Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Plasturgie : industrie Oyonnax refuse la loi des donneurs d’ordre et entre en résistance

Sur le territoire du bassin oyonnaxien, dans l’Ain, la plasturgie représente un enjeu de développement avec 15 000 salariés. Toute la filière plasturgiste y est représentée : la matière, les moules, les machines, les transformateurs, les centres de formation et le lycée Arbez Carme. Cette industrie, ce bassin, sa population sont aujourd’hui confrontés à des défis majeurs. Les salariés et les citoyens avec leurs organisations se rassemblent, proposent et agissent pour les relever.

Une industrie d’avenir

La plasturgie représente en France 29 milliards d’euros, 3 800 entreprises  pour 155 000 salariés mais 8 % des entreprises ont moins de 50 salariés.
Cette industrie est une industrie en pleine croissance parce que les pièces automobiles remplacent de plus en plus les pièces métalliques et avec des possibilités de croissance dans tous les secteurs.
La production mondiale de plastiques va doubler d’ici 10 ans. La Chine consomme 17 kg/habitant, la France 106 kg/ habitant, les USA 171 kg/habitant.
Dans les prochaines années, nous allons assister à une rupture technologique,  le plastique  va augmenter  ses qualités physiques  avec l’arrivée de nouveaux matériaux (composites, maïs, bois, blé…) et l’arrivée de plastiques intelligents avec des qualités sensorielles.
Malgré ses atouts la plasturgie est en difficulté d’autant plus qu’elle est placée sous la domination des donneurs d’ordre et des grands équipementiers multinationaux.
Il n’existe à ce jour aucune filière professionnelle de production et les fournisseurs et les sous-traitants sont soumis à une baisse récurrente  des prix de 3 à 5 % annuels avec des exigences de qualité et de services toujours croissants.

Un étau se resserre sur les PMI

Les prix diminuent, le coût de la matière augmente et les marges des PMI diminuent. Pour prendre  un marché les donneurs d’ordre obligent les sous-traitants à les suivre dans les pays émergents, pour des délocalisations sans aucune perspective de rentabilité.

Les coûts cachés d’une délocalisation peuvent représenter entre 15 et 60 % des gains attendus.  Un exemple du gâchis humain, financier et environnemental : des pièces produites en France sont conditionnées et transportées dans les pays de l’Est pour leur finition (peinture…) et reconditionnéespour revenir en Europe occidentale. Au total non seulement cela est loin de baisser l’ensemble des coûts et n’augmente ni l’efficacité, ni même la valeur ajoutée, mais par contre cela modifie le partage de celle-ci en faveur des profits.

De plus, le débat sur les délocalisations sert de pression sur les salariés en France pour revenir sur les acquis, baisser les salaires ou mettre en cause les 35 heures.

Sur les 300 000 salariés de la filière automobile :

  • 1/3 des salariés travaille pour des équipementiers,
  • la recherche  développement  est prise en charge par les équipementiers,
  • 75 % du prix d’une voiture est fabriqué par les équipementiers et les sous-traitants.

Mais le profit réalisé au sein de la filière n’est pas réparti équitablement.

Du côté des donneurs d’ordre (Renault, PSA…) ou des équipementiers (Valéo, Fourecia…) les grands patrons, qui siègent au MEDEF, décident et, de l’autre côté, les petites entreprises sous-traitantes  (80 % ont moins de 50 salariés) subissent leur loi et leurs exigences.

Après plus de 7 000 suppressions d’emplois en 2006, la filière automobile annonce 20 000 suppressions d’emplois pour 2007. Pour autant les profits des donneurs  d’ordre et des équipementiers, et plus encore les dividendes de leurs actionnaires, sont préservés.

La sous traitance, ses emplois, sont la variable d’ajustement des donneurs d’ordre.

Les PMI ont des difficultés à mettre en place une gestion des emplois et des compétences  (GPEC). La précarité  touche 14 % des effectifs dans la plasturgie contre 4 % dans l’industrie. Une double dépendance  des salariés vis à vis de l’employeur et du donneur d’ordre se développe. Les banques aident, en premier lieu, les entreprises  qui délocalisent. Il n’existe aucune réflexion sur un projet industriel d’avenir. Le dialogue social est au point mort…

Pourtant  le territoire  oyonnaxien a des atouts  comme le lycée Arbez Carme, pionnier de la plasturgie, qui a su mettre en œuvre des formations depuis le CAP jusqu’au diplôme d’ingénieur avec l’INSA, des centres de formation, le Pôle Européen de Plasturgie et la possibilité de se développer avec le pôle de compétitivité Plastipolis.

La plasturgie est une industrie d’avenir mais elle a, en France, un vrai problème d’attractivité en terme de recrutement. Du fait des vagues de licenciements, des délocalisations,  des mauvaises conditions de travail et des bas salaires, les jeunes s’en détournent.

Alors que les réponses à apporter à ces tensions sont à rechercher dans l’élévation des compétences et des qualifications, le patronat met en place une nouvelle grille des salaires qui nivelle les qualifications par le bas et bloque les salariés dans leur coefficient. Il redouble dans la pression  sur la masse salariale, remet en cause les 35 heures. Ainsi un opérateur commence au SMIC et finit sa carrière au même salaire.

