Loin du « choc de confiance » annoncé ou de la promesse, déjà bien lointaine, d’être le président du pouvoir d’achat, les rodomontades sarkoziennes s’échouent sur les réalités économiques et les exigences patronales. Les mesures prises à ce sujet sont marginales voire contreproductives pour le pouvoir d’achat des familles populaires et des classes moyennes. Le gouvernement tente d’endiguer la pression revendicative sur les salaires.
Le pouvoir d’achat est une notion qui est à la convergence de plusieurs éléments : les prix à la consommation, le niveau des salaires et la qualité de l’emploi (stable ou non).
L’inflation frappe les familles populaires et moyennes. Au niveau des prix, les données de l’Insee permettent de discerner deux mouvements contradictoires qui ne sont pas rendus par l’indice des prix le plus couramment employé :
- D’une part, les ménages subissent une accélération de la hausse des prix des dépenses obligatoires et régulières des ménages : loyers, assurances habitations et autos, produits alimentaires, dépenses d’entretien du logement ou encore énergie (gaz, électricité, carburants), services bancaires… Dans la prochaine période, cette inflation irait même en s’accélérant particulièrement avec le renchérissement du coût des matières premières alimentaires (céréales, lait etc.) mais aussi de l’énergie (exigences d’EDF et GDF qui doivent désormais faire face aux exigences de leurs actionnaires privés). Notons que c’est ce type de dépenses qui est surreprésenté dans le budget des ménages populaires mais aussi dans celui d’une partie des couches moyennes ;
- De l’autre, le prix de certains biens et services diminue comme celui des ordinateurs, des voyages ou encore les biens audiovisuels et de télécommunication comme les télévisions grand écran, les appareils photos numériques etc. Ces dépenses ont pour caractéristiques d’être ponctuelles (peu de personnes achètent plusieurs télévisions par an) et, pour le prix de certaines, elles restent encore si élevés qu’elles sont complètement hors d’atteinte de la bourse de la famille d’ouvriers ou d’employés. Notons que ce type de dépenses est surreprésenté dans le budget des plus riches.
Ainsi, l’inflation revêt, encore plus que de coutume, un caractère de classe. Elle touche cruellement le budget des familles populaires et d’une grande partie des classes moyennes alors qu’elle favorise incontestablement les foyers les plus riches. Plus le budget est modeste, plus l’inflation exerce des conséquences graves pour les ménages.
Les revenus du travail augmentent plus lentement que ceux du capital.
A cette évolution des prix se rajoute celle des différents types de revenus :
- D’un côté, un blocage de l’ensemble des revenus du travail (salaires et pensions de retraite) à un faible niveau. Ce qui n’est pas remis en cause par la loi TEPA (1) de l’été dernier d’échange de la RTT contre la défiscalisation des heures supplémentaires ;
- De l’autre, une progression des revenus financiers des ménages, particulièrement ceux de plus gros patrimoine qui peuvent se diversifier et sont donc moins sensibles à la baisse éventuelle de certains placements. Les revenus financiers des gros patrimoines ont par ailleurs bénéficié d’importantes mesures de baisses d’impôts.
Ces phénomènes sont encore renforcés par l’insuffisance récurrente des créations d’emploi :
Tout faire pour «contenir» les salaires
Dans ce contexte, face à des reculs de popularité, face aux pressions des différentes catégories de salariés et des luttes sociales, le Président de la République prétend vouloir défendre le pouvoir d’achat. Mais il refuse de traiter des salaires. De cela, le MEDEF ne veut surtout pas entendre parler dans un moment où la hausse des prix va contraindre un certain nombre d’entreprises à concéder des augmentations.
Sources : Insee-Département des prix à la consomation, des ressources et des conditions de vie des ménages
2006 | 2007 | |
Industrie | - 1,6 % | - 1,7 % |
Tertiaire non marchand | + 1,2 % | + 0,8 % |
Tertiaire marchand | + 1,8 % | + 2,5 % |
Ensemble de l'économie |
+ 1,1 % | + 1,4 % |
Sources : Insee pour 2007, prévisions figurant dans la note de conjoncture de décembre 2007
Ainsi, le gouvernement refuse de relever le SMIC dès le 1er trimestre 2008 comme la loi le permet encore.S’il
est question de revalorisation du traitement des fonctionnaires, le gouvernement entend la limiter à un examen au cas par cas dans le cadre d’une «garantie individuelle du pouvoir d’achat» ciblée sur les agents ayant perdu du pouvoir d’achat entre 2000 et 2005, puis en cours d’année 2008, les négociations seraient ouvertes sur celles et ceux ayant perdu du pouvoir d’achat entre 2003 et 2007. Ce ne sont pas des augmentations mais des mesures de rattrapage très limitées.
De plus, ces mesures seraient en quelque sorte gagées sur la diminution de l’emploi dans la Fonction publique. Il n’est pas question non plus de relever les pensions de retraite. Celles-ci doivent être relevées de seulement 1,1% au 1er janvier 2008. Les indemnités chômage ne devraient pas non plus s’accroître fortement etc.
Rien, absolument rien ne doit être fait qui pourrait encourager les revendications salariales. Au contraire, N. Sarkozy tente d’utiliser la période pour favoriser les positions du MEDEF.
Ce sont les négociations sur la réforme du Code du travail où les projets gouvernementaux aboutiraient à un affaiblisse ment durable des salariés dans sa confrontation avec la direction d’entreprise (2).
