La récente proposition de Ségolène Royal d’un Contrat Première Chance ravive le débat sur l’emploi des jeunes et plus largement de toute la population. Quel bilan peut-on tirer de l’action de la droite durant son mandat et quelles propositions à gauche ? Quelles mesures peut-on prendre pour la sécurisation de l’emploi et de la formation ? Traiter de ces enjeux est aujourd’hui indispensable pour répondre aux aspirations des citoyens. C’est le sens de la candidature de Marie-George Buffet et des propositions qu’elle porte sur la sécurisation de l’emploi et de la formation notamment pour les jeunes.
Au cours des cinq dernières années la droite a mené une politique ultralibérale et sécuritaire : réforme des retraites, de la santé, de l’Éducation nationale, casse du Code du travail, stigmatisation des populations les plus précaires, répression envers les jeunes, les syndicalistes et tous les acteurs du mouvement social… En particulier, les pressions des entreprises sur les salariés auront été largement épaulées par la politique de l’État. Les contrats précaires, les temps partiels imposés ont eu la part belle. Alors que les créations d’emplois et l’investissement des entreprises dans la formation de leurs salariés ont reculé, les cadeaux fiscaux aux entreprises se sont multipliés. Quant aux plans de licenciements honteux comme celui d’Airbus, ils sont jugés « nécessaires » par le gouvernement en place.
On a assisté à une déréglementation jusqu’à la volonté même de supprimer la protection minimum du droit social : l’obligation de motiver le licenciement et la possibilité de recours auprès des tribunaux pour motif abusif, à l’opposé d’un droit arbitraire absolu du patronat. Pour satisfaire ce dernier, on le sait, la droite voudrait aller vers un contrat unique qui remplacerait ladualité CDI et CDD, et pour lequel le licenciement serait permis sans motif. Le CPE, après le CNE, aurait été une étape importante dans la réalisation de cet objectif s’il avait été mis en place. La régulation du marché du travail par le chômage n’en aurait été que renforcée.
Par ses attaques sur l’emploi, la droite a accentué la division des populations précaires : la peur du chômage touche près de la moitié de la population active. Avec sa campagne, Nicolas Sarkozy a donné le ton : travail, mérite et autorité se substituent à liberté, égalité et fraternité. Ainsi la « rupture » qu’il propose n’est autre que l’accentuation de la politique menée ces dernières années.
Ségolène Royal s’est évertuée quant à elle à jongler entre sa gauche et sa droite. J’en veux pour preuve sa récente proposition de Contrat Première Chance (CPC). Au premier abord, on est évidemment choqué par l’appellation qui laisse à penser que l’emploi est une chance alors que c’est un droit constitutionnel. Le contrat est à destination des 190 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification. Salaire et cotisations sociales seraient intégralement couverts pendant un an par l’État ou les collectivités territoriales s’ils sont recrutés dans des entreprises de moins de 20 salariés.
Face à la levée de boucliers légitime qu’une telle proposition, dans la lignée du CPE, a produite à gauche, Mme Royal a proposé des aménagements : le CPC serait en fait une convention de parcours entre un jeune, une entreprise et une région. Pendant trois mois, le jeune aurait le statut de stagiaire de la formation professionnelle continue. Au terme de cette période un bilan déboucherait sur trois types de contrats : à durée indéterminée, de professionnalisation ou d’apprentissage. Avec un tel choix, nul doute que peu d’entrepreneurs embaucheronten CDI. Concernant la prise en charge du salaire et des cotisations sociales par l’État, elle serait toujours de un an. Remboursement si licenciement au bout d’un an, mais, à partir de 18 mois, plus d’obligation. On a à faire à une déresponsabilisation totale des entreprises. Que se passera-t-il au terme de ces 18 mois pour le jeune salarié ? Silence radio.
Proposer ainsi un tel dispositif ne sort ni les jeunes de la précarité, ni du type de gestion des entreprises centré sur l’obsession de la baisse du coût salarial de l’emploi qui concernerait aussi bien ces jeunes que les autres salariés sur qui s’exercerait une concurrence renforcée. Et cela renforcerait encore tous les cercles vicieux de la crise. Les coûts à abaisser ce sont les charges financières des banques et les prélèvements des actionnaires.
Un sursaut de la gauche sur les questions d’emploi est plus que jamais nécessaire pour répondre aux aspirations des citoyens, en particulier des jeunes ! Au lendemain du rejet du CPE, nous étions nombreux à lancer un message clair : nous n’accepterons plus des politiques qui démantèlent nos droits et tirent vers le bas ceux de l’ensemble des salariés ! L’enjeu des mesures de sécurisation et de la lutte pour leur réalisation doit être l’éradication du chômage et la précarité, mettant ainsi fin aux divisions sociales fondamentales entre les actifs, divisions qui représentent peut-être le soutien le plus important de la domination des capitalistes. Attention : si la perspective n’était pas l’éradication du chômage, mais seulement l’augmentation de l’emploi, des mesures sociales de soutien des chômeurs ou du retour à un emploi, on pourrait dériver vers des accompagnements sociaux du chômage et de la précarité, cette dernière pouvant être même encouragée au nom de la sécurisation. On tend en effet à justifier la précarité renforcée et systématique des contrats de travail sous prétexte de faciliter les embauches. De plus, l’expérience de la mise en place des contrats aidés ces dernières décennies montre, à la vue des effets d’aubaine, leur inefficacité. Alors quelles propositions alternatives ?
Une première mesure à prendre est l’abrogation de loi dite « d’égalité et des chances ». Parallèlement, il s’agit de développer une culture commune de haut niveau pour lutter contre l’hyperspécialisation des formations qui bloque les possibilités d’évolution professionnelle, de reconversion… Il faut d’autre part en finir avec les stages sans contenu pédagogique, sous payés voire pas payés du tout. Pour cela un véritable statut du stagiaire doit être élaboré. De plus, on ne peut se passer d’une véritable reconnaissance des diplômes : ceux-ci doivent figurer dans les conventions collectives. On doit pouvoir exiger de l’employeur une rémunération correspondant à un niveau de qualification dès le 1er emploi. Enfin, une autre nécessité est d’empêcher qu’un étudiant se retrouve dans « un sas de précarité » à la sortie de ses études : cela pourrait être évité par la mise en place d’une allocation de recherche de 1er emploi.
Pour l’ensemble des salariés, il s’agit en premier lieu d’abroger le CNE. Ensuite, il est nécessaire de remplacer les contrats précaires par un CDI renforcé : un contrat, sous forme de CDI normal, et l’insertion de ce contrat dans un dispositif institutionnel de sécurisation, comprenant notamment un volet formation rémunérée ainsi qu’un pourcentage de jeunes obligatoire dans les entreprises, comme le propose Marie-George Buffet. Ce contrat pourrait contribuer à une sécurité d’emploi et de formation permettant à chaque individu d’alterner périodes d’emplois et périodes de formation pour l’accès à un meilleur emploi dans une sécurité de revenus et de droits. Mais il ne pourrait seul permettre de réaliser une telle ambition. Il s’agit notamment :
Ces propositions sont aujourd’hui au cœur du projet communiste. Il y a un an, 3 millions de personnes luttaient contre le CPE et obtenaient son retrait. Cette lutte a suscité dans la population un espoir qui donne de grandes responsabilités à la gauche. Cette responsabilité, la gauche pourra l’assumer si elle fait le choix d’un combat pour une transformation radicale visant l’éradication du chômage et de la précarité. C’est une condition nécessaire pour rendre crédible son projet politique, une condition de l’émancipation humaine.
Igor Zamichiei
Secrétaire national de l’Union des étudiants communistes
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