2002, avec la désaffection populaire  pour «  la gauche plurielle », liée aux capitulations social-libérales, la montée de l'extrême droite, puis pour la rejeter, le vote très massif pour Chirac suivi du vote pro-UMP, ces majorités électorales  ont été récupérées  pour renforcer la politique dite de « réformes», de mise en cause hyper-libérale et de régression du modèle social français pour tenter de briser ses résistances et celles des travailleurs. D’où la série de réformes de traitement réactionnaire des problèmes sociaux et économiques aigus, des retraites  à la maladie et à la sécurité sociale, à propos  desquelles  les protestations, pourtant massives, ont pu être négligées par le gouvernement et sa majorité écrasante, s'appuyant aussi sur les divisions syndicales. D'où le lancement ultérieur, avec les rivalités dans la droite pour une politique de droite dure, populiste et pour récupérer  des voix avec les thèmes  d'extrêmedroite, de la succession de mesures de précarisation radicale des contrats d'emploi.

Mais aussi, on a assisté  à la progression  de l'opposition sociale face aux mesures de réforme réactionnaire  et aux blocages politiques. On a vu le début  de conversion  de cette opposition sociale en opposition politique, avec le succès  de la gauche aux élections régionales, et encore plus le non de gauche au traité européen. Avec la progression des agressions de la précarisation, la montée de cette opposition a été encore plus forte contre le CPE, avec désormais la conjonction des luttes des jeunes et des salariés ainsi que l’unité syndicale.

Portée de la jonction jeunes/salariés contre la précarisation Le risque de la précarité  radicale des Contrats première embauche pour les jeunes contre les autres emplois et tous les autres contrats,  d'une part, et la gravité de la menace contre les emplois stables et une vie normale jusqu'à vingtsix ans pour tous les jeunes ont été des facteurs décisifs de la montée de l'opposition conjointe des syndicats de salariés et des syndicats d'étudiants ou de lycéens. La progression de plus en plus étendue de la mobilisation des jeunes, a contribué considérablement à renforcer l'unité et la détermination des syndicats de salariés et celles-ci ont à leur tour crédibilisé et accru la mobilisation des jeunes, leurs blocages des universités et des lycées, les manifestations conjointes. C'est un changement qui, s'il est perpétué, représente, après avoir obtenu le retrait du CPE, une force considérable pour une transformation sociale de progrès radical.

Déjà, la durabilité du chômage massif et la prolifération de la précarité ont fait monter à la longue, à l'opposé des divisions sociales fondamentales entre salariés qualifiés et non qualifiés, employés, ouvriers et cadres, divisions qui représentent peut-être le soutien le plus important de la domination des capitalistes,  des rapprochements plus profonds que jamais des conditions  et des aspirations.  Il s'agit de rapprochements par le bas, pour ainsi dire, avec la précarisation des salariés qualifiés, des cadres, ou dans la fonction publique, d'où le besoin commun de sécurisation, et aussi par le haut, avec le besoin, pour tous, de formation continue plus  ample et démocratique, y compris pour les moins qualifiés, et aussi de responsabilité et de maîtrise dans le travail.

Sur ce fond, la volonté d'utiliser les jeunes, pour les fragiliser encore et comme un bélier contre les autres, a pu se retourner  en une conjonction nouvelle non seulement des différentes catégories de salariés mais aussi inter-générationnelle, jusqu'aux travailleurs âgés.

L'utilisation de la peur des licenciements, de la culpabilisation des menacés dans leur emploi, et encore plus des chômeurs, de leur prétendue responsabilité individuelle, face à l'irresponsabilité sociale des entreprises et de l'État, et la résignation à la prétendue fatalité de la «nouvelle économie» de flexibilité inévitable avaient entraîné de profondes divisions entre les travailleurs, entre leurs organisations, entre celles-ci et les plus précaires. Le refus de s'identifier à ceux qui sont frappés avait pu ainsi se manifester, comme on l'a vu avec l’insuffisant soutien aux chômeurs  à propos  du PARE puis de la récente convention UNEDIC. Mais tout cela a pu grandement reculer à propos des mesures contre les jeunes, avec les nouveaux rapprochements et identifications massifs dans les manifestations  pour le retrait  du CPE, avec la montée de l'unité de lutte inter-salariale et inter-générationnelle.