La loi TEPA a initié, quant à elle, les mesures sur le pouvoir d’achat sur le mode : « temps de travail contre euros », mais avec des exonérations de cotisation sociale pour l’employeur. Dans ce cadre, ce sont bien les patrons qui décident qui fera ou non des heures supplémentaires, à quel moment et sous quelles conditions. A l’heure actuelle, ses effets demeurent marginaux. La nouvelle loi « pour le pouvoir d’achat (3) » on annonce quatre séries de mesures qui vont peu ou prou dans le même sens :
• L’extension du principe temps contre argent avec la défis calisation des heures supplémentaires pour le salarié et exonération des cotisations sociales dans la limite de dix jours par salariés (conversion des RTT en heures supplémentaires payées étendue au forfait jour des cadres et au compte épargne temps). Le gouvernement affirme vouloir permettre ainsi « aux salariés et aux employeurs qui souhaitent augmenter leur activité de pouvoir convertir un certain nombre de droits à congés, contreparties du travail, en argent (4) ». En fait, il ne s’agit pas de pouvoir d’achat, encore moins de salaire mais bien d’une avancée dans la mise en cause non seulement des 35 heures et au-delà de l’horaire légal hebdomadaire au profit de la norme européenne qui est un « horaire maximal par semaine ».
En fait, rien de nouveau dans la possibilité de payer des jours de RTT non pris. Cela était possible depuis longtemps mais à condition qu'il existe un accord collectif au niveau de la branche ou de l'entreprise. L'innovation c'est de le rendre possible par simple accord entre un salarié et son patron. De plus, ce sont encore des heures exemptées de cotisation sociale. Autrement dit ce sont les salariés qui paieront au final par la fragilisation de la Sécurité sociale. Enfin, le salarié n'aura pas acquis de droit à une augmentation de son salaire : les entreprises n'ont pas toujours intérêt à payer les heures supplémentaires, cela dépend avant tout du carnet de commande.
Il s'agit bien là de "travailler plus" en nombre d'heures mais pas forcément de gagner plus en nombre d’euros par heure.
Et déjà certaines directions d’entreprises s’engouffrent dans cette brèche. Continental a récemment organisé un véritable plébiscite pistolet sur la tempe dans son usine de Lorraine : «passer de 35 heures à 40 heures contre une augmentation de 4% des salaires» ou bien se retrouver au chômage. Mais dans ces conditions le taux de salaire horaire baisse car c’est un échange 4% de plus de salaire contre 7 % d’heures de travail en plus (source CFDT). Cela signifie au total une baisse du taux de salaire horaire pour ces heures supplémentaires et une économie pour la direction de 2M d’euros/an (soit 7% du CA en 2007), l’usine de Sarreguemines devient ainsi celle dont le coût horaire est le moins élevé en Europe occidentale.
• Le déblocage anticipé de la participation, sommes qui seront exonérées de cotisations et de contributions sociales. Cette mesure fera sans aucun doute des heureux. Mais l’expérience a déjà montré que c’est largement inefficace pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés qui en auraient le plus besoin, les autres (une petite minorité) pourront le placer ;
• Pour les petites entreprises ne disposant pas d’accords de participation, le gouvernement met en place la possibilité de versement d’une « prime exceptionnelle plafonnée à 1 000 euros avant le 30 juin 2008, selon les modalités de l’intéressement. Dans ce cas non plus les salariés n’auront aucune garantie d’avoir la prime : ce n’est qu’une possibilité ;
• Sur un autre registre, l’indexation des loyers sur l’indice des prix à la consommation hors loyers et hors tabacs et non plus sur l’indice de référence des loyers. Cette mesure est complétée par la limitation du dépôt de garantie à un mois de loyers (ce dernier point n’est valable que pour les nouveaux contrats car pas question de rembourser 1 mois de garantie à celles et ceux qui sont déjà dans un appartement).
Ces mesures ont donc des effets limités dans le temps (excepté en ce qui concerne les loyers) et ne concernent pas les salaires stricto sensu, elles sont assorties de nouveaux cadeaux aux entreprises qui seront pris en charge par l’ensemble des contribuables
Le problème central du pouvoir d’achat reste les salaires. Et là c’est circulez, il n’y a rien à voir.
Pourtant la situation économique et sociale de notre pays engage à des réformes hardies d’une augmentation générale des salaires, des traitements, des retraites en liaison avec la sécurisation, la promotion de l’emploi et l’essor, la reconnaissance des qualifications. Cela peut recouvrir immédiatement une augmentation immédiate du SMIC portée à 1 500 euros ; la convocation d’une Conférence nationale tripartite sur les salaires, la formation et l’emploi ; la revalorisation de la grille indiciaire des fonctionnaires.
Du point de vue des loyers, si la mesure est positive, elle est limitée. Il serait possible d’aller vers des éléments de blocage et d’un système de maîtrise allant jusqu’au prix du foncier, ainsi que d’une TVA à 5,5% sur l’ensemble du logement social.
Enfin, du côté des prix, il est possible d’envisager un prix maximum à la pompe pour le carburant (assortie d’une contribution sur les profits des majors pétrolières) ; mais aussi une réduction du taux de TVA sur les produits de première nécessité ou encore la suppression des franchises médicales.
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(1) Loi Travail, Emploi, Pouvoir d’achat de juillet 2007 qui prévoit d’exonérer de cotisations sociales et de défiscaliser les heures supplé- mentaires. Voir Sylvian Chicote. «Travailler plus pour gagner plus. Informer et répliquer». Economie et Politique, septembre-octobre 2007. pp. 29-30.
(2) Yves Dimicoli. Dossier « Modernisation du marché du travail ». Economie et Politique, septembre-octobre 2007 pp.3-11
(3) Projet de loi n° 498 pour le pouvoir d’achat déposé à la présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2007.
(4) Exposé des motifs de l’article 1er du projet de loi.
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