Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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« Pôle emploi » : personnels et chômeurs sacrifiés

La mise en place de « Pôle emploi » qui résulte de la fusion d’un Établissement public de l’État – l’ANPE – et des ASSEDIC, par la volonté du Président de la République et de son équipe rapprochée, a abouti, pour les personnels comme pour les chômeurs à une situation dramatique particulièrement troublée et difficile.

Offre (dite)  Raisonnable d’Emploi, radiations/sanctions, contrôle des papiers, dénonciation à la préfecture des travailleurs en situation présumée « irrégulière »… les missions dont les personnels sont chargés prennent  clairement  une tournure  de plus en plus autoritaire et coercitive. Les qualifications, les grands blocs de compétences (indemnisation, aide à l’insertion professionnelle, conseil) qui les fondent, sont radicalement  mis en cause par une « offre de service » refusant le droit pour les privés d’emploi  de choisir  eux-mêmes l’emploi ou la formation  qui leur convient.  Inscription par téléphone, 3949, recours à l’internet… ils n’ont même pas le choix d’être reçus à leur demande. Pour l’essentiel, c’est seulement lorsqu’ils reçoivent une convocation  qu’ils  le sont dans le cadre d’un entretien physique.

Dans le même temps, et pour  mieux coller  à ces orientations,  l’organisation du travail dans les sites, dans les services appui-gestion comme dans les plateformes téléphoniques,  est faite tout  à la fois d’une insupportable intensification des rythmes de travail, de pressions accentuées sur les objectifs individuels et collectifs,  d’un contrôle  permanent sur les activités, d’un management par le chaos. Toutes ces méthodes visent à fragiliser  et à déstabiliser  les personnels qui dans leur ensemble résistent au bradage des missions de service public..

La culture du rythme effréné de « la Réforme à tout prix » frappe très fort à « Pôle emploi »

La mise en place des sites mixtes/sites  communs à marche forcée, de l’entretien  unique, les mobilités géographique et professionnelle forcées, les déclassements de fait dans l’encadrement et dans les corps de conseillers  et de techniciens,  la mise en cause sans négociation nationale (voire régionale) du cadre collectif  et individuel  du temps de travail sont inacceptables.

La négociation  au pas de charge (en moins de 10 réunions) d’une nouvelle Convention collective nationale renvoie même après la signature de celle-ci la classification  des emplois, la formation  professionnelle, le temps de travail… C’est à dire des éléments fondamentaux pour les garanties et les droits sociaux des personnels.

Dans le même temps, le directeur  général tente de faire disparaître,  dès que possible, tout  ce qui est public dans « Pôle emploi ». Il n’a même pas attendu que le statut de 2003 soit réformé (sans consultation des représentants du personnel) pour supprimer les organismes consultatifs  (CCPN et CCPR) et le droit syndical publics. Il refuse d’ouvrir les négociations sur le statut public  que revendiquent plusieurs organisations syndicales. Il n’a qu’une obsession : le droit d’option, par lequel les agents publics de Pôle emploi pourraient  troquer leur statut contre un contrat  de travail de droit privé. Il espère ainsi se débarrasser de ce qu’il considère comme un obstacle dans sa marche à la fusion : les agents de l’État qui constituent les deux tiers des effectifs de « Pôle emploi ».

En fait, « Pôle emploi » en est un exemple supplémentaire, c’est la nature même du service public, de la fonction publique, qui est très gravement remise en cause.

Une entreprise de casse organisée des missions, des droits des usagers, des droits des personnels

À la différence d’autres organisations syndicales la CGT a montré,  dès son annonce, que la fusion de l’ANPE et de l’Assurance-chômage souffre de plusieurs tares congénitales.

La réunion, dans les même services, de « l’indemnisation » et du « placement » vise à faire peser sur les chômeurs la menace de suppression  du revenu de remplacement s’ils ne sont pas suffisamment dociles pour accepter les offres d’emploi  ou de formation « raisonnables » proposées, alors même qu’elles ne répondent pas à leurs attentes. Ce mouvement s’accompagne de la disparition de toute politique nationale de formation professionnelle, après son transfert aux régions, et de la casse pure et simple de l’AFPA.

« Pôle emploi » est, de fait, sur le fond typiquement l’outil de la « fléxicurité » à la française, un de ces SIG (service d’intérêt  général) ou SSIG (service sociaux d’intérêt  général) par l’instauration desquels les tenants d’une Europe libérale rêvent de faire disparaître  les acquis que peut représenter la fonction publique, conçue comme assurant tout à la fois un rôle de définition et de mise en œuvre des politiques publiques.

Des éléments clefs de la politique publique de l’emploi

Les missions liées à l’insertion professionnelle relèvent très clairement de l’intervention publique, c’est à dire de la Fonction publique de l’État, pas de celle d’Opérateurs  Privés de Placement (OPP) qui sont financés en lieu et place du service public.

L’indemnisation  du chômage est un droit  des travailleurs. Ce droit doit être garanti dans le cadre de la protection sociale, géré majoritairement par les représentants élus des salariés, et surtout pas par le secteur marchand et les compagnies d’assurance. Ce n’est pas en augmentant encore le poids de la contrainte et des obligations sur les privés d’emploi que l’on peut combattre  efficacement le chômage. Le personnel de « Pôle emploi » n’est ni un auxiliaire de la chasse aux travailleurs étrangers, ni la « Police des chômeurs ».

La proximité des services pour les usagers exige un réseau dense de sites accueillant le public. Halte aux Sites Mixtes qui provoquent  la mobilité  forcée pour les agents et pour les usagers.

Un service de qualité rendu aux usagers doit  s’appuyer sur les qualifications des agents. Il est indispensable de mettre fin au projet d’entretien unique et à toutes les « expérimentations  » qui préparent  sa mise en œuvre.

Les personnels de « Pôle emploi » doivent disposer de la garantie de l’emploi, de l’indépendance à l’égard des ordres manifestement illégaux, à l’égard des influences partisanes et des intérêts  particuliers ; ils doivent disposer de toutes les garanties qui assurent l’égalité d’accès aux emplois de « Pôle emploi ». Il en va de la neutralité  du service rendu aux usagers de « Pôle emploi ».

Cet ensemble de garanties est absent de la CCN qui vient d’être agréée par le gouvernement, après son adoption par cinq organisations syndicales.

Le directeur  général s’acharne à faire disparaître toute référence au statut public pour imposer à tout le personnel le modèle qu’il veut promouvoir : l’évaluation (en lieu et place de l’avancement à l’ancienneté), l’individualisation des déroulements de carrière et des rémunérations, les recrutements et les promotions « au choix » de la hiérarchie.

C’est exactement le contraire de l’exigence de la CGT d’un statut public conforté dans les garanties collectives et individuelles  pour les personnels.

Ces revendications doivent être défendues collectivement par le personnel et par ses représentants, dans les services et dans les institutions représentatives du personnel, par la mobilisation – au quotidien et dans les grèves –, par l’engagement du plus grand nombre.

C’est également une bataille majeure pour tous ceux qui militent en faveur d’une juste indemnisation des chômeurs et pour un service public de l’emploi répondant véritablement  aux attentes de ses usagers.

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