Pourtant, dans le prix d’une pièce plastique le salaire représente 8 % et la matière 60 %. La responsabilité des difficulté des entreprises n’est pas dans le coût du travail mais dans les charges du capital – charges financières, amortissements et pompage des richesses produites par les sous-traitants pour gonfler les dividendes des actionnaires  des plus grands groupes –, et aussi dans le prix de la matière, les relations donneurs d’ordre/sous-traitants ainsi que l’handicap structurel de la filière française de l’atomisation des entreprises  de celle-ci. Elle ne permet pas leur implication dans les efforts d’innovation.

Les 4 défis de la filière plasturgique oyonnaxienne à relever

  • 75 % des salariés sont au niveau V ou VI avec des problèmes d’illettrisme: il y a un besoin urgent de mettre en place une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) permettant de faire de la formation professionnelle et de la gestion des ressources humaines un enjeu primordial pour élever les compétences  et les qualifications et d’augmenter la valeur ajoutée des entreprises du territoire.
  • la taille des entreprises : en moyenne 37 salariés par entreprise contre 100 en Allemagne : 80 % des entreprises  ont moins de 50 salariés. Les entreprises n’ont pas les moyens de faire de la Recherche-Développement, de la formation professionnelle, de gérer les ressources humaines et en même temps de prendre des commandes.
  • Un dialogue social en panne : c’est dans ces entreprises que le taux d’exploitation est le plus fort, souvent sans Comité d’entreprise et sans syndicat pour se défendre.
  • Le manque d’attractivité pour les jeunes et les salariés des métiers de la plasturgie au détriment du bassin d’emploi oyonnaxien.

Les propositions alternatives

Concernant la taille des entreprises,  il faut mutualiser et travailler à une coopération des entreprises  au niveau de la Recherche-développement, d’une gestion prévisionnelle des emplois et de compétences  (GPEC au niveau du territoire permettant  aux PMI de se développer).

Le pôle de compétitivité PLASTIPOLIS doit servir aux petites entreprises et être géré avec la participation des syndicats. Il doit être transformé en une structure ayant pour but la coopération entre les entreprises  et la sécurisation  de l’emploi.

  • Il faut revoir le partage de la valeur ajoutée entre tous les intervenants de la filière.
  • Il faut un plan d’investissements dans la plasturgie et l’implication des banques  dans ce plan, alors que d’ici 2008 les entreprises chinoises vont investir 25 milliards d’euros dans la plasturgie.
  • Le crédit bancaire doit être favorisé pour les PMI : nous proposons des prêts bonifiés en s’appuyant sur un jumelage avec le Fonds Régional pour l’Emploi de Rhône-Alpes (FRERA) pour des investissements sur le territoire conditionnés à des emplois durables  et à l’augmentation des qualifications. La bonification évoluerait selon le respect des ces engagements. Au-delà, ce fonds devrait s’adosser à un Fonds national et un pôle public bancaire élargi devrait s’impliquer dans ce financement.
  • Mise en place d’un centre technique national au service des entreprises de la plasturgie.
  • Un comité inter-entreprises au sein de la filière : donneurs d’ordre, équipementiers, constructeurs de machines, soustraitant plasturgistes.
  • Mise en place d’une structure  de dialogue social, de veille et d’action permettant  de débattre  et de décider sur le territoire  : nous avançons l’idée d’un comité de bassin regroupant  les élus politiques, les syndicats, les patrons, l’État, les banques, le service public de l’emploi, les services publics de la formation, les services public d’information et de diagnostic économique (Insee, Banque de France). Les différentes parties prenantes pourraient y avoir systématiquement deux « collèges » représentés : les employeurs et les salariés. Ainsi, par exemple, siègeraient tout à la fois le directeur de l’ANPE et des élus syndicaux de l’ANPE.

Tout ce travail d’état des lieux et de propositions alternatives est le fruit d’un travail collectif des militants CGT sur le territoire d’Oyonnax.

Après avoir réuni 50 militants en plusieurs journées d’étude et avec l’aide du cabinet Secafi Alpha nous avons fait un état de la filière et des propositions alternatives.

À la suite nos propositions  ont été popularisées  par un 4 pages couleur en 10 000 exemplaires. L’UL CGT d’Oyonnax a rassemblé lors d’une réunion publique en novembre 2006 plus de 100 personnes pour faire connaître les propositions alternatives économiques industrielles et sociales.

  • Aujourd’hui le premier enjeu est de faire bénéficier les salariés du territoire des actions du contrat territorial d’emploi et de formation (CTEF) passé entre la région Rhône-Alpes et un territoire sur la formation professionnelle. Cela doit permettre  à la fois la formation et le maintien, ou le débouché assuré, dans un emploi de qualité.
  • Et le deuxième enjeu est de travailler à la mise en place d’un comité de bassin. Le but est d’avoir une structure  de dialogue social permettant  aux représentants des salariés de débattre et de confronter leurs propositions avec d’autres pour agir sur la stratégie industrielle et le développement du territoire. Une première étape pourrait être de jumeler un tel Comité de Bassin avec le Fonds régional pour l’emploi et la formation de Rhône-Alpes.

En fin de compte il s’agit d’anticiper pour développer une industrie  jeune et en pleine croissance  en répondant  aux problématiques  de la filière plasturgie dans l’intérêt des entreprises, des salariés et des territoires

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