En effet, les jeunes représentent l'avenir pour tous, ils ne peuvent être prétendus  responsables de mesures les frappant dans l'emploi qu'ils n'ont pas, tandis que l'absence de motivation des licenciements, outre qu'elle s'oppose à une logique de culpabilisation, menace directement ceux qui ne sont pas chômeurs.  Après le mouvement des banlieues puis la loi contre les immigrés, à l'opposé de la relance des efforts pour discriminer et diviser encore, on pourrait voir monter au contraire  les rapprochements à l'intérieur des trois ensembles  sociaux et entre eux : des salariés, des genres et des générations (femmes et hommes, jeunes et âgés), d'origine (issus de l'immigration et immigrants) pour des revendications convergentes. •

Du rejet du CPE et de la précarisation à la montée des exigences de sécurisation des emplois et des formations

Unité d'action rassembleuse et perspectives de construction sociale nouvelle possible

L'existence de projets alternatifs et la montée des idées de sécurité d'emploi opposée à la précarité, avec la perspective de transformation  sociale dans ce sens, ont participé à la force de l'unité et de la mobilisation pour le rejet du CPE. Et de son côté, l'ampleur de la mobilisation unitaire pour le retrait du CPE a crédibilisé les idées de perspective sociale alternative possible. C'est l'avancée de la thématique de la « sécurisation  des parcours  professionnels », que tous les syndicats  de salariés avaient commencé à partager  à la veille du mouvement, ainsi que tous les partis de gauche, chacun à sa façon, et même, comme formule affichée par certains dans la droite et au gouvernement.

Bien sûr, cela recouvre  non seulement  des différences mais des divergences importantes  entre les forces organisées, même si les aspirations  sociales tendent, elles, à converger. Cependant, le passage possible, après la première victoire contre le CPE, des protestations et des revendications défensives, à des propositions et des luttes pour une construction  sociale alternative, favorisée par la proximité des élections présidentielles et législatives, pourrait contribuer à relancer une unité d'action plus ambitieuse et à la faire perdurer.  Toutefois, au-delà d'une unité superficielle et fragile, l'effectivité des transformations de progrès  radical dépendrait  du contenu  des propositions suffisamment précises et de leur prise en main populaire suffisamment vaste.

Avancées d’idées nouvelles : Conceptions différentes, divergences et enjeux de convergences pour un progrès fondamental dans la pratique

Derrière des formules apparentées sinon communes, il y a actuellement de profondes divergences. Cependant, du milieu des années 90 à aujourd'hui, on a assisté à des avancées considérables d'idées et non seulement de formulations nouvelles. Et ces avancées ne sont pas du tout terminées, même si leur maturation pose aujourd'hui, après la mise en avant de la lutte contre la précarité par la bataille du CPE, les questions de leur articulation avec des transformations dans la pratique.

À cette fin, en ce qui concerne la portée des différences et des convergences, il convient sans doute de mettre d'abord l'accent sur les convergences entre les diverses formulations de projet social nouveau :

● « sécurité d'emploi ou de formation » avancée dès 1996, puis adoptée par le PCF,

● « sécurité sociale professionnelle » proposée ensuite par la CGT, sous la double influence de la sécurité d'emploi ou  de formation visant l'éradication  du chômage, et d'idées, comme celles du juriste Alain Supiot, de continuité de droits et de statut à travers les situations d'emploi ou de chômage ou de formation,

● et autres propositions  syndicales ou politiques.

Alors que la formule de sécurité sociale professionnelle a été  reprise par des dirigeants du PS à leur façon, elle est même utilisée par certains à droite ou au gouvernement dans une démagogie de reconnaissance de son succès. L'objectif de «  sécurisation  », avancé à propos  de la mise en place  graduelle de la sécurité d'emploi ou de formation, se retrouve avec le mot d'ordre de « sécurisation des parcours professionnels ». Cette dernière a été adoptée non seulement par la CGT, mais par d'autres syndicats comme la CFDT, et aussi  par diverses  formations politiques, quoique avec des contenus différents.

Ce qui serait à l'ordre du jour, après  les mises en cause massives de la précarisation  par les luttes contre le CPE, serait de construire  des avancées effectives de la sécurisation des emplois des jeunes et de tous les autres. Cela pourrait s'appuyer sur les rassemblements les plus larges des citoyens et des travailleurs. Mais aussi ces rassemblements devraient être mis au défi de propositions  véritablement anti-précarisation, avec des débats sur leur précision concrète pour des transformations de progrès fondamental, en arrivant à se dégager des références plus ou moins illusoires ou démagogiques à la formule de sécurisation couvrant des politiques soit de conciliation avec les facteurs de précarisation à gauche, soit même de régression réactionnaire agressive à droite.

Portée d'un projet de transformation radicale pour animer des avancées immédiates de progrès effectif

La référence à la mise en pratique progressive d'un projet radical, comme celui de la sécurité d'emploi ou de formation, à l'opposé des tendances à ne pas mettre en cause les pratiques du système existant, pourrait favoriser des propositions réalisables immédiatement mais visant à se prémunir de dérives dangereuses  et de fragilités, sous pression des forces dominantes  de précarisation,  et poussant  le plus possible au contraire contre elles des avancées novatrices. Ainsi, le réalisme pour des transformations réalisables milite pour des mesures de transformations  graduelles. Mais au nom de la gradualité, si la perspective était l'éradication du chômage, avec une rotation emploi/formation des activités professionnelles, il s'agirait de réduire graduellement l'emprise du chômage en cherchant  à le supprimer complètement d'abord dans certaines situations concrètes, tandis que la formation bien rémunérée  et de qualité participerait  à cette suppression.

Au contraire, si la perspective n'était pas l'éradication du chômage, mais seulement l'augmentation de l'emploi, des mesures sociales de soutien des chômeurs ou du retour à un emploi, on pourrait dériver vers des accompagnements sociaux du chômage et de la précarité,  cette  dernière pouvant  être même encouragée  au nom de la sécurisation. En effet, on tend à justifier la précarité  renforcée et systématique des contrats de travail sous prétexte de faciliter les embauches. C'est précisément ce qu'on a fait avec le CPE, tout en disant c'est mieux que rien. C'est aussi le sens de la thématique  de la « Flexsécurité » dans l'Union européenne, qui se veut moins brutale et plus négociée et qu'on nous vante du côté du PS, avec la résignation au moindre mal. Au Danemark, le prétendu  « paradis » de la Flexsécurité, même si les dépenses pour l'indemnisation, l'accompagnement des chômeurs ainsi que pour la formation sont bien plus importantes, un quart de la population passe tous les ans par le chômage en laissant des masses d'exclus de l'emploi sur le carreau  en permanence,  un paradis avec bien des serpents  comme disent les syndicalistes danois.

En outre, des mesures visant seulement à faciliter les créations d'emplois et à réduire et accompagner les temps de chômage, au nom d'amélioration  réaliste, pourraient  être largement balayées en cas de pression des difficultés de la conjoncture économique sur les entreprises. C'est pourquoi d'ailleurs il ne suffirait pas seulement d'un statut amélioré des salariés mais aussi d'un autre statut  des entreprises  ellesmêmes et des services publics de l'emploi et de la formation. Si l'on visait, au contraire,  à supprimer  graduellement  le statut  de chômeur et la régulation par le chômage de la gestion entrepreneuriale du marché du travail, il ne faudrait pas seulement des mesures « contra-cycliques » radicales, pour relever la demande et les activités, tout particulièrement par la formation, les revenus et la consommation des mis en formation comme leurs activités hors emploi, avec les financements corrélatifs. Mais les objectifs sociaux immédiats eux-mêmes seraient animés dans leur rigueur par cette perspective radicale. Ce serait notamment :

●   des mesures  sur l'entrée  des jeunes dans l'emploi,  excluant les contrats  précaires  avec des CDI, mais aussi leur accompagnement  par un dispositif institutionnel nouveau de sécurisation  avec un volet formation rémunérée, les incitations et les obligations fortes d'emploi des jeunes pour les entreprises  et les services publics ;

● des mesures contre les licenciements, organisant les propositions  alternatives des travailleurs pour le maintien en emplois ou au moins des obligations de reclassement de qualité et pour tous, etc.

Tout cela s'articulerait à l'ambition de créativité d'institutions sociales nouvelles, comme des mutualisations entre entreprises dans les bassins d'emploi et les régions, dans les branches, pour permettre de passer d'un emploi à un autre, ou à une formation pour retourner  à un emploi , avec une sécurisation  du revenu et des activités, y compris avec la création  d'emplois publics ou sociaux et le soutien des entreprises  d'insertion. Toutes les questions de droits, de pouvoirs, de financement serait posées et traitées de façon résolument alternative.

Objectifs sociaux immédiats d'avancées systématiques de sécurisation, opposée s à la précarisation des emplois dans les divers domaines de l'insécurité sociale

Il s'agit, bien sûr d'abroger le CNE et le contrat « senior », ainsi que toutes les dispositions de la loi dite d'égalité des chances, apprentissage à quatorze ans, travail de nuit des enfants à 15 ans, ou encore la loi sur l'immigration « jetable », etc.

Mais au-delà, on peut organiser l'avancée de mesures  de sécurisation pour les différentes catégories d'insécurité et de fragilité sociale, et les faire converger vers des institutions communes, tout en s'opposant à la mise en concurrence de ces catégories  entre elles et avec les autres  travailleurs. Cela concerne :

● les trois moments de sécurisation de la vie professionnelle : de l'entrée des jeunes dans l’emploi, des jeunes en difficultés (avec un accompagnement) aux étudiants (avec des allocations autonomie-formation, un contrôle et une bonne rémunération des stages); des parcours professionnels; des seniors et de la fin de vie active ;

● les trois privations d'emploi : des chômeurs; des emplois précaires et atypiques (y compris les temps partiels contraints); des licenciements, restructurations et délocalisations ;

● les trois autres discriminations dans l'emploi : des femmes, des personnes  issues de l'immigration ou immigrés, des chômeurs de longue durée et des découragés de demander un emploi.

Des mesures spécifiques ne concerneraient pas seulement l’exigence de CDI ou la conversion en CDI, avec des obligations et des pénalisations pour les entreprises (comme des modulations et augmentations de prélèvements sociaux et des taxations).  Elles ne se fonderaient pas sur l’abaissement du coût salarial (comme actuellement avec les baisses de charges sociales), pour ne pas faire concurrence  aux autres  salariés. Elles organiseraient  aussi des dispositifs institutionnels de sécurisation.

Ces dispositifs se rapporteraient à des mesures spécifiques de formation continue mais dans le cadre d'un développement considérable global et d'une refonte de cette dernière, encore  actuellement si étroite, avec des durées  souvent très insuffisantes, inégalitaire et non démocratique.

Ils organiseraient aussi des mutualisations entre entreprises et avec les services publics, notamment pour développer la sécurisation des parcours. Des contrats de travail avec des ensembles  d’entreprises  et de services permettraient le passage sans chômage d’une entreprise à une autre ou à une formation pour revenir à l’emploi, dans la continuité des revenus et des droits. Des obligations pour entrer dans ces mutualisations  dans les bassins  d’emploi ou dans des secteurs  d’activité seraient  instituées  sous contrainte  de pénalisation financière, comme avec des alourdissements de l'impôt sur les sociétés, et aussi des incitations comme par le crédit.

A l’opposé des pressions pour accepter des emplois précaires et mal payés pesant sur les chômeurs, des obligations d’ouverture des entreprises et de créations d'emplois peseraient sur leurs directions, avec des pouvoirs nouveaux des services publics de l'emploi et de la formation démocratisés. De bonnes indemnisations de tous les chômeurs prépareraient une sécurisation  des revenus  et favoriseraient des formations choisies et de qualité.

Tout cela devrait s'insérer dans le cadre d'une sécurisation grandissante de tous et non seulement de ces publics particuliers, à l'opposé de mise en concurrence  avec les autres salariés. À cette fin, des bilans des besoins et des plans annuels de création d'emploi et de formation, avec des engagements concerneraient, aux niveaux local, régional et national, non seulement les différentes catégories visées mais, une progression globale de l'emploi et de la formation sécurisés.  D'où l'exigence de moyens financiers et de pouvoirs alternatifs pour réaliser ces objectifs différenciés et globaux et aussi une nouvelle croissance  favorable à l’emploi et à la formation. •

Des objectifs de sécurisation des emplois, à des moyens financiers, des pouvoirs, et des initiatives pour une construction nouvelle

Il y a besoin de la cohérence du triangle : objectifs sociaux convergents, moyens financiers, droits et pouvoirs sur ces objectifs et ces moyens, avec de nouvelles institutions qui les articulent.

Des moyens financiers alternatifs  et les trois types de fonds

On a encore tendance à considérer ces questions comme des questions qui échappent, par leur technicité, aux travailleurs et aux citoyens. Ce sont pourtant des questions éminemment politiques et sans la maîtrise desquelles il n'y a pas de changement fondamental possible. Elles nécessitent  le plus de rompre avec les dominations existantes et avec les conciliations du social libéralisme à gauche, sous prétexte  de réalisme, avec les diktats des marchés financiers et des gestions d'entreprise pour la rentabilité financière. Il faut donc faire tous les efforts pour les populariser,  afin que tous les intéressés eux-mêmes puissent s'emparer des interventions sur l'argent au lieu de rester hors jeu.

Cela concerne trois types de fonds ainsi que les liens entre eux.

Il s'agit, d'abord, des fonds publics.

D'énormes fonds sont gâchés en cadeaux au patronat et à sa  gestion de rentabilité financière, prétendument pour l'emploi. Cela concerne tout particulièrement, la vingtaine de milliards d'euros utilisés pour abaisser ou supprimer les cotisations,

surtout  pour les salariés peu qualifiés, sous prétexte  de  favoriser les emplois. En réalité, cela entraîne la baisse des coûts salariaux jouant contre tous les emplois et contre la demande globale, contribuant  au chômage ainsi qu'à la rentabilité financière et ses gâchis spéculatifs. Malheureusement cette pratique a été utilisée et développée par les gouvernements de gauche comme de droite et les propositions récentes du parti socialiste sur l'emploi des jeunes y recourent encore, alors qu'elle accompagnait aussi le CPE.

De ce point de vue, il ne suffit pas du tout de proclamer  désormais à gauche le besoin d'un contrôle des effets des fonds publics, ni même de réclamer des remboursements en cas de licenciement ou de délocalisation, même si un contrôle démocratique est nécessaire.

Mais des contrôles d'emplois, qui de toutes façons auraient été créés, avec des effets d'aubaine, ou surtout qui s'opposeraient à d'autres emplois supprimés ailleurs, n'empêcheraient pas les effets négatifs globaux de la baisse des dits coûts salariaux.

C'est une autre utilisation des fonds publics qui est devenue indispensable,  fonds nationaux, régionaux, locaux, européens, opposée aux soutiens des gestions pour la rentabilité financière quels que soient les prétextes avancés.

Cela concerne, tout particulièrement:  1) des fiscalités et prélèvements publics et sociaux modulés, relevés pour pénaliser les profits financiers et l'accumulation financière, les baisses de salaires dans la valeur ajoutée, la précarisation des emplois ; 2) un financement accru de tous les services publics pour qu'ils participent  à la sécurisation des emplois, et plus spécialement des services publics refondus de l'emploi et de la formation continue ; 3) le soutien à un nouveau crédit, avec la baisse des charges financières, pour inciter à des investissements  programmant de l’emploi, à une gestion d'efficacité sociale et aux interventions des travailleurs favorables à la sécurisation de l'emploi et de la formation et aux coopérations à cette fin. Il s'agit ensuite des fonds du crédit. Cette question qui est sans doute la plus importante est très sous-estimée, quant à l'impact des fonds et quant à leur masse, la plus grande et la plus élastique avec la création monétaire. Cela concerne les relations cruciales entre les banques et les entreprises.

En premier lieu, des fonds publics peuvent  prendre  en charge tout ou partie des intérêts des crédits pour les investissements industriels ou de recherche  avec des taux d'intérêt d'autant  plus abaissés, jusqu'à des taux zéro (voire négatifs, c'est-à-dire des réductions, des remboursements), que sont programmées des créations d'emplois stables et des formations. Cela peut concerner  un Fonds national pour l'emploi et la formation qui pourrait utiliser déjà la vingtaine de milliards d'euros de baisses de cotisations sociales, mais aussi des Fonds régionaux. Par exemple, tandis que des PME, peuvent être pénalisées avec des taux d'intérêt élevés de 8 % contre l'extension de l'activité et de leurs emplois, des opérations financières de grandes entreprises  vont bénéficier de taux bien plus bas,. Cependant 8 millions d'euros de fonds publics pourraient, dans une grande région comme l'Île-de-France, mobiliser 110 millions d'euros de crédits à taux zéro.

Mais cela suppose  pour un tel Fonds pour l'emploi, qui d'ailleurs a été créé en principe en Île-de-France, son utilisation de cette façon novatrice et non pour des subventions traditionnelles largement inefficaces. Cela exige, d'une part, un changement culturel du côté des élus régionaux et des services techniques et, d'autre part, une prise en main par les comités d'entreprise, les élus syndicaux et les élus politiques locaux pour des saisines dans ce sens du Fonds régional, c'est-à-dire dans les deux cas une grande impulsion politique avec formations et bataille d'idées. Il faut faire comprendre, en particulier, que les travailleurs dans les entreprises  pourraient s'appuyer sur ces Fonds pour leurs propositions  alternatives et que cela orienterait les profits vers l'investissement et l'emploi par les remboursements, à l'opposé de la spéculation et de l'irresponsabilité  sociale. Le moyen le plus décisif pour un tout autre type de crédit réside dans une autre orientation  de la Banque centrale européenne, à l'opposé de son indépendance  vis-à-vis des pouvoirs politiques et de sa gestion favorisant, au nom de sa mission anti-inflation au-dessus  de tout, un euro fort pour les placements financiers et les exportations de capitaux contre l'emploi. Il s'agit d'une gestion alternative de la création monétaire et de sa puissance considérable pour un autre crédit au service de pouvoirs nouveaux de créations d'emplois dans les entreprises  et à partir  de leur entourage. La Banque centrale  européenne  et les Banques du système européen de Banques centrales, comme la Banque de France, « refinanceraient  » des crédits  des banques  à moyen et long terme pour les investissements  des entreprises à des taux d'intérêt d'autant plus abaissés que sont programmés  des emplois et des formations débouchant sur des emplois.

Il s'agit, enfin, des fonds des entreprises.

Déjà un autre type de crédit peut inciter aux investissements réels créateurs  d'emplois. Mais aussi cela renvoie à une autre  culture  et à d'autres  pouvoirs  visant à faire reculer les critères de rentabilité financière et faire avancer

des critères  que nous appelons « d'efficacité sociale ». Il  s'agit d'un autre type de productivité, opposé aux pressions sur les salaires, appuyé, au contraire, sur le développement des capacités  des travailleurs,  de leur formation et de  leur implication dans la créativité, en cherchant tout particulièrement à économiser les moyens matériels et financiers mais aussi les autres coûts par des améliorations techniques et d’organisations  et non des pressions  sur les

conditions  de rémunération  et de travail. Un element miportant  de cette autre gestion réside dans des obligations sociales des entreprises,  ainsi que dans des modulations des prélèvements  publics et sociaux sur elles, pénalisant notamment les comportements de précarisation et de spéculation.

Des pouvoirs nouveaux dans les entreprises, les territoires, les services publics

C'est sans doute la revendication de maîtrise de sa vie, par un contrôle démocratique participatif par chacun et en commun des objectifs et des moyens, qui peut ouvrir et propulser les processus de sécurisation et de promotion des emplois pour tous.

Des pouvoirs  nouveaux de participation  non «  intégratrice » aux objectifs du patronat et d’intervention autonome des travailleurs sont à conquérir à trois niveaux interdépendants.

Au niveau des entreprises, depuis les établissements jusqu'aux branches de production, il s'agit de pouvoirs de propositions alternatives, sur les emplois et les formations et donc sur les productions  et les gestions, des comités d'entreprise, des délégués syndicaux et de tous les salariés consultés par eux, non seulement en cas de licenciement, mais en amont dans les gestions prévisionnelles des emplois, avec l'institution d'arbitrages  entre propositions opposées.

Cela concerne en particulier de nouvelles relations entre emplois qualifiés, formations, développement et utilisation des recherches,  coopération  entre entreprises  pour une

nouvelle croissance industrielle et des services avec l'efficacité sociale, à l'opposé  de l'irresponsabilité  sociale et territoriale des gestions.

Ces pouvoirs, appuyés sur des moyens financiers nouveaux, comme un autre crédit, peuvent être étendus et associés à des droits de propositions  des élus locaux ainsi que des syndicats et associations, ou des services publics.

Au niveau des territoires et localités, les pouvoirs sur l'emploi et la formation doivent pouvoir dépasser le soutien des gestions existantes, dans les formations ou sur les implantations économiques, par les élus et les services des collectivités territoriales. Depuis les villes, l'intercommunalité et les bassins d'emploi, jusqu'aux régions, au plan national et celui de l'Union européenne, des bilans, des prévisions, des objectifs contraignants et contrôlés devraient être établis de façon transparente à partir des besoins et possibilités d'emploi et de formation, de moyens et de projets d'activité. Cela suppose l'organisation de débats et de concertations avec des « tables-rondes », entre élus, directions d'entreprise, institutions financières, syndicats et associations, services publics. Cela s'appuierait sur une expansion des pouvoirs et une refonte démocratique des Conseils économiques et sociaux régionaux, nationaux et des Comités européens économiques et sociaux ou des régions, ainsi que des organismes  publics d’expertise, comme le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), des observatoires régionaux de l'INSEE, des missions d’information de la Banque de France, etc..

Au niveau des services publics, de nouveaux pouvoirs seraient attribués à tous les usagers et à leurs associations, pour leurs droits d'intervention  et pour des coopérations créatrices  dans les stratégies  et les gestions des services avec tous les personnels,  à l'opposé de la domination entre ces derniers  et sur eux par l'appareil d'État techno-bureaucratique et par les pressions de la rentabilité financière des entreprises  privées. Cela concernerait,  en premier lieu, les services publics de l'emploi et de la formation continue. Mais cela viserait aussi les autres services conditionnant une sécurisation et une promotion de l'emploi : éducation  ou formation initiale, logement social, santé, recherche, culture.

Tous ces pouvoirs nouveaux d'intervention dans les gestions au niveau des entreprises, des localités, des services publics, contribueraient à la construction d'une autre démocratie. En effet, ces pouvoirs d'intervention sur les décisions, et institutions  des intéressés  eux-mêmes, travailleurs, citoyens, résidents, les mettraient au contact direct des conditions des gestions dans les lois, règlements et politiques  au plan national et de l'Union européenne. Ils permettraient donc une participation à l'élaboration à ces niveaux. Par ailleurs, il ne s'agit pas, au nom du dialogue social, de prôner, une concertation entre les dits partenaires sociaux, salariés et patrons ou directions, pour des accords remplaçant la loi ou qu'entérinerait une loi. En effet, le rapport de forces inégal pèserait sur ces négociations. Il s'agit d'organiser des concertations d’abord entre salariés et citoyens eux-mêmes à des niveaux suffisamment larges et avec leurs experts, puis des négociations où, aux côtés des interlocuteurs sociaux, entreraient aussi les élus locaux et nationaux, eux-mêmes consultant obligatoirement leurs mandants avec leurs majorités citoyennes et salariales.

Défis d'une refonte démocratique et de tout autres orientations du service public de l'emploi et de la formation, en liaison avec des avancées d’un autre type de croissances des entreprises

La création et le développement des services publics de l’emploi (ANPE) et aussi du service social d’indemnisation du chômage (UNEDIC) ont répondu à la montée graduelle du chômage massif dans les conditions nouvelles. Sous couvert de répondre aux besoins des chômeurs et de faire face à la fracture  sociale, il s’est agi de plus en plus de répondre aux exigences des entreprises,  dominées par la rentabilité financière exacerbée,  de pressions  sur les salaires et les emplois. Bien plus, les dernières « réformes » en cours du service public de l’emploi vise une société de précarisation généralisée, en exaspérant les antagonismes avec les besoins et les possibilités de développement de chaque être humain de la révolution informationnelle.

En effet, au-delà de la mobilisation des informations et mises en relation entre offres et demandes du marché du travail, avec l’ANPE, et en liaison de fait avec les restrictions de l’UNEDIC, se sont développées  les pressions  sur les « chômeurs » pour les obliger, sous peine de réduction et de suppression des indemnisations, à accepter des emplois aux salaires et conditions de travail abaissés et de plus en plus précarisés. En outre, l’articulation de ces exigences avec la montée des activités de la formation continue a entraîné des pressions pour des formations non choisies, de faible qualité ou d’adaptation étroite, voire de « déqualification », en cas d’obligation d’emploi au-dessous de la qualification acquise antérieurement, pour une grande partie des publics concernés.

Tout cela est en train de s'aggraver de façon accélérée. Après le renforcement  des pressions  de l’UNEDIC par le plan dit d’aide au retour à l’emploi (PARE) puis la dernière convention, après l’accroissement des sanctions contre les chômeurs, l’accélération des convocations et des radiations à l’ANPE, la convention Etat-ANPE-UNEDIC , avec une annexe concernant  l’AFPA (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes), signée le 5 mai 2006, organise un rapprochement intime graduel de ces services publics et sociaux, avec la perspective d’un guichet unique et de locaux communs, la mise en place d’un dossier unique, et un diagnostic partagé pour un service personnalisé plus rapide du projet individuel d’accès à l’emploi et l’orientation vers un parcours.

On a pu y voir un moyen d’exercer un contrôle administratif sans faille et renforcé sur les demandeurs d’emplois. Mais ce contrôle vise à aggraver les sanctions et les pressions pour un retour au travail avec souvent des emplois sous payés et précaires, exacerbant la politique européenne dite de « Workfare » ou travail imposé et aussi celle dite du « learnfare », c’est à dire en fait de la formation le plus souvent imposée et de basse  qualité, adaptatrice de façon étroite  à des postes précaires. Et cela, d’autant plus, qu’est prévue la sous-traitance à des agences privées pour le placement, afin de faire « du chiffre » au détriment  de la qualité et de la stabilité des emplois. C’est une société de précarisation généralisée des emplois comme des formations qui est l’objectif.

D’où le défi d’une refonte démocratique  très profonde du service public et social de l’emploi et de la formation, allant jusqu'à contribuer, avec les intéressés  eux-mêmes, à intervenir sur les entreprises,  leur gestion, leur environnement institutionnel. On chercherait à retourner le sens des pressions, sur les entreprises et non sur les travailleurs, et leur contenu, non pour précariser mais pour sécuriser l’emploi, avec la formation, dans une mobilité de promotion dans la sécurité des parcours professionnels.

De ces services publics locaux et nationaux, aux actions d’insertion des PLIE (plans locaux pour l’insertion de l’emploi) et à l’action locale économique où domine le soutien des gestions actuelles des entreprises, jusqu'à la politique économique et sociale ou à l’élaboration du droit social et jusqu’aux orientations des institutions européennes,  c’est toute une transformation du sens des pressions et du contenu des soutiens publics qui serait à construire avec les intéressés  eux-mêmes et leurs organisations syndicales et associatives, leurs élus. Cela nécessite de mettre en cause les deux monopoles liés des chefs d’entreprise, sous contrainte de rentabilité financière : celui de la création des emplois et des décisions sur l’emploi ; celui des décisions sur les fonds à la disposition des entreprises, tout particulièrement ceux du crédit. Comme l'avait noté Marx dans Le Capital, les patrons dominent sur le marché du travail, car ils jouent des deux côtés : celui de la demande de force de travail et celui de l’offre, en faisant des chômeurs. Or ce système atteint un point d’exacerbation sans précédent avec la précarité généralisée, alors même qu’une nouvelle croissance est possible avec les exigences de formation continue et de développement des travailleurs de la révolution informationnelle.

D’où la nécessité de conquêtes des pouvoirs sur l’argent et sur la création  des emplois et des formations, par les travailleurs  eux-mêmes avec leurs organisations,  leurs comités d’entreprises, avec un appui sur d’autres services publics de l’emploi et de la formation, et sur les élus de terrain.

Les travailleurs joueraient à leur tour des deux côtés : comme demandeurs et comme créateurs d’emplois, en liaison avec les institutions nouvelles. Cela concerne aussi des pouvoirs d'intervention des travailleurs, des usagers et des élus pour les créations d'emplois dans tous les services publics. Cela renvoie aux bilans des besoins des populations et aux engagements de créations annuelles d’emploi et de formations dans les territoires et les branches, pour réduire graduellement le chômage et la précarisation  jusqu'à les éradiquer. Bien-sûr, on se heurte  aux exigences incontournables du débouché  des productions  ou de la demande, et de la productivité, contre l’inflation du crédit et les gâchis d’emploi. Mais précisément cela renvoie aux avancées possibles d’un autre type de croissance  des entreprises,  avec une promotion du débouché et de la productivité par la mise en formation massive et avec la rotation  emploi/formation comme variable d’ajustement, à l’opposé du chômage et de la cancérisation  sociale de la précarisation  proliférante. Cela renvoie, avec l’expansion formidable de la formation, au développement  des recherches en coopération,  pour une autre croissance de l’industrie et des services. Cela se relie aux avancées  de critères  d’efficacité sociale des gestions, des services publics démocratisés,  d’une appropriation sociale des gestions des entreprises contre la domination d’irresponsabilité sociale, territoriale, écologique, culturelle, des actionnaires privés et de l’hyper rentabilité financière. Et cela du niveau local et régional au niveau national et européen, jusqu’à la construction  d’une autre mondialisation. Comment ne pas voir que l’échec des prétentions affichées à Lisbonne d’une croissance soutenue pour une société dite de la connaissance est lié aux orientations de la politique de la BCE et aux pressions de la précarisation sur le marché du travail ? D’où le besoin d’autres rassemblements des travailleurs et des citoyens dans l’Union européenne pour une autre construction.

Des Assises régionales et nationales et un avant-projet de loi pour la sécurisation et la promotion des emplois et de la formation

Après la victoire contre le CPE et la montée de la mise en cause de la précarisation  dans toute la population, on ne peut pas laisser retomber le mouvement. On ne peut pas non plus attendre  les échéances  électorales  de 2007, en les préparant seulement par des rencontres  et des projets de sommet.

Du refus de la précarisation dans les manifestations unitaires, on doit pouvoir passer  à la construction  unitaire d’une sécurisation, par la mobilisation la plus large possible des diverses catégories d’intéressés, acteurs sociaux et de leurs organisations, pour débattre de propositions sociales transformatrices et organiser des actions pour leur réalisation. C’est pourquoi diverses personnalités et organisations ont avancé la proposition  de Rencontres  ou d’Assises régionales pour la sécurisation  de l’emploi et de la formation, précédées  par des Rencontres locales et départementales et débouchant  sur des Assises nationales. Il s’agirait de faire se rencontrer  les jeunes, étudiants, lycéens, et leurs organisations, les travailleurs salariés et les privés d’emploi, les syndicats et associations, les militants de gauche et les organisations politiques qui le veulent, pour confronter les idées et propositions de construction nouvelle afin de faire reculer effectivement et éradiquer graduellement le chômage et la précarité, par les objectif sociaux, les moyens financiers, les droits et pouvoirs.

L’élaboration d’une grande proposition de loi d’orientation de la sécurisation de l’emploi et la formation y serait débattue. A l’opposé de ce qu’a fait la droite mais aussi la gauche jusqu’à présent, une telle loi ne peut être élaborée qu’avec les intéressés et leurs organisations. Elle doit aussi fonder leurs pouvoirs de prise en mains de ces questions vitales. D’ailleurs, les propositions  qui sortiraient  de ces Assises ne seraient qu’un avant-projet, pour organiser une co-élaboration démocratique nationale, une fois que cet avant-projet aurait été soutenu  par les élections en faveur d’un programme de rupture constructive avec l’hyper-libéralisme.

Les croisements  entre des propositions  fondées sur des analyses approfondies et l’expression des aspirations ainsi que l’expérience de tous les intéressés  ou acteurs sociaux eux-mêmes sont nécessaires.  Ces croisements  se distinguent, d'une part, d’idées d’experts critiques dont les masses ne feraient que s'emparer pour les soutenir et, d'autre part, d'aspirations,  expériences  et revendications  de la vie concrète, avec des propositions  plus ou moins dispersées et ne maîtrisant pas toujours la technicité des questions. C’est pourquoi la formation et l’auto-formation débattues démocratiquement, pour diffuser la maîtrise des questions dites techniques, sont sans doute nécessaires.  •