Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sécu : Riposter avec des propositions alternatives

La Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 se caractérise par le refus de dégager les moyens de financement de la sécu, la casse de notre système solidaire et la marche vers une société individualiste  et inégalitaire.  L’urgence est à la riposte.

Le déficit prévisionnel pour 2008 reste à un niveau historique mais il a été ramené subrepticement en dessous la barre de 9 milliards d’euros au lieu de près de 12 milliards en 2007, l’État s’empressant de rembourser une partie de ses dettes à la sécu, car sans cela le déficit aurait atteint  près de 14 milliards d’euros.

Cependant, ces prévisions reposent sur une surestimation du taux de croissance qui n’atteindra péniblement que 2 %, tandis que la politique d’austérité sur les salaires, sur les emplois publics, les dépenses publiques et sociales continuera à plomber la croissance réelle et les rentrées de cotisations. Dans le même temps les cadeaux fiscaux, les exonérations de cotisations patronales vont continuer à exploser. La financiarisation encouragée et le ralentissement de la croissance réelle contribuent à creuser les déficits, ce qui permet ensuite de justifier l’accélération de mesures qui se veulent structurelles. Certains les qualifient de mesurettes alors qu’elles s’inscrivent en réalité dans un plan cohérent de mise à bas de notre protection sociale solidaire pour construire une société individualiste et de plus en plus inégalitaire : d’un côté l’assistance réduite a minima, de l’autre l’assurance pour ceux peuvent y souscrire.  Ce qui est en jeu, c’est la casse du modèle social mis en place en 1945.

Les principales mesures

La première mesure concerne l’application  du principe des franchises, qui n’est qu’un début, l’objectif étant d’habituer les malades à payer pour leur santé. Les malades paieraient pour les plus malades et, dans un système de double peine, on taxerait les seuls malades. Comme l’a confirmé Sarkozy, la droite libérale prétend séparer nettement ce qui serait du domaine de la solidarité nationale – à réduire et à transférer sur l’impôt – et ce qui relèverait de la responsabilité individuelle via les organismes complémentaires et notamment les assureurs privés.

Dans l’immédiat, les assurances complémentaires  perdraient leurs avantages fiscaux quand leurs contrats prévoient  un remboursement des franchises Le PLFSS ne contient, malgré ce qui est dit, aucune précision sur la limite affichée de 50 euros par personne pour les franchises. La droite a refusé les amendements de la gauche visant à exonérer les plus malades. Ces franchises s’ajoutent  à toutes les franchises, forfaits  et autres limitations des dépenses remboursables, et pourront inexorablement être happées à la hausse. Il convient de souligner que même si on prétend que les femmes enceintes, les enfants, les plus pauvres, en seraient dispensés, on oublie de dire que ceux qui dépassent légèrement le plafond de revenus pour bénéficier  de la CMU y seraient assujettis.

Enfin il convient de dénoncer l’escroquerie de l’utilisation du produit de ces franchises pour les malades d’Alzheimer, cette maladie coûte actuellement 7 milliards  par an, on est très loin des 850 millions que rapporteraient  actuellement les franchises par an !

Il faut ajouter que le pouvoir, qui fait mine de pleurer sur la dépendance, en appelle à un financement par les assurances et les produits financiers de l’épargne et de la capitalisation, ce qui en dit long sur le sens de sa réforme.

En outre, la LFSS soumet l’hôpital à une « harmonisation » à marche forcée vers les critères du privé, avec le passage brutal vers la T2A (Tarification à l’activité) pour l’ensemble des établissements, ce qui assèchera en ressources les hôpitaux publics, qui remplissent leur mission de service public de soigner les plus pauvres, les plus vieux, les plus malades, (donc tout ce qui n’est pas rentable), à moins de s’aligner sur les critères de la rentabilité financière immédiate suivis par le privé.

En ce qui concerne les médecins, le pouvoir, loin de s’attaquer à la crise de la démographie médicale veut leur interdire, ou les dissuader, de s’installer dans les zones sur-dotées. Quand on prétend expérimenter une rémunération au forfait, ce n’est qu’en complément de la rémunération à l’acte.

Les prestations familiales et les retraites, « au pain sec», ne seront revalorisées que de 1 %. Cela est habillé par des broutilles pour les prestations familiales, alors que le président Sarkozy qui se targue «de réaliser ce qu’il a promis» avait pourtant annoncé le versement des allocations familiales dès le premier enfant, ce qui aurait coûté 2 milliards d’euros.

Dans le même temps, on prépare la casse des régimes spéciaux de retraites et, au-delà, de futures mesures drastiques pour l’ensemble des régimes de retraites avec le rendezvous de 2008.

Les mesures concernant les recettes restent, elles aussi, largement dissimulées, mais l’explosion  des déficits apparaît en filigrane. On prévoit un minimum de déficits cumulés de 42 milliards en 2012, ce qui représente plus de 8 milliards par an, mais ceci est sous-estimé, face à l’ampleur des dégâts. Ce déficit se répartit environ pour moitié pour les retraites, et pour l’autre moitié par l’assurance maladie, dont le déficit ne se régule pas, ce qui signe l’échec de la loi Douste-Blazy. Il faut alors s’attendre à de nouvelles purges structurelles tant pour l’offre de soins que pour le financement.

Les mesures immédiates concernant le financement

Il s’agit d’abord du remboursement par l’État d’une partie de ses dettes, qui s’engagerait à assumer dès le mois d’octobre le versement de 5 milliards de dettes envers la Sécurité sociale, ainsi que les 5 milliards  de compensations pour les exonérations de cotisations patronales liées aux heures complémentaires. Cependant dans le même temps on assiste à une nouvelle explosion des exonérations de cotisations patronales portées à 31 milliards d’euros en 2008.

Pour colmater les conséquences d’une politique irresponsable et qui cherche à assécher le financement de la Sécurité sociale solidaire, on se doit de dégager quelques mesurettes immédiates.

2 milliards de recettes nouvelles devraient être dégagées, dont 1,6 pour le régime général :

• par la taxation des préretraites privées qui passerait de 25 % à 50 % pour la cotisation employeur à verser à la CNAV et non au FSV ;

• par le prélèvement de 25 puis 50 % sur les mises  à la retraite d’office qui rapporterait 300 millions  d’euros. Les pensions de préretraite seraient assujetties au même taux de CSG que les salariés soit 7,5 % ;

• le travail dissimulé devrait être soumis à une peine plancher pour les employeurs ;

• la retenue à la source pour les contributions sociales devrait apporter 870 millions d’euros ; la suppression des exonérations de cotisations patronales pour les accidents du travail et maladies professionnelles, 180 millions d’euros.

• la taxe de 1 % sur les ventes des labos est maintenue comme la contribution exceptionnelle sur les grossistes répartiteurs. La taxe de 1 % est élevée à 1,4 % pour les labos qui dépassent un certain chiffre d’affaires.

Evidemment tout ceci ne suffira pas et l’essentiel est programmé pour après les élections municipales. On doit s’attendre à une mise en place de la TVA sociale avec réduction des cotisations employeurs, donc une fiscalisation accrue reportée sur les seuls ménages y compris  avec une hausse de la CSG et de la CRDS.

À partir de la limitation organisée du financement, l’objectif est bien d’instaurer un nouveau plan de rationnement des dépenses de santé et des retraites beaucoup plus radical et une transformation structurelle de notre protection sociale.

Organiser la riposte et élaborer des propositions alternatives

Nous devons, par les luttes et l’organisation des résistances, contre-proposer, avancer un nouveau projet de société, solidaire et efficace et organiser la riposte  à ces plans ravageurs. Une réforme de progrès du système de protection sociale exige une refonte du financement pour faire face aux besoins nouveaux : ceux de la démographie, de la dépendance, de la santé. Ceci nécessite de s’attaquer  à l’explosion des revenus financiers des entreprises qui se développent contre l’emploi et la croissance réelle.

Ceux-ci se sont élevés à environ 183 milliards d’euros en 2006, s’ils étaient soumis au même taux de cotisation que les salariés, cela ferait rentrer près de 20 milliards d’euros. Il faut ajouter  à cela les 60 milliards de revenus financiers nets des institutions financières. Amener à contribution de manière réelle l’ensemble de ces revenus financiers des entreprises n’a rien à voir avec la seule taxation des stocks options proposée par Philippe  Séguin dans le rapport de la Cour des Comptes, considérées comme un revenu d’activité, elles seraient soumises au taux de la cotisation patronale, ce qui dégagerait

3 milliards d’euros tous régimes confondus.

Cette proposition était en outre assortie d’un plan de réintégration des préretraites, indemnités de départ et de licenciement au même taux de cotisation que les salariés ce qui devait faire rentrer au total 7 milliards d’euros dans les caisses de la Sécurité sociale.

En réaction à ce rapport, la mesure timide d’un prélèvement de 2,5 % à la réalisation des stocks-options pour les salariés et d’un taux identique pour les employeurs est inscrite dans la loi de financement pour 2008 (après  une proposition déposée par quelques députés UMP en dernière minute),  ce qui n’apporterait  que 400 millions d’euros de recettes. Cette mesure est très insuffisante et même largement en retrait sur la seule proposition de Philippe Séguin,

Notre proposition de fond, c’est une réforme de l’assiette des cotisations patronales articulée avec le relèvement de la part des salaires dans la valeur ajoutée produite par les salariés.

Il faut rappeler que les types de gestion des entreprises et de politique  économique menés ont réduit la part des sa-laires dans la valeur ajoutée de 10 points depuis 1983. Nous voulons sortir de cette logique et contribuer  ainsi à l’accroissement des taux et de la masse des cotisations  patronales. Une modulation  de l’assiette des cotisations patronales viserait à sortir de la logique infernale actuelle où plus les entreprises embauchent, accroissent les salaires, plus elles paient de cotisations sociales. Inversement, les entreprises qui licencient, réduisent la part des salaires, et fuient dans la croissance financière participent beaucoup moins au financement de la protection sociale, alors qu’elles sont responsables des gâchis sociaux et économiques.

Nous proposons au contraire de les assujettir à un taux de cotisation  beaucoup plus lourd. Le principe serait le suivant, les entreprises qui relèveraient le rapport Masse salariale sur Valeur ajoutée seraient assujetties à un taux de cotisation relativement plus bas, ce serait notamment le cas des industries de main d’œuvre,  des PME... mais, en relation avec un nouveau crédit, notamment, cela viserait, au développement des salaires, de la formation de l’emploi et de la croissance réelle, ainsi cela permettrait des rentrées nouvelles de cotisations.

En revanche les entreprises qui réduiraient la part des salaires dans la valeur ajoutée, en licenciant, délocalisant, développant les emplois précaires, jouant sur la croissance financière en bradant les investissements productifs, la croissance réelle, la qualification et la promotion  des salaires seraient assujetties à des taux de cotisations beaucoup plus lourds. L’objectif est donc de contribuer  à un processus de rupture avec cette logique destructrice d’emplois, de salaires et d’amorcer, en prenant appui sur les luttes sociales et les propositions des salariés, une nouvelle logique, une nouvelle dynamique visant à un nouveau type de croissance et de gestion des entreprises centré sur le développement de l’emploi, des salaires, de la formation... source d’une montée en charge des cotisations patronales.